En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.
Sous la direction de Bob Cilman, un énergique chef de chorale – The Young at Heart – une bande de gamins du Massachusetts dont la moyenne d’âge est de l’ordre de quatre-vingts ans, répète plusieurs fois par semaine en vue d’un prochain spectacle un répertoire inattendu où sont convoqués, entre autres, James Brown, The Clash ou Sonic Youth. Film documentaire anglais signé Stephen Walker, I Feel Good, loin de verser dans le voyeurisme (même si deux chanteurs meurent de maladie sous nos yeux durant la période pendant laquelle le réalisateur a suivi la troupe, depuis les répétitions jusqu’au concert final) ou le cocasse, vous cloue sur votre fauteuil tant l’énergie vitale qui habite ces êtres humains parvenus au crépuscule de leur vie est impressionnante. Ces éternels enfants sont de sacrés personnages et l’émotion est forte lorsque, le jour même de la disparition de l’un des leurs, ils doivent donner une représentation dans une prison. A la fin du film, une spectatrice, sous le coup de l’émotion, confie : «Jamais plus je ne dirai que je suis fatiguée ou trop vieille». Moi non plus, et surtout pas aujourd’hui !
Je crois que jamais je ne dirai assez de bien de Renaud Garcia-Fons. Ce musicien, admirable et discret, trace depuis un bon paquet d’années un sillon très singulier où se conjuguent de multiples accents méditerranéens et orientaux. Contrebassiste virtuose qui n’hésite pas s’il le faut à électrifier son instrument, aussi redoutable à l’archet qu’en pizzicato, ce catalan d’origine, élève du grand François Rabbath, propose La Linea Del Sur, un nouvel opus qui s’inscrit dans la plus parfaite continuité hispanisante de ses précédents disques (le dernier, en un trio solaire, étant Arcoluz) et constitue la démonstration la plus humblement lumineuse qu’on pouvait espérer de sa part. Entouré de Kiko Ruiz (guitare), David Venitucci (accordéon), Pascal Rollando (percussions) et de la chanteuse de flamenco Esperanza Fernandez le temps de trois titres, Renaud Garcia-Fons nous enchante, une fois de plus. Voilà un excellent remède anti grisaille, à recommander à tous ceux dont les idées ont tendance à prendre les couleurs du temps.
En écoute, un extrait de la composition «La Linea Del Sur»
Disponible prochainement sur Enja Records, on pourra se procurer ce disque directement sur le site Internet du label.
Je veux bien, en plein sommeil, être soumis à la nécessité d’aller rechercher de toute urgence dans un ancien appartement (vendu depuis belle lurette) un lit d’enfant. Prochainement grand-père, le début de cette histoire se tient… Passe encore que pour atteindre mon ancien quartier je doive emprunter de bien étroites ruelles où je croise des vététistes imprudents et des joggers en tenue inappropriée. Il peut m’arriver en effet de fréquenter ce genre de veinules et je croise régulièrement des sportifs (ou assimilés) dans un état plus ou moins piteux sur mon chemin. Mais pourquoi cette rue, où j’habitais autrefois, est-elle en état de siège, ses habitants complètement paniqués à l’idée de savoir qu’un psychopathe évadé d’un asile rôde par là ? Pourquoi ces mêmes personnes, quelques instants plus tard, sont-elles affairées à plaquer énergiquement au sol, sur la voie ferrée toute proche, ce dangereux criminel recherché par la police ? Pourquoi, en attendant l’arrivée de cette dernière, une étrange procession menée par un évêque en habits sacerdotaux, parvient-elle à calmer l’assassin bizarrement réduit à une taille microscopique et devenu un mini pèlerin obéissant ? Pourquoi suis-je donc assis là, sur le rebord d’une fenêtre au premier étage d’une grande salle, guettant la course folle de policiers qui tous, les uns après les autres, s’étalent de tout leur long dans les flaques d’eau boueuses du terre-plein séparant leur véhicule du bâtiment où nous les attendons tous ? Promis, juré, je ne fume pas et je ne bois guère plus. Je ne comprends rien à ce rêve, c’est tout.
La première scène se passe en France, quelque part… Un président est venu là pour «présenter ses vœux» aux enseignants. Il parle, parle… lorsque son téléphone se met à sonner. Impossible de ne pas l’entendre. Il coupe la sonnerie et s’amuse, faussement gêné, il a même l’air plutôt content. La deuxième scène se passe en France également, pas forcément au même endroit. Un(e) enseignant(e) fait son cours devant une classe un peu dissipée, comme chaque matin. Les élèves ont regardé la télévision hier soir, trop tard, comme d’habitude. Soudain, le téléphone de l’un d’entre eux se met à sonner. Il s’en amuse. Scène III : l’enseignant(e) doit expliquer aux élèves qu’ainsi qu’il est écrit sur le règlement de l’établissement, ils doivent éteindre leur téléphone portable en entrant.
Y a une dingue qui rôde dans mon quartier. Je ne sais pas quel est le pervers qui a réussi à lui faire avaler des bobards du genre : «Le sport, c’est bon pour la santé» ou bien «Il faut souffrir pour expier ses fautes ou se faire pardonner ses péchés», mais quand je la vois terminer, à bout de forces, son jogging matinal pluri-hebdomadaire, y compris lorsque règne ici un froid polaire qui vous brûle les poumons, au moment où, tout juste sorti de ma douche, je me dirige tranquillement vers mon bureau, je me dis que la croyance en une forme contemporaine de rédemption a fait son œuvre ou que l’identification aux courses Ray Bano-présidentielles est à zon zénith. Faut la voir, la pélerine en souffrance : à peine capable de soulever les genoux et de mettre un pied devant l’autre, l’œil hagard et le teint vitreux, ruisselante sous un bandeau défraîchi, c’est sûr, un jour elle va s’écrouler devant moi et j’aurai alors la mauvaise conscience de ne pas l’avoir prévenue des dangers qu’elle encourait à force de courses déraisonnables. Faudrait que je pense à lui dire. Pas sûr qu’elle soit en état d’entendre quoi que ce soit, cependant.
Finalement, ça valait le coup de se torturer les méninges et de plancher sur le sujet que notre collectif de blogueurs jazz, le Z Band, s’était imposé pour la cinquième édition de sa publication synchronisée, «Tous sur Mingus». Le grand Charles nous a plutôt bien inspirés et l'on trouve de bien beaux moments de lecture dans la petite dizaine de textes que nous avons écrits. Tiens, par exemple : la chronique de la Pie Blésoise où le disque Mingus Oh Yeah est présenté en même temps que se mijote une soupe de légumes ou bien encore la rythmique magnifique du texte écrit par l’Ivre d’Images. Et tous les autres aussi… Quant à ma petite contribution, vous pouvez la lire ICI.
Surpris à la nuit tombante au détour d’une rue de mon quartier, cet ours en peluche déposé dans un container au milieu de sacs poubelles. Quelques jours plus tôt, ce petit compagnon trônait-il peut-être dans les rayons d’un magasin de jouets, attendant d’être accueilli par les bras d’un enfant après avoir séjourné au pied d’un sapin de Noël. D’abord la fièvre des fêtes de fin d’année et leurs empilements de cadeaux souvent dépourvus de sens. Et puis ce mystère, ce drôle d’abandon… Un jouet acheté puis jeté trop vite, sans ménagement. Un ours orphelin d’une société consumériste dont les repères sont chaque jour un peu plus flous.
30 ans après sa mort, 50 ans après la parution d’un disque que beaucoup considèrent comme le meilleur passeport pour franchir les frontières de son œuvre, Charles Mingus continue de nous livrer ce qui est l’essence même de toute création artistique : l’âme. Regards croisés par une bonne dizaine d’amis distants autour de la musique du contrebassiste…
Voilà qui m’apprendra à creuser trop profondément certains sillons et à me laisser goulûment engloutir dans les univers infinis d’un quarteron de musiciens, devenus des compagnons de vie à force d’abuser de leur fréquentation. Dis donc, Coltrane, qu’as-tu fait ? Ton parcours de comète, fulgurant et mystique, a tellement consommé de mon énergie que j’en ai fini par oublier, parfois, que tu n’étais pas seul au monde sur la belle planète du jazz ! Aujourd’hui encore, il ne s’écoule pas une semaine sans que je ne m’en réfère à ta musique lorsque la nécessité de charger mes batteries musicales se fait sentir. Un exclusivisme qui, très certainement, marque une profonde injustice envers tes pairs, au point que je dois me rendre compte aujourd’hui que certains d’entre eux, parmi les plus grands, me sont presque des inconnus. Mais la vie avance toutefois et leurs causes ne sont pas perdues, je leur dois bien ça. Un jour certainement…
Prenez Mingus par exemple, Charles de son prénom. Que sais-je vraiment de lui en dehors de ce que n’importe quel profane est censé connaître ? L’essentiel peut-être : Mingus, musicien génial et hors de toutes les normes, compositeur et arrangeur d’exception, sa formation classique, cette église méthodiste où il chante le blues et où l’on se livre «aux incantations et aux lamentations qui répondent au preacher». Je sais aussi sa force physique, ses confrontations parfois violentes avec d’autres musiciens qui lui ont valu, par exemple, d’être exclu de l’orchestre de Duke Ellington après une altercation avec Juan Tizol, le compositeur de «Caravan». Ses compagnons de route aussi, dont le génial Eric Dolphy, autant de musiciens qui vont s’accomplir à ses côtés, et surtout à ses côtés d’ailleurs, lui l’artificier dont la contrebasse disait la fureur et l’invention. Un homme en colère, cet «homme noir aux Etats-Unis», qui racontera sa vie dans une autobiographie aux accents tragiques appelée «Moins qu’un chien», et dont le titre parle de lui-même. Mingus a écrit les grandes pages de son histoire entre les années 1956 et 1962 avant de s’éclipser durant de longues années puis d’effectuer un retour sur scène en 1971. Avant de disparaître en janvier 1979, le 5 exactement, il y a trente ans donc, frappé par un mal qui l’avait cloué sur un fauteuil pour l’épuiser jusqu’à sa mort.
J’aimerais citer ici in extenso le paragraphe de conclusion que Francis Marmande écrit à son sujet dans le Dictionnaire du Jazz : «Emotif et recensant en lui-même les émotions de son peuple, Mingus a entrepris de faire ouvertement parler, crier, la musique, comme on fait parler la poudre. Avec une énergie très physique qui concentrait ses qualités de compositeur, d’arrangeur ou d’agitateur. Avec une générosité et une intégrité qui ont contraint toutes les communautés (celle des musiciens lui étant acquise) noires, blanches, officielles et marginales, à le reconnaître et le saluer. In extremis peut-être, mais tout de même». Rien à ajouter.
Si tout de même parce que bien sûr, je connaissais quelques thèmes majeurs de cet homme «en colère tous les jours» : «Better Get In In Your Soul», «Goodbye Pork Pie Hat» ou «Fables Of Faubus». De ces dernières, j’avais eu connaissance à la fin des années 80, lorsque Claude Nougaro, avec l’accord de Sue, l’épouse de Mingus, en avait proposé une adaptation appelée «Harlem» sur son album Nougayork. Des secondes, je connaissais depuis longtemps (toujours ?) la mélodie, sans forcément l’identifier, avant que Michel Portal ne la reprenne à son compte sur l’album Minneapolis. Un survol finalement, l’idée que j’avais affaire à un acteur essentiel de la scène musicale du XXe siècle, mais qu’il serait bien temps de voir ça un peu plus tard. Bizarrement, je n’avais jamais pris le temps d’écouter un disque de lui, du début jusqu’à la fin… Allez comprendre que ce n’est pas sans une certaine appréhension que j’ai accepté de me joindre à ma cohorte de blogueurs lorsqu’il s’est agi, en toute liberté, d’écrire un texte consacré à monsieur Mingus. J’ai retourné des dizaines de fois la question dans ma tête et finalement choisi de jouer cartes sur tables. Puisque sa musique ne m’était que mal connue, pourquoi le cacher et faire comme s’il en allait autrement ? Non, autant se présenter tel qu’on est et dire sa démarche : d’abord consulter quelques archives, mon dictionnaire du jazz en particulier, un peu jauni déjà et lire les pages magnifiquement écrites par Francis Marmande. Puis choisir un disque parmi les enregistrements à ma disposition et, finalement, n’avoir aucune hésitation quant à la galette à sélectionner en m’apercevant que les thèmes que je connaissais le mieux avaient tous été enregistrés en 1959 pour le disque Mingus Ah Um. Et là, l’évidence, comme dirait Monk ! Celle de se mettre un chef d’œuvre entre les oreilles, un disque inoxydable dont chaque pièce semble à la fois un classique mais aussi d’une terrible actualité. Dans ce disque quinquagénaire, ça bouillonne, ça gronde, ça chante, il y a là l’essence de la vie, l’esprit d’un homme et d’un peuple qui marche vers un monde qui pourrait être meilleur si… mais qui ne l’est pas, néanmoins. Cette force vitale emporte tout sur son passage tant le propos, qui s’appuie pourtant sur des arrangements complexes et novateurs, est d’une limpidité fougueuse.
Et voilà que je culpabilise maintenant : comment avoir réussi à zigzaguer à ce point jusqu’à parvenir à éviter une rencontre plus précoce avec Charles Mingus ? Un exploit assurément, et la certitude d’une erreur qui sera réparée.
En écoute : "Better Get It In Your Soul", extrait de Mingus Ah Um
Contrebasse : Charles Mingus Saxophone : Booker Ervin et John Handy Trombone : Willie Dennis et Jimmy Knepper Piano : Horace Parlan Batterie : Dannie Richmond
Mesdames et messieurs les scientifiques de tout poil, remballez vos arguments imparables et vos preuves irréfutables. Voilà des siècles maintenant que vous m’expliquez que je vis sur une boule qui non seulement tourne sur elle-même mais aurait, selon vos dires, une certaine tendance à tourner autour d’un unique soleil. Jusqu'à présent, je n'ai rien dit, mais aujourd'hui, il m'est difficile de garder le silence... Soleil mon œil ! J’ai pu démontrer par une expérience très simple que cette théorie ne tient pas debout : voici deux jours, je bavardais tranquillement au téléphone avec une amie qui habite du côté de Grasse lorsque celle-ci m’expliqua que, tout en me parlant, elle se prélassait au soleil de sa terrasse sur laquelle la température ambiante avoisinait les 18°C. Soudain, j’eus la présence d’esprit de lui demander si elle parvenait à voir le soleil dont elle me parlait. M’ayant répondu par l’affirmative, j’ai ouvert ma fenêtre et vérifié que j’avais moi-même un soleil dans mon champ de vision. A ce détail près que mon thermomètre, lui, affichait obstinément un stupide -4° C. Et la communauté des scientifiques voudrait me faire croire qu’il s’agit du même astre ? À d’autres… allez donc discuter avec vos collègues économistes qui on cru voir une «main invisible» (sic) s’occuper de la bonne régulation de nos marchés… vous verrez bien que les choses ne sont pas aussi simples !
Je dois bien avouer que je n’en mène pas large… Membre régulier depuis un an d’un collectif de blogueurs ayant pour ambition de publier une fois par trimestre un texte sur un thème commun choisi de manière participative, j’ai laissé le temps passer et me retrouve dans l’obligation de pondre d’ici à ce soir un texte sur le grand Charles Mingus. Que finalement, je connais plutôt mal, même si je n’ignore rien de ce qu’un jazzophile basique est supposé savoir. N’empêche… Je dois trouver un angle d’attaque pour résoudre cette drôle d’équation. En attendant, j’écoute une galette publiée par le contrebassiste voici maintenant cinquante ans, Mingus Ah Um. Un disque essentiel, dont tellement de thèmes sont aujourd’hui autant d’hymnes sans âge ! Je vous laisse écouter les premières minutes de «Better Get It In Your Soul», qui suinte le blues et le negro spiritual. L’âme en musique…
J’observais l’autre jour dans le train un passager qui lisait un bouquin. Rien d’extraordinaire dans la contemplation de cette scène, sauf que ce lecteur, visiblement démuni de marque-page, avait cette pénible manie de plier le coin supérieur de la page à laquelle il avait arrêté sa précédente lecture pour la reprendre plus facilement dès que l’occasion se présenterait à lui. Étrangement, je n’ai jamais pu me résoudre à en faire autant : d’abord parce que les marque-page ne manquent pas (tout libraire digne de ce nom vous en glissera un dans votre sac quand vous achetez un livre chez lui ; sinon, un ticket de métro, de bus ou n’importe quel titre de transport feront par ailleurs parfaitement l’affaire), ensuite parce qu’il y a dans ce pliage comme une blessure faite au papier qui s’en souviendra à jamais. Le corps humain peut assez facilement faire disparaître les traces des cicatrices les plus courantes, mais le papier garde la trace indélébile d’une telle marque. C’est comme une agression faite à un objet vivant ; Proust disait, je crois : «La lecture est une amitié», alors soyons amis avec les livres et ne les blessons pas !
Le froid glacial qui règne me rend probablement contemplatif… J’étais tombé en arrêt voici quelque temps devant les sculptures éphémères qu’un hiver rigoureux a imaginées pour orner avec beaucoup de grâce une fontaine de la Place Stanislas. Voici maintenant qu’une belle image matinale s’offre à mes yeux : un soleil levant encore rouge, niché derrière les branches nues d’un arbre jouant aux ombres chinoises, illumine la cathédrale Notre Dame de Bonne Nouvelle.
J'ai entendu l’autre matin, dans un demi-sommeil comme d’habitude, un animateur radio proférer une énormité. J’en viens à me demander s’il ne s’agit pas d’une manifestation supplémentaire d’un complot contre moi, tant la sensation est pénible d’avoir à penser pendant qu’on dort encore… Un de ses collègues, chargé de nous faire part des prévisions météorologiques, évoquait le grand froid qui règne en ce moment sur la France et particulièrement une région où la température sous abri était de - 9°C et même de - 17°C, si l’on tenait compte du vent de nord-est qui accentue la sensation de froid. A ce moment-là, le micromane matutinal a commenté : «Donc il fera presque deux fois plus froid que ce que l’on peut lire sur le thermomètre». Oh la, doucement, cheval ! Mal joué Callaghan… Car même si cette erreur est très répandue dans la petite sphère médiatique, ce qui ne saurait constituer une excuse valable, rappelons que la mesure des températures est un système particulier dont la gradation ne commence pas à 0°C ! Il y a un zéro absolu (jamais atteint et de l'ordre de - 270°C si ma mémoire ne me trahit pas, les spécialistes pourront confirmer) mais en aucun cas, on a le droit d’affirmer que - 17°C, c'est presque deux fois plus froid que - 9°C : c'est juste 8°C de moins. En se représentant graphiquement l'échelle des températures, on comprend aussitôt que cette remarque n'a aucun sens et que, comme dirait Pierre Dac : «Ceux qui parlent pour ne rien dire feraient mieux de la fermer avant de l’ouvrir». D'ailleurs, je me tais moi-même... jusqu'à demain !
Quand la nature unit ses efforts au génie artistique de l’homme, il ne reste plus qu’à s’arrêter et contempler. Ces stalactites qui ornent les dorures de la Place Stanislas en sont une démonstration splendide. On en viendrait presque à souhaiter que l’hiver prenne le temps de s’installer pour nous offrir longtemps ce spectacle un peu magique.
J’ai entendu hier matin à la radio le témoignage d’une famille – parents et enfants – toute tourneboulée semble-t-il à l’idée de devoir réorganiser ses soirées en raison du démarrage avancé d’un quart d’heure des émissions de télévision sur le service public. Quel drame en effet… Et je me dis que malgré la crise systémique qui nous frappe, malgré la désorganisation de nos économies, nous autres occidentaux conservons de saines inquiétudes… Voilà qui me rassure.
Il fait encore nuit, la neige tombe à gros flocons et entame une danse tranquille dans la lumière des réverbères. La température est de saison, réfrigérante. Assis à mon bureau, j’observe ce spectacle un peu irréel qui s’accorde parfaitement avec «The Heavenly Music Corporation», une longue pièce instrumentale enregistrée voici bien longtemps maintenant, en 1973, par deux sorciers du son, Brian Eno et Robert Fripp sur leur album No Pussyfooting. Je n’avais pas écouté ce disque depuis de très longues années et j’en perçois toute la beauté du fait de cette concordance presque parfaite entre les images qui s’offrent à moi et les nappes sonores qui s’échappent en volutes des hauts parleurs. Un peu magique, tout cela...
La discographie de One Shot – quatre disques enregistrés de 1999 à 2008 – constitue un ensemble parfaitement cohérent qu’il s’agit de découvrir en le considérant pour ce qu’il est : une fusion contemporaine de rock et de jazz aux couleurs souvent sombres dont l’énergie ne s’est jamais démentie au fil des années. Sa formation, inchangée depuis le début, semble le garant d’une belle unité de fond et de forme qui amène le groupe au meilleur niveau, celui d’une virtuosité jamais démonstrative, mise au service d’un propos techniquement irréprochable et artistiquement original. Et si le noyau du quatuor est intimement lié à la galaxie Magma (deux de ses membres font partie de ce dernier, le troisième fut compagnon de route de Christian Vander durant plus de 20 ans ; quant au quatrième, il serait étonnant qu’il ignore quoi que ce soit de la matrice kobaïenne…), on écoutera sa musique pour elle-même, parce qu’une paternité aussi forte risquerait de nous faire oublier qu’elle puise son inspiration à d’autres sources tout aussi puissantes : «Black P» par exemple, qui introduit le nouvel album Dark Shot (composé d’un disque studio et d’un DVD concert et interview), semble ainsi marqué d’une belle griffe crimsonienne, celle de la période Red du groupe de Robert Fripp. De quoi abreuver notre soif d’une musique à consommer sans modération.
One Shot : Emmanuel Borghi (claviers), Philippe Bussonnet (basse), Daniel Jand’Heur (batterie), James Mac Gaw (guitare). Discographie : One Shot (1999), Vendredi 13 (2001), Ewaz Wader (2006), Dark Shot (2008).
Elle monte dans le TGV qui va de Nancy à Paris et s’assied juste en face de moi. Elle pose son sac de voyage sur le siège passager qui la sépare de la fenêtre et prend un bouquin qu’elle commence à lire. Pas un mot. Puis elle ferme son livre et éclate en sanglots, durant de longues minutes, avant de reprendre la lecture de ce bouquin dont elle ne tourne jamais les pages. A côté d’elle, le sac semble un personnage absent. J’imagine une histoire, celle d’un homme ou d’une femme qui aurait dû être à ses côtés en ce dernier jour de l’année 2008 et qui, pour une raison que j’ignore, n’est pas là…
Je pensais rencontrer un sanglier ou deux, parce qu’une marche au cœur de la forêt lorraine peut vous réserver ce genre de surprise. En réalité, les cochons sauvages locaux avaient certainement mieux à faire que venir renifler le bas de mon pantalon. Selon les autochtones, ils dormaient tranquillement à l’heure où j’arpentais des chemins durcis par un froid trop rigoureux pour ma frilosité grandissante. Fort heureusement, la lumière était splendide et des ombres un peu mystérieuses ont surgi au soleil de décembre.
En 1960, John Coltrane se produisait dans les studios de la télévision allemande accompagné de Wynton Kelly au piano, Paul Chambers à la contrebasse et Jimmy Cobb à la batterie. Ecoutons-les interpréter un magnifique «On Green Dolphin Street». Quelle meilleure introduction pour cette nouvelle année ? On peut toujours rêver et se dire qu’elle sera habitée d’autant de grâce que cette musique… Bonne année à vous tous.