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Musiques buissonnières - Page 8

  • Rémi Panossian Trio "RP3"

    rp3, remi panosian, maxime delporte, frederic petitprez, jazzTroisième album pour le trio du pianiste Rémi Panossian, après Add Fiction (2011) et BBang (2013). Une formation qui se présente aussi sous l’appellation RP3, ce qui ne signifie pas pour autant simplification du propos artistique. Au contraire, le concentré d’énergie et le carrousel d’images à caractère cinématographique qui nourrissaient les deux premiers disques sont toujours au rendez-vous, avec cette fois la complicité d’un ensorceleur des sons et du groove qu’on ne présente plus, Eric Legnini. La présence de dernier, qui s’est vu confier la production et le mixage, apparaît presque comme une évidence tant les qualités du trio, dont la virtuosité heureuse est la marque de fabrique, s’accorde parfaitement avec l’énergie que le pianiste belge distille depuis de longues années, pour son propre compte ou pour bon nombre d’artistes. Comme si ces quatre-là devaient finir par se trouver.

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  • Ark 4 in motion (pictures) : quand une compagnie fait son cinéma

    Vous savez quoi ? Dimanche, je me suis rendu à Blénod-lès-Pont-à-Mousson (oui oui, ça existe et à ce moment précis de la semaine, vers 17 heures, on ne peut pas dire que la cité était très agitée, elle était même, comment vous dire ? Plutôt morose), et plus précisément au Centre Culturel Pablo Picasso, histoire de découvrir un ciné concert proposé par Ark 4 mettant en musique un vieux film allemand (il date de 1920 et selon mes sources, aurait été perdu pendant très longtemps pour n’être retrouvé qu’en 1963 par la RDA au Japon, dans une version incomplète). Le film en question a pour titre Von Morgens Bis Mitternachts, soit De l’aube à minuit.

    Comme vous le comprenez, j’ai des dimanches soir culturels. Mais bon, que cette introduction peu affriolante sur le papier (je devrais dire sur l’écran) ne vous effraie pas, faites-moi confiance et en même temps connaissance (bonjour zeugma) avec des protagonistes d’un genre pas banal.

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  • Vagues de rentrée

    Brazier_Septieme_Vague.jpgOn pourra dire tout ce qu’on veut, mais si le mois de septembre ne marque pas la fin de l’été, il est pour beaucoup d’entre nous – ceux qui encore la chance d’avoir du travail – un symbole de rentrée. C’est aussi le mois de l’automne (les spécialistes vous expliqueront même que le début du mois de septembre correspond à celui de l’automne météorologique) et de ses couleurs incomparables dans la lumière de jours plus courts. Fin d’un cycle, début d’un autre, mouvement perpétuel de la vie, temps qui passe... Voilà pour la carte postale... La lutte est inégale mais il me plaît de penser que la musique constitue l’une des armes qu’on peut toujours brandir au moment opportun, comme celui des heures mélancoliques face à la détresse du monde et à ses horreurs répétées.

    Prenez par exemple SepTièME VaGue , le nouveau disque du contrebassiste Christian Brazier : plongez sans modération dans ses eaux translucides, laissez-vous porter par son vent de liberté et constatez-en les bienfaits immédiats. Voilà un cadeau idéal pour une rentrée réussie.

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  • Retour vers l’éternel

    richard gilly, les contes de la piscine après la pluieTreize ans que Richard Gilly n’avait pas pointé le bout de ses chansons singulières... Oui, treize ans de silence depuis Des années d’ordinaire publié en 2002. Et le voici qui revient, presque sur la pointe des pieds, avec Les contes de la piscine après la pluie, dont je suis prêt à parier qu’ils ne figureront sur aucune playlist dans l’air du temps. Parce que justement, Gilly n’est pas dans l’air du temps, il est lui-même, à des années-lumière des modes et des errances suivistes d’une certaine chanson française que je ne suis pas le dernier à brocarder. Une bonne raison de souligner les qualités d’un artiste dont le charme discret n’a d’égal que le sentiment de force fragile qui caractérise son univers.

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  • Frédéric Couderc "Sax Stories"

    frederic couderc,sax stories,saxophone,citizen jazz,jazzDire que Frédéric Couderc est un amoureux du saxophone relève de l’euphémisme. Il est plutôt un boulimique de l’instrument, un chercheur forcené de timbres et de sonorités, un collectionneur de raretés qui a poussé sa passion jusqu’à créer, avec le facteur d’instrument R.V. Martin, le Coudophone, un saxophone ténor en ut (C-Melody) droit. On a pu en particulier entendre cette singularité instrumentale sur Music From Early Times de Vincent Artaud. Et comme le faisait en son temps Roland Kirk, un de ses maîtres, il est tout à fait capable d’empoigner deux ou trois saxophones simultanément, comme si de rien n’était. Couderc a par ailleurs suivi un cursus classique au CNR de Bordeaux avant d’intégrer la classe jazz de François Jeanneau au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris. Il a déjà publié trois albums (dont Kirkophonie en 2007 et Coudophonie en 2011) et multiplie les collaborations dans le monde du jazz et de la variété.

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  • Un été avec John Coltrane

    coltrane.jpgLes 17 et 24 juillet derniers, Gérard Jacquemin m'a confié les clés du studio de Radio Déclic. J'en ai profité pour imaginer une balade musicale en compagnie de John Coltrane. Deux heures pleines comme un œuf d'une musique incomparable et éternelle. Une occasion aussi, pour les non spécialistes, de découvrir l'univers du saxophoniste depuis l'année 1956 jusqu'à sa mort en 1967.

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  • Une phrase buissonnière

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    Air, eau et vide - Jaume Plensa - Musée d'Art Moderne de Céret

    Musiques buissonnières, oui vous avez bien lu l’intitulé nouveau de mon blog, parce que Maître Chronique, qui a souhaité faire valoir ses droits à une retraite pas forcément méritée mais dont il veut profiter sans scrupules avant que la horde malsaine des fonds de pension et autres ayatollahs d’un ultralibéralisme inconséquent et échevelé ne lui presse l’avenir comme d’autres assoiffés le feraient d’un citron, vous dit un au revoir qui n’est pas vraiment un adieu puisque ce petit lieu d’écriture – en quelque sorte un atelier où circulent de temps à autre des mots, voire des idées à teneur essentiellement musicale – existe désormais sous une nouvelle identité pour un temps qui, à défaut d’être certain, devrait autoriser l’aboutissement d’une série de chroniques de longueur variable et à périodicité irrégulière, une agrégation aléatoire de notes citoyennes ou personnelles, motivées par l’idée qu’une passion mérite toujours d’être partagée avec d’autres, tous ceux dont les identités sont parfois connues ou au contraire mystérieusement voilées par l’anonymat d’une toile hôte du pire comme du meilleur, un réseau mondialement interconnecté qu’il semble nécessaire de continuer à imaginer comme un espace où les vagabondages sont une source de richesse et d’élévation personnelle, dans un monde gouverné par la voracité et la cupidité brutale d’une minorité agissant au nom d’idéaux dont l’immensité du spectre s’étend du matérialisme le plus abjectement mafieux à l’étendard de religions brandies comme justification à d’abominables exactions, et dont se repaissent à grand renfort d’images passées en boucle sur des écrans de télévision ou d’ordinateur devenus les meilleurs conseils en communication de causes indéfendables des spectateurs à la fois victimes et complices, mais auxquels les impératifs de consommation et les injonctions péremptoires de l’économisme casinotier soumis au diktat du profit immédiat interdissent chaque jour un peu plus toute possibilité d’exercer un arbitre qu’on n’ose plus qualifier de libre, et qui ne se voient plus accorder la moindre indication d’un chemin de traverse, cette piste buissonnière qui leur entrouvrira la porte d’un possible rêve nourri de liberté, d’imagination, de résistance et de lumière, cette ouverture vers la flânerie, pour ne pas dire le vagabondage, à l’écart des sentiers battus d’un temps qu’il s’agirait enfin de maîtriser pour mieux le retrouver, cette pause dans une course effrénée que je m’efforcerai de vous offrir ici-même dès la fin du mois d’août, sans excès d’optimisme ou de naïveté, mais pour le seul plaisir d’imaginer qu’ici où là – dans un quelque part qu’il est fort heureusement impossible de cerner – un être humain, ou pourquoi pas plusieurs, auront pris plaisir ou intérêt à lire par mon entremise des évocations musicales imagées et, c’est promis, construites cette fois au moyen de plusieurs phrases mises bout à bout, contrairement au texte sinueux et néanmoins sincère que vous avez eu le courage de lire jusqu’à son point final, faisant ainsi preuve d’une patience que je sais méritoire et dont je vous sais gré. 

  • 5 au Carré

    manu_carre.jpgEt si, au-delà d’une étrange équation tapie dans le nom de sa formation,  Go!, le nouveau disque de l’Electric 5 du saxophoniste Manu Carré, était avant tout une offrande humble faite aux amoureux d’une musique dont la force réside dans sa capacité à assembler avec beaucoup de conviction ces particules élémentaires que sont la mélodie, le rythme et l’énergie, électrique qui plus est ? Un manifeste de musique radieuse, en quelque sorte...

    Certes, il est des disques qui questionnent et interpellent, quitte parfois à troubler ce confort où il peut sembler faire bon vivre quand on a décidé de fermer les yeux sur les brutalités du monde qui nous explose chaque jour à la face. Des disques tournés vers l’inconnu et les expérimentations, voire les introspections et les inquiétudes de celles et ceux qui en sont les créateurs. Des disques de défricheurs, d’explorateurs de territoires inconnus ou très peu fréquentés. Des disques essentiels en ce qu’ils nous donnent à entendre ce que nous n’oserions même pas imaginer. Des disques qui ont l’élégance de ne pas fournir toutes les réponses et de nous laisser en héritage une soif d’apprendre qu’on n’étanche pas en quelques heures. Des disques comme une nécessité.

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  • Qu’importe le flocon...

    eve_risser.jpgApprochez-vous un peu, s’il vous plaît. Plus près, plus près, n’ayez pas peur ! J’aimerais vous parler d’un disque qui bruisse plus qu’il ne fait de bruit, d’un album tout en suggestion vous parlant à l’oreille, d’une invitation à vous faufiler dans les pas d’une pianiste pas comme les autres. Ève Risser, formée à l’école classique mais adepte de ses évolutions contemporaines, musicienne amoureuse des improvisations tout autant que des objets qu’elle manipule pour donner plus de vie à son piano préparé, est une des personnalités les plus attachantes d’une scène qu’on n’ose pas circonscrire au jazz. On l’a vue et écoutée pendant quatre ans dans l’ONJ sous la direction de Daniel Yvinec ; dans le duo aux couleurs surréalistes, Donkey Monkey avec Yuko Oshima ; dans le quartet The New Songs, entre musique improvisée et musique contemporaine, mais aussi le Trio En Corps avec le contrebassiste Benjamin Duboc et le batteur synesthésique Edward Perraud, ... sans compter bien d’autres duos tout aussi fouineurs et une propension naturelle à s’impliquer dans des projets ayant pour point commun les voyages « entre les musiques ».

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  • Dévolution

    richard pinhas, heldon, yoshida tatsuya, oren ambarchi, cuneiform records, desolation row, tikkun, welcome in the void, rockJe vous ai déjà parlé de Richard Pinhas et dit tout le bien que je pensais de ce musicien au parcours unique. La dernière fois, si mes souvenirs sont exacts, c’était il y a deux ans environ, lorsque j’avais convoqué à la fête de ce blog Stand By, probablement le plus beau disque avec Interface du groupe Heldon dont il était l’âme, le guitariste, le compositeur et, pour tout dire, le philosophe. Dans ce long texte, j’avais effectué un court rappel historique de cette formation sans équivalent sur la scène... la scène quoi, en réalité ? Rock ? Electronique ? Métallique ? Politique ? Un peu de tout cela, certainement. Mais la parution récente, entre 2013 et 2014, de trois disques publiés sur le label Cuneiform Records  : Desolation Row, Tikkun et Welcome... In The Void, m’oblige à revenir vers sa musique pour tenter de vous faire comprendre à quel point cet artiste me semble important dans le monde au cœur duquel nous sommes plongés, dans toute sa violence et son idolâtrie du Dieu Argent, dans sa propension à engendrer des inégalités irréversibles et à donner l’illusion qu’une addition sommaire des égoïsmes peut forger un sentiment d’appartenance à un collectif qui n’existe pas.

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  • Comme dans un souffle

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    C’est une petite histoire comme je les aime. Et je vais prendre le temps de vous la raconter en quelques lignes… Oh, c’est tout récent, il y a quelques jours seulement… Je partageais mes doutes quant à l’intérêt du travail d’écriveur auquel je consacre une partie non négligeable de mes soirées, au service de la musique, des musiciens, par l’intermédiaire de ce blog ou dans le cadre de mes contributions au magazine Citizen Jazz, ou parfois lorsqu’on me demande d’écrire des liner notes pour des pochettes de disques ou des textes destinés à accompagner des dossiers de presse. A quoi bon quand le disque ne se vend plus ? Quand les salles sont difficiles à remplir dès lors que leur programmation sort du droit chemin d’un consensus mou et insipide ? Quand l’audace et l’imagination sont comme une matière première dont les réserves arrivent à épuisement ? Quand les algorithmes imposent leur diktat à la pensée ultralibérale (de droite, comme de gauche de droite) ? Quand la myopie comptable tient lieu d’horizon indépassable et nous serine son thatcherien TINA (There Is No Alternative) ? Quand les budgets consacrés à des manifestations dites « culturelles » sont sacrifiées pour de discutables raisons par des municipalités sur l’autel d’une rigueur, tout aussi mal partagée que les richesses de ce monde, imposée par une logique des lobbies vautours rôdant sur l’Europe ? Quand la sphère politique est obsédée par la préservation de ses privilèges ? Bref, un moment de doute. A quoi bon, donc ? Une fois ma perplexité diffusée au cœur de quelques réseaux, après plusieurs messages chaleureux m’expliquant que mon devoir était de me tenir debout, ayant moi-même admis en quelques heures que mes problèmes étaient vraiment mineurs, pour ne pas dire l’expression d’un luxe que bien des miséreux massacrés par la bêtise humaine échangeraient volontiers contre la violence aveugle de leur quotidien, je me suis ressaisi. Mais il était trop tard. Un musicien m’avait fait parvenir un disque refuge, histoire de me consoler et de me prouver qu’il existe encore ici et là des artistes prêts à en découdre pour que vive une musique libre et vivante, à tout prix.

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  • Writin' with MILESDAVISQUINTET!

    sylvain darrifourcq, xavier camarasa, valentin ceccaldi, milesdavisquintet!, J’ose espérer que Sylvain Darrifourcq et ses deux camarades Xavier Camarasa et Valentin Ceccaldi ne m’en voudront pas de résumer leur nouveau disque en trio en faisant appel à un proverbe : « L’habit ne fait pas le moine ».  Car en effet, le titre de cet album ressemble à s’y méprendre à une fausse piste, un leurre, histoire d’amuser un peu la galerie musicophage. Pensez donc : « Shapin’ With MILESDAVISQUINTET! », oui vous avez bien lu, le nom du groupe est bizarre, tout en majuscules sans la moindre petite espace entre les lettres et, bien collé à l’ensemble, un point d’exclamation facétieux qui ne voudrait pas manquer une miette du spectacle annoncé. L’annonce d’une formation compacte et solidaire. Et puis il y a cette mention Shapin’ With, qui fleure bon le mitan des années 50, quand Miles Davis – trompettiste ne manquant pas d’air – avait réuni un quatuor qui marquera sa longue histoire et qu’il est de bon ton de considérer aujourd’hui comme son premier « grand quintet » : John Coltrane (saxophone), Red Garland (piano), Paul Chambers (contrebasse) et Philly Joe Jones (batterie). Une équipe de choc qui alignera une série de pépites ayant pour titre, et là, vous allez commencer à comprendre où je veux en venir : Cookin’ With, Relaxin’ With, Steamin’ With ou bien encore Workin’ With. Vous avez compris ? On dirait bien que tout cela se ressemble un peu. Eh bien, en réalité, pas vraiment... J’irais même jusqu’à dire pas du tout, même si le batteur ne peut oublier que lorsqu’il avait une petite vingtaine d’années, il voulait jouer comme Philly Joe Jones, membre de l’escouade sus-citée ; et que tout récemment, il a publié une poignée de vidéos (voir plus bas) à la fois humoristiques et pédagogiques à travers lesquelles il veut nous démontrer qu’en cherchant bien, on trouvera dans sa musique tous les ingrédients d’un bon vieux jazz de derrière les fourneaux et qu’il respecte à la lettre les règles édictées par un gardien du temple tel que Wynton Marsalis.

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  • Dans les coulisses d’une pluie printanière

    blaser_spring_rain.jpgSamuel Blaser est, à sa manière, un phénomène. Il n’a pas encore 34 ans et pourtant, quiconque observera à la loupe sa discographie sera impressionné aussi bien par son ampleur que par l’accumulation de pépites qu’elle recèle. Le tromboniste suisse n’a pas son pareil pour s’entourer des meilleurs et pousser avec eux sur l’échiquier de sa création les pions d’un jeu où s’entrecroisent des influences dont certaines pourraient sembler inconciliables aux oreilles à œillères. Et lorsqu’il est lui-même appelé par d’autres pairs, soyez certains que ces derniers seront des musiciens cultivant un même amour pour des musiques libertaires et curieuses des associations multiples. Alors, quand le jeune homme publie un nouveau disque, on est forcément aux aguets, parce que ses voyages musicaux – qu’ils prennent la forme de relectures savantes et très personnelles du répertoire des siècles passés ou d’explorations contemporaines aux bouillonnements électriques, débordant vers le free jazz – sont des expériences dont on ressort avec le sentiment d’un pas en avant, d’un progrès accompli. Spring Rain, qui voit le jour sur le label Whirlwind Recordings, ne déroge pas à cette règle.

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  • Séduisants avatars

    standards_avatars.jpgAu-delà de leur valeur patrimoniale, les standards de jazz sont pour bon nombre de musiciens une sorte d’engrais, ou plutôt un terreau, sur la base duquel leur imagination – fertile, forcément – pourra tracer de nouveaux sillons avant d'ensemencer ou être le prétexte à un hommage plus ou moins distancié aux anciens. Difficile d’en faire le recensement, ou même de procéder au décompte de toutes leurs origines, mais entre chansons populaires et comédies musicales, les standards constituent une sorte de richesse minière – dont l’exploitation à ciel ouvert continue au XXIe siècle – qu’on pourrait, par simplicité, résumer au Great American Songbook, ce « grand répertoire américain de la chanson » désignant, je cite mes sources : « toute la musique populaire américaine précédant l'arrivée et le succès du rock'n'roll et qui englobe la musique des comédies musicales de Broadway, des films hollywoodiens et de l'industrie musicale américaine appelée Tin Pan Alley ». David Chevallier, musicien des jonctions, notamment entre musique de chambre, musique baroque, rock et jazz, fait partie de ceux que l’exploration d’un tel gisement ne saurait rebuter, bien au contraire. Ses Standards & Avatars, publiés chez Cristal Records, en sont la preuve et une démonstration savoureuse.

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  • Le silence est d’or

    aum_silere.jpgAu départ, on n’y prête pas attention... Il est même un danger qui guette à l’écoute de Silere : celui de passer à côté d’un disque dont les immobilités apparentes sont nourries de ces silences magnétiques auxquels notre vie quotidienne a fini par nous soustraire, jusque dans ses moindres recoins. Voilà une musique d’une puissance discrète mais implacable, qui s’insinue avec une étonnante détermination dans l’espace sonore, telle une vague lente et inexorable. Sous la houlette du saxophoniste et compositeur Julien Pontvianne, l’AUM Grand Ensemble crée l’indicible et fait valser tous les repères. L’impression d’accéder à un ailleurs sans nom se fait jour...

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  • Rolling Antoine

    cover.jpgJe dois bien avouer que ce n’est pas sans un soupçon de crainte que j’ai glissé une première fois dans le lecteur ce nouveau disque d’Antoine Hervé, un musicien qui a déjà fait l’objet de menus travaux d’écriture de ma part, ici ou . Non en raison du pianiste lui-même, dont les qualités de musicien, chef d’orchestre, arrangeur, explorateur, mais aussi de pédagogue – lui dont les Leçons de jazz sont de petits modèles d’enseignement ludique qu’il faudrait inscrire au programme des collèges – sont nombreuses et reconnues, mais plutôt parce que le sujet de ce Complètement Stones semblait périlleux à mes oreilles. Pourtant, les deux ou trois personnes qui me lisent de temps à autre savent que je suis un adepte des frontières musicales à franchir sans retenue, et que je ne fais nullement partie de ceux qui déplorent comme certains la popisation du jazz, voire son abâtardissement qui serait le fruit d’un croisement contre nature avec d’autres formes de musiques jugées impures ou vulgaires, comme le rock. C’est même le contraire : le rock, je viens de là, j’ai grandi avec, je le revendique et  il continue de me nourrir ; dans mes plus vieux souvenirs résonnent mille chansons estampillées rock dont celles, forcément, des Beatles ou des Rolling Stones. Tout remonte au milieu des années 60, si lointaines et si proches à la fois... Mais justement, sachant qu’Antoine Hervé et moi-même sommes de la même génération (je suis né 366 jours avant lui), je suis bien placé pour savoir combien notre enfance peut susciter de visions nostalgiques (et souvent faussées) du passé et confire nos vieilles amours musicales dans une idéalisation de mauvais aloi. Or, guidé par une tendresse infinie, celle qu’il voue à son frère aîné  Jean-Pierre, disparu lorsque lui-même avait quinze ans, ce frère qui « gavait tout le monde » avec les Rolling Stones découverts dès leur premier single, ce frangin grâce auquel il avait pu faire le bœuf avec les mêmes Stones en 1973 au studio Pathé Marconi de Boulogne Billancourt ; guidé aussi par sa propre richesse intérieure et la lumière qui ne manque jamais de jaillir des notes de son piano, Antoine Hervé n’est pas tombé dans le piège d’une série de reprises plus ou moins fidèles à leurs originaux. Pas le genre de la maison Hervé. Plus simplement, dans une formule épurée en trio sans chanteur ni guitare, donc dans une formule très éloignée des codes du rock, le pianiste nous invite à une ballade instrumentale sensible – une sorte de dictionnaire amoureux – où les chansons signées Jagger-Richards vivent une vie différente, presque sublimée, une vie en jazz irriguée par ce blues natif qui est lui-même au cœur de l’histoire des glimmer twins.

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  • Imbert… et basse !

    diego imbert, colors, contrebasse, jazz, david el-malek, alex tassel, franck agulhonIl est des disques qu'on a envie, d'emblée, d'accepter tels qu'ils sont, sans leur chercher des poux dans une tête bien faite, ni même la petite bête à coups d'analyses musicologisantes d'où pointerait un soupçon de cuistrerie malvenue. Colors est de cette trempe, voilà qui ne fait aucun doute : ses quarante-cinq minutes d'un jazz détaché des affres du temps, ancré dans la plus belle des traditions mais vivifié par une énergie toute contemporaine, diffuse ses bienfaits avec un naturel qui serait un proche cousin du plaisir éprouvé à la dégustation d'un vin de garde. Après À l'ombre du saule pleureur en 2009 et Next Move en 2011, le contrebassiste Diego Imbert revient, entouré des mêmes compagnons, projeter en quartet une troisième salve de couleurs.

    Cette bande des quatre se présente en formation compacte, dépourvue des soutiens harmoniques traditionnels que sont le piano ou la guitare ; une absence dont les équipiers qui la composent s'accommodent en toute sérénité et dans une joie de jouer sculptée au fil des ans et des concerts : Alex Tassel (bugle), David El-Malek (saxophone ténor) et Franck Agulhon (batterie) servent avec une ferveur empreinte du lyrisme de l'amitié, mais aussi beaucoup d'humilité, la cause iridescente de ces Colors publiées chez Such Prod. Des couleurs qui ne sont pas près de pâlir, soit dit en passant…

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  • Synapse m'était contée…

    cellp, synapse, matias riquelme, tazio caputoOn pourrait dire qu’il s’agit d’un disque de contrebande... Non pas en raison de son caractère dématérialisé (pour l’instant, pas de version CD, juste la possibilité de l’écouter en ligne ici ou ), mais plutôt par sa manière de vous parvenir, à la façon d’une enveloppe qu’on aurait glissée sous une porte laissant filtrer la lumière d’une lampe. Un beau jour en effet, on reçoit un petit message avec un lien : soit une proposition d’écoute émanant d’un violoncelliste chilien, vivant en France depuis une dizaine d’années. Matias Riquelme, un musicien qui a terminé ses études classiques à Pantin dans la classe d’Ophélie Gaillard avant de se consacrer au jazz (notamment en travaillant avec Pierre Blanchard et Vincent Courtois) et aux musiques dites « actuelles », ainsi qu’à la musique contemporaine. Soulignons pour finir qu’on a pu le voir associé à quelques projets remarqués, comme celui de Médéric Collignon et sa Recherche du Roi Frippé en hommage à King Crimson ; ou bien le Mëtalïk Orkestra et son interprétation de Ëmëhntëhtt-Ré aux côtés de Magma. La carte de visite du monsieur, on l’aura compris, avait toutes chance de retenir l’attention...

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  • Ich bin Berliner

    COVER-EUROPA-BERLIN.pngJe reviendrai prochainement sur ce disque, à la fin du mois très probablement, une fois que j’aurai, sinon épuisé toutes ses richesses, du moins consacré encore plus de temps à en parcourir les trésors. Mais pour l’avoir reçu aujourd’hui même et déjà écouté deux fois de façon attentive, je ne résiste pas à la tentation d’une rapide évocation. Europa Berlin est la deuxième production discographique de l’ONJ sous la direction d’Olivier Benoit, après Europa Paris en 2014. Un disque que j’avais évoqué ici-même ainsi que dans les colonnes du magazine Improjazz de mon camarade Philippe Renaud.

    Et si je ressens le besoin d’en parler sans attendre, c’est tout simplement parce que sa découverte m’a inspiré une réflexion, instantanée. Celle-ci s’est imposée à moi et j’ai pensé qu’il était bon de la partager avec vous.

    Voici en effet près de 45 ans que j’écoute de la musique de façon quotidienne et intensive. Je suis passé par bien des étapes, qui n’ont jamais exclu les précédentes, dans un processus de sédimentation et d’élargissement de mes maigres connaissances. Rock, rock progressif, jazz rock, jazz, musiques minimalistes, musiques ethniques, musique contemporaine, sans oublier ce qu’on appelle musique classique, à des doses plus limitées toutefois mais ô combien enrichissantes.

    Or, je m’aperçois que les 74 minutes de cette nouvelle aventure au cœur d’une capitale européenne contiennent tout, je dis bien tout, ce que je cherche en musique depuis si longtemps et que je ne trouve la plupart du temps que sous la forme de bribes qu’il me faut ensuite assembler. C’est pour moi comme un miracle... L’énergie un peu sauvage et électrique du rock ; les élans du jazz au sens le plus large du terme, qu’il s’exprime par le biais de thèmes exposés avec beaucoup d’ampleur (et de luxuriance aussi, ce qui renvoie aux heures nobles du rock progressif), par des arrangements complexes mais toujours justes ou par la densité d’interventions solistes urgentes et pleinement habitées par les musiciens en action ; les motifs sériels et envoûtants nourris par l’école dite minimaliste ; le recours à un bruitisme qui nous rappelle que le processus de création musicale est aussi à comprendre comme un laboratoire, où rien n’est jamais fini, où tout se joue sur le fil du rasoir. Oui, tout est là, dans Europa Berlin, en pleine fusion, dans ce disque choral qui chante notre vie d’aujourd’hui. Preuve, s’il en était besoin, qu’une formation institutionnelle peut engendrer un art neuf, combinaison parfaite d’exigence et de vibration ontologique.

    Pour cette raison, je voulais aujourd’hui même exprimer toute ma gratitude à Olivier Benoit (direction, composition, direction artistique), Bruno Chevillon (contrebasse, basse électrique), Jean Dousteyssier (clarinettes), Alexandra Grimal (saxophone ténor), Hugues Mayot (saxophone alto), Fidel Fourneyron (trombone), Fabrice Martinez (trompette), Théo Ceccaldi (violon), Sophie Agnel (piano), Paul Brousseau (Fender Rhodes, synthétiseur basse, effets), Eric Echampard (batterie). Merci enfin à Emmanuelle Rogeau de m’avoir permis, un peu à l’avance, de me repaître d’un tel festin.

    J’y reviendrai, c’est promis !

  • Racine cubique de 148877

    groove catchers, 53, julien stella, bastien weeger, antoine guillemette, Johan barrerJe vous dois une confidence : j’ai connu le trio Groove Catchers presque par hasard. Je dis presque, en raison du fait que, selon mes propres itinérances mentales, le hasard n’existe pas. Mais ce n’est pas le sujet, j’en parlerai plus tard... ou pas, c’est le hasard qui décidera. En réalité, l’histoire remonte au mois de mars 2014, le 20 plus précisément. A peine plus d’un an, donc. Abonné au rendez-vous mensuel du Manu Jazz Club au Théâtre de la Manufacture de Nancy, je me réjouissais de découvrir le quintet étatsunien Kneebody et son cocktail de jazz, rock et, dit-on de source sure, de hip-hop. Mais les aléas de la programmation peuvent contrarier certains agendas et ce soir-là, point de Kneebody... Une fois passée la déception de ne pas faire la connaissance du saxophoniste Ben Wendel (dont je vous recommande les Small Constructions en duo avec le pianiste Dan Tepfer), je me suis installé tranquillement, non dans la grande salle comme à l’accoutumée, mais sur les gradins de sa petite sœur voisine appelée La Fabrique, prêt à découvrir un programme de substitution sous la forme d’un trio (augmenté d’un tiers depuis 2011, aboutissant de ce fait à un quartet) de jeunes français appelé Groove Catchers, déjà auréolés d’une récompense non négligeable puisqu’ils avaient été, trois ans auparavant, lauréats du Tremplin Jazz de la Défense. Une bien belle surprise en réalité, que je me suis fait un plaisir de relater dans un compte rendu publié dans le magazine Citizen Jazz... et que je vous invite à découvrir si le cœur vous en dit.

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