Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Musiques buissonnières - Page 33

  • Lumineux

    L'herbe n'est pas toujours plus verte ailleurs. Je me faisais cette réflexion hier, vers 14h03, au moment où je descendais l'escalier qui sépare mon bureau d'une salle de réunion, un étage plus bas. Parvenu à mi-étage, voici le spectacle qui s'est offert à mes yeux :

    gruber.jpg
    Rien moins qu'un vitrail signé Jacques Gruber - avoir la possibilité de l'admirer chaque jour est un vrai privilège - mais dont le reflet était en outre projeté au mur par un beau soleil printanier (on voit ici que je sais reconnaître à la Lorraine sa faculté d'être soumise aux outrages du beau temps quelques jours par an). Cette peinture éphémère était splendide, j'ai pris le temps de la contempler avant qu'elle ne s'efface.
  • Mini

    Le complot cosmique fomenté contre ma personne - je l'évoque à chaque fois qu'une de ses manifestations tangibles peut vous être rapportée - continue et cette fois, je sais que le diable s'habille en Mini. Ou plutôt qu'il roule en Mini. Laissez-moi vous raconter : la semaine dernière, alors que je rentrais chez moi à pied (ma Navette Spatiale japonaise étant au repos dans son hangar intergalactique au rez-de-chaussée de la Maison Rose la plupart du temps), j'ai dû brutalement effectuer un grand bond en arrière (geste qu'on pourra qualifier d'anti-maoïste) au moment où je traversais la rue sur un passage piéton, parce qu'une voiture - une Mini - énergiquement pilotée par une femme du style bobo - friquée - branchée - lunettes de soleil même par temps gris - je conduis façon sport parce que la carrosserie de ma bagnole est ornée de deux bandes blanches façon R8 Gordini - a bien failli m'écraser... Je dois être invisible : la dame est passée sans me voir, sans même faire un petit signe pour s'excuser. Après tout, rien d'étrange jusque là, c'est la vie quotidienne des urbains piétons. Mais là où mon affaire se corse, bien que vécue en Lorraine, c'est que moins de cinq minutes plus tard, une autre voiture s'est échinée à m'écraser. Je suis moins qu'invisible, je ne dois pas exister. Mais là n'est pas la source de mon angoisse... Non, le problème, c'est qu'il s'agissait d'une autre Mini énergiquement pilotée par une femme du style bobo - friquée - branchée - lunettes de soleil même par temps gris - je conduis façon sport parce que la carrosserie de ma bagnole est ornée de deux bandes blanches façon R8 Gordini. Pas la même que l'autre, hein, non non... une deuxième tueuse à quatre roues, bien décidée à me faire passer de vie à trépas. Il va de soi que je ne suis pas dupe : ils sont là, ils me guettent, ils veulent m'éliminer...

  • Light

    Je vous dois une explication. Lorsqu'au mois d'août, notre fille nous apprit qu'elle attendait un bébé, j'ai aussitôt pris la décision de tenir quotidiennement un petit carnet de bord - où je m'autoriserais à parler de tout et n'importe quoi - un espace d'écriture dont la marque de fabrique serait celle d'une certaine concision par comparaison avec le blog que j'ai initié voici quatre ans maintenant. Histoire de semer sur mon chemin quelques petits cailloux qui permettraient, plus tard, à mes petits-enfants, de savoir un peu mieux qui était leur grand-père. Ce jour-là donc, le 8 août 2008, ayant déjà couché sur le papier d'un petit carnet quelques notes depuis cinq jours, fut celui de la naissance de ce « Maître Chronique Light ». Cette appellation est un jeu de mots, bien sûr : parce qu'en anglais, light signifie léger mais aussi lumière. En latin, la lumière se dit lux et parmi ses déclinaisons en français, il y a le prénom Lucie. Allez savoir pourquoi j'ai été convaincu depuis ce jour du mois d'août que je serais grand-père d'une petite-fille ? Je n'ai jamais eu le moindre doute à ce sujet...
    Lucie est née dimanche après-midi, ce fut pour elle et sa maman un moment un peu pénible mais toutes deux ont pu hier soir profiter - enfin ! - d'un vrai moment de tendresse et de douceur auquel nous avons pu assister derrière une vitre. Ces instants magiques, ces sourires chargés de larmes, ressemblaient à s'y méprendre à une (re)naissance. J'attendais que le bébé se porte bien pour vous annoncer sa venue. Voilà qui est fait ! Et pour répondre à la question qu'on m'a déjà posée : je continue ce blog, même après la naissance de ce petit trésor.
    Welcome Lucie, j'attends le moment de pouvoir te faire un très très gros bisou, un vrai. Et tu sais que je compte sur toi pour ramasser avec moi les feuilles sur la terrasse en bois, nous en avons parlé toi et moi depuis quelque temps déjà.

  • Métaphore

    Le débat économique qui oppose chaque vendredi matin sur France Inter les journaliste Dominique Seux (tendance néo-libérale) et Bernard Maris (plutôt keynesien, dont je vous recommande la lecture des « Antimanuels d'économie ») sont toujours des moments intéressants et intelligemment animés. Bien entendu, les points de vue des deux protagonistes semblent à jamais irréconciliables, mais on guette à chaque fois la petite phrase qui fait mouche. A ce jeu, Bernard Maris est de très loin le plus doué, en témoigne sa métaphore au sujet de la réunion du G20 à Londres, temple du libéralisme le plus échevelé jusqu'à une époque très récente, le G20 donc, ce grand raout de nos dirigeants mondiaux, supposé être le point de départ d'une remise en ordre de la finance mondiale, notamment parce qu'il doit s'attaquer au cancer des paradis fiscaux. « Une réunion du G20 qui se tient à Londres, c'est un peu comme une réunion d'alcooliques anonymes dans un bar à vins ».

  • Salut

    bashung.jpgLorsque j'avais acheté Bleu Pétrole au début de l'année dernière, je savais comme beaucoup d'autres qu'il serait le dernier disque d'Alain Bashung. A cette époque, on parlait déjà d'un concert au mois d'octobre dans le cadre du Nancy Jazz Pulsations, en se demandant s'il pourrait avoir lieu. Bashung est venu pourtant, très affaibli déjà, rassemblant ses dernières forces pour ce public qu'il aimait tant. Créateur d'un univers totalement singulier, mélange flottant chargé d'un onirisme énigmatique, inventeur d'une écriture qu'il fallait apprendre à décrypter, cet artiste vient de faire le grand saut vers cet inconnu où, je n'en doute pas un seul instant, sa voix chaude adoucira la peine de ceux qui l'attendaient là-haut depuis quelque temps. Quant à ceux, comme nous, qui restent, ils reviendront vers lui comme on se tourne vers un ami de longue date.

  • John Remembered

    john mclaughlin,mahavishnu orchestra,shakti

    Je me suis plongé voici quelque temps, c'était au cours de l'automne dernier, dans la discographie très fournie d’un grand monsieur : John McLaughlin, dont la carte de visite, qui s'apparenterait plutôt à un who's who de la musique jouée depuis plus de quarante ans de par le monde, parle d’elle-même. Connu d’abord pour sa participation à l’aventure de Miles Davis - en particulier sur ces albums majeurs que sont In a Silent Way et Bitches Bew - à la fin des années 60, mais aussi à celle du Lifetime du batteur Tony Williams, ce guitariste virtuose a mis sur pieds une formation aujourd’hui presque mythique (en fait, ce qualificatif est idiot, je m'en rends compte, je veux dire par là que ce groupe, en particulier sa première mouture, celles des années 1970 à 1973, continue de me fasciner et que le quintette que McLaughlin avait formé avec Jan Hammer aux claviers, Jerry Goodman au violon, Rick Laird à la basse et Billy Cobham à la batterie semble toujours autant illuminé par la grâce), le Mahavishnu Orchestra, dont l’irradiation maximale (et la nôtre surtout) s’est produite entre les années 1971 et 1976, avant que son fondateur choisisse de s'éloigner d'un gourou un peu envahissant pour se tourner vers d'autres horizons, tout aussi propices à la méditation. Sa grande période créative suivante fut celle de l’ouverture vers la musique indienne : la naissance de Shakti au cours de la seconde moitié des années 70 en est un témoignage vibrant et unique, revivifié bien plus tard sous le nom de Remember Shakti. Une expérience unique que je vous invite très vivement à découvrir. Apprenez à plonger dans ces heures de musique qui semblent jouées en un continuum féerique, dans un étirement rythmique et hypnotique qui en dit long sur les trésors de vie intérieure qui l'habitent, pour mieux nous les offrir, aux antipodes de nos habitudes occidentales qui, elles, semblent courir après un temps frappé au sceau de l'urgence. Avec Shakti, la musique s'installe, elle s'expose en circonvolutions magiques et la confrontation de John McLaughlin avec ses pairs indiens est la source de vrais moments de grâce, où l'âme semble guider les doigts des musiciens. Il faudrait aussi parler de ce guitar trio parfois houleux mais extrêmement lumineux – une virtuosité à six mains qui fut l'objet de pas mal de critiques pas vraiment justifiées et qui nous laissa un disque splendide : Friday Night In San Francisco – avec Al Di Meola et Paco De Lucia, sans oublier l’hommage à John Coltrane que John McLaughlin rendit en 1973 en compagnie d'un Carlos Santana (Love Devotion Surrender) qui venait de publier ce qui reste peut-être son meilleur disque, Caravanserai, puis beaucoup plus tard en 1995 avec After the Rain, ni la belle collection d’albums en compagnie des plus grands (Trilok Gurtu, Elvin Jones, Dennis Chambers, Joey De Francesco, ...). Âgé aujourd’hui de 67 ans, John McLaughlin le Capricorne (voilà ce qui nous relie, en fait, lui et moi) est toujours sur la brèche : en témoigne 4th Dimension, sa formation actuelle où officie Hadrien Féraud, un jeune bassiste français qui fêtera cette année ses 25 ans et Floating Point, le dernier disque du groupe. Homme d’une élégance toute britannique, John McLaughlin m’a en outre fait un jour un très beau cadeau. Remontons un peu le cours du temps et arrêtons le calendrier des souvenirs au lundi 6 juillet 1992… Nous sommes dans les Vosges, plus précisément en la jolie petite ville de Vittel qui organisait en ces temps reculés, chaque été, un festival de guitare (aujourd’hui disparu, faute d’argent, de public et de soutien des collectivités locales... ce qui, à l'heure de la récession mondiale que nous connaissons, paraît nous renvoyer à une époque proche de l'Antiquité, il n'est que de voir les municipalités qui se pressent aujourd'hui pour fermer les robinets à toute dépense risquant de se voir apposer le label culturel, débarrassons-nous vite de tous ces saltimbanques si nous ne voulons pas creuser la dette, creuser la dette, creuser la dette... mais au fait, l'abime ne se trouverait-il pas au tréfonds du cerveau de certains de nos élus ?) où se côtoyaient quelques têtes d’affiches internationales et d’autres, moins en tête et plus locales. On y a vu Carlos Santana, Larry Corryel, Mike Stern… et beaucoup d’autres au rang desquels John McLaughlin et son trio de l’époque (Trilok Gurtu aux percussions, Dominique Di Piazza à la basse). En cette fin d’après-midi, j'arpentais les deux ou trois rues qui forment le centre de la ville (allez vous y promener un jour et promettez-moi de vous livrer à un exercice très instructif : comptez le nombre de salons de coiffure... Vous verrez, vous serez étonnés) et c’est en m'approchant du Palais des Congrès, lieu du Festival, que j’aperçus une silhouette qui m’était très familière : Mister John McLaughlin himself, tout juste sorti de l’exercice obligé de la balance des instruments. Ni une ni deux, je pris mon courage à deux mains – parce que je suis un faux extraverti et un vrai timide – et entrepris de l’aborder pour lui dire, en toute simplicité, combien sa musique avait été importante pour moi. Je me mis à lui parler avec une fièvre enfantine de ce Mahavishnu Orchestra en compagnie duquel j’avais passé beaucoup d’heures de musique. Ah, ce beau groupe sur lequel John McLaughlin régnait, tout habillé de blanc et qui jouait un drôle de rock mâtiné de jazz, urgent, virtuose, cérébral, voire mystique. On lui reprochait de jouer trop vite, de manquer d'âme, de vouloir gagner chaque année la course des 24 Heures du Manche (en particulier dans un magazine spécialisé aujourd'hui dirigé par le comique de service d'une émission de télé-crochet où défilent des créatures très souvent pathétiques, preuve que la roue tourne impitoyablement pour tout le monde, y compris pour ceux qui tentaient de nous faire croire à l'époque qu'ils étaient des êtres révoltés et combatifs). Balivernes, balivernes, on ne critique pas le Mahavishnu par ici : ce groupe brûlait sur scène comme sur disque, on retenait son souffle en écoutant sa musique. Tiens, j’ai même un souvenir très précis : le samedi 6 octobre 1973 (allez savoir pourquoi j’ai retenu cette date, peut-être parce que le même jour, un héros du sport français, le jeune automobiliste François Cevert, venait de se tuer pendant les essais d’un grand prix de Formule 1 de Watkins Glen à l’âge de 29 ans), la télévision (qui comptait trois chaînes exclusivement de service public – certes un peu contrôlé façon Voix de la France – à cette époque, ne l’oublions pas en notre ère de prolifération hertzienne, en voie de mise au pas toutefois) diffusait comme chaque semaine, pendant l’après-midi, un concert de rock dans le cadre d’une émission dont j’ai oublié le nom (Pop 2, peut-être. Oui, c'est ça : même que le présentateur commençait toujours par : « Salut, c'est Pop 2 ! » et vous savez quoi ? Eh bien ce type, c'est l'oncle d'un chanteur qui, lui aussi est membre du jury de cette émission dont je parle un peu plus haut. Notre monde médiatique est bien plus que petit, il est rétréci. Qu'on me rende mes idoles et qu'on expulse ces imposteurs ! Besson, au boulot !). Ce jour-là, j’ai fait connaissance avec le Mahavishnu Orchestra : autour de John McLaughlin, armé d'une somptueuse guitare à double manche et tout de blanc vêtu, officiaient des musiciens dont je ne tardai pas à apprendre qu’ils étaient de grands messieurs de la musique et qui avaient pour nom, je le rappelle au risque de me répéter parce que tel est mon plaisir, Jan Hammer, Billy Cobham, Rick Laird et Jerry Goodman : jazz électrique, musique complexe, d’une intensité stupéfiante. Je découvrais un nouvel univers, moi qui venait de gravir la paisible montagne du Grateful Dead (grâce au concours très particulier de mon gentil Arbre à Disques) et qui m’initiais depuis quelques mois à ce mouvement qu’on appelle le rock progressif (Pink Floyd, Yes, King Crimson, Genesis) ou la musique dite de l’École de Canterbury (Soft Machine, Matching Mole, Caravan, Hatfield & The North, ...). Une heure de concert à tomber de joie, suivie d’une virée en ville, à grands pas comme d'habitude, pour dénicher l’album chez mon disquaire favori. Patatras ! Rien dans les bacs ! Birds of Fire ? Connais pas mon bon monsieur… Impatience et rage, il me le fallait, en plus, pour une fois, j'avais mis de côté assez de sous pour me payer un disque (eh oui, les jeunes : je parle d'un temps où l'on achetait les disques, étonnant, non ?)… ce qui fut fait quelques jours plus tard (le 19, restons précis, je ne me rappelle plus l'heure exacte, vous m'en voyez désolé), à mon grand soulagement… Il est vrai qu’à cette époque, dans une petite ville de la Meuse, si jolie soit-elle et traversée par le fleuve, il fallait beaucoup plus qu’un clic (légal bien sûr) pour se procurer certains trésors… On attendait, parce qu’on ne pouvait pas faire autrement, on questionnait son commerçant, on lui montrait un article paru dans Best ou Rock’n’Folk, parfois notre vendeuse favorite notait la référence sur son cahier et nous promettait d’en parler au représentant lors de sa prochaine visite. Aujourd’hui… clic, clic et clic… et deux jours plus tard, l’objet est glissé dans votre boîte aux lettres (enfin, ça dépend du facteur tout de même : y a les méthodiques qui passent le carton sans dégât, d'autres qui massacrent un peu l'emballage en prenant un air dégagé, d'autres enfin qui renoncent et vous laissent un petit mot vous expliquant qu'ils reviendront demain, toujours en votre absence puisqu'à la même heure. Charge à vous d'aller, le lendemain, récupérer votre bien au bureau de Poste le plus proche. Conclusion : le disque est resté plus longtemps dans les entrepôts de La Poste qu'il n'a mis de temps à voyager, nous vivons une époque moderne). Tant qu’il y aura des objets, bien sûr…

    Nostalgique, moi ? Tu parles… Bon, j’en étais où… Ah oui, ma rencontre avec John McLaughlin, ces petites choses que j’avais envie de lui dire, ma seule façon de le remercier, de lui expliquer combien sa musique avait pu m’aider et continuait d’être présente dans mon quotidien. « Je voulais vous dire que Mahavishnu, c’est un groupe que j’ai écouté pendant tout le reste de mon adolescence, j’ai même révisé mon baccalauréat en écoutant Visions of the Emerald Beyond en 1975, ce disque avec Jean-Luc Ponty au violon qui engage des duels somptueux avec vous avant que les chœurs ne chantent « Let me fulfill life ! ». Je voulais vous dire merci, tout simplement, pour tout ce que vous avez fait ». Tout sourire, d’une simplicité désarmante et dans un français impeccable (on n'est pas marié à une pianiste hexagonale pour rien), John McLaughlin eut alors cette réplique que je n’ai pas oublié : « Mais vous avez toujours l’air d’un adolescent ! ». Venant de lui, svelte et d'allure juvénile, j’ai cru deviner qu’il s’agissait d’une gentillesse, j’avais 34 ans à l’époque (c'est bizarre de me dire ça, encore un peu et j'aurais eu l'âge d'être mon propre fils... C'est idiot ce que je dis ? Oui ? Tant pis), alors j’ai savouré mon plaisir et quelques heures plus tard, pendant le concert de son trio, je n’ai pas pu éviter de repenser à ces quelques mots, avec beaucoup d'émotion. Une légende vivante m’avait adressé la parole sans être entouré de dix gardes du corps, il n’avait même pas paru incommodé par mon intrusion…

    Dès le lendemain, gagné par la même urgence qu’en ce soir du 6 octobre 1973 où je m’étais mis en quête de Birds of Fire, je filai chez mon disquaire pour me procurer Qué Alegria, deuxième disque que le trio venait d’enregistrer. Sans imaginer forcément que de longues années plus tard, je l’aurais toujours en mains, avec le même plaisir et que je penserais à ces instants comme s’ils s’étaient déroulés quelques jours plus tôt.

    Le temps ne compte pas, de toutes façons, et les souvenirs sont souvent nos meilleurs amis.

  • Simplicité

    Cette semaine, j'ai passé mal de temps à parler avec des musiciens : soit au téléphone, mercredi soir et hier matin avec le saxophoniste Pierrick Pédron, pour les besoins d'une chronique (celle de son nouveau disque, Omry ; faites-moi penser à vous en parler plus longuement demain, car je pense pouvoir vous donner envie de l'écouter), soit de vive voix hier après-midi dans le cadre de l'interview de Franck Agulhon, batteur implanté depuis près de vingt ans à quelques kilomètres de Nancy. Voilà deux artistes de premier plan, très en vue sur la scène jazz européenne, qui sont d'une simplicité désarmante et qui acceptent de consacrer un peu de leur temps à parler de leur musique. Ils ne le font pas parce qu'il s'agit pour eux d'entrer dans une logique de promotion commerciale, non... ils échangent, vibrent et sont de formidables émetteurs. Quant au travail qui est le mien, c'est celui d'un récepteur, qui devra à son tour, modestement, retransmettre - c'est donc là mon propre rôle d'émetteur - le plus fidèlement à ses lecteurs cet émerveillement permanent que suscite la musique.

  • Nébuleux

     

    pluie_lorraine.jpg
    La Lorraine est, à n'en pas douter, une région particulièrement attractive... pour les nuages ! Elle présente à leurs gouttes en suspension tant de charme secret qu'ils décident souvent de s'y installer pour de longs séjours. De très longs séjours. Leur tranquillité étant assurée - car aucune autre région ne semble vouloir s'attacher durablement leurs services, sauf pour quelques extras (voir plus bas) - ils paissent tranquillement, tout là-haut, se dorant la pilule au soleil dont ils nous préservent. Mon jardin s'en réjouit, lui dont la terrasse virtuelle (elle existe, je la vois, mais mes pieds en foulent très rarement le mélèze au point que je finis par douter de son existence...) brille de ses mille feux pluvieux. De quoi me rendre impatient de rallier prochainement les Calanques de Cassis, histoire de vérifier que ce petit paradis n'est pas toujours inondé de soleil, mais peut lui aussi subir quelques sévères précipitations. Car je choisis en règle générale LA semaine pluvieuse lorsque je m'y rends en vacances. On ne se refait pas...

     

  • Sémantique

    Il faut parfois se méfier des mots qu'on emploie. Hier soir, j'écoutais à la radio un flash d'informations et j'entendais un journaliste évoquer une, je le cite, «expédition punitive» pour qualifier les actes d'une violence inouïe commis dans un établissement scolaire de la région parisienne par quelques individus tout aussi lâches qu'encagoulés (ce qui revient souvent au même, d'ailleurs...) entrés par effraction. Ah bon ? Il s'agissait donc d'une expédition punitive ? Mais alors, s'il y avait punition, dois-je comprendre qu'il y avait faute quelque part ? Les victimes auraient-elles reçu les coups (dont certains au moyen de marteaux, si je ne me trompe pas) qu'elles méritaient ? Je devine dans cette erreur comme un début de fascination sombre et inavouée, qui ne dit pas son nom - un emballement post-poétique - pour ces actes criminels, dont l'idéologie est directement importée de celle des gangs américains. Ces invasions barbares sont des crimes, commis par des assassins en puissance, qui méritent les sanctions les plus sévères. Manque de chance, on a inventé la cagoule (dont l'histoire est sombre, elle aussi...).

  • Unité

    Paris, dans une sorte de self service sans âme du hall de la Gare de l'Est. Arrivé un peu en avance, je bois une bouteille d'eau minérale en attendant mon TGV. Je suis assis sur une chaise haute parmi quelques bipèdes qui, comme moi, tentent de tuer leur temps sans en avoir l'air. Après m'être échiné en vain à me raccorder à un réseau wi-fi public, j'observe du coin de l'œil un type qui vient nous demander de lui prêter un téléphone portable, le temps de passer un rapide coup de fil. Les candidats sont peu nombreux et après une courte hésitation, ma voisine de comptoir lui tend timidement son appareil. Elle saisit elle-même le numéro que le type lui dicte, puis lui confie le précieux objet. On devine toutefois à son regard interrogatif qu'elle n'est pas certaine des intentions du bonhomme. Quelques secondes plus tard, celui-ci lui rend naturellement le téléphone et commence à psalmodier une comptabilité geignarde de toutes les demandes sans succès qu'il a dû effectuer avant que quelqu'un accepte de lui rendre service. Il se plaint du manque de solidarité de ses contemporains et nous explique ensuite, preuves en main, qu'il ne réussit plus à faire fonctionner une carte téléphonique malgré 50 unités restantes. Une carte payée 14 € désormais inutilisable. Pourquoi est-il si bavard ? Je lui explique que, très probablement, il a dû la mettre en contact avec un objet qui l'aura démagnétisée. Bref, un début de conversation s'engage, mais qu'il est étrange ce sentiment de malaise qui nous gagne tous à l'idée de l'avoir unanimement soupçonné de nous jouer une vilaine entourloupe.

  • Bulles

    bulles_de_savon.jpg
    J'aime bien les petits jeux du hasard. Je ne déteste rien tant que l'idée selon laquelle toutes nos vies seraient organisées en un grand dessein sous la baguette autoritaire d'une force supérieure à laquelle nous ne saurions échapper. Je préfère imaginer que les êtres humains sont un peu comme des bulles de savon - ne me demandez pas qui a soufflé - dont le voyage sera guidé par des vents incontrôlables. Toutes les bulles n'ont pas la même épaisseur ni le même volume, mais elles sont bulles, elles peuvent s'entrechoquer ou ne jamais se toucher, parfois elles éclatent, certaines beaucoup plus précocement que d'autres. Leurs voyages les mènent à des destinations imprévisibles. Que serait donc notre vie si, par malheur, la fin était écrite ? L'incertitude et l'inconnu ne sont-ils pas les seuls garants de notre esprit d'initiative ? Oh, et puis zut, je sens que je me laisse gagner par ces grandes questions qui nous hantent : où vais-je ? où cours-je ? Et comme dirait Woody Allen : à quelle heure on mange ?

     

  • Rayé

     

    palais_royal.jpg
    Paris, au mois de février, du côté des jardins du Palais Royal et des colonnes de Buren. Il y a du chantier dans l'air et pour adoucir le paysage aux yeux des badauds, un «emballage» temporaire nous rappelle les rayures noires et blanches et laisse observer l'avancée des travaux à travers des filtres colorés : bleu, vert, jaune, orange et rouge. Pendant que je contemple ce spectacle un peu irréel, un enfant demande à son père : «C'est quoi, ça, papa ?» et s'entend répondre : «C'est rien, c'est nul, c'est moche». Dommage, il y avait pourtant de quoi passer un moment un peu ludique avec le gamin et lui raconter une histoire en couleurs. La grisaille est dans certaines têtes, aussi...

     

  • Enchanté

    hugh_coltman.2.jpg

    Pagney-derrière-Barine, vous connaissez ? Non ? Il ne saurait être question de vous en vouloir parce que ce tout petit village, niché au pied des vignobles du Toulois, est quasiment introuvable. Même votre GPS devra s'y reprendre à plusieurs reprises pour vous en indiquer le chemin. Et pourtant... voici quarante ans que cet improbable endroit abrite un temple du blues et du rock vers lequel converge un public de passionnés, fumeur et buveur de bière bien souvent : Chez Paulette ! Là, je vous sens frétiller parce que, peut-être, ce nom vous dit quelque chose. Non, toujours pas ? Pas grave, mais vous auriez tort de méconnaître une salle (dont on devine qu'elle fut une grange il y a bien longtemps) qui est capable de programmer un type comme Hugh Coltman, dont j'avais évoqué le dernier disque, Stories From The Safe House, ici-même. Son rock teinté de blues, de folk et de jazz, sur lequel cet anglais francophile et francophone pose une voix dont le registre file souvent vers d'insoupçonnables hauteurs, s'accommode parfaitement de l'âme des lieux, malheureusement un peu vides hier soir. Quelques dizaines de spectateurs seulement avaient répondu présents à l'appel et l'on sut immédiatement que les absents avaient tort. Passant en revue son disque et l'entrecoupant de quelques reprises, dont "In the Summertime" de Mungo Jerry et un ravageur "Jealous Guy" où étaient convoquées les mânes d'Otis Redding, Hugh Coltman n'a pas déçu, tant s'en faut. Mieux encore : il a su nous offrir un véritable petit moment de grâce quand, alors que le second set allait commencer, notre homme décida de s'installer au beau milieu du public pour interpréter une émouvante version acoustique de l'une de ses compositions, "Sixteen". Cette chanson évoque les idéaux en noir et blanc de l'adolescence, avant que ceux-ci ne se fracassent sur la réalité plus grise de la vie d'adulte. Par chance, j'ai pu capter ces belles minutes pendant que Madame Maître Chronique officiait au Lumix. Ce sera mon petit cadeau du jour, j'espère qu'il vous plaira. Et merci à toi, Hugh, pour la chaleur de ta musique. Elle fait beaucoup de bien.
    podcast
    Hugh Coltman : "Sixteen", une version acoustique live captée Chez Paulette, le samedi 7 mars 2009

  • Entrée

    Mes deux précédentes notes (Durable suivi d'Éphémère) étaient consacrées à des sujets futiles, dont le thème commun est la crise économique qui s'abat sur nous tous. Il est temps de revenir à l'essentiel et d'aborder un sujet dont la gravité n'échappera à aucun d'entre vous. La nécessité de l'évoquer est née de l'observation de quelques uns de mes collègues aux prises avec la saisie d'un texte sur leur ordinateur et plus particulièrement de l'étude scientifique d'un massacre méticuleusement programmé, celui de la touche Entrée, située sur la droite de tout clavier digne de ce nom. Avez-vous constaté en effet, concernant cette dernière, à quel point elle est méthodiquement martyrisée par les utilisateurs de l'outil informatique ? Cette violence à peine retenue serait-elle un reliquat de l'époque révolue des machines à écrire ? Si si, rappelez-vous : parvenu à la fin d'une ligne, il fallait énergiquement enclencher un petit bras articulé pour provoquer le mythique «retour chariot». Parfois même, la machine retentissait d'un «ding» guilleret avertissant votre entourage de l'avancée de votre travail. Mais aujourd'hui, là où un effleurement suffirait amplement à assouvir le besoin d'un changement de paragraphe, ces forcenés de la frappe ne peuvent s'empêcher d'asséner un coup violent à ce pauvre petit carré de plastique qui n'en demande pas tant. Conséquence (je tiens cette observation d'une longue pratique de l'entretien d'un parc informatique) : la touche Entrée est bien trop souvent branlante, voire absente et le collègue coupable, dans ce cas, m'explique avec la plus grande sincérité qu'il ne comprend pas pourquoi elle s'est volatilisée et que le matériel est vraiment de piètre qualité, ce qui est normal puisqu'il est fabriqué en Chine. Il fallait que j'évoque cette question grave. Mais c'est promis, j'essaierai de ne pas vous choquer trop souvent...

  • Éphémère

    C'est en quelque sorte le contrepoint sombre à la note écrite hier... Je soulignais quelques unes des rares conséquences positives nées d'une nécessaire gestion de la crise par nos compatriotes se trouvant dans la nécessité de dépenser mieux et moins. Malheureusement, cette crise semble être le prétexte à d'autres décisions beaucoup moins élégantes, quant à elles. Ce soir par exemple, en procédant à la mise à jour du calendrier des concerts de Magma sur le site de Seventh Records, j'ai dû retirer de la liste prévisionnelle celui qui devait être donné à Colmar le 28 avril. Parce qu'il semble que la municipalité ait supprimé les subventions aux associations culturelles de la ville, dont celle qui était impliquée dans l'organisation du concert de Magma, et ce malgré des engagements pris antérieurement. Une bonne manière de faire, enfin, la chasse aux «saltimbanques» en se cachant derrière le masque hypocrite des restrictions budgétaires ?

  • Durable

    La crise économique aurait-elle des effets bénéfiques ? Certainement pas pour tous ceux qu'elle jette dans le fossé des restructurations et des licenciements et qui viennent s'ajouter à l'interminable cohorte des chômeurs sacrifiés sur l'autel des dividendes. Ceux-là souffrent assez pour manquer du temps nécessaire à une réflexion sur les effets secondaires du tsunami financier. Néanmoins, il est curieux de constater à quel point les discussions ou débats qu'on peut entendre un peu partout ont pour thème une certaine manière de repenser nos pratiques de consommateurs. Parce que les produits de première nécessité sont souvent devenus hors de prix, on réfléchit à une alimentation plus raisonnée, voire plus saine, qui nous éloigne des nourritures industrielles trop grasses, trop sucrées, trop salées et par conséquent néfastes au plan sanitaire. La cuisine familiale redevient pour certains la source de substantielles économies mais aussi d'un mode de vie plus communicatif et écologiquement plus sage. Ailleurs, on évoque l'idée du co-camionnage, pour diminuer le coût du transport des marchandises mais aussi dans le but de limiter la pollution et la consommation de carburant. On entend aussi que bon nombre de nos compatriotes attendent le développement de nouvelles technologies, plus propres, pour changer leur automobile (dont la crise se révèle plus profonde qu'on ne veut bien nous le dire et semble devoir être dissociée des récents événements). L'économie durable pointe le bout de son nez dans les comportements de chacun d'entre nous. Lors d'un autre débat, dont le thème était celui du changement radical du modèle économique planétaire, j'ai aussi retenu ce propos d'un participant qui suggérait de réapprendre les «plaisirs durables», ceux de l'immatériel comme peut l'être la culture par exemple. Le chemin sera très long, mais il n'est pas désagréable de noter ces nouvelles prises de conscience.

  • Paralysie

    A chaque fois, c'est pareil... Voilà près de trente-cinq ans que ça dure et je ne parviens toujours pas à m'expliquer le phénomène dont je suis victime. Comme pas mal d'autres, d'ailleurs, si j'en crois quelques témoignages entendus ici ou là. Je reste toujours comme tétanisé - étrange paralysie physique et mentale - durant les jours qui suivent un concert de Magma. Pas moyen ni envie d'écouter quoi que ce soit d'autre (Coltrane peut-être, tout de même). Celui que nous avons vécu la semaine dernière à Nancy n'était peut-être pas le meilleur de tous ceux auxquels j'ai eu la chance d'assister depuis le premier -  c'était le 18 juin 1976, avec au violon un gamin de vingt ans appelé Didier Lockwood -  mais il véhiculait comme à chaque fois une telle dose d'énergie vitale, cette énergie que nous recevons de la musique et qu'en retour, nous brûlons nous-mêmes pour mieux intensifier l'échange avec les musiciens, que j'en suis ressorti comme vidé après un effort physique intense. Il faudra bien qu'un jour je parvienne à comprendre où Christian Vander puise cette force qu'il sait si bien faire rejaillir sur nous. Ce n'est pas faute d'avoir lu toutes les interviews qu'il a pu donner depuis quarante ans, mais le mystère demeure entier. Au point qu'on en vient à se dire que le temps passe, inexorablement, que les années s'ajoutent les unes aux autres et qu'il nous faut vivre chaque concert avec la plus grande intensité de peur qu'il soit le dernier... Dans les loges après ces instants hors du commun, Stella et moi avons résumé cette question en deux mots : «Carpe Diem».

  • Augmentation

    hotel_de_locean.jpg

    C'est la crise ! Malgré les injonctions de notre petit monarque neuilléen nous suggérant de travailler plus pour gagner plus - sans nous dire toutefois ce qu'il s'agit de gagner - les effets de la crise financière de l'automne dernier se font sentir jusque dans les recoins les plus insoupçonnés de la vie des français. On le voit ici par exemple : l'offre commerciale proposée par cet hôtel breton est alléchante. Oui, sauf que les gérants de cette maison se sont vus dans l'obligation de prendre une subtile décision... Rallonger de trois jours le mois de février pour compenser la perte occasionnée par une promotion qu'ils n'ont peut-être plus les moyens de prendre à leur charge. Étonnant, non ?

    Merci à Madame Maître Chronique qui a débusqué cette perle au gré de son butinage sur la Toile.

  • Abstinence

    Lors d'un récent long week-end parisien - trois jours off - j'ai volontairement fermé les yeux et les oreilles à toute information diffusée par un poste de radio ou de télévision. Un nécessité absolue de désintoxication après tant de semaines où, comme tout citoyen consciencieux, je me suis quotidiennement infligé la potion très amère de la ligne éditoriale des différents médias, qui confine à l'acharnement, voire la psalmodie, de toutes les brutalités de la planète Terre déposées à nos pieds. Je n'ignore rien de l'extrême brutalité de notre monde et j'ai la faiblesse de croire que je ne me comporte pas comme une autruche plongeant la tête dans le sable, mais il est des jours où, à force de violence répétée, il faut - tel un ordinateur dont on libère un peu de mémoire vive en quittant une application - apprendre à se préserver des agressions extérieures en se détachant de son environnement.

  • Félicité

    cv_nancy.jpg

    Crédit photo © Jacky Joannès
     

    Une foule tranquille s’est retrouvée hier soir dans le béton rouge vif de l’Autre Canal à Nancy. Après avoir fêté «quarante ans d’évolution» deux semaines plus tôt au Casino de Paris, Magma passait par la Lorraine… Grand bien lui en a pris, car si le confort de la salle est… spartiate (quelques places assises seulement sur des gradins amovibles), l’acoustique est impeccable, ce qui reste un incomparable bénéfice pour les oreilles de tous (les conditions sonores dans la vieille salle de la rue de Clichy, deux semaines plus tôt, étaient beaucoup moins favorables, doit-on le préciser).

    Une première heure durant, l’Infernal Machina de Jannick Top est venue déferler et délivrer ses climats oppressants, sombres, à la limite de l’étouffement. Si le disque éponyme paru l’an passé était passionnant, il y a quelque chose qui continue de gêner dans la version live du groupe, comme si la musique arrachait tout sur son passage, sans emporter vraiment, il faut le dire, l’adhésion. La volonté de froideur du propos semble créer une distance presque infranchissable et il faudra chercher à comprendre ce filtre un peu opaque qui s’installe entre la musique et son public.

    Magma, quant à lui, s’expose très naturellement à la lumière et offre pour commencer près de cinquante minutes de nouvelles compositions, dont un splendide « Félicité Thösz » qui souligne toutes les qualités de leader de Christian Vander : compositeur toujours inspiré, batteur à la précision surhumaine, chanteur incomparable, remarquablement soutenu par Stella qui, rarement, aura été autant mise en avant et dont la voix aérienne offre un parfait contrepoint à la force du groupe. Il y a quelque chose de rayonnant dans cette œuvre récente, un ensoleillement parfaitement souligné par un jeu de batterie qui privilégie la frappe des cymbales, dont on sait qu’elles ont toujours fasciné le créateur de Magma. Quant à sa conclusion chantée par Vander lui-même (un petit extrait est ici en écoute), elle est habitée, d’une double voix père-fils héritière des harmoniques de John Coltrane et leur alternance de chant grave et chant haut placé. Une dualité qui, probablement, est aussi l’identité du groupe depuis le premier jour.

    Magma interprète ensuite sa version intégrale de « Ëmehntëhtt-Ré » dont la plupart des thèmes sont connus de longue date de tous les kobaïens, avant un final – tous gongs dehors – en forme de marche funèbre jusqu’à une ultime vocalise de celui qui s’est offert sans compter.

    Il nous reste à nous envoler ensuite sur la planète « Kobaïa », cerise sur le gâteau, avec son chanteur originel, Klaus Blasquiz dont la puissance vocale reste étourdissante et, en salut intimiste, cette « Ballade » émouvante où Christian Vander, presque seul au chant, vient tutoyer l’étoile de son maître à jouer, John Coltrane.

    Il est minuit.


    podcast
    En écoute, « Öhst », extrait de « Félicité Thösz » lors du concert à l'Autre Canal (Nancy), le 28 février 2009.