Félicité
Une foule tranquille s’est retrouvée hier soir dans le béton rouge vif de l’Autre Canal à Nancy. Après avoir fêté «quarante ans d’évolution» deux semaines plus tôt au Casino de Paris, Magma passait par la Lorraine… Grand bien lui en a pris, car si le confort de la salle est… spartiate (quelques places assises seulement sur des gradins amovibles), l’acoustique est impeccable, ce qui reste un incomparable bénéfice pour les oreilles de tous (les conditions sonores dans la vieille salle de la rue de Clichy, deux semaines plus tôt, étaient beaucoup moins favorables, doit-on le préciser).
Une première heure durant, l’Infernal Machina de Jannick Top est venue déferler et délivrer ses climats oppressants, sombres, à la limite de l’étouffement. Si le disque éponyme paru l’an passé était passionnant, il y a quelque chose qui continue de gêner dans la version live du groupe, comme si la musique arrachait tout sur son passage, sans emporter vraiment, il faut le dire, l’adhésion. La volonté de froideur du propos semble créer une distance presque infranchissable et il faudra chercher à comprendre ce filtre un peu opaque qui s’installe entre la musique et son public.
Magma, quant à lui, s’expose très naturellement à la lumière et offre pour commencer près de cinquante minutes de nouvelles compositions, dont un splendide « Félicité Thösz » qui souligne toutes les qualités de leader de Christian Vander : compositeur toujours inspiré, batteur à la précision surhumaine, chanteur incomparable, remarquablement soutenu par Stella qui, rarement, aura été autant mise en avant et dont la voix aérienne offre un parfait contrepoint à la force du groupe. Il y a quelque chose de rayonnant dans cette œuvre récente, un ensoleillement parfaitement souligné par un jeu de batterie qui privilégie la frappe des cymbales, dont on sait qu’elles ont toujours fasciné le créateur de Magma. Quant à sa conclusion chantée par Vander lui-même (un petit extrait est ici en écoute), elle est habitée, d’une double voix père-fils héritière des harmoniques de John Coltrane et leur alternance de chant grave et chant haut placé. Une dualité qui, probablement, est aussi l’identité du groupe depuis le premier jour.
Magma interprète ensuite sa version intégrale de « Ëmehntëhtt-Ré » dont la plupart des thèmes sont connus de longue date de tous les kobaïens, avant un final – tous gongs dehors – en forme de marche funèbre jusqu’à une ultime vocalise de celui qui s’est offert sans compter.
Il nous reste à nous envoler ensuite sur la planète « Kobaïa », cerise sur le gâteau, avec son chanteur originel, Klaus Blasquiz dont la puissance vocale reste étourdissante et, en salut intimiste, cette « Ballade » émouvante où Christian Vander, presque seul au chant, vient tutoyer l’étoile de son maître à jouer, John Coltrane.
Il est minuit.
Commentaires
Ces musiciens nous font oublier les soucis du quotidien. On devrait en faire une cure. Bon dimanche.
Merci pour cet extrait, j'adore vraiment super, j'attends le 10 Mars avec impatience
La dualité dont tu parles, grave aigu, on la trouve dans "Dondaï" de l'album Attack
MC : j'ai toujours autant de mal avec Christian Vander, mais ce n'est pas nouveau (ça fait pas loin de 30 ans). Cela me stresse...Mais, à chacun ses passions. Et vive Clint Eatswood, ce qui n'a strictement rien à voir, sauf que on fils Kyle est mucisien et a composé la musique de son film "Gran Torino" (entre autres) !
@Lucie : absolument, tu as raison d'évoquer "Dondaï" sur l'album Attahk. Et pour aller plus loin, je voulais dire aussi que toute la démarche artistique de Christian Vander est duale. Mais ce serait trop long de commencer l'analyse du sujet ici.
@Zia Forêt : allez allez, ne te rajeunis pas... ça fait beaucoup plus de trente ans, souviens-toi... en 1975 déjà... Quant au stress, il est à mon avis parfaitement explicable (tu es loin d'être la seule dans ce cas) et là encore, pour l'explication, il n'y a pas assez de place dans les commentaires, mais j'y reviendrai probablement un jour ici-même... Plus tard !
Toutes choses égales par ailleurs je suis surprise de la qualité sonore de ce morceau: tu l'as enregistré en «direct live»??
@Sister : absolument ! Et depuis un objet un peu magique qui pèse... 49 grammes !
Je suis également surprise de la qualité du son.... heureusement surprise. Tu nous fais bien partager tes passions. Merci Maître... Bon week end.....
@ Elisabeth : bon week-end à toi aussi et merci pour tes visites régulières. Quant au son, il est le double produit d'une salle à la très bonne acoustique et d'un magnétophone à haute performance.
J'en reviens, et j'en suis pas encore revenue... Le théâtre Sebastopol de Lille offre une très belle accoustique, quand en plus on a la chance de choper une place juste devant... Enfin émotionnellement c'était très fort, à la limite du supportable pour moi, mais je me suis contentée de mouiller quelques kleenex... pas encore osé regarder mes 40 minutes de video ;)
Bises au presque-grand-père!
@jpadps : prévenu par ma fille, je savais déjà que ce concert t'avait plu. Et en plus, tu as pu avoir en ultime rappel cette "Ballade" où Christian Vander est particulièrement émouvant au chant (son clin d'oeil explicite à Coltrane est magnifique).
A bientôt, sur ce blog ou un autre.
Il groove grave notre père Vander! Vivement qu'ils nous les gravent ces nouveaux Zeuhl-Rythm'nBlues-Gospel-Fun-Funky-Space-Choirs!!! Mais le meilleur reste à venir (Foix le 28 mars : Mémorable!!!)... Et, graver, c'est grave... et toutes ces sortes de choses... Long live "Tamla-Zeuhl"!!!
@Zwenskaïa : oui, très bien vue cette perception du "groove". On a tendance à l'oublier un peu trop souvent au sujet de Christian Vander. D'ailleurs, si j'ai choisi cet extrait, c'est justement parce que le lendemain du concert, c'est ce passage de Félicité Thösz qui me revenait spontanément à l'esprit. Quel chant !