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5 au Carré

manu_carre.jpgEt si, au-delà d’une étrange équation tapie dans le nom de sa formation,  Go!, le nouveau disque de l’Electric 5 du saxophoniste Manu Carré, était avant tout une offrande humble faite aux amoureux d’une musique dont la force réside dans sa capacité à assembler avec beaucoup de conviction ces particules élémentaires que sont la mélodie, le rythme et l’énergie, électrique qui plus est ? Un manifeste de musique radieuse, en quelque sorte...

Certes, il est des disques qui questionnent et interpellent, quitte parfois à troubler ce confort où il peut sembler faire bon vivre quand on a décidé de fermer les yeux sur les brutalités du monde qui nous explose chaque jour à la face. Des disques tournés vers l’inconnu et les expérimentations, voire les introspections et les inquiétudes de celles et ceux qui en sont les créateurs. Des disques de défricheurs, d’explorateurs de territoires inconnus ou très peu fréquentés. Des disques essentiels en ce qu’ils nous donnent à entendre ce que nous n’oserions même pas imaginer. Des disques qui ont l’élégance de ne pas fournir toutes les réponses et de nous laisser en héritage une soif d’apprendre qu’on n’étanche pas en quelques heures. Des disques comme une nécessité.

Mais il en est d’autres qui sont sans question (en apparence, du moins). Comme de joyeuses explosions aux vertus euphorisantes. Ceux-là racontent des histoires de vie – une vie plutôt collective semble-t-il, tant la notion de groupe domine chez ceux qui en déroulent les fils – où le flux des énergies qui circulent se déverse sans compter au service d’un évident besoin de transfusion en direction du plus grand nombre. Jazz, rock, funk, jazz rock, ballades, émanations d’une Afrique jamais bien loin. Communion des instruments dans un chant souriant sur une route volontiers enchantée dont les détours sont rares.  Pas question en effet d’emprunter des chemins de traverse, pour une fois il faut aller droit au but et avancer d’un même pas, alerte et insouciant. Donner, partager, faire le bien pour un court moment. Mais pas question non plus de céder à la facilité, celle d’une exhibition technique qui pourrait très vite refroidir une atmosphère baignée d’une douce lumière. Juste faire la démonstration d’un sens du collectif qui veut laisser derrière lui un sillage bienfaisant et durable. Pas de révolution musicale en cours, mais plutôt la manifestation d’un plaisir du jeu dans son expression la plus directe. 

A n’en pas douter, le quintet électrique du saxophoniste Manu Carré fait partie de la deuxième catégorie et le titre de l’album, Go!, ne saurait mieux exprimer cette idée de ligne droite dont il était question un peu plus haut. Avec ses neuf compositions originales, toutes parfaitement sanglées dans un habit sonore taillé sur mesure où se mêlent avec le plus grand naturel les couleurs du saxophone ténor, de la guitare électrique (aux accents souvent rock) et des claviers (dont la dominante est celle du Fender Rhodes mais qui peuvent parfois se parer de couleurs qui ne sont pas sans rappeler celles du mythique mellotron de la grande époque du rock progressif). Derrière eux, ou plutôt à côté d’eux, fraternels et pousse-au-groove, une basse électrique tenace aux rondeurs bondissantes et une batterie d’une précision sèche qui, jamais, ne relâchent leur attention. Neuf compositions donc, pour une invitation d’un peu plus d’une heure dans les eaux claires d’un jazz rock mâtiné de funk, et au bout du compte, pas une mélodie qui ne soit fignolée avec une gourmandise qui fait plaisir à écouter, pas une seule intervention soliste qui ne donne envie de penser qu’en restant simple mélomane (ce qui, on en conviendra, laisse quand même beaucoup de place à la démultiplication des joies), on a eu bien tort de se priver soi-même du privilège de distiller avec autant de fougue une certaine idée du « bonheur d’être en musique ». 

Je ne connaissais pas Manu Carré jusqu’au jour où Go! a eu la bonne idée de tomber dans ma boîte aux lettres. Voilà un monsieur – saxophoniste, compositeur – dont le chemin est d’abord passé par la moitié nord de la France (on peut suivre sa trace dans l’Aisne, à Lille, à Valenciennes ou en région parisienne), et qui a fini par s’établir à Menton où il a créé la classe de jazz du Conservatoire, non sans avoir rencontré depuis son adolescence  des musiciens très recommandables (comme Yochk’o Seffer ou Jean-Marc Jafet, par exemple). Côté production discographique, on signalera Stand’In en duo avec le pianiste Philippe Seignez, ainsi que Réconciliabulle avec le Manu Carré Quartet ou bien encore Affrojazzimuts du groupe NAMU. 

Les actuels compagnons de route du saxophoniste ont pour nom Florian Verdier (claviers), Aurélien Miguel (guitare), Nicolas Luchi (basse) et Max Miguel (batterie). Impossible de les dissocier de leur leader (ce mot a-t-il un sens, d’ailleurs ?) tant l’impression de cohésion est celle qu’il faut retenir au même titre que la plénitude du propos.

J’ai évoqué (et proposé d’écouter un extrait de) Go! (publié sur le lacel ACM Jazz Label) dans une récente émission de Jazz Time, que j’ai programmée et de co-animée le 26 juin dernier sur Radio Déclic, aux côtés de mon camarade Gérard Jacquemin.  Voilà une façon toute simple de découvrir ce disque qui fait du bien là où il passe : rendez-vous à la page « On Air » de ce blog et vous m’en direz des nouvelles.

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