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Musiques buissonnières - Page 29

  • Grain

    J'ai débusqué fortuitement à la télévision une publicité pour un jus de fruit - dont je serais bien incapable de vous donner le nom, ces choses-là traversant ce qui me reste de cerveau à la vitesse de l'éclair, désintégrant du même coup sans difficulté mon mur du con - dont le texte m'a laissé perplexe. Une voix off nous donne la liste de tous les ingrédients nécessaires à la confection de ce précieux nectar : un certain nombre de fraises, trente-quatre je crois, six pommes, deux bananes et demie (eh oui, c'est du fait main, m'sieurs dames, sachez qu'il se trouve sur Terre quelqu'un qui travaille à couper les bananes en deux !), encore d'autres fruits que j'ai oubliés mais en quantité précise et, si j'ose dire, cerise sur le sirop : dix-neuf raisins ! Alors là, ça m'en bouche une grappe... Je passe sur le fait qu'un nombre impressionnant de personnes a dû participer à la création de ce spot, qu'un bon paquet d'autres ont émis des avis circonstanciés, et qu'il s'est même trouvé des commanditaires pour payer grassement l'agence de communication chargée de réaliser ce chef d'œuvre... sans qu'il se trouve qui que ce soit pour dénoncer la bizarrerie de cette formulation. Dix-neuf raisins qui n'ont choqué personne ! Et encore, nous pouvons nous réjouir car nous avons tous échappé à l'invention d'un milk shake qui aurait nécessité l'incorporation de deux laits... Nous vivons décidément dans un monde de brutes.

  • Esclaves

    breakfast_in_babylon.jpgVoilà une captivité qui a du bon et à laquelle on succombe volontiers, d'autant qu'il s'agit là non pas d'une volonté de nous enchaîner, mais plutôt de nous... déchaîner et de nous nourrir d'une musique hautement dosée en énergie !
    Pour moi, l'histoire a commencé en octobre 2007 lorsqu'Olivier Temime et ses Volunteered Slaves avaient déployé leur belle machine à rythme dans le cadre du Nancy Jazz Pulsations. La petite salle de la MJC Pichon doit encore s'en souvenir et le répertoire joué à l'époque, celui de l'album Streetwise, était déjà des plus réjouissants. Bis repetita, notre sympathique aréopage vitaminé remet le couvert avec un second opus, Breakfast in Babylon, pour nous proposer, je cite, « un festin musical aux confins du jazz, du funk et de l'afro-beat ». Bingo, voilà encore une affaire qui marche, et même très bien. Quand on peut se permettre de convoquer en cuisine des chefs tels que Prince (« Controversy »), Marvin Gaye (« I Heard It Thru The Grapevine »), les Jackson 5 (« I Want You Back ») ou Herbie Hancock (« Butterfly ») et relever leurs mets déjà bien goûteux de recettes originales signées pour la plupart d'Emmanuel Duprey, l'homme des claviers et de Jérôme Barde, spécialiste patenté du bardophone (pour faire simple, nous présenterons cet instrument comme une guitare qui lui est propre), il y a fort à parier que le menu, bien que particulièrement copieux, sera parfaitement digeste. Et vous pouvez m'en croire, on quitte le festin, l'estomac bien rempli mais léger, après avoir savouré chaque plat et essuyé proprement toute la sauce dans nos assiettes. Pas question d'en laisser ! Chance pour vous tous, ce bon restaurant - je n'ose dire qu'il est dirigé par une bande de toqués, mais en matière de cuisine, c'est là un compliment ! - est accessible à la plupart des bourses. Ce serait un peu stupide de s'en priver...

    Olivier Temime : saxophones ténor et soprano, Emmanuel Duprey : Fender Rhodes et claviers, Jérôme Barde : bardophone, Arnold Moueza : percussions & chant, Akim Bournane & Philippe Bussonnet : basse, Julien Charlet : batterie.

    podcast
    En écoute, un extrait de « Joy » (Jérôme Barde)

    On peut se procurer le disque ICI par exemple...

  • Libres

    kitmainslibres.jpgIl m'arrive d'observer mes contemporains et de m'apercevoir que je ne les comprends pas toujours... Prenez cette merveille de la technologie qu'on nomme « kit mains libres » : après s'être rendu compte qu'en arborant, comme vissé à l'oreille, ce moche machin nommé oreillette Bluetooth (imaginez qu'on vous colle un Stabilo Boss sur le lobe, voilà en gros à quoi ça ressemble, sauf que vous ne pouvez même pas vous en servir pour surligner les passages importants du dernier bouquin de Marc Lévy), les bipèdes atteignaient un niveau de ridicule proche du suicide esthétique, ils ont ensuite reporté leur amour de la technologie communicante sur des écouteurs filaires munis d'un petit interrupteur qui permet de décrocher et raccrocher en toute simplicité, comme ils l'auraient fait avec un téléphone ordinaire. Jusque là, rien d'extraordinaire, mieux même, voilà un objet dont le corps médical recommande l'usage dans la mesure où il épargnerait le cerveau de l'agression des ondes méchantes, parce qu'il éloigne notre tête de l'appareil. Le problème est ailleurs... Car j'ai observé, vous dis-je ! Et je reste un peu perplexe face à l'usage qui est fait de cet ustensile : je vois qu'on tient d'une main le téléphone (Pourquoi ? Le fil serait-il trop court ? La poche d'une veste ou d'un pantalon contrarierait-elle la propagation des ondes ? Mystère...) et que de l'autre, on soulève le fil pour rapprocher le micro de sa bouche ! Résultat des courses : au lieu d'avoir les mains libres, on les a bien plus occupées qu'avec un vulgaire téléphone. Notez toutefois que je préfère mille fois ce spectacle plutôt réjouissant à celui que nous infligent les partageurs. Vous ne connaissez pas les partageurs ? Allez, je suis sûr que vous en avez déjà croisé. Vous savez bien, ces gens qui tiennent absolument à vous faire profiter à fond de mini haut-parleurs au son pourri du dernier machin truc jetable qu'ils ont téléchargé plus ou moins légalement et qui déambulent dans les rues pour que chacun de nous puisse en profiter...

  • Départ

    HughSourire.jpgEncore un grand monsieur qui nous quitte... Après Elton Dean et Pip Pyle en 2006, le bassiste Hugh Hopper, l'une des figures de proue de ce courant musical qu'on appelle l'Ecole de Canterbury, vient de faire le grand saut, emporté par une leucémie à l'âge de 64 ans. Après l'époque des Wilde Flowers au milieu des années 60 (dont faisaient partie notamment Robert Wyatt et Kevin Ayers), Hugh Hopper fut l'un des membres de Soft Machine entre 1969 et 1973. Il multiplia ensuite les expériences, toujours sur la brèche, notamment aux côtés de Stomu Yamash'ta, Carla Bley, Keith Tippett, Elton Dean et beaucoup d'autres musiciens très créatifs de premier plan

    Je ne l'avais vu qu'une fois sur scène, au cours des années 90, dans une formation appelée Short Wave dont les autres équipiers étaient Phil Miller, Pip Pyle et Didier Malherbe, autant de figures de légende de la musique anglaise dite « progressive ».

    Sa biographie est impressionnante et pourtant, en dehors de quelques revues spécialisées, on imagine que la disparition de Hugh Hopper ne fera pas la une des magazines.

    Au revoir Hugh, merci pour ces années de passion.

  • Classe

    prysm_giuliani.jpg

    Le trio Prysm (Pierre de Bethmann : piano, Christophe Wallemme : contrebasse et Benjamin Henocq : batterie), qui a connu ses heures de gloire de 1994 à 2001, a eu l'excellente idée de se reconstituer pour les 25 ans du Sunset à Paris et, mieux encore, pour une série de concerts à l'occasion d'une résidence à Lyon. Jouant dans sa formule classique jeudi, le trio invitait vendredi le guitariste Manu Codjia et, hier soir, un très grand monsieur, le saxophoniste transalpin Rosario Giuliani.

    Soit une soirée de musique qui frôlait la perfection ! Un cadre magnifique (l'Amphi, au sous-sol de l'Opéra) où le public est tranquillement attablé dans un petit amphithéâtre, une acoustique parfaite, des conditions d'écoute d'autant plus agréables qu'ici, les spectateurs manifestent un vrai respect pour les musiciens (pas de bruits de conversations parasites, pas de verres qui s'entrechoquent, pas de déambulations) et une belle réactivité à chacun des moments forts.

    Comment imaginer que ces quatre là n'ont pas derrière eux des années de musique commune tant la mise en place de leur musique est tirée au cordeau ? Le ton est donné d'emblée avec un « D'ici demain » particulièrement percutant et une première intervention de Rosario Giuliani au saxophone alto qui annonce la couleur de la soirée : on va aller très haut ! Qu'elles soient de Prysm ou de Rosario Giuliani, les compositions qui s'enchaînent le temps de deux sets mettent en valeur la redoutable efficacité de la paire Wallemme - Henocq, flamboyante rythmique sur laquelle les deux feux follets que sont Pierre de Bethmann et son invité d'un soir peuvent laisser libre cours à leur imagination et leur lyrisme.

    Voilà quatre musiciens qui méritent notre admiration, sans réserve : ils ont les yeux tournés vers le ciel, leur élévation est la nôtre et l'on sort de ces deux heures de jazz enluminé avec une dose d'énergie maximale.

    Merci à vous, messieurs, et vivement la prochaine occasion d'une reformation de Prysm ! 

  • Indécent

    Il est de bon ton, depuis hier, de souligner les insultes échangées entre deux hommes politiques participant à un débat télévisé consacré aux élections européennes. Le « pétage de plombs » de l'un d'entre eux est stigmatisé. Soit...

    J'aurais deux remarques à ajouter, néanmoins...

    Pourquoi radios et télévisions ont-ils omis de préciser qu'après cet échange très vif, les deux candidats se sont mis d'accord pour unir leurs forces afin de barrer la route au président de la Commission Européenne, ultra-libéral et complice de toutes les politiques de dérégulation et de démantèlement des services publics ? Une entente bien plus essentielle que les échanges de noms d'oiseaux qui ont affolé la sphère médiatique pour pas grand chose.

    Mais surtout, c'est le principe même de l'émission et son organisation qui sont scandaleux : cette mise en place de « duels » entre candidats, auxquels on accorde un temps de parole proportionnel aux intentions de vote exprimés dans les sondages réalisés par je ne sais quels instituts sous la commande de je ne sais qui. Des candidats sommés de faire court et par là même censés éviter de brasser des idées qui pourraient ennuyer des téléspectateurs qu'on embarquerait dans des considérations trop techniques. On me dit que ce programme était diffusé sur le « service public ». Ce service là, je n'en veux pas !

  • Vainqueurs

    vote.jpgLa seule idée du sinistre spectacle de nos actuels dirigeants se rengorgeant d'être arrivés en tête des résultats du vote de dimanche me navre. Ils vont se réjouir parce qu'un gros quart d'une grosse moitié des électeurs (je vous laisse faire un calcul plus précis, mais ne cherchez pas trop, vous parviendrez à la même conclusion que moi : ça ne fait pas beaucoup) aura glissé un bulletin favorable à leurs listes alors qu'ils disposent des pleins pouvoirs depuis deux ans et ont table ouverte dans la plupart des vecteurs de communication. Au besoin, si les analyses tournent mal, ils pourront dégainer l'argument selon lequel la consultation ne portait pas sur la politique intérieure, mais sur l'Europe et que par conséquent, ce vote ne sera en rien une sanction. Voir leurs opposants, dispersés en une kyrielle de chapelles stériles et inopérantes, essayer de nous expliquer qu'ils ont atteint leur objectif (lequel ?) me semble tout aussi insupportable. Il y en aura parmi eux qui seront satisfaits, j'en suis convaincu. Quand je me rappelle ce qui a été fait du référendum de 2005 (je dis cela de manière très détachée parce que j'avais voté oui), je comprends la tentation de l'abstention. De belles têtes de vainqueurs, vous dis-je...

  • Capital

    das_kapital.jpgUn disque d'apparence foutraque, mais qui est rien moins que savant et qui fait un bien fou ! La nouvelle livraison du trio un brin déjanté et néanmoins germano-franco-danois, Das Kapital, est un très grand moment de musique. Ballads & barricades, Das Kapital plays Hanns Eisler, devrait ravir tous ceux qui attendent de l'art autre chose que ce qu'ils connaissent déjà, et qui aiment qu'on les emmène brinquebaler sur des chemins de traverse, histoire de se dégourdir les tympans. Avec sa formule peu commune : guitare, saxophone et batterie, le trio reprend à son compte quinze chansons de Hanns Eisler, qui fut « une icône de l'art communiste allemand » après avoir fui d'abord son pays pendant la seconde guerre mondiale puis, à nouveau chassé mais cette fois par le Mc Carthysme, effectué un retour sur sa terre natale. Il devint même le compositeur de l'hymne de l'Allemagne de l'Est. Nos trois lascars ne reculent devant rien : ils peuvent entamer une bossa nova ou se la jouer calypso avant d'effectuer de joyeuses embardées (imaginez Stan Getz ou Sonny Rollins mettant les doigts dans une prise de courant), puis se lancer dans une valse faussement bancale ou bien interpréter un thème particulièrement émouvant (qu'on aurait volontiers imaginé joué par le Liberation Music Orchestra de Charlie Haden, en écoute un peu plus bas) qui se transforme en un duel rageur saxophone - batterie, comme une évocation de l'époque où John Coltrane livrait bataille avec Rashied Ali le temps d'un Interstellar Space. Ce disque est d'une incroyable richesse, il nous livre une surprise au détour de chaque mesure et traduit un bel équilibre entre les musiciens qui savent endosser tour à tour le rôle de solistes et de rythmiciens. Voilà une musique savante nourrie de chants populaires qui sait rester accessible à toutes les oreilles de bonne volonté.

    « On dit que le rock est mort. On dit que le jazz l'est aussi. On a enterré le socialisme. La liberté a été sécurisée. 68 est en retraite. On nous ordonne de divertir. On nous impose d'avoir peur et de se méfier d'autrui. Enfin, ce n'est pas vraiment notre genre ».

    C'est ce que rappellent les musiciens de Das Kapital. On est bien là en effet devant un art engagé, qui ne connaît pas la tiédeur et dont l'inspiration est si puissante qu'on ressort comme étourdi de cette revue jubilatoire. Allez, je m'autorise d'ores et déjà à dire que ce disque sera l'un des plus beaux de l'année.

    podcast
    En écoute, un extrait de « Die Moorsoldaten ».
    Daniel Erdmann (saxophone ténor), Hasse Poulsen (guitare), Edward Perraud (batterie).

  • Anglais

    looking_for_eric.jpegNe croyez pas un seul instant les pisse-froid façon Inrockuptibles qui vont expliqueront qu'avec Looking For Eric, Ken Loach a réalisé un film moralisateur surfant sur la vague du coaching et qui serait pétri de bons sentiments gnan-gnan. C'est oublier d'abord que le cinéaste fait d'abord une belle démonstration de tendresse envers son personnage (un postier en pleine déprime, confronté à la dureté du quotidien anglais, formidablement interprété par Eric Evets) qui reçoit les conseils de son idole, Eric Cantona, un maître à penser qui lui apparaît quand il s'adonne à la fumette des joints qu'il va piquer à son fils. Ken Loach fait aussi preuve d'une belle dose d'humour (la scène finale est un moment particulièrement savoureux), ce qui n'est pas une première chez lui, et en profite pour dresser le portrait glacial d'une Angleterre où même les classes populaires finissent par ne plus pouvoir se payer les billets d'entrée au stade pour soutenir leur club de Manchester, dont les parkings regorgent de grosses berlines. A voir en V.O., exclusivement, au risque de passer à côté de l'essentiel.

  • Compagnons

    bibliothèque.jpgJe crois me rappeler avoir écrit ici - ou ailleurs - que j'étais incapable de lire un seul livre à la fois. En ce moment, sont installés sur ma table de chevet un livre de nouvelles (« Onze histoires de solitude », de Richard Yates), un autre d'inspiration philosophique (« L'endroit du décor » de Raphaël Enthoven) et un troisième aux confins de l'histoire et de la sociologie (« La vie mondaine sous le nazisme » où l'auteur, Fabrice d'Almeida, décortique le cynisme d'un groupe social que les horreurs de la vermine brune ne saurait entamer). Je crois aussi que j'ajouterai prochainement les « Quinze Promenades Sociologiques » dans Paris de Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot.

    Et puis, aux côtés de ces LDD (livres à durée déterminée) trônent quelques LDI (livres à durée indéterminée) vers lesquels je reviens régulièrement, pour en lire quelques pages, un chapitre, au gré de mes inspirations. Leurs richesses sont inépuisables. A commencer par la monumentale biographie de John Coltrane écrite par Lewis Porter ; puis les « Essais » de Montaigne, dans leur traduction contemporaine d'André Lanly ; un des volumes de « La Recherche du Temps Perdu » de Proust, dans la Pléïade ; enfin, le « XXe siècle » de René Rémond, qui démonte le grand meccano politique de la période 1918-1995. Il y a là aussi un petit intrus, parce que je l'ai chipé à Madame Maître Chronique : c'est « Le Voyage en Italie » de Goethe. 

  • Ricochet

    grateful_dead_american_beauty.jpgTroisième matinée de soleil consécutive. Cette bizarrerie climatique - j'habite la Lorraine, est-il besoin de le préciser ? - ne laisse pas de m'enchanter, en particulier aux premières heures de la journée quand, privilégié que je suis, je déguste un thé parfumé aux agrumes dans mon jardin de poche, dont la végétation a pris ses plus belles couleurs. Allez savoir pourquoi, ces couleurs enchantées font résonner en moi la musique de « Ripple », petit bijou harmonique qu'on trouve, parmi d'autres trésors, sur l'American Beauty du Grateful Dead. Le groupe connaissait à l'époque, en 1970, une sorte de parenthèse tout aussi enchantée que mon arc-en-ciel arboré, entre les délires psychédéliques de la première époque et les vingt-cinq années qui allaient suivre, plus électriques mais tout aussi échevelées. Cette musique est intacte, comme préservée par les assauts des modes et du temps. « Let there be songs to fill the air... »

    Ecouter "Ripple" par le Grateful Dead

  • Retour

    verdun.jpg

    Difficile d'échapper à ce sentiment qui me gagne à chaque fois que je me rends à Verdun, ma ville natale : je m'y sens bien, malgré l'absence définitive de ceux qui y ont posé leurs valises il y a bien longtemps et qui on fait de moi un enfant de cette ville. L'ambiance est plutôt paisible, le cadre a connu au cours de la période récente un réel embellissement qui favorise la déambulation et les flâneries piétonnes, à défaut de contenter les automobilistes qui doivent aujourd'hui s'éloigner de quelques dizaines de mètres du centre ville pour garer leurs véhicules.

    Nous retrouvons un couple d'amis blogueurs qui ont adopté cette ville et qui s'y sentent plutôt bien. Ces nouvelles relations sont agréables car, au-delà du plaisir des instants passés, elles sont une manière d'ancrer à nouveau le présent dans le passé et de tendre au mieux la corde vitale, celle qui relie l'avant et l'après.

    entree_des_classes.jpg

    Au détour d'une rue, je retrouve l'ancienne entrée de ma première école primaire. Me reviennent aussitôt à l'esprit ces images de l'enfant que j'étais et qui, trop pressé de retrouver ses camarades de classe un jour de pluie, s'était étalé de tout son long dans une immense flaque d'eau.

    Revenir ici un jour, plus tard ? Allez savoir...

  • Grâce

    chant_choral_japon.jpg

    Petit retour en arrière sur un moment hors du temps, probablement le plus beau avec le Serbie Academic Choir Coll et ses chanteuses magnifiques, offert par le Festival International de Chant Choral de Nancy. Avec un magnifique ensemble, une interprétation au cordeau, un répertoire exigeant mais jamais austère, un humour élégant et un arc-en-ciel pour les yeux, le Japan Tokyo Trouvere a suscité l'émerveillement. De quoi inspirer les chorales locales dont le manque d'ambition artistique et l'amateurisme étaient flagrants, un peu à l'image de l'enseignement de la musique en France, trop souvent frileux, embourgeoisé et académique. Vivement la prochaine édition en 2012 et la plongée dans d'autres cultures.

  • Huit

    bernica.jpgRetour en quelques mots sur une soirée de musique comme on en souhaiterait un peu plus, du côté de Nancy. En dehors de son festival annuel, le jazz, finalement, se fait rare du côté de chez nous... Pas étonnant donc que dans ces conditions et malgré une époque peu favorable, celle des vacances scolaires, le Vertigo fût plein comme un œuf, au détriment, avouons-le, du confort des spectateurs. Parce qu'en l'occurrence, deux options se présentent à vous lorsque vous y pénétrez : prévoyant, vous avez réservé vos places et vous vous retrouvez assis à une table dans une position bizarre vous obligeant à tourner la tête à 90° pour voir la scène et encourir le risque d'un torticolis, sauf si vous décidez de faire contre mauvaise fortune bon cœur et de contempler votre voisin d'en face durant toute la soirée, ce qui peut constituer une redoutable épreuve pour le cas où sa trombine ne vous reviendrait pas. Si au contraire, vous êtes imprévoyant, vous chercherez les dernières places assises et devrez vous contenter d'écouter le concert, ce qui, tout de même, est un peu dommage. A moins que vous n'optiez in fine pour l'option debout et là, vous pouvez vous accouder au comptoir et tourner le dos aux musiciens ou bien, pour finir, décider de vous planter au fond de la salle, face aux artistes et de profiter à plein du spectacle.

    Imprévoyant et debout, voilà ce que j'étais en ce soir du 9 avril 2009.

    Bien m'en a pris, parce que le Bernica Octet, sous la direction de François Jeanneau, est une formation des plus réjouissantes ! Apparue pendant les années 90 puis évanouie avant de ressurgir à l'instigation de René Dagognet, cette famille de musiciens lorrains cornaquée par le saxophoniste - à ce sujet, je signe illico des deux mains pour avoir cette allure de jeune homme à 74 ans - propose un jazz chatoyant, formidablement arrangé et dynamité par quatre soufflants (trois sur quatre se prénommant François... : Guell, feu follet à l'alto, figure historique de la famille Emil 13 avec son complice Pierre Bœspflug ; Cochet, tromboniste des plus attachants ; Jeanneau, forcément !), eux-mêmes soutenus par une rythmique alliant souplesse et belle présence, notamment sous la conduite de Jean-Luc Déat à la contrebasse. Il faudrait citer tout le monde, ne pas oublier Christian Mariotto à la batterie et Denis Moog, enlumineur guitariste. Le groupe a joué ce soir-là l'intégralité de son tout nouveau disque : Very Sensitive, belle galette qui mêle les compositions de François Jeanneau, certaines inédites et d'autres déjà connues, comme « Kel Essouf » et « Scratchbook » qui remontent au trio Humair - Jeanneau - Texier et plus précisément Update 3.3. aux contributions de François Guell et Pierre Bœspflug. Musique savante, mais jamais laborieuse, imprégnée d'une grande fraîcheur (aucun doute là-dessus, les musiciens s'amusent visiblement sur scène et sur disque) et débordant de sève, le jazz du Bernica Octet est affaire de gourmet. C'est avec le plus grand plaisir qu'on goûte le saxophone soprano de François Jeanneau, haut perché et volubile, comme il le démontre par exemple sur « Very Sensitive ». Ce type-là est un as, ne l'oublions pas et ça ne date pas d'hier (ah, mon album de Triangle acheté l'année de mes 15 ans...). Ses camarades sont loin d'être en reste, la machine tourne bien, sans effort apparent, mais avec une redoutable efficacité.  On prend du plaisir en leur compagnie. On en redemande. Parce que cette musique est vivante, tout simplement.

    François Jeanneau (sax soprano, direction), René Dagognet (bugle, trompette), François Guell (sax alto), François Cochet (trombone), Pierre Bœspflug (piano), Denis Moog (guitares, oud), Jean-Luc Déat (contrebasse), Christian Mariotto (batterie).

    podcast
    En écoute : « Simple Valse Champêtre », de François Jeanneau.

    Acheter le disque ? Rien de plus simple, un petit tour chez Cristal Records !

  • Technochat

    On n'arrête pas le progrès... Voilà qu'hier matin, un jeune homme m'aborde dans la rue, tout près de la Maison Rose, pour me demander l'adresse d'un vétérinaire. Son chat blessé, qu'il tient avec beaucoup de précautions emballé dans une couverture, semble avoir mal supporté une chute de plusieurs étages. Je ne suis pas certain d'ailleurs que j'aurais résisté à un tel exploit sportif, raison pour laquelle je considère le sport avec une réelle défiance, sachant - les statistiques le prouvent - qu'il n'est guère bon pour la santé...

    Ooops ! Un vétérinaire ? Alors là, mon pauvre monsieur, je ne saurais vous dire, y a pas de bestioles à la maison, alors je ne les pratique pas vraiment ces médecins animaliers. Ah mais que je suis bête* ! Attendez donc, je dois pouvoir vous aider... Là, ni une ni deux, j'extrais de ma poche mon téléphone supersonique, j'arrête le disque que je suis en train d'écouter (Very Sensitive, petit bijou du Bernica Octet dont je vous reparlerai), tap tap, je file sur les Pages Jaunes, je saisis le mot vétérinaire, je me géolocalise (c'est un mot à la mode ce truc alors j'en profite avant qu'il ne passe aux oubliettes de la technologie) et tap tap encore... trois secondes plus tard, j'apprends que la clinique la plus proche se trouve... à 190 mètres de l'endroit où nous trouvons ! Bou Diou, on a du bol... Tap tap toujours et encore, j'affiche maintenant l'itinéraire piéton. Et nous voilà tous les trois en partance pour cette unité de soins si convoitée. Dès notre arrivée, je m'éclipse discrètement, sous les remerciements chaleureux du monsieur qui m'explique que j'ai sûrement sauvé son chat. Merci merci merci, mais vraiment, je n'y suis pour rien, le sauveur, c'est mon téléphone, hein ? C'est beau, non, la technique moderne ?

    Sauf que... Si j'étais un type normal, avec une mémoire un peu moins anarchique, je ne devrais pas ignorer l'existence de cette clinique vétérinaire installée à deux minutes à pied de chez moi et devant laquelle j'ai dû passer, à pied, en voiture ou à cheval des centaines, voire des milliers de fois. Mais j'ai cette faculté, assez déroutante, de zapper et oublier assez vite les détails de l'environnement urbain dans lequel j'évolue au quotidien. Qu'une enseigne change dans une rue commerçante et je n'ai plus le moindre souvenir de celle qui s'affichait auparavant. C'est comme ça, je fais avec...

    Comme disent les hommes politiques qui veulent se faire passer pour des férus d'informatique alors qu'ils n'y connaissent rien**, il va falloir que je change mon logiciel... ou qu'au minimum, je procède à une sérieuse mise à jour.

    Tap tap !

    * Humour...
    ** Cette remarque pouvant s'appliquer à d'autres domaines, d'ailleurs... 

  • Surnaturel

    surnatural_orchestra_170.jpgZut, je viens encore de me faire griller ! Voilà des semaines que je voulais vous parler d'un disque surgi de nulle part, un double album qui est beaucoup plus que ça en réalité, c'est un objet splendide avec de la musique, des textes, des photos, ce genre de disque qu'on veut posséder pour le toucher, le palper et qu'il ne nous viendrait même pas à l'esprit de télécharger légalement : Sans Tête, c'est son nom, est signé du Surnatural Orchestra. Une bande de fous joyeux, car ils sont plus de vingt, un Big Band qui souffle à pleins poumons une musique de vie comme il faudrait pouvoir en écouter beaucoup plus souvent. Avec ce disque enregistré en concert, on sent que ça vit, que ça respire, sous nos yeux ou plutôt sous nos oreilles, ça invente, ça cherche et ça trouve ! Sans Tête est un beau manifeste, un acte de résistance à tous les formatages en vigueur, un décapsuleur de cerveau disponible. Pratiquant le soundpainting, les musiciens du Surnatural Orchestra nous embarquent pour un voyage dont la destination ne nous est pas connue au moment du départ. Je me suis fait griller donc, parce que je viens de tomber sur une chronique de cet album dont je pourrais revendiquer chacun des mots. Ça m'apprendra à tergiverser, la prochaine fois, promis, je serai plus réactif... Alors, pourquoi vous imposer une double lecture qui pourrait vous sembler fastidieuse ? Allez donc tout simplement faire un petit tour par ICI !

  • Précieux

    Les amoureux de Robert Wyatt devraient en toute logique se précipiter sur ce beau bouquin paru aux éditions Æncrages & Co au mois de février 2009. Car cette Anthologie du Projet MW rassemble les dix années de collaboration entre Jean-Charles Marchetti (peintre et... traducteur) et Robert Wyatt, une longue période pendant laquelle tous deux ont échangé des courriers et se sont rendu visite pour peaufiner leur travail. Un beau cadeau sous forme d'illustrations et de traductions de 80 chansons écrites par le doux et singulier chanteur poète anglais. Un vrai travail d'équilibriste des mots tant les textes originaux pourraient paraître impossibles à faire vivre dans une autre langue que celle de leur créateur. Et pourtant, ça marche ! Marchetti a su respecter l'esprit et la lettre, conférant à ses traductions la même folie douce que celle qu'on savourait chez Wyatt, sans oser, parfois, se dire qu'on ne comprenait pas toujours le sens des paroles ou qu'on butait ici ou là sur un néologisme idiomatique dont l'équivalent français nous échappait. Ici, tout semble s'éclairer, nous donnant l'envie de remonter à la source et de goûter le monde bariolé et politiquement engagé du grand Robert, dont certains manuscrits, ici reproduits, deviennent comme autant d'objets d'art. Ce bouquin est vendu à un prix modique (moins de 20 €) avec un CD qui permet d'écouter une interview de Robert Wyatt. Que demander de plus ?

    http://aencrages.free.fr/

  • Lumière

    paris_090524.jpg

    Un petit coup d'œil sur Paris, hier matin assez tôt. Ciel bleu, encore peu de touristes déboulant en hordes plus ou moins contrôlées, le temps est presque estival. Non, pas presque, il est estival. Les rares coureurs du matin transpirent déjà à grosses gouttes, certains semblent glisser comme par magie sur les pavés disjoints, d'autres s'infligent des souffrances qu'ils ne méritent probablement pas. J'ignore l'objet de leur rédemption, mais leur souffle rauque, leur visage violacé, leur transpiration animale est inquiétante. Nous marchons, à très faible allure, pour profiter au mieux de ces instants un peu mystérieux. Voilà pour le coup d'œil qu'on soulignera d'un... coup de nez ! Car la réalité se rappelle à nous à chaque fois que nous passons sous un pont, là où un incomparable fumet de pissotière nous saute au nez. Il y a le Paris des cartes postales, Paris la ville lumière, Paris des monuments, Paris des musées, Paris des grands boulevards... mais aussi Paris de la misère, qui dort enveloppée dans un vieux sac de couchage, à nos pieds.

    PS : avis à l'abruti de motard qui slalomait hier à 18  h27 sur la Francilienne entre la sortie 14 et la sortie 15 en direction de Nancy et qui a dégommé mon rétroviseur d'un coup de coude au prétexte, semble-t-il, que mon véhicule avait la drôle d'idée de rouler sur la file de droite à la vitesse réglementaire et que celui qui nous doublait roulait à peine plus vite, l'empêchant de se livrer à son gymkhana en bande casquée : tu ne perds rien pour attendre, j'ai ton numéro, mon gars, ça s'appelle un délit de fuite !

  • Quintessence

    SJCD-2005_h1_04.jpgMagma. Oui, encore Magma. Parce qu'au détour de la publication de « Live in Tokyo », un double CD enregistré en 2005 et disponible uniquement en ligne sur le site de Seventh Records ainsi que dans les bacs des disquaires japonais, le groupe nous fait un très beau cadeau avec une monumentale version pour voix et piano d'une trilogie Theusz Hamtaahk condensée en 50 minutes : une interprétation des Voix de Magma qui vient s'installer très très haut dans le palmarès discographique de la planète Kobaïa. Dépouillée de sa charge électrique, livrée à elle-même sans l'appui d'une batterie qu'on sait d'habitude déferlante et hypnotique, la musique de Christian Vander est proposée là dans ce qu'elle a de plus essentiel, de plus vital. Pas une seconde de cette musique qui ne soit transcendée par la foi brûlante de son compositeur, qui nous gratifie, soit dit en passant, d'un magnifique « Nebëhr Gudahtt » où le chanteur est à son zénith, se livrant à l'exercice si redoutable du « scat kobaïen ». Un sommet dans l'histoire de ces 40 ans de musique.

    Le disque propose également une version électrique de « K.A », beaucoup moins indispensable dans la mesure où Magma nous en avait proposé une très belle captation sur l'un des DVD de la série Mythes & Légendes, à peu près à la même époque.

    Mais ces Voix de Magma justifient à elles seules l'achat du disque, qui n'est pas à réserver aux seuls collectionneurs et autres inconditionnels, parce qu'elles constituent une belle porte d'entrée vers l'univers de la Zeuhl et propulsent la musique vers les sphères de l'intemporel.

    podcast

  • Si

    onj_wyatt.jpgImaginons qu'un magazine culturel me confie la rubrique jazz de ses pages « Disques » et que mon travail consiste à sélectionner, chaque semaine, un album. Imaginons encore que je dispose pour cela d'un espace plutôt limité (au grand maximum une colonne) et que, par conséquent, j'ai l'obligation d'opérer une sélection assez draconienne parmi l'ensemble des productions qui me seraient adressées en vue d'une possible chronique. J'ai bien dit : imaginons. Parce que tel n'est pas le cas bien sûr, et que je ne possède pas le talent requis.

    Si tel était le cas, donc, me viendrait-il à l'idée de sortir ma plus belle plume pour dénigrer un peu sournoisement un artiste avéré et, de manière très condescendante, le qualifier de « propret », dire de lui qu'il n'est pas « un foudre » et nous expliquer que son dernier projet manque de « vigueur et nécessité » ? Alors que je sais pertinemment qu'il connaît son sujet sur le bout des doigts et que sa réalisation témoigne d'un amour vrai de la musique et de beaucoup d'humilité et d'une immense dose de respect ? Tel le camarade de classe qui vous fait un croche-pied quand vous passez devant l'instituteur, est-ce que je reconnaîtrais au travail de ce musicien une « saveur jazzique » de manière très parcimonieuse, lui refusant le droit d'entrée dans le grand hôtel du jazz, comme un physionomiste chargé de refouler les intrus à l'entrée d'un casino ? Est-ce que je me risquerais à un hors sujet en cherchant à tout prix à ranger mes disques dans les boîtes étriquées d'une classification dépourvue de sens et d'intérêt ?

    Ou, conscient du poids de mes mots, est-ce que je choisirais la voie de l'enthousiasme pour évoquer sans retenue ce que j'aime, parce que la place est chère et le temps trop court pour m'accorder le droit de laisser s'épancher un peu de ma bile scripturale ? Quitte à ne pas parler de ce qui ne m'a pas plu ni fait vibrer ? Taire plutôt que dénigrer.

    Qu'on ne se méprenne pas sur le sens de mon propos : je ne revendique aucune tiédeur, les débats pour ou contre sont passionnants et souvent riches de contenus, il existe même des magazines qui y recourent régulièrement. Non, ce qui me gêne énormément, c'est ce sentiment qu'en me donnant à lire, on règle des comptes, un peu sournoisement, sans vraiment le dire.

    En attendant, je file à Paris pour me régaler les oreilles et applaudir l'Orchestre National de Jazz dirigé par Daniel Yvinec qui rendent hommage à ce grand monsieur qu'est Robert Wyatt.