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Musiques buissonnières - Page 32

  • Magmanoeuvre

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    Au moins cette fois, Christian Vander ne pourra-t-il pas se plaindre de la manière dont les médias ont rendu compte du quarantième anniversaire de Magma. Le groupe aura fait la une de plusieurs magazines renommés (Jazz Magazine, Rock'n'Folk notamment), une kyrielle d'articles, dont une pleine page dans Le Monde, lui auront été consacrés dans la presse tant nationale que régionale. Même BFM TV s'y est collée qui lui a accordé quelques minutes d'antenne, c'est tout dire. J'en passe et des meilleures... Quant aux concerts du groupe, ils se multiplient comme les petits pains, avec une tournée au Japon et plusieurs scènes hexagonales prestigieuses : le Casino de Paris, l'Alhambra, les Francofolies de la Rochelle et le Festival de Jazz de Nice, dont Vander himself est cette année le parrain. Encore un effort et Magma va devenir un groupe à la mode. Et, comme diraient nos amis anglais, icing cherry on the cake, voilà que Philippe Manœuvre, rédacteur en chef de Rock'n'Folk, ci-devant juré de la Nouvelle Star, se met à arborer à l'antenne le T-Shirt de Magma, tout rouge avec la griffe ! On aura tout vu ! Pour avoir été un lecteur très assidu de ce journal dans les années soixante-dix alors qu'il n'en était à l'époque qu'une des plumes, je n'ai d'ailleurs pas le souvenir du moindre article commis par ses soins qui aurait été consacré à traduire sa passion pour le groupe... mais ma mémoire me trahit, probablement. Finalement, pour être certain de ne pas être victime d'un mirage, j'ai même été jusqu'à photographier mon écran. Si on m'avait dit ça un jour...

     

     

  • Inoxydable

    physical_graffiti.jpgDans un tout récent film, l'impayable Jean-Pierre Darroussin interprète le rôle d'un cuisinier poète à ses heures - au grand dam de son patron qui ne cesse de se lamenter sur la longueur du nom des plats du jour, plaignant ses clients qui disposent de peu de temps et n'auront plus le temps de manger une fois qu'ils auront réussi à finir de lire la carte - grand fan de Led Zeppelin. Si j'ai tendance à oublier assez vite les films que je vais voir, je pense que je garderai longtemps en mémoire cette scène où, découvrant l'appartement des parents de sa (très) jeune petite amie, notre héros met la main sur ce chef d'œuvre de la bande à Jimmy Page qu'est l'album Physical Graffiti, avec sa somptueuse pochette aux fenêtres découpées dans le cartonnage ! Et le voilà qui se remémore goulûment quelques uns des titres légendaires du disque : « Kashmir », « Houses ot the Holy », « In my time of dying »... J'avais acheté ce disque, un double trente-trois tours, au moment de sa sortie, en 1975, et vous ne serez peut-être pas étonnés d'apprendre que j'ai agrémenté mes trajets pédestres d'hier au son de cette musique qui a très bien résisté aux assauts du temps. 

  • Séduisant

    seldom_seen_kid.jpgJe dois bien avouer que je n'ai pas suivi de très près l'actualité de la scène rock britannique depuis une vingtaine d'années... J'avais d'autres musiques à fouetter et ce que j'entendais de loin ne me donnait pas l'envie d'en savoir plus. On a toujours tort, cependant, de se couper complètement de cette sphère créative qui, en d'autres temps, était la source de bien des bonheurs et continue de bouillonner. Il faut juste prendre le temps de la débusquer derrière tout le fatras des idoles éphémères et insipides qui font le quotidien de ce qu'on appelle la "Brit Pop". Ignorant en cette matière donc, ce n'est pas sans un vrai plaisir que j'ai découvert un groupe de Manchester, dont l'existence remonte à une bonne dizaine d'années et propose son quatrième album. Mené par un certain Guy Harvey, dont la voix rocailleuse n'est pas sans rappeler parfois celle de Peter Gabriel, Elbow - un coude qu'il ne déteste pas lever avec ses amis - publie en effet The Seldom Seen Kid, un disque aux accents souvent nostalgiques, dont les textes intelligents, fort bien écrits et la production, sobre et sans esbroufe, ont valu au groupe de recevoir tout récemment le Mercury Prize. Cette récompense semble même survenir à un moment où les musiciens - signalons que la formation est inchangée depuis sa création - semblaient désespérer de rencontrer un jour le chemin du succès. Parmi ses références, Guy Harvey cite volontiers Leonard Cohen et Joni Mitchell, qui partagent avec lui une certaine inclination à la mélancolie : on le suit volontiers dans ses choix !
    On peut écouter à titre d'illustration "An audience with the Pope", qui nous raconte l'histoire d'un adolescent qui semble pris entre deux feux, ceux de la chair et ceux des recommandations de l'Eglise.

  • Enigmatique

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    J'avais écrit voici quelques jours une petite note que je comptais publier aujourd'hui même. J'y évoquais le grand raout du G20 en expliquant que j'avais, moi aussi, mon propre sommet lorsque, séjournant à Paris du côté de la Rue du Bac et de la Rue de Grenelle avec Madame Maître Chronique, il m'arrivait de fréquenter une supérette du même nom (G20) pour y acheter quelques yaourts, histoire d'agrémenter le petit déjeuner pris dans la cuisine commune d'une charmante résidence où nous avons nos quartiers. Manque de chance, Alain Rémond a sévi entre temps dans le magazine Télérama et publié un billet qui part de la même idée. Si j'avais su, j'aurais publié illico ! Me voilà donc à court de texte... et sauvé in extremis par cette drôle de pancarte vue hier après-midi sur une façade, tout près du Parc Sainte-Marie à Nancy. Elle m'interroge sur l'orthographe étrange du mot troupe et me laisse perplexe lorsque je cherche à comprendre ce qui peut se cacher derrière tous ces plaisirs. Je ne sais pas s'il est vraiment raisonnable que ma petite-fille accepte que ses parents continuent de la promener dans un tel quartier...

  • Déjoué

    onj_wyatt.jpgBien déjoué en effet, monsieur Yvinec ! Parce qu'il fallait oser, pour votre première exploration à la tête de l'Orchestre National de Jazz, vous attaquer à cette légende vivante qu'est Robert Wyatt. On ne reviendra pas ici sur l'histoire de ce musicien, batteur et chanteur du groupe Soft Machine, cloué sur un fauteuil roulant après une chute dramatique, qui s'est créé un univers totalement singulier et magique dominé par un disque éternel et sans équivalent, Rock Bottom, paru en 1974. Around Robert Wyatt, tel est le nom de ce disque de l'ONJ qui sortira prochainement chez Bee Jazz, ne tombe jamais dans les travers d'un hommage trop confit dans la dévotion et propose, sous la forme de chansons, des reprises souvent transfigurées, mais jamais trahies, du répertoire de Robert Wyatt. Le minimalisme de la source est ici revisité et souligné par des arrangements discrets et subtils signés Vincent Artaud et l'on savoure le chant d'invités tels que Rokia Traoré, Yael Naïm, Arno, Daniel Darc, Camille ou Irène Jacob. Daniel Yvinec a relevé avec humilité et élégance un très beau défi.


    En écoute, un extrait de « Alliance », chanté par Camille.

  • Gynécide

    On me pardonnera, je l'espère, une transition un peu brutale avec la tonalité de mes deux précédentes notes. Mais comment ne pas avoir envie de vomir ? Nul besoin d'être un fin linguiste pour deviner le sens du mot qui donne le titre à cette note et qui, s'il est assez rarement employé par nos contemporains, a au moins le mérite de la clarté. Car quel autre terme utiliser pour caractériser cette « loi de la famille » promulguée par le président afghan qui interdit aux femmes de sortir de leur habitation sans l'autorisation de leur mari et de leur refuser des relations sexuelles ? Certaines associations évoquent l'idée d'une légalisation du viol et disent clairement les choses telles qu'elles sont. Cette loi infâme démontre aussi l'inanité de tous les fanatismes religieux, quels qu'ils soient, et nous explique, s'il en était besoin, quelle partie de l'anatomie démange ceux qui en sont les acteurs. Je sais que ces quelques lignes ne changeront rien à ce crime organisé qui rabaisse la femme au niveau d'un animal domestique maltraité par son maître et vise à la faire psychiquement disparaître, mais il est bien difficile de se taire.

  • Fientes

    fientes.jpg

    Avis de recherche ! La première personne qui m'aidera à mettre la main sur l'espèce de crétin d'oiseau qui, méthodiquement, sournoisement, lâchement, profite de notre absence pour se vider les tripes sur le mélèze de notre terrasse, se verra offrir un café (nous pousserons le luxe jusqu'à ajouter un petit gâteau pas très bon, un spéculoos ou quelque chose de ce genre, comme ceux qu'on vous refourgue dans les bars où l'on n'a même pas l'élégance de disposer un petit carré de chocolat près de votre soucoupe) au soleil de la dite terrasse (qui, entre temps et avant une nouvelle offensive de la bestiole, aura été dûment nettoyée, rude tâche au vu de la couleur et de la consistance des déjections). Pourtant, cet abruti de volatile a le choix des branches aux environs, notre aire de repos urbaine étant parfaitement, presque scientifiquement, encadrée d'une végétation qui devrait suffire à son bonheur intestinal et lui servir de nichoir à évacuation : une rangée de charmilles, un érable, un arbre de Judée, un acacia, un savonnier, un Mahonia, etc. Un peu plus loin, dans les jardins voisins, toute une végétation luxuriante l'attend feuilles grandes ouvertes. Non, le foireux animal s'est entiché de la seule branche, celle d'un cerisier fleur, qui surplombe notre discrète esplanade et semble s'amuser à la décorer perfidement. Retenez-moi ou je vais faire un malheur...

  • Karting

    mario_kart.jpgJ'ai subi hier une épreuve assez terrible : un aller-retour en voiture sur l'A31, soit 160 kilomètres, entre Nancy et Thionville, tout près de la frontière d'un paradis fiscal (c'est très vilain les paradis fiscaux, ils viennent de le dire à la radio, alors c'est vrai). Cet axe routier est infernal (il est le troisième au classement national de la saturation automobile, si j'en crois mes sources) et totalement pollué de camions dont les plaques minéralogiques m'en apprennent beaucoup sur des pays dont j'ignorais l'existence jusqu'à présent. Le grand jeu de leurs chauffeurs - on comprend volontiers qu'ils s'ennuient, à force - c'est de se doubler (sans tenir le moindre compte de la présence d'autres véhicules autour d'eux, notons le) en faisant la course : un camion déboîte pour commencer le dépassement (pendant que vous, pauvre crétin, n'avez plus qu'à freiner comme un damné si vous ne voulez pas terminer concassé comme une compression de César) du collègue qui le précède. Et là, le manège commence : le dépassé ne voulant pas l'être appuie à fond sur le champignon ; le dépasseur, c'est sa nature, veut absolument passer devant et s'accroche comme un malade pour devenir le premier. Et ça peut durer pendant des kilomètres. Pendant ce temps-là, ça bouchonne derrière (parce qu'en plus, ces gros bras au crâne rasé qui regardent la télé en conduisant ne sont même pas fichus de rouler au-delà de 90 km/h dès que l'un d'entre eux vient squatter la file de gauche). Et moi, je pense à Mario Kart : je m'imagine au volant d'un engin doté de tas de trucs bizarroïdes, comme ce projectile qui réduit mes objectifs à une taille lilliputienne, je vois les camionneurs tout riquiquis, incapables d'obstruer la voie. Et comme il est de bon ton présidentiel d'avoir la banane, je jette des peaux en veux-tu en voilà, histoire de mesurer ma capacité à dominer le monde.

  • Editions

    stimulochronique.jpgHistoire n° 1 : On ne peut pas vivre seulement bercé par la mélopée des mauvaises nouvelles telles que les récitants quotidiens nous les psalmodient matin midi et soir. Ce serait trop terrible. Car voilà enfin une vraie bonne nouvelle (pour moi au moins) sous la forme d'une réponse positive donnée à l'une de mes vieilles requêtes. Depuis quelques années en effet, je rassemble des textes sur le thème de ma drôle de santé et son assistance cardiaque électronique, je plonge dans le maquis de mes souvenirs thrombosés, je dédramatise mes défaillances physiques. Et voilà qu'un éditeur accepte mon manuscrit. Sympa, non ?

    Histoire n° 2 : Aujourd'hui, le Président de la République convoque un ami d'une radio périphérique à l'Elysée pour une interview où la pugnacité du journaliste met à rude épreuve la patience de l'élu suprême, à force de questions incisives et parfois impertinentes. Une édition spéciale en quelque sorte. Enfin !

    L'une de ces histoires est fausse. Saurez-vous deviner laquelle ?

  • Plagiat

    petit_diable.jpgJe n'écris jamais un texte, quel qu'il soit, sans une certaine appréhension. C'est idiot parce que j'ai identifié depuis longtemps la cause de cette inquiétude. Il me faut remonter à l'époque où j'étais en classe de troisième, au début des années 70, j'avais treize ou quatorze ans. Mon professeur de français était un type un peu particulier qui se pointait régulièrement en classe avec un taux d'alcoolémie légèrement supérieur aux normes en vigueur à ce moment-là. Lorsqu'il était à jeun, parfois, il lui arrivait de se comporter normalement et de tenter de nous faire travailler. Il y eut par exemple ce jour où nous eûmes à plancher sur une rédaction où il était question de raconter des souvenirs personnels d'une journée que nous aurions vécue à la campagne. Je me rappelle vaguement mon travail, j'avais été très appliqué, inventant complètement mon histoire, mais surtout soucieux de bien faire... sauf qu'à la remise des notes, ce fut la déconfiture totale : 5 sur 20 ! J'étais accusé d'avoir plagié la Comtesse de Ségur... J'ai tenté de me justifier, en vain, fourbissant quelques explications sincères, notamment celle par laquelle je tenais à préciser que - honte sur moi, m'sieur, je l'avoue ! - je n'avais jamais lu la moindre ligne de cette brave personne. Rien n'y fit. La gamelle ! Et l'humiliation lorsque le dit professeur commença à lire mon texte à voix haute en minaudant pour me ridiculiser. Mes camarades de classe, un peu gênés par le procédé, trouvaient mon histoire plutôt chouette et pas mal écrite, ce qui me fut d'un réconfort réel mais insuffisant, je l'avoue. Depuis, dès que je suis devant une page blanche (ou un écran d'ordinateur) avec un travail d'écriture à effectuer, je me retrouve durant quelques secondes dans ma salle de classe, face à ce type insupportable à l'haleine fétide qui cherche à me rabaisser devant les autres. Et, en bon petit diable que je suis resté, jamais je n'ai essayé de lire quoi que ce soit de cette Comtesse de Ségur.

  • Respiration

    en_campagne.jpgElle s'appelle Aurélie, il s'appelle Julien. Armés d'un micro qu'ils plantent énergiquement sous le nez de villageois d'abord médusés et plutôt mutiques, ils déboulent dans les recoins les plus enfouis de la campagne française dans le but de faire parler les gens. Des gens qu'ils aiment, à n'en pas douter. A force d'empathie, d'humour et de gentillesse, ils parviennent assez vite à briser la glace et à se faufiler dans leurs intérieurs, au sens propre comme au sens figuré. Ce qui nous vaut de vrais beaux moments de télévision, ici sur France 5. Dans une récente émission dont la cible était le petit village de Vassieux en Vercors (qui fut complètement décimé par la barbarie nazie), on pouvait se délecter de l'histoire de cet homme âgé de 84 ans, admiré par sa fille de... 18 ans et qui, après quelques hésitations devant la contemplation de photos jaunies, nous raconte comment sa nounou lui apprit « à devenir un homme » et s'amuse du mot déniaiser que son interlocutrice veut lui faire prononcer. Il y a aussi ce type un peu égaré, vivant sur ses maigres économies, le temps de devenir un musher et de réaliser enfin ses rêves. Ou ce tchécoslovaque - il tient à cette dénomination - qui retrouve dans le Vercors les paysages de son enfance. Et que dire de ces deux frères agriculteurs qui s'interrogent sur leur avenir et savent que le salaire de leurs femmes est, plus qu'un complément, une nécessité vitale ? En campagne, tel est le nom de cette série de dix émissions, mérite vraiment qu'on s'y attarde tant l'attention et l'écoute de ses instigateurs fait souffler un air vraiment rafraîchissant sur un paysage audiovisuel qui sent bien trop souvent le renfermé. On respire vraiment et ça fait du bien.

  • Euphorique

    marc_ducret.jpgVoilà un disque qui fait un bien fou ! Pendant que nos vieilles gloires rabâchent à n'en plus finir et pour un montant astronomique un répertoire usé jusqu'à la corde aux frais de la princesse (rendez-vous sur la note publiée hier pour en savoir plus), il est des artistes, certainement moins fortunés, qui empruntent des chemins de traverse - dont on ne sait pas forcément où ils vous emmèneront et c'est parfait ainsi ­- pour vous proposer une cure d'oxygénation totalement euphorisante. Le guitariste Marc Ducret est de ceux-là, dont Le Grand Ensemble réunit un orchestre de onze musiciens pour un album appelé Le Sens de la Marche. Une parfaite mise en place conjuguée à de nombreux espaces de liberté accordés aux solistes font de ce disque une impeccable réussite qui n'est pas sans évoquer par moments - mais je limiterai volontairement ici les références dans la mesure où Marc Ducret, musicien fouineur et expérimental, peut difficilement faire l'objet de parallèles - les échappées libertaires d'un groupe comme Henry Cow et de son guitariste Fred Frith, lui-même jamais à court d'une idée inouïe (au sens propre du terme). Cerise sur le gâteau, ce beau disque enregistré en public (« Parce que je suis trop malheureux en studio ») fin décembre 2007 au Delirium à Avignon est disponible pour une somme très raisonnable (15 € frais de port inclus) sur Internet, même si l'on aurait préféré le trouver dans les bacs de tous les disquaires.

    "Dans ce groupe, j'essaie de proposer une direction musicale tout en laissant chacun libre d'influer sur le son d'ensemble, de sorte que chaque musicien peut décider à tout moment du sens de la marche..."

    Pas de souci monsieur Ducret, dans cette histoire, nous marchons bien volontiers dans le même sens que vous !

    Marc Ducret : guitares, Bruno Chevillon : basse électrique, Eric Echampard : batterie, Antonin Rayon : piano, Fender Rhodes, clavinet, Paul Brousseau : claviers, samples, Tom Gareil : vibraphone, marimba, Matthieu Metzger : saxophones alto et soprano, Hugues Mayot : saxophones ténor et baryton, Yann Lecollaire : clarinettes, flûte, Pascal Gachet : trompette, bugle, trompette basse, Jean Lucas : trombone.

    En savoir plus sur Marc Ducret

    Commander Le Sens de la Marche


    En écoute : un court extrait de « Total Machine »

  • Fainéanti

    guignolsmet.jpgJ'apprends qu'un célèbre rocker opticien franco-belge sera la vedette du grand concert donné du côté de la Place de la Concorde dans le cadre des festivités du 14 juillet, intégralement financées sur le budget du Ministère de la Culture. Le montant du seul cachet de cette star en fin de course, qui s'élèvera ce soir-là - j'ai fait le calcul, pardonnez ma mesquinerie - à plus de dix années de mon salaire brut (sur lequel je paie des impôts... en France !), est par ailleurs très largement supérieur à ce que le chanteur lui-même réclame lorsqu'il n'est pas ainsi subventionné par ses amitiés présidentielles. Voilà qui finit par alléger considérablement le poids de la culpabilité que je développe depuis longtemps à l'idée d'être un salarié du secteur public. Parce que j'ai beau me persuader que je travaille correctement et que je ne vole pas l'argent que je gagne honnêtement, je ne peux pas faire comme si je n'entendais jamais ces voix brunes qui grondent sous l'effet d'une perverse stimulation politicienne et m'accusent d'être, ainsi que d'autres, un privilégié paresseux. Au point que j'ai même fini par inventer un mot : je serais selon ces braves gens bien dressés et de courte vue un « fainéanti ».

  • Mains

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    Faut-il vraiment ajouter un commentaire à cette photo qui montre la main de ma petite-fille Lucie posée sur la mienne ? Elle me semble symbolique à bien des égards : on y voit la protection de l'adulte, mais aussi la lumière qui pourrait être celle de la connaissance et de la transmission de nos propres vies. A nous grandes personnes de préserver l'âme des enfants et de leur laisser le temps de grandir en harmonie.
  • Giboulorage

    [zibuloraz] n. m. Phénomène climatique se caractérisant par une étrange accumulation de précipitations, dont la consistance est variable, celles-ci variant de la pluie glaçante à la neige à peine fondue en passant par la grêle, portées par des vents violents et accompagnées d'orage. Lorsqu'il survient en journée, le giboulorage plonge en outre les paysages dans une nuit noire, évoquant par ses jeux de lumière une éclipse totale du soleil. Parfaitement connu des lorrains qui maîtrisent la partition de tous les désagréments météorologiques, le giboulorage est ressenti chez eux comme la forme la plus aboutie des punitions post-hivernales : croyant à l'arrivée du printemps, ces habitants du nord est de la France s'aperçoivent qu'il n'en est rien mais s'aperçoivent qu'ils goûtent à l'avance aux plaisirs de la dégradation du temps telle qu'ils la vivront après les longues périodes - d'une demi-journée en moyenne - de temps chaud et ensoleillé en été.

  • Âme

    visite_fanfare.jpgLa médiocre actualité politique m'a fait repenser à ce très beau film israélien qui s'appelle La visite de la fanfare, sorti il y a deux ou trois ans, et qui nous racontait cette étonnante histoire d'une petite fanfare de la police égyptienne venue en Israël pour participer à l'inauguration d'un centre culturel arabe. Manque de chance pour cette troupe, les aléas des transports perdent les musiciens dans une sorte de no man's land désertique avant qu'ils ne finissent par rencontrer quelques autochtones, partager un peu de leur quotidien et par trouver enfin leur chemin. Mais la raison de mon inquiétude ne se niche pas dans l'histoire elle-même - aussi belle soit-elle - mais dans un échange entre deux des personnages. Je me rappelle en effet cette question qu'un homme de rencontre pose au chef de la fanfare : « Mais à quoi peut bien servir une fanfare de la police ? », à laquelle ce dernier répond (je cite de mémoire) : «  Poser cette question, c'est comme se demander à quoi sert l'âme humaine ». Peut-être faudrait-il suggérer à certains, qui mettent stupidement en balance culture et utilité avec un mépris ostentatoire pour la première, notamment lorsqu'ils brocardent la présence d'une épreuve de littérature dans un concours administratif, de méditer cette belle réponse tant elle est d'une sagesse infinie. Et loin, très loin, de toute cette vulgarité érigée en étendard.

  • Transformation

    essais.gifDisons-le haut et fort, ces Essais transformés par le travail de titan d'un éminent linguiste sont une lecture hautement recommandable - et particulièrement enrichissante. La traduction en français moderne de l'œuvre de Montaigne par le philologue André Lanly est en effet un bonheur de lecture presque inépuisable. Sans jamais trahir le texte originel - le plus souvent, ce sont des mots ou des expressions qui sont ici remplacés par leur équivalent contemporain avec une volonté d'explication jamais ennuyeuse -  cet universitaire qui exerça durant vingt ans à Nancy a réussi une adaptation qui nous rend parfaitement lisible cette somme d'un abord moins direct dans son texte originel et qui nous est proposée dans une version intégrale. On se surprend à empoigner ce gros pavé (1300 pages disponibles depuis peu dans la collection Quarto de Gallimard) pendant quelques minutes, on lit un texte, quatre ou cinq pages, et on revient, un peu plus tard. Un tel chef d'œuvre, proposé à moins de 30 €, voilà un placement sans risque à très haute valeur ajoutée, excellent remède anti crise.

    « Ce ne sont pas mes actes que je décris, c'est moi, c'est mon essence. J'estime qu'il faut être prudent pour juger de soi et tout aussi scrupuleux pour en porter un témoignage soit bas, soit haut, indifféremment. S'il me semblait que je suis bon et sage, ou près de cela, je l'entonnerais à tue-tête. Dire moins de soi que la vérité, c'est de la sottise, non de la modestie. Se payer moins qu'on ne vaut, c'est de la faiblesse et de la pusillanimité, selon Aristote. Aucune vertu ne se fait valoir par le faux, et la vérité n'est jamais matière d'erreur. Dire de soi plus que la vérité, ce n'est pas toujours de la présomption, c'est encore souvent de la sottise. Être satisfait de ce que l'on est et s'y complaire outre mesure, tomber de là dans un amour de soi immodéré est, à mon avis, la substance de ce vice [de la présomption]. Le suprême remède pour le guérir, c'est de faire tout le contraire de ce que prescrivent ceux qui, en défendant de parler de soi, défendent par conséquent d'appliquer sa pensée à soi. L'orgueil réside dans la pensée. La langue ne peut y avoir qu'une bien légère part. » Les Essais, Livre II, chapitre VI

  • (Litté)Ratures

    Je suis convaincu que la langue française évolue, qu'elle doit évoluer, notamment en s'enrichissant de l'histoire de tous les mots venus d'autres langues, même lorsqu'une nouvelle intégration suscite l'irritation des plus puristes d'entre nous au prétexte qu'elle a son équivalent dans un autre mot ou que le terme incriminé est employé à mauvais escient. Je suis même prêt à admettre l'éradication de l'imparfait du subjonctif, considéré comme désuet et renvoyé à ses turpitudes euphoniques (encore que ce temps nous valait quelques bonheurs : « Cette vérité, il fallait vraiment que je la susse un jour ou l'autre »). Il faut aussi que je comprenne la raréfaction du passé simple, qui pourrait, un jour prochain appartenir... au passé, tout simplement ! Mais lorsque je lis, à la page 447 du second volume de la trilogie Millénium : « En 1996, il devint personnage officiel dans le sens qu'il fut nommé adjoint-chef à la brigade des étrangers », là, je dis : pouce ! Surtout qu'il me serait très facile de multiplier les exemples de ce type tout au long des quelque 1700 pages de cette œuvre pas inoubliable. Certes, on devine que ces trois romans policiers - dont les intrigues en valent bien d'autres et qui ont le mérite de se dérouler en Suède, ce qui nous change un peu de l'ordinaire, même si leur lecture provoque le besoin irrépressible de se replonger dans la prose d'un John Harvey par exemple - ont été écrits avec un stylo ou un clavier accouplé à un marteau-piqueur, on peut également imaginer que les traducteurs, pris par le temps et les contraintes économiques, n'ont pas disposé des moyens nécessaires au peaufinage de leur boulot. Mais on frise là un français qui s'apparente plus à la traduction automatique de la notice de montage d'un meuble fabriqué en Chine sous la commande d'un chef d'entreprise suédois (encore !) habitant la Suisse que d'une littérature digne de ce nom.

  • Bal(l)ade

    finally.jpgLes lorrains connaissent bien Valérie Graschaire (native de la ville de Metz) depuis un bon petit bout de temps maintenant. Ils ont pu découvrir l'étendue de son talent au sein de son quartet ainsi qu'à travers différentes expériences comme celle qui l'a amenée à devenir la chanteuse de l'Orchestre National de Jazz de Lorraine au cours des années 90 (avec lequel elle enregistrera l'album Angustia d'Amour en 1999) où à monter un répertoire dédié à Thelonious Monk avec la complicité du pianiste Pierre-Alain Goualch, un projet qui aboutit en 2000 à un album remarqué, Honky Monk Woman. La chanteuse est aujourd'hui (enfin) reconnue comme l'une des plus belles voix de la scène jazz française et ce n'est que justice. Aussi ce n'est pas sans une certaine émotion que Franck Agulhon, au détour d'une interview où il devait être question de sa propre actualité, tient à souligner qu'il se sent un peu comme le « papa » de Finally, un disque sorti chez Cristal Records à l'automne dernier et pour lequel ont été réunis les vieux amis, les complices de (presque) toujours que sont Diego Imbert (contrebasse) et Pierre-Alain Goualch une fois encore, auxquels viennent s'ajouter le lyrisme de Stéphane Belmondo au bugle et les inspirations de Peter Gabriel, Rémi Chaudagne, Eric Legnini ou Joni Mitchell. Papa dites-vous ? Car si Valérie Graschaire est à la ville madame Agulhon et la mère des enfants du batteur, on devine forcément le subtil dosage d'amour, de famille et d'amitié avec lequel a été tissée la belle toile chaleureuse de ce disque à la production épurée (il n'est jamais inutile de souligner la qualité de la prise de son qui fait la part belle aux instruments, presque exclusivement acoustiques, qui semblent ici venir nous jouer au creux de l'oreille) et qui met en valeur la voix chaude de Valérie Graschaire, nous prenant par la main pour une tranquille balade sur fond de ballades, dont les influences vont aussi bien puiser à la source du jazz qu'à celle d'une certaine pop music. Les reprises de « Mercy Street » (Peter Gabriel) et de « Both Sides Now » (Joni Mitchell) sont de belles réussites qui se mêlent naturellement à des compositions originales ou à de semi reprises, comme l'élégant « Nightfall » d'Eric Legnini sur lequel Valérie Graschaire a écrit ses propres paroles. Disque intimiste et apaisé, Finally est incontestablement un petit moment de grâce et une belle carte de visite supplémentaire pour la chanteuse. On aurait tort de s'en priver !

    Valérie Graschaire : voix,
 Pierre-Alain Goualch : piano et Fender Rhodes,
 Diego Imbert : contrebasse,
 Franck Agulhon : batterie,
 Stéphane Belmondo : bugle.


    En écoute : un extrait de « Mercy Street »

    Cristal Records - 2008

     

  • Pédagogie

    A chaque fois, c'est le même refrain ! Dès qu'un mouvement de contestation se dessine dans notre pays, nos chers élus nous font savoir que l'incompréhension qui règne entre le peuple et eux trouve son origine dans un manque d'explications de la part du gouvernement. « Nous devons expliquer mieux, faire preuve de pédagogie » ! Ah, la belle affaire, et voilà l'hymne obligé entonné par tous les lieutenants disponibles, comme un seul homme... En réalité, je ne comprends pas. Comment peut-on se donner les moyens d'expliquer plus quand on a table ouverte dans la plupart des auberges radiotélévisées où une batterie de serveurs zélés vous servent une soupe jamais trop épicée ? Pourquoi serait-on mieux compris alors que bon nombre de grands magazines ou quotidiens appartenant à des amis de longue date vous ouvrent grand leurs colonnes flatteuses ? Peut-on imaginer de meilleurs passeurs de la pédagogie gouvernementale que les très respectueux Jean-Pierre, Arlette ou je ne sais quel Etienne ? Et je ne parle même pas de la logorrhée d'un porte-parole omniprésent, omniscient, spécialiste de tout et même du reste, qui pérore à longueur de journées sur toutes les ondes accessibles, tant et si mal qu'il en vient même à provoquer des crises d'urticaire chez ses amis, ou prétendus tels... Nos hommes politiques entreront-ils un jour dans l'âge adulte ? Rêvons un peu...