Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

jazz - Page 3

  • MédoO’s brew

    médéric collignon, jus de bocse, moovies, jazz, funkNe me demandez pas pourquoi je n’ai pas consacré la moindre ligne à Médéric Collignon au cours des années passées. Je serais bien incapable de fourbir une explication raisonnée. Je n’en sais fichtre rien. Pourtant, y a de la matière à phrase avec ce lascar, on pourrait laisser filer le stylo ou le clavier pendant des heures pour tenter de cerner un musicien décidément pas comme les autres. Une sorte de planète à lui tout seul... Surtout que cet adepte, que dis-je, ce prosélyte du cornet n’a jamais eu besoin du moindre piston pour se hisser au sommet du jazz funk électronique survolté et atypique qui est sa marque de fabrique. Un silence que je vous autorise à qualifier d’injustice. Il faut dire que le personnage est – comment dire ? – du genre pas facile à ranger dans une case, qu’il appartient à la catégorie des grandes gueules qui n’hésitent pas à la ramener quand bon leur semble. Au risque, parfois, de se fabriquer subséquemment des inimitiés tenaces dont il se bat probablement l’œil avec une queue de sardine, comme aurait dit autrefois un de mes inutiles enseignants universitaires en marketing. Je soupçonne même certains écriveurs jazzifiants d’avoir dans la tête une petite réserve de chroniques acerbes visant à exécuter par avance des disques dont l’idée n’a même pas encore germé dans la tête de celui qu’on surnomme Médo. Médéric Collignon, un type pas comme les autres, un agité du cornet, un tricoteur de cordes vocales, un trafiquant de bidouilleries sonores et autres beatboxes dont il a le secret et qu'il aime par dessus tout, car tel est son bon plaisir, inoculer à ses créations ou celles des musiciens qu’il a côtoyés sans jamais engendrer autre chose qu’une électrisation instantanée de leurs univers musicaux. Il est entier, ne cherchez pas à en faire le tour, vous n’y parviendrez pas. Vous l’aurez à peine approché qu’il vous aura déjà filé entre les oreilles, à la vitesse du Road Runner de Tex Avery.

    Lire la suite

  • Danseurs célestes

    texier_henri_sky_dancers.jpgSi mes comptes sont exacts, Sky Dancers est le dix-huitième disque qu’Henri Texier publie en tant que leader chez Label Bleu. Une longue et belle série qui retrace un large pan de l’histoire du contrebassiste – dont l’origine remonte aux années 60 – depuis La Compañera en 1989. À tous ces enregistrements, il faut bien sûr ajouter les quatre productions du trio Romano-Sclavis-Texier, qui couvrent la période 1995-2011, ainsi que le troisième et ultime album d’un autre trio formé avec François Jeanneau et Daniel Humair, Update 3.3 en 1990. Voilà donc un musicien fidèle qui élabore, année après année, une œuvre d’une grande cohérence dont l’homogénéité et la constance forcent l’admiration. Cette fidélité a d’ailleurs été récompensée en 2008 par une compilation sous la forme d’un double CD intitulé Blue Wind Story qu’on peut recommander à celles et ceux qui souhaiteraient pousser la porte de son domaine. Et pour peu qu’on s’accorde le temps d’un retour en arrière et d’une écoute attentive de toutes ces pages de musique écrites avec une passion inaltérable, qui se nourrit autant d’une révolte devant la violence des hommes que d’une admiration sans bornes pour les beautés que notre monde peut offrir, alors la conclusion s’imposera vite : Henri Texier est un artiste essentiel, qui vient de fêter son soixante-et-onzième anniversaire et qu’il s’agit de célébrer de son vivant. On a trop souvent l’occasion de louer, à grand renfort de « RIP », le talent des grands au moment où ils nous quittent qu’il serait absurde de ne pas rendre hommage dès à présent à celui qui est bien vivant. Surtout que son nouveau disque, Sky Dancers, est très certainement l’un de ses plus beaux.

    Lire la suite

  • Grand format

    Bruno Tocanne & Over The Hills © Jacky Joannès

    Cette année, je vous épargnerai mon palmarès des disques de l’année. Qu’il soit 10, 25 ou 100, mon top rechigne désormais à s’exhiber, jugeant l’exercice un peu vain et surtout injuste. Je n’ai pas la prétention d’avoir « tout » écouté cette année, ni même d’avoir le droit de classer des albums aux couleurs souvent très différentes (et incomparables, à tous les sens du terme). Je me suis adonné à une telle pratique au cours des années passées, mais j’ai préféré tourner la page. Durant les douze mois qui viennent de s’écouler, j’ai découvert (avec plus ou moins d’assiduité) environ 180 nouveaux disques (ou coffrets). C’est beaucoup quand on songe qu’on ne peut se contenter d’une seule écoute, et qu’il est important de se laisser gagner et imprégner par la musique, donc d’écouter et écouter encore. Après tout, l’année ne comportait que 365 jours (et je mettrai à profit le petit supplément qui nous sera accordé en 2016, croyez-moi)… Mais c’est peu au regard du nombre impressionnant de productions qui ont pu voir le jour. Je ne suis qu’une oreille partielle et partiale. Une goutte d’eau dans l’océan.

    Lire la suite

  • Petite conversation entre amis

    jonathan orland, small talk, jazzIl est des disques qui, à première vue (ou écoute), n’ont l’air de rien... Pas du genre à jouer les gros bras, à vous dégainer des chorus à décorner les bœufs ou à faire la démonstration d’une virtuosité clinique un brin réfrigérante. Ni même à explorer des territoires encore vierges pour vous perdre avec eux dans leurs mystères créatifs. Des disques qui se présentent en toute simplicité, pour ne pas dire avec discrétion, nés du plaisir d’un partage de l’instant. Small Talk, publié par saxophoniste alto Jonathan Orland sur le label Absilone, est de ceux-là. Son titre lui-même ressemble à une déclaration de modestie, puisqu’on peut le traduire par conversation sans importance, causette... dont le sens n’exclut pas l’idée des banalités du quotidien. Avec une telle entrée en matière, le risque d’une « éviction par la transparence » n’est pas mince. Mais ce serait une erreur de laisser ainsi passer à la trappe le deuxième album de ce mathématicien trentenaire, auparavant passé par les fourches caudines du CNSM de Paris puis du Berklee College of Music de Boston, qui s’accomplit autant comme leader que comme sideman dans des registres variés où peut pointer l’influence des musiques folkloriques de l’Europe de l’Est. Une erreur, oui, au point qu’on se demande si le choix de Small Talk ne traduit pas la volonté d’alléger par une position distanciée un propos imprégné en réalité de gravité.

    Lire la suite

  • Bone à tout faire

    fidel fourneyron,trombone,umlaut records,jazzSi la vie avait fait de moi un musicien – fort heureusement pour la musique, il en a été tout autrement – je n’aurais probablement pas été tromboniste. Bien sûr, du temps de mon adolescence, j’admirais comme quelques autres tombés dans la marmite du rock le souffle puissant d’un James Pankow s’illustrant au sein du groupe Chicago ; mais le trombone, c’était selon moi et avant tout un travailleur de fond, celui qui faisait le sale boulot, le grand machin ingrat niché au cœur d’une section de cuivres et auquel on accordait de temps à autre, mais pas trop longtemps, une exposition sur le devant de la scène, toutes joues gonflées et bras frénétique scotché à une coulisse agitée par d’incessants allers-retours de longueurs variables. Depuis, j’ai un peu changé d’avis, je dois bien le reconnaître. Ceux qui ont la faiblesse de me lire savent qu’il m’est arrivé de surligner ici (ou du côté de chez Citizen Jazz) les qualités de quelques activistes du trombone. Au cours des vingt dernières années en effet, j'ai croisé des personnalités très singulières, ayant cet instrument pas comme les autres pour langage commun, mais s’exprimant dans des registres souvent différents. Ma liste ne pouvant être exhaustive, je citerai Glenn Ferris, Gueorgui Kornazov, Sébastien Llado, Daniel Zimmermann, Samuel Blaser ou Loïc Bachevillier. Et dans l’histoire du jazz (jusqu’à nos jours), il est des noms qui méritent une citation au tableau d’honneur : Bob Brookmeyer, Curtis Fuller, Maynard Ferguson, Grachan Moncur III, Robin Eubanks… Voilà pour un petit cadrage à ma façon… C’est partial, partiel, mais c’est ainsi.

    Depuis quelque temps, il en est un qui semble s’accomplir dans le rôle de l’agitateur de molécules tromboniques : un certain Fidel Fourneyron. Celui-là, c’est un cas à part, un musicien tout autant amoureux des musiques improvisées que du swing, dont les incartades ne se comptent plus. Collaborateur de quelques collectifs tels que Coax, Umlaut, Vibrants Défricheurs ou Tricollectif, membre de l’actuel ONJ sous la direction d’Olivier Benoit (écoutez-le donc ferrailler avec son boss sur « L’effacement des traces » au début d’Europa Berlin et vous m’en direz des nouvelles), initiateur d’un trio Un Poco Loco facétieux détourneur de standards, Fourneyron a, comme on peut s’en rendre compte, de la ressource (qu’il met également au service du Tower Bridge de Marc Ducret ou du White Desert Orchestra d’Eve Risser) et ne se prive pas de nous en faire profiter.

    Et là où le monsieur est culotté, c’est qu’il ose aujourd’hui se livrer à l’exercice inattendu du plaisir solitaire dans un disque publié sur Umlaut Records et dont la pochette au graphisme naïf n’est pas sans évoquer l’univers d’un Robert Wyatt. En trente minutes d’une High Fidelity impudique, Fourneyron fait une démonstration virtuose sans appel : il nous prouve que le trombone, bien plus qu’un instrument de musique, est un être vivant, un organisme en état d’ébullition. Pour un peu, on entendrait sa digestion. Avec lui, le trombone traverse tous les états que chacun d’entre nous peut connaître un jour : il bougonne, souffle, vibre, râle, chante, gémit, rit aux éclats, taquine, vocifère, s’inquiète, s'extasie, musarde, se met à courir. Parfois il a le blues ou connaît un dédoublement de personnalité. Bref, il vit. Il ne cache rien, pas plus que Fidel Fourneyron qui avance vers nous dans toute la nudité d’un instrument qui ne lui laisse pas d’autre choix que de se présenter tel qu’il est, sans fard et sans le moindre artifice. Aucun recours à la technologie pour parvenir à ses fins, les seuls effets utilisés étant ceux de son imagination et d’une probable quête intérieure. L’exercice de style qu’on pouvait redouter cède très vite la place à une exposition désarmante de vérité. Certes, High Fidelity n’est pas un album à vocation digestive ; il est peu probable qu’il vous accompagne pendant vos courses au supermarché du coin ; vous avez peu de chances de le découvrir par l’entremise d’une quelconque playlist radiophonique. On peut même dire de lui qu’il n’est pas politiquement correct. D’une certaine façon, il est à prendre comme une saine provocation, une incitation à ne pas se laisser emporter dans le confort ouaté de la routine. Un disque à prendre ou à laisser. La deuxième option n’est pas la mienne, je déclare sans plus attendre ma fidélité à monsieur Fourneyron…

  • Nancy Jazz Pulsations 2015

    NJP, c'est fini ! Près de deux semaines très chargées en concerts, beaucoup de monde, des moments forts, d'autres moins... Telle est la vie d'un festival. J'ai pu non pas couvrir intégralement l'édition 2015 pour Citizen Jazz mais consacrer à cette manifestation automnale neuf soirées bien remplies dont j'ai essayé de rendre compte à ma façon. Pas question de tout voir (pour mémoire, il y a eu au total 181 concerts) ni d'être partout à la fois. Mes pérégrinations se sont limitées à trois salles : le Chapiteau de la Pépinière, la Salle Poirel et le Théâtre de la Manufacture.

    En suivant CE LIEN, vous pourrez lire ou relire mes élucubrations publiées au fil des jours...

  • Petros Klampanis "Minor Dispute"

    klampanis.jpgPetros Klampanis, jeune contrebassiste établi à New York, publie Minor Dispute, son deuxième album après Contextual en 2011 qui avait vu le jour sur Inner Circle, le label du saxophoniste Greg Osby, avec lequel il entretient des relations étroites par ailleurs. Il revient cette fois entouré d’un trio d’enlumineurs, dans lequel évolue celui qui est peut-être le plus américain des musiciens français, le pianiste Jean-Michel Pilc, accompagné du guitariste Gilad Hekselman, musicien aux influences multiples, et du percussionniste explorateur sonore John Hadfield. Et pour enrichir une palette déjà largement pourvue en couleurs, Klampanis s’est adjoint les services d’une section de cordes (deux violons, deux altos, deux violoncelles).

    Lire la suite de cette chronique sur Citizen Jazz...

  • Rémi Panossian Trio "RP3"

    rp3, remi panosian, maxime delporte, frederic petitprez, jazzTroisième album pour le trio du pianiste Rémi Panossian, après Add Fiction (2011) et BBang (2013). Une formation qui se présente aussi sous l’appellation RP3, ce qui ne signifie pas pour autant simplification du propos artistique. Au contraire, le concentré d’énergie et le carrousel d’images à caractère cinématographique qui nourrissaient les deux premiers disques sont toujours au rendez-vous, avec cette fois la complicité d’un ensorceleur des sons et du groove qu’on ne présente plus, Eric Legnini. La présence de dernier, qui s’est vu confier la production et le mixage, apparaît presque comme une évidence tant les qualités du trio, dont la virtuosité heureuse est la marque de fabrique, s’accorde parfaitement avec l’énergie que le pianiste belge distille depuis de longues années, pour son propre compte ou pour bon nombre d’artistes. Comme si ces quatre-là devaient finir par se trouver.

    Lire la suite de cette chronique sur Citizen Jazz...

  • Ark 4 in motion (pictures) : quand une compagnie fait son cinéma

    Vous savez quoi ? Dimanche, je me suis rendu à Blénod-lès-Pont-à-Mousson (oui oui, ça existe et à ce moment précis de la semaine, vers 17 heures, on ne peut pas dire que la cité était très agitée, elle était même, comment vous dire ? Plutôt morose), et plus précisément au Centre Culturel Pablo Picasso, histoire de découvrir un ciné concert proposé par Ark 4 mettant en musique un vieux film allemand (il date de 1920 et selon mes sources, aurait été perdu pendant très longtemps pour n’être retrouvé qu’en 1963 par la RDA au Japon, dans une version incomplète). Le film en question a pour titre Von Morgens Bis Mitternachts, soit De l’aube à minuit.

    Comme vous le comprenez, j’ai des dimanches soir culturels. Mais bon, que cette introduction peu affriolante sur le papier (je devrais dire sur l’écran) ne vous effraie pas, faites-moi confiance et en même temps connaissance (bonjour zeugma) avec des protagonistes d’un genre pas banal.

    ark4_blenod.jpg

    Lire la suite

  • Vagues de rentrée

    Brazier_Septieme_Vague.jpgOn pourra dire tout ce qu’on veut, mais si le mois de septembre ne marque pas la fin de l’été, il est pour beaucoup d’entre nous – ceux qui encore la chance d’avoir du travail – un symbole de rentrée. C’est aussi le mois de l’automne (les spécialistes vous expliqueront même que le début du mois de septembre correspond à celui de l’automne météorologique) et de ses couleurs incomparables dans la lumière de jours plus courts. Fin d’un cycle, début d’un autre, mouvement perpétuel de la vie, temps qui passe... Voilà pour la carte postale... La lutte est inégale mais il me plaît de penser que la musique constitue l’une des armes qu’on peut toujours brandir au moment opportun, comme celui des heures mélancoliques face à la détresse du monde et à ses horreurs répétées.

    Prenez par exemple SepTièME VaGue , le nouveau disque du contrebassiste Christian Brazier : plongez sans modération dans ses eaux translucides, laissez-vous porter par son vent de liberté et constatez-en les bienfaits immédiats. Voilà un cadeau idéal pour une rentrée réussie.

    Lire la suite

  • Frédéric Couderc "Sax Stories"

    frederic couderc,sax stories,saxophone,citizen jazz,jazzDire que Frédéric Couderc est un amoureux du saxophone relève de l’euphémisme. Il est plutôt un boulimique de l’instrument, un chercheur forcené de timbres et de sonorités, un collectionneur de raretés qui a poussé sa passion jusqu’à créer, avec le facteur d’instrument R.V. Martin, le Coudophone, un saxophone ténor en ut (C-Melody) droit. On a pu en particulier entendre cette singularité instrumentale sur Music From Early Times de Vincent Artaud. Et comme le faisait en son temps Roland Kirk, un de ses maîtres, il est tout à fait capable d’empoigner deux ou trois saxophones simultanément, comme si de rien n’était. Couderc a par ailleurs suivi un cursus classique au CNR de Bordeaux avant d’intégrer la classe jazz de François Jeanneau au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris. Il a déjà publié trois albums (dont Kirkophonie en 2007 et Coudophonie en 2011) et multiplie les collaborations dans le monde du jazz et de la variété.

    Lire la suite de cette chronique sur le magazine Citizen Jazz

  • 5 au Carré

    manu_carre.jpgEt si, au-delà d’une étrange équation tapie dans le nom de sa formation,  Go!, le nouveau disque de l’Electric 5 du saxophoniste Manu Carré, était avant tout une offrande humble faite aux amoureux d’une musique dont la force réside dans sa capacité à assembler avec beaucoup de conviction ces particules élémentaires que sont la mélodie, le rythme et l’énergie, électrique qui plus est ? Un manifeste de musique radieuse, en quelque sorte...

    Certes, il est des disques qui questionnent et interpellent, quitte parfois à troubler ce confort où il peut sembler faire bon vivre quand on a décidé de fermer les yeux sur les brutalités du monde qui nous explose chaque jour à la face. Des disques tournés vers l’inconnu et les expérimentations, voire les introspections et les inquiétudes de celles et ceux qui en sont les créateurs. Des disques de défricheurs, d’explorateurs de territoires inconnus ou très peu fréquentés. Des disques essentiels en ce qu’ils nous donnent à entendre ce que nous n’oserions même pas imaginer. Des disques qui ont l’élégance de ne pas fournir toutes les réponses et de nous laisser en héritage une soif d’apprendre qu’on n’étanche pas en quelques heures. Des disques comme une nécessité.

    Lire la suite

  • Comme dans un souffle

    Stream It-Recto.jpg

    C’est une petite histoire comme je les aime. Et je vais prendre le temps de vous la raconter en quelques lignes… Oh, c’est tout récent, il y a quelques jours seulement… Je partageais mes doutes quant à l’intérêt du travail d’écriveur auquel je consacre une partie non négligeable de mes soirées, au service de la musique, des musiciens, par l’intermédiaire de ce blog ou dans le cadre de mes contributions au magazine Citizen Jazz, ou parfois lorsqu’on me demande d’écrire des liner notes pour des pochettes de disques ou des textes destinés à accompagner des dossiers de presse. A quoi bon quand le disque ne se vend plus ? Quand les salles sont difficiles à remplir dès lors que leur programmation sort du droit chemin d’un consensus mou et insipide ? Quand l’audace et l’imagination sont comme une matière première dont les réserves arrivent à épuisement ? Quand les algorithmes imposent leur diktat à la pensée ultralibérale (de droite, comme de gauche de droite) ? Quand la myopie comptable tient lieu d’horizon indépassable et nous serine son thatcherien TINA (There Is No Alternative) ? Quand les budgets consacrés à des manifestations dites « culturelles » sont sacrifiées pour de discutables raisons par des municipalités sur l’autel d’une rigueur, tout aussi mal partagée que les richesses de ce monde, imposée par une logique des lobbies vautours rôdant sur l’Europe ? Quand la sphère politique est obsédée par la préservation de ses privilèges ? Bref, un moment de doute. A quoi bon, donc ? Une fois ma perplexité diffusée au cœur de quelques réseaux, après plusieurs messages chaleureux m’expliquant que mon devoir était de me tenir debout, ayant moi-même admis en quelques heures que mes problèmes étaient vraiment mineurs, pour ne pas dire l’expression d’un luxe que bien des miséreux massacrés par la bêtise humaine échangeraient volontiers contre la violence aveugle de leur quotidien, je me suis ressaisi. Mais il était trop tard. Un musicien m’avait fait parvenir un disque refuge, histoire de me consoler et de me prouver qu’il existe encore ici et là des artistes prêts à en découdre pour que vive une musique libre et vivante, à tout prix.

    Lire la suite

  • Dans les coulisses d’une pluie printanière

    blaser_spring_rain.jpgSamuel Blaser est, à sa manière, un phénomène. Il n’a pas encore 34 ans et pourtant, quiconque observera à la loupe sa discographie sera impressionné aussi bien par son ampleur que par l’accumulation de pépites qu’elle recèle. Le tromboniste suisse n’a pas son pareil pour s’entourer des meilleurs et pousser avec eux sur l’échiquier de sa création les pions d’un jeu où s’entrecroisent des influences dont certaines pourraient sembler inconciliables aux oreilles à œillères. Et lorsqu’il est lui-même appelé par d’autres pairs, soyez certains que ces derniers seront des musiciens cultivant un même amour pour des musiques libertaires et curieuses des associations multiples. Alors, quand le jeune homme publie un nouveau disque, on est forcément aux aguets, parce que ses voyages musicaux – qu’ils prennent la forme de relectures savantes et très personnelles du répertoire des siècles passés ou d’explorations contemporaines aux bouillonnements électriques, débordant vers le free jazz – sont des expériences dont on ressort avec le sentiment d’un pas en avant, d’un progrès accompli. Spring Rain, qui voit le jour sur le label Whirlwind Recordings, ne déroge pas à cette règle.

    Lire la suite

  • Séduisants avatars

    standards_avatars.jpgAu-delà de leur valeur patrimoniale, les standards de jazz sont pour bon nombre de musiciens une sorte d’engrais, ou plutôt un terreau, sur la base duquel leur imagination – fertile, forcément – pourra tracer de nouveaux sillons avant d'ensemencer ou être le prétexte à un hommage plus ou moins distancié aux anciens. Difficile d’en faire le recensement, ou même de procéder au décompte de toutes leurs origines, mais entre chansons populaires et comédies musicales, les standards constituent une sorte de richesse minière – dont l’exploitation à ciel ouvert continue au XXIe siècle – qu’on pourrait, par simplicité, résumer au Great American Songbook, ce « grand répertoire américain de la chanson » désignant, je cite mes sources : « toute la musique populaire américaine précédant l'arrivée et le succès du rock'n'roll et qui englobe la musique des comédies musicales de Broadway, des films hollywoodiens et de l'industrie musicale américaine appelée Tin Pan Alley ». David Chevallier, musicien des jonctions, notamment entre musique de chambre, musique baroque, rock et jazz, fait partie de ceux que l’exploration d’un tel gisement ne saurait rebuter, bien au contraire. Ses Standards & Avatars, publiés chez Cristal Records, en sont la preuve et une démonstration savoureuse.

    Lire la suite

  • Rolling Antoine

    cover.jpgJe dois bien avouer que ce n’est pas sans un soupçon de crainte que j’ai glissé une première fois dans le lecteur ce nouveau disque d’Antoine Hervé, un musicien qui a déjà fait l’objet de menus travaux d’écriture de ma part, ici ou . Non en raison du pianiste lui-même, dont les qualités de musicien, chef d’orchestre, arrangeur, explorateur, mais aussi de pédagogue – lui dont les Leçons de jazz sont de petits modèles d’enseignement ludique qu’il faudrait inscrire au programme des collèges – sont nombreuses et reconnues, mais plutôt parce que le sujet de ce Complètement Stones semblait périlleux à mes oreilles. Pourtant, les deux ou trois personnes qui me lisent de temps à autre savent que je suis un adepte des frontières musicales à franchir sans retenue, et que je ne fais nullement partie de ceux qui déplorent comme certains la popisation du jazz, voire son abâtardissement qui serait le fruit d’un croisement contre nature avec d’autres formes de musiques jugées impures ou vulgaires, comme le rock. C’est même le contraire : le rock, je viens de là, j’ai grandi avec, je le revendique et  il continue de me nourrir ; dans mes plus vieux souvenirs résonnent mille chansons estampillées rock dont celles, forcément, des Beatles ou des Rolling Stones. Tout remonte au milieu des années 60, si lointaines et si proches à la fois... Mais justement, sachant qu’Antoine Hervé et moi-même sommes de la même génération (je suis né 366 jours avant lui), je suis bien placé pour savoir combien notre enfance peut susciter de visions nostalgiques (et souvent faussées) du passé et confire nos vieilles amours musicales dans une idéalisation de mauvais aloi. Or, guidé par une tendresse infinie, celle qu’il voue à son frère aîné  Jean-Pierre, disparu lorsque lui-même avait quinze ans, ce frère qui « gavait tout le monde » avec les Rolling Stones découverts dès leur premier single, ce frangin grâce auquel il avait pu faire le bœuf avec les mêmes Stones en 1973 au studio Pathé Marconi de Boulogne Billancourt ; guidé aussi par sa propre richesse intérieure et la lumière qui ne manque jamais de jaillir des notes de son piano, Antoine Hervé n’est pas tombé dans le piège d’une série de reprises plus ou moins fidèles à leurs originaux. Pas le genre de la maison Hervé. Plus simplement, dans une formule épurée en trio sans chanteur ni guitare, donc dans une formule très éloignée des codes du rock, le pianiste nous invite à une ballade instrumentale sensible – une sorte de dictionnaire amoureux – où les chansons signées Jagger-Richards vivent une vie différente, presque sublimée, une vie en jazz irriguée par ce blues natif qui est lui-même au cœur de l’histoire des glimmer twins.

    Lire la suite

  • Imbert… et basse !

    diego imbert, colors, contrebasse, jazz, david el-malek, alex tassel, franck agulhonIl est des disques qu'on a envie, d'emblée, d'accepter tels qu'ils sont, sans leur chercher des poux dans une tête bien faite, ni même la petite bête à coups d'analyses musicologisantes d'où pointerait un soupçon de cuistrerie malvenue. Colors est de cette trempe, voilà qui ne fait aucun doute : ses quarante-cinq minutes d'un jazz détaché des affres du temps, ancré dans la plus belle des traditions mais vivifié par une énergie toute contemporaine, diffuse ses bienfaits avec un naturel qui serait un proche cousin du plaisir éprouvé à la dégustation d'un vin de garde. Après À l'ombre du saule pleureur en 2009 et Next Move en 2011, le contrebassiste Diego Imbert revient, entouré des mêmes compagnons, projeter en quartet une troisième salve de couleurs.

    Cette bande des quatre se présente en formation compacte, dépourvue des soutiens harmoniques traditionnels que sont le piano ou la guitare ; une absence dont les équipiers qui la composent s'accommodent en toute sérénité et dans une joie de jouer sculptée au fil des ans et des concerts : Alex Tassel (bugle), David El-Malek (saxophone ténor) et Franck Agulhon (batterie) servent avec une ferveur empreinte du lyrisme de l'amitié, mais aussi beaucoup d'humilité, la cause iridescente de ces Colors publiées chez Such Prod. Des couleurs qui ne sont pas près de pâlir, soit dit en passant…

    Lire la suite

  • Un si joli village

    Gerad_Marais.jpgVoilà un disque qui ne respecte pas la chronologie des textes que je dois écrire par ici. Je ne m’appesantirai pas sur la hauteur d’une pile dont l’équilibre est constamment menacé par une croissance rapide, pour ne pas dire exponentielle, ni même sur le sentiment de culpabilité qui me gagne à l’instant où je pense aux musiciens dont les dernières productions sont en instance d’admiration de ma part, et que je maintiens temporairement dans un silence qui aboutira – je leur fais cette promesse – à une libération de ma parole envers eux. Je suis moins ordonné qu’on ne pourrait parfois le croire : oui, c’est vrai, j’ai pour habitude de planifier mes écrits consciencieusement mais... j’aime par-dessus tout l’idée d’un enthousiasme qui emporte toutes mes bonnes résolutions sur son passage et vient bousculer un calendrier qui n’aime rien tant que d’être chahuté par la spontanéité des élans. Ainsi en va-t-il d’Inner Village, un disque publié chez Cristal Records par le guitariste Gérard Marais, qu’on est heureux de retrouver en très grande forme et, de surcroît, très bien entouré.

    Lire la suite

  • Pincez-moi et je vous dirai qui est Anne !

    anne quillier, daybreak, pince oreilles, gregory sallet, romain baret, michel molines, guillaume bertrand, pierre horckmans, aurelien joly, jazz

    Il y a quelque temps – pour ne rien vous cacher, c’était le 24 octobre – le guitariste Romain Baret m’a envoyé trois disques publiés sous l’égide du label Pince Oreilles, émanation d’un collectif établi dans la région Rhône-Alpes, dont il fait lui-même partie. Trois objets à la finition soignée, trois albums originaux et inventifs, fruits du talent d’une poignée de jeunes musiciens qui laissent entrevoir de bien belles choses et qui m’ont réjoui tout au long d’un voyage en direction de Lyon (le hasard est heureux...) où je me rendais ce jour-là pour d’autres raisons. Et qui continuent d’agrémenter mon quotidien, non sans bonheur...

    Lire la suite

  • L'année de l'éveil...

    romain cuoq,anthony jambon,emile parisien,florent nisse,nicolas charlier,leila martial,awake,jazz

    Je me dois de vous avertir : je connais bien le saxophoniste Romain Cuoq à titre personnel, pour la simple raison qu’il lui arrive de côtoyer assez régulièrement un autre adepte des anches en la personne de mon fils, avec lequel il évolue par exemple au sein du goûteux big band Bigre !, mais aussi dans un quintet à deux ténors qu’on peut écouter de temps à autre dans la périphérie lyonnaise. Aussi, quand le sieur Cuoq m’a fait parvenir un exemplaire de l’album enregistré en quintet avec le guitariste Anthony Jambon, une hésitation m’a gagné au moment de demander à Maître Chronique d’écrire un petit billet laudateur. J’avais peur qu’on m’accusât (j’emploie – à bon escient – l’imparfait du subjonctif en vertu d’un souci de préservation des espèces en voie de disparition auxquelles le pauvre appartient depuis qu’il subit les assauts de la décaféïnation massive de nos phrases chaque jour plus insipides) de partialité ou de je ne sais quelle condescendance amicale m’inclinant négligemment à mettre en valeur les qualités de leur travail, comme si de rien n’était.

    Lire la suite