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Le silence est d’or

aum_silere.jpgAu départ, on n’y prête pas attention... Il est même un danger qui guette à l’écoute de Silere : celui de passer à côté d’un disque dont les immobilités apparentes sont nourries de ces silences magnétiques auxquels notre vie quotidienne a fini par nous soustraire, jusque dans ses moindres recoins. Voilà une musique d’une puissance discrète mais implacable, qui s’insinue avec une étonnante détermination dans l’espace sonore, telle une vague lente et inexorable. Sous la houlette du saxophoniste et compositeur Julien Pontvianne, l’AUM Grand Ensemble crée l’indicible et fait valser tous les repères. L’impression d’accéder à un ailleurs sans nom se fait jour...

Une petite quinzaine de musiciens formant masse, modeleurs d’une matière sonore impalpable d’où même la voix d’Anne-Marie Jean surgit dans un souffle ténu pour libérer quelques mots qui paraissent formés par la force invisible du vent. On la retrouvera un peu plus loin, chantant « Walden », un poème de Henry David Thoreau – autour duquel a été écrit Silere – dans le quatrième mouvement d’une suite en comptant six. Il y a quelque chose qui s’apparente à une liturgie dans cette fusion lente et minimaliste des textures, dans cette absence de « notes » qui crée l’épaisseur d’un mystère qu’on ne cherche pas à élucider. Question de foi, probablement... On peine parfois à identifier les instruments tant ils se confondent en une matière unique et mouvante, en apparence plate mais dont les reliefs, ceux d’une pulsion sourde et retenue, apparaissent comme en creux, tapis dans l’ombre de paysages (nocturnes ? maritimes ? désertiques ? spatiaux ?) qui restent à défricher, y compris lorsqu’on parvient au bout de l’intrigant voyage qui s’est imposé presque malgré nous. Saxophones, clarinettes, vibraphones, claviers, contrebasse, batterie, guitare, électronique... Une association qui évoque volontiers la composition d’un big band, ce que l’AUM est assurément, mais un big band qui aurait choisi de n’offrir que l’essence – le jus – d’une musique réduite à son minimum nécessaire. Comme un parfum.

Julien Pontvianne et ses camarades sont les exacts opposés des humains pressés que nous sommes devenus par la force des choses : ils tiennent le temps à bout de doigts, le compriment ou l’étirent selon leur volonté. En latin, Silere signifie « faire silence » ou « se taire ».  Cette déclaration d’intention, aujourd’hui méritoire à l’heure où toutes les paroles ont la prétention de croire qu’elles se valent, nous fait ressentir la nécessité d’une plongée sans retenue dans l’univers très singulier d’une formation, qui nous rappelle en outre toute l’exigence d’Onze Heures Onze, un collectif de musiciens d’Île-de-France (son festival annuel se déroule au mois de mai) dont il faut saluer les immenses qualités.

Silere n’est pas un disque d’agrément, son bruissement-battement et ses souffles esquissés n’ont leur place dans aucun ascenseur ou grande surface. Ils ont besoin de plus d’espace, de plus de solitude et de contrées propices à l’accomplissement de ce qui ressemble fort à une quête éminemment méditative.

AUM Grand Ensemble

Silere

Julien Pontvianne (saxophone ténor, clarinette, composition), Antonin Tri-Hoang (saxophone alto, clarinettes), Jean-Brice Godet (clarinettes), Anne-Marie Jean (voix), Richard Comte (guitare), Amélie Grould (vibraphone), Romain Lay (vibraphone), Tony Paeleman (clavier), Paul Lay (clavier), Alexandre Herer (électronique), Simon Tailleu (basse électrique), Yoeun Cadiou (contrebasse), Julien Loutelier (batterie), Dylan Corley (direction), Pierre Favrez (ingénieur du son).

Onze Heures Onze – ONZ014

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