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Musiques buissonnières - Page 30

  • Nature

    lorraine_verte.jpg

    Allez, je vais vous confier un petit secret : parce qu'à force de railler le climat grisâtre qui règne sur la Lorraine la plupart du temps, je finis par me dire que vous pourriez penser qu'il s'agit d'une région inhospitalière et dépourvue de tout attrait touristique. Il n'en est rien. Prenez un paysage de campagne classique, avec ses champs, ses ondulations légères, ses ruminants. Avec un peu d'attention, vous débusquerez une biche ou... un lama. Au loin, vous entendez la cloche d'une église. Sur vos têtes, d'invisibles oiseaux entament un récital joyeux. Faites totale abstraction de ce cancer agricole que sont les champs de colza : incongruité écologique, repoussoir visuel et olfactif et dont les métastases se sont propagées bien au-delà de nos frontières. Oubliez pour un temps les gros nuages qui vous menacent d'une averse, refusez de voir l'éclair qui a zébré le ciel de plomb, annonciateur d'un orage statistiquement inévitable. Et voyez l'essentiel : un vert incomparable (celui qui a inspiré bien des peintres régionaux et qu'on retrouve en bonne place au palmarès des inspirations de l'Ecole de Nancy), tirant parfois sur un bleu profond. Dans les sous-bois, exercez votre œil à repérer ces petites asperges vertes tant appréciées des restaurateurs. Respirez (pas trop profondément toutefois, toujours cette saloperie de colza) et prenez le temps de vivre hors du temps. Voilà, tout près d'ici, calme et apaisé, vous venez de prendre une journée de vacances. Pas besoin de Club Machin, pas de G.O., aucune spéculation possible, pas d'affairiste à l'affût de votre or vert. Ici, c'est du vrai, du lourd comme dirait l'autre. 

  • Nu

    CV-To-Love.jpgSeventh Records réédite très opportunément dans une version remasterisée un album solo de Christian Vander datant de plus de 20 ans maintenant. To Love fut en effet publié à la fin de l'année 1988 et ce disque constituait pour pas mal de gens une vraie surprise. Loin des fureurs de Magma, l'artiste se présentait face à nous presque seul, au piano. Seule la fidèle Stella venait illuminer de sa présence vocale cette musique intimiste, dépouillée, douloureuse (le disque étant un hommage à un ami trop vite disparu) et d'inspiration très spirituelle. En 2009, Christian Vander se lance un nouveau défi : celui de se produire seul en scène, au chant et au piano. L'angoisse préliminaire au récent concert donné en l'église d'Eyzines s'étant dissipée, et malgré un peu de casse matérielle (un touche de piano brisée), cette nouvelle aventure pourrait bien connaître d'autres épisodes tant sa réussite semble avérée par un public chaleureux et conquis. En attendant que Christian Vander vienne se produire du côté de chez vous, pourquoi ne pas prêter une oreille attentive à To Love qui, on s'en doute, n'a pas pris une seule ride et continue d'envoûter ?

    podcast

  • Brouillé

    front.jpgLa nostalgie n'est plus ce qu'elle était... Tenez, par exemple, mes oreilles écoutent Roadsinger, le nouvel album de Ysuf, autrefois connu sous le nom de Cat Stevens et rebaptisé ainsi après sa conversion à l'Islam en 1977 après un grave accident. Mais comment dire ? Un drôle de sentiment me gagne, que j'avais déjà ressenti de la même façon en 2006 lors de la publication de Another Cup. Notre bonhomme fait beaucoup d'efforts pour se rappeler au bon souvenir de son vieux public - qui ne l'a pas suivi dans son chemin spitrituel - en retrouvant les accents du chanteur qu'il était au début des années 70 : voix inchangée et toujours magnifique, mélodies finement ciselées, instrumentation très intemporelle et identique à celle des premiers disques. On s'y croirait, cela ressemble à s'y méprendre à un revival en bonne et due forme, on entend même quelques notes, jouées au piano, extraites de « Sitting », vieille chanson de l'album Catch Bull At Four et pourtant... quelque chose est cassé. Est-ce la tonalité volontiers prêchi-prêcha des textes qui nous gêne un peu aux entournures ? Est-ce le souvenir des prises de position très ambiguës du chanteur lors de la fatwa lancée contre l'écrivain Salman Rushdie qui nous reste en travers des tympans, malgré leur explicitation ultérieure un peu alambiquée ? Difficile à analyser, et même si Yusuf se présente aujourd'hui comme un militant de la paix, cette nouvelle galette n'apporte pas grand chose, en dehors de regrets. L'histoire de l'homme nous brouille un peu l'écoute.

  • Boulot

    Incroyable... C'est en regardant la télévision que m'est venue l'idée d'une reconversion professionnelle. Ce n'est pas que je tienne absolument à quitter mon boulot, mais chaque jour ou presque, je me dis que si je devais me retrouver sur le marché du travail, je ne suis pas certain qu'on se battrait vraiment pour s'attacher mes services. Je ne suis expert en rien et mes trente années d'activité m'ont surtout valu d'endosser la cape d'un touche à tout, ayant accumulé une myriade de micro-compétences qui, une fois agrégées, ne font pas forcément une qualification. Et si je jette un œil aux offres d'emploi dans quelques magazines ou journaux, là, c'est le drame ! Rien pour moi, il me manque toujours un truc pour me persuader qu'il me serait possible de postuler. Inaptitude chronique aux aspirations des employeurs du moment, à supposer qu'il s'en trouve encore quelques uns pour franchir le Rubicon et prendre le risque d'une embauche. Sauf qu'enfin, j'ai trouvé ! Oui oui oui, je viens de trouver un boulot qui me convient parfaitement ! Certes, le poste n'est pas libre pour l'instant, mais si je ne le demande pas, si je ne pose pas ma candidature, je n'aurai aucune chance de le décrocher. Oui, mesdames et messieurs, j'ai l'honneur de vous annoncer que j'aimerais avoir un travail d'Ariane Massenet dans la Grande Emission de Canal + ! Un vrai boulot pour moi, pas trop fatigant et sans le moindre risque de faute professionnelle. Imaginez donc : cinq fois par semaine (périodes de congés scolaires non comprises), pas trop tôt le matin, je m'installe derrière une grande table et j'assiste à une émission à laquelle je participe sporadiquement, posant ici ou là une question anodine dont l'idée me sera venue à la lecture en diagonale du dossier fourni par l'attaché de presse de l'invité du jour. Faut juste que j'accepte d'être un peu brocardé par mes collègues et de constater que mes questions amènent en générale des réponses évasives voire pas de réponse du tout, mais bon... si mes informations sont exactes, je crois que je gagnerais plus d'argent qu'à l'heure actuelle alors, foin de mon amour propre, il s'agit de vivre, non ?

  • Musées

    gruber_la_chambre.jpgJ'ignore si la foule qui se presse à la Nuit des Musées chaque année à date fixe nourrit une passion réelle pour la peinture ou la sculpture et, plus généralement, pour l'histoire de l'art ou si, comme le glissent perfidement quelques pisse-froid, la gratuité l'attire comme des souris sur un morceau de fromage, mais le plaisir de voir un enfant ouvrir grand les yeux devant un tableau ou d'entendre un jeune couple exprimer sa satisfaction après les explications savantes d'un guide suffit à me convaincre du bien fondé d'une telle manifestation. Après tout, le plus grand risque de cette soirée fiévreuse n'est-il pas qu'une partie de ce public accepte par la suite de débourser quelques euros pour apprendre et découvrir ?

    Samedi soir, entre Musée Lorrain et Musée des Beaux Arts à Nancy, il fallait faire preuve d'un peu de patience si l'on n'avait pas pris la précaution d'être ponctuel... Une belle occasion de découvrir le travail méconnu de Francis Gruber (fils de Jacques Gruber maître verrier bien connu par ici) dont la courte vie (1912 - 1948) a permis l'émergence d'un talent où s'exprime une souffrance assez crue née de la maladie (l'asthme puis la tuberculose) et des horreurs de la guerre. Ses portraits de femme sont assez symptomatiques de cette douleur, comme si le corps devait traduire en sécheresse et nudité la violence du quotidien. Des corps qui paraissent s'apaiser dans les dernières années, exprimant une douceur retrouvée malgré la fin qui s'annonce.

    Mon œil a été attiré par un tableau splendide appelé « La chambre » et peint en 1932. Francis Gruber, très jeune puisqu'il n'avait alors que vingt ans, ignorait probablement que dix ans plus tard, Raoul Dufy peindrait un « Atelier aux Raisins » (qu'on peut admirer au deuxième étage du Musée des Beaux Arts de Lyon) qui, par bien des aspects, lui serait comme un écho adouci, plus heureux.

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  • Sources

    stevewinwood.jpgJ'observe - ou plutôt j'écoute - un mouvement de retour en arrière, assez loin vers les années 60 et 70, dans le monde de ce que j'appellerai, pour simplifier, la musique rock. Voilà un phénomène qui me rassure en ce sens que je me fais moins l'effet d'être un vieux schnock lorsque je m'aperçois que de jeunes musiciens vont puiser dans les mêmes fonds de catalogue que moi (et quelques autres d'ailleurs) ! Comme s'ils avaient tiré un trait sur toute la période commençant à la fin des années 70 et le désastre disco annonçant le désert des années 80 et ce qui en a découlé par la suite. Toute cette période où la création musicale comptait beaucoup moins que la rentabilité qui pouvait être dégagée de l'investissement à court terme sur une éphémère tête d'affiche. Mon fils, manifestant ainsi probablement plus de sagesse que son père, dit qu'il s'agit là d'une nouvelle mode en attendant la suivante. Une mode donc, consistant à n'en avoir pas. Aujourd'hui pourtant, on se réclame des pères de la soul music, on convoque la musique acoustique d'origine californienne, les synthétiseurs sont rangés dans les placards au profit de claviers plus traditionnels. Volontairement, je ne citerai aucun nom. Mais je me pose la question du lien qui pourrait exister, s'il s'agit d'un mouvement à plus long terme, entre la prise de conscience du basculement écologico-économique que nous allons forcément devoir vivre dans les années à venir, et cette autre nécessité exprimée ainsi d'une musique moins encombrée d'artifices et plus chargée d'esprit, aux antipodes de celle qui avait pu s'épanouir durant les années « fric » et toc. Ou peut-être tout ceci n'est-il que le fruit de l'imagination du potentiel (futur) ringard que je suis. La parenthèse vous indiquant d'ailleurs que ce processus irréversible est peut-être déjà engagé.

    N'empêche... puisque l'on parle de vieux croûlants... Il y a ce gamin de 61 ans nommé Steve Winwood dont j'aimerais vous parler plus longuement un jour. Ce type là chante comme un Dieu et tout son parcours parle pour lui, sans qu'il soit besoin d'en rajouter : Spencer Davis Group (à 15 ans), Blind Faith avec Eric Clapton (à 20 ans), Traffic et sa discographie magique (dans la foulée de Blind Faith), ses albums solo (dont le tout récent Nine Lives est exemplaire) et sa participation à quelques galettes historiques : Electric Ladyland de Jimi Hendrix, Berlin de Lou Reed ou encore Broken English de Marianne Faithfull.

    Allez, vous partez avec moi pour un petit retour en arrière ?

  • Sauvegarde

    J'écoutais ce matin un débat très intéressant sur le thème de la connaissance et de la mémoire avec pour corollaires les problèmes posés par les actuels supports de stockage magnétiques. Il est désormais avéré que la durée de vie des CD et autres DVD est beaucoup plus limitée qu'on ne l'imaginait à l'origine, tout comme celle des disques durs sur lesquels il nous faut enregistrer nos photos numériques, nos achats de musique en ligne et bien d'autres fichiers informatisés. A l'heure actuelle, je ne vois pas d'autre solution que celle consistant à doubler (voire tripler) mes sauvegardes sur des disques externes, partant de l'idée que l'hypothèse d'un crash simultané de toutes ces unités est peu probable (même si rien n'interdit à un avion de s'écraser sur ma maison et de tout détruire...). Qu'en sera-t-il dans les années à venir ? Faut-il imaginer d'autres matériaux, plus résistants ? J'ai lu quelque part que des recherches étaient menées pour élaborer des disques en verre, infiniment plus résistants, mais plus onéreux. Doit-on inventer de nouveaux circuits de sauvegarde distante, favorisée par la généralisation des hauts débits ? Et cette accumulation de supports peu encombrants, ces possibilités démultipliées de mémoriser font-elles de nous des homo sapiens plus riches de connaissances que ne l'étaient nos ancêtres ? Etrangement, à peine m'étais-je posé toutes ces questions que j'ai ressorti de ma bibliothèque un vrai bouquin, avec du papier et de l'encre, et que je me suis ressourcé à la lecture de quelques pages de « La Recherche du Temps Perdu ».

  • Écrivain

    michel_tournier.jpgLes hasards d'Internet m'ont amené à engager une petite correspondance écrite avec une universitaire italienne qui a choisi Michel Tournier comme sujet de thèse, et plus précisément la comparaison de deux de ses livres : « Vendredi ou les limbes du Pacifique » et « Vendredi ou la vie sauvage », le second étant souvent présenté un peu hâtivement comme la version du premier réécrit pour les enfants. Tournier dit lui-même qu'il n'écrit pas pour les enfants, mais il considère qu'un livre réussi doit pouvoir être lu, aussi, par les plus jeunes. A travers cet échange épistolaire, je me suis rappelé un texte que j'avais écrit au mois d'octobre 2006 (Tu me fais Tournier la tête) et, aussitôt, j'ai ressenti une drôle de nostalgie. Parce qu'ayant lu toute l'œuvre de Michel Tournier depuis une trentaine d'années, parce qu'ayant relu goulûment plusieurs de ses plus beaux romans et essais, je m'aperçois que le temps passe très vite et que l'homme, aujourd'hui âgé de 84 ans, n'aura peut-être plus l'énergie nécessaire à la création de livres aussi intenses que « Les Météores », « Le Roi des Aulnes », « Le Vent Paraclet », « Le Vol du Vampire » ou « Célébrations ». Ses derniers livres, « Le Bonheur en Allemagne ? » et « Mes Vertes Lectures » sont pleins de charme, certes, mais pas aussi habités et envoûtants que quelques uns de leurs illustres prédécesseurs. L'homme est vivant - et je souhaite qu'il le soit encore durant de très très longues années - mais l'écrivain semble désormais s'être comme mis en sommeil. Ses livres restent et resteront, l'été qui vient sera pour moi celui d'une nouvelle relecture. Faute de mieux !

  • Jeune

    front.jpgLe petit monde de la télévision s'émeut au prétexte qu'un candidat de la Nouvelle Star a osé allumer une cigarette pour interpréter une chanson de Serge Gainsbourg et qu'un célèbre couturier y a été d'une présence très soulignée, à grands renforts de gros plans et de citations. Voilà un joli double exercice d'hypocrisie quand on sait que le plus grand mal qui puisse être fait à une génération naissante - beaucoup plus que cette cigarette symbolique qui aura bien peu d'effet sur les comportements juvéniles - est celui par lequel on brandit le conformisme le plus absolu comme étendard et qu'en matière de publicité, on atteint avec cette émission un niveau de saturation qui rendrait hermétique à toute réclame n'importe quel étudiant issu d'une école de commerce. Tout ceci sent tellement le renfermé que c'est avec le plus grand bonheur - il s'agit là d'une vraie respiration, en effet - qu'on se précipitera sur le dernier opus d'un vieux loup solitaire du rock, monsieur Neil Young ! A plus de 63 ans, le loner canadien semble ne pas devoir dévier un seul instant du chemin très singulier qu'il trace depuis plus de quarante ans maintenant. Sûr qu'avec son chant parfois approximatif, il n'aurait pas franchi la barrière d'un jury composé de bien étranges « experts » comme on peut en contempler du côté de chez nous... Fork In The Road, c'est du Neil Young pur jus, une musique carrée, électrique la plupart du temps, un son râpeux, des mélodies comme lui seul sait en inventer (j'emploie ce mot à dessein parce que je tiens Neil Young pour un inventeur), qui nous ramènent au meilleur de toute sa discographie. Et même si l'on ne peut qu'être d'accord avec lui pour dire que chanter une chanson ne changera pas le monde (« Just Singing A Song Won't Change The World »), on lui sait gré de débouler à intervalles rapprochés (Chrome Dreams, son précédent double album, remonte à dix-huit mois environ) avec cette musique qui lui appartient et qui fait l'effet, à chaque fois, d'une cure de jouvence. On n'oubliera pas, pour finir, de rappeler qu'avec ce disque, Neil Young s'engage résolument vers la voie de l'écologie. Une bifurcation essentielle pour l'avenir, voilà aussi le sens à donner à ce Fork In The Road.

  • Incertitude

    Alors, crise ou pas crise ? Si j'en crois certains éditorialistes matutinaux un peu bas du front, le rebond observé du côté de la Bourse depuis deux mois serait le signe d'un optimisme des marchés (j'adore cette manière d'expliquer l'économie, comme s'il y avait une sorte de main, planant au-dessus de nos pauvres petites têtes de bipèdes, prête à s'abattre ici ou là au gré des spéculations, et qui ne serait pas d'origine humaine) et donc un message d'espoir pour l'avenir. Et puis, en voilà d'autres qui nous expliquent que trop d'optimisme peut entraîner des déceptions (et ça, pas bon, pas bon du tout, parce qu'un actionnaire ne doit jamais être déçu ni même inquiet) tandis qu'un pessimisme exagéré serait facteur de retrait des cotations. Pffff... Et pan, dès le lendemain, c'est le drame : voilà que le CAC a pris un coup dans le nez et les théories de la veille passent à la trappe. Attention donc à la chute des cours... Bref, malgré quelques années passées à entendre des enseignants en économie sur les bancs de la fac, il y a... si longtemps, j'avoue mon incompréhension la plus totale.
    Tout ceci nous démontre néanmoins les dégâts causés dans les cerveaux des experts ayant le droit à la parole par l'idéologie thatcherienne ("il n'y a pas d'alternative à l'économie ultra-libérale et son cortège de démantèlements") et le manque total de lisibilité des temps à venir. Il reste quelques certitudes néanmoins : chaque jour, des usines ferment, d'autres vous proposent un avenir en Inde pour 69 € par mois ; la menace climatique semble bien là et pas vraiment prise en compte par tous les tenants d'une certaine croissance définie comme obligatoire ; les mafias contrôlent une part très importante de la finance mondiale et leurs métastases viennent se propager jusque dans notre quotidien.
    Allez, zou, j'ai la solution : je vais me préparer de ce pas une bonne petite tisane « matin calme », ça ne résoudra pas nos problèmes, mais au moins, ça m'évitera de dire des conneries ! Dire que pendant un moment, j'ai cru que la Bourse était un truc un peu virtuel... Pfff...

  • Dopant

    Interviewé ce matin sur France Inter, un technicien de la SNCF expliquait la recrudescence des accidents au mois d’avril par la consommation exagérée que les chevreuils font des fleurs de genêts. Ainsi nourris, nos charmants quadrupèdes sylvestres semblent se mettre à divaguer quelque peu et à chercher la confrontation avec les trains, une lutte dont ils sortent rarement vainqueurs toutefois. L’usager de la SNCF, quant à lui, s’en trouve pénalisé de quelques minutes d’un retard qu’il ne peut mettre au compte de je ne sais quelle inconséquence syndicale qui le « prend en otage ». Mais en fouinant sur la Toile, j’apprends aussi que l’infusion de ces fleurs jaunes possèderait quelques vertus, parmi lesquelles la facilitation de le respiration et le soutien du muscle cardiaque… Voilà qui devrait inspirer quelques uns de nos chers « sportifs » qui pourraient trouver là une belle occasion de diversifier leurs approvisionnements et, par la même, de moins contribuer à l’épanouissement financier de certaines filières obscures.

  • Repos

    Retour à une activité normale après quelques jours d'un repos obligé. Histoire de reprendre des forces et d'oublier un joli « coup de pompe », ce genre de truc qui vous coupe les jambes et vous donne l'impression de peser une tonne et d'être au gouvernail d'une embarcation humaine bien lourde à traîner. Le prix à payer, probablement, pour toutes ces années - trente exactement - au cours desquelles il aura fallu composer avec une machinerie vasculaire peuplée d'une myriade de petits caillots, nichés un peu partout pour de mystérieuses raisons qui, à défaut de connaître une explication rationnelle, nécessitent un traitement anticoagulant préventif au long cours. Mais l'essentiel n'est pas là, parce qu'il faut toujours regarder de l'avant et que je n'ai pas l'âme d'un malade sur le sort duquel je refuse depuis le premier jour qu'on s'apitoie. Non, seul l'avenir compte et pour l'heure, je réfléchis à deux projets : d'abord m'attaquer à l'écriture de mes « thrombochroniques » qui seront en quelque sorte les sœurs aînées de mes « stimulochroniques », ensuite fêter dignement, au mois d'octobre prochain, une étape cruciale : celle de l'absorption de mon onze millième comprimé d'anticagulant ! Thrombo pour être vrai ?

  • Poignant

    10143.jpgSalué par la critique comme un des événements musicaux de l'année 2009 - y compris par mes soins à l'occasion d'une chronique pour le magazine Citizen Jazz - le premier disque de l'Orchestre National de Jazz sous la direction de Daniel Yvinec donne une furieuse envie de se replonger dans la discographie de celui qu'il célèbre, le grand Robert Wyatt. Musicien inimitable, chanteur unique, passé des folies dadaïstes de la première époque du groupe Soft Machine à l'élaboration d'un univers intimiste et minimaliste après un dramatique accident qui le cloua sur un fauteuil roulant, Robert Wyatt continue de nous parler à l'oreille et de nous enchanter. Rock Bottom, son disque phare, est une pièce majeure de l'histoire de la musique du XXe siècle. En témoigne, par exemple, ces quelques minutes extraites de « Sea Song », une composition qui continue de vous prendre à la gorge et de vous submerger d'une forte dose d'émotion.
    podcast

  • Démesure

    Invité par France Inter a débattre sur le thème de l’évolution de la démocratie et son dévoiement au fil des années, un philosophe – dont j’ai malheureusement oublié le nom – nous rappelait deux chiffres qui traduisent la démesure que nous, humains, avons réussi à établir dans notre organisation économique mondiale. Il précisait également que ces données très évocatrices préexistaient à la crise subie par tous les Etats à l’automne dernier.

    - les 225 personnes les plus riches au monde possèdent une fortune équivalente à celle que se partagent les 2,5 milliards les plus pauvres ;
    - 2,5 % seulement des transactions financières à l'échelle planétaire s’appuient sur l’économie réelle (le reste n’étant que le fruit de la spéculation et donc d’une économie virtuelle).

    Ces chiffres ne sont pas nouveaux, j’en conviens, mais ils disent tellement de choses… Et ce ne sont là que deux exemples. Étonnant, non ?

  • Procuration

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    Photo : Mad Jazz Girl

    Être père d’un musicien, en 2009, n’est pas forcément un statut de tout repos, parce que les questions se bousculent au portillon : en ce monde troublé qui n’accorde pas aux artistes* la place qui devrait leur revenir, n’aurait-il pas mieux valu inciter son propre fils à choisir une autre voie ? A quoi sert-il d’être musicien, puisque tout doit désormais être quantifié, évalué, rationalisé ? L’art, l’irrationnel, la dimension poétique de l’individu ont-ils encore cours dans la sécheresse économique des discours ambiants ? Ces questions, je me les pose, chaque jour… Mais elles sont souvent balayées par les échos des scènes, ces commentaires qu’on vous fait parvenir et qui vous confirment que, probablement, vous n’avez pas eu tort dans vos choix de parents. Si, vous avez tort parfois, mais d’être absent ! Comme tout récemment, sur une scène parisienne dont vous ne connaissez que ce fugitif cliché vous laissant deviner des heures hautes en couleurs que vous devez vous contenter de vivre par procuration.

    * J’ai de ce mot une définition suffisamment restrictive pour ne pas y inclure un certain nombre de faiseurs et d'imposteurs qui occupent malheureusement une place bien trop importante…

  • Crabe

    Saloperie de cancer... Je vais écrire des banalités, je le sais bien... Parce que dire que la maladie est injuste, d'autres l'ont fait avant moi depuis des siècles et ça ne guérit pas ceux qui souffrent. Mais apprendre qu'un ami, qui a consacré toute sa vie aux autres, aux jeunes en particulier, pour lesquels il a toujours été comme un modèle, jette aujourd'hui ses dernières forces dans une lutte inégale contre un cancer du pancréas et voit son organisme l'abandonner petit à petit, savoir qu'il souffre atrocement et sait qu'il va perdre le combat... Rien à faire, c'est injuste, je ne parviens pas à comprendre « le grand dessein ». J'aimerais tant être doté de pouvoirs spéciaux et pouvoir dévier la course de cette flèche macabre qui est en train de filer droit sur lui, quitte à la rediriger vers quelque nuisible, comme notre monde sait en fabriquer par milliers. Mais je ne suis qu'un humain, rien qu'un humain, et je dois assister à une fin annoncée, sans arme, sans pouvoir repousser l'ennemi.

  • Ancien

    Dans son nouveau livre, « L'endroit du décor », publié aux éditions Gallimard, Raphaël Enthoven cite Plutarque : « Il faut nous en tenir, non pas au chemin qui nous semblera avoir le plus bel aspect, mais à celui qui nous conviendra le mieux, en plaçant notre confiance non dans une vaine convoitise, mais dans la nature, notre guide ». Voilà une phrase qui tombe à pic et nous laisse penser que ce qu'on appelle aujourd'hui le « bling bling » n'est pas une excroissance malodorante de notre époque matérialiste, mais probablement une inclination de toujours pour une part de l'humanité.

  • Éperdu

    lost_on_the_way.jpgLe XXIe siècle sied très bien à Louis Sclavis. Parce que sa discographie - abondante désormais depuis la fin des années 70 - recèle de magnifiques moments dont les plus récents (L'Affrontement des Prétendants, Napoli's Walls, L'Imparfait des Langues et aujourd'hui Lost On The Way) constituent comme une suite qui frise la perfection. Avec ce nouveau disque qui évoque l'odyssée d'Ulysse, et pour lequel il renouvelle en partie son quintette (Maxime Delpierre et François Merville étant toujours présents), Louis Sclavis fait une fois encore éclater au grand jour une musique lyrique, inventive et nerveuse. Il y a ceci d'un peu magique chez lui qui est la patte des grands : on sait très vite à qui on a affaire, sans pour autant savoir où l'artiste veut nous emmener. Alors on se laisse guider, au gré des vents et on le laisse nous raconter une histoire dont on n'a pas envie de connaître la fin.

    « J'ai joué à me perdre pour sortir d'une route déjà tracée » confie le clarinettiste. Alors bien joué en effet et quant à moi, je me porte volontaire pour tomber autant de fois que nécessaire de Charybde en Scylla, tant il est bon, sinon d'être perdu dans l'inconnu, du moins de revenir comme éperdu du bonheur éprouvé à la rencontre d'un jazz contemporain dont la richesse nous laisse espérer qu'il aura encore bien des pages à tourner.

    podcast

    En écoute : quelques minutes de « De Charybde en Scylla », extrait de Lost On The Way (ECM 2098 1798497).

    Louis Sclavis (clarinettes, saxophone soprano), Matthieu Metzger (saxophones soprano et alto), Maxime Delpierre (guitare), Olivier Lété (basse), François Merville (batterie).

  • Pandémie

    Etrange cet appétit soudain qu’ont eu les principaux médias pour le mot pandémie avec cette histoire de la grippe ex-porcine, ex-mexicaine et aujourd’hui A H1 N1. Non qu’ils l’ait utilisé à mauvais escient (et encore... si l’on considère sa définition qui dit qu’il s’agit d’une épidémie qui s’étend à la quasi-totalité d’une population d’un ou de plusieurs continents, on reste loin du compte et c'est tant mieux), mais on ressentait une bizarre jubilation journalistique à distiller la peur avec ce mot trop rarement à l’ordre du jour semble-t-il. Car il y a eu dans le traitement de l’information une incroyable inversion de la chaîne éditoriale : on nous annonce d’abord la catastrophe mondiale (tous aux abris, Roselyne sur tous les fronts télévisés à distribuer masques et Tamiflu, elle a dû se ruiner en rose à lèvres durant ces derniers jours), les mesures de confinement, les morts par vagues, les annonces de notre futur renoncement à toute forme d’activité collective (chouette, on va m’interdire d’aller bosser si ça continue)… puis, quelques minutes plus tard, un spécialiste (en général un médecin) vient nuancer le propos en nous expliquant que, peut-être, ce virus n’est pas plus mortel que celui d’une grippe « classique ». Hier, le bilan quantitatif était sensiblement moins dramatique que celui qui était établi trois jours plus tôt. Aujourd’hui, la presse commence à s’interroger sur les raisons profondes de ce sensationnalisme irrationnel. Certes, le principe de précaution est louable mais dans ces conditions, quelles mesures de préservation de l’espèce humaine faudrait-il prendre pour lutter contre la mort tabagique (cent millions d’individus emportés par la cigarette au XXe siècle), la pollution atmosphérique, le SIDA, les guerres, la violence faite aux femmes, l’esclavage industriel, ou les calembours de Laurent Ruquier ? Pourquoi donc cette brutale focalisation sur une grippe dont la mortalité, fort heureusement, reste marginale et semble se soigner aussi bien qu’une autre (ce qui ne signifie pas qu’il s’agit d’une maladie bénigne, j’en conviens volontiers) ? Il y a pourtant tellement d'autres sujets qu’on aimerait voir plus souvent abordés dans les grandes messes de l’information…

  • Soutenu

    fenetre_panoramique.jpgOn pourra dire tout ce qu’on voudra, mais ça fait du bien de lire un bouquin étranger… vachement bien traduit (ce qui nous change des horreurs du sabir lu a longueur des pages de la trilogie Millenium). En l’occurrence, il s’agit ici du roman (écrit en 1961) de Richard Yates, Revolutionary Road, devenu La Fenêtre Panoramique (signalons au passage que pour son adaptation récente au cinéma, le titre français est devenu Les Noces Rebelles, probablement parce que les producteurs craignaient une confusion avec Fenêtre sur Pacifique… enfin, je dis ça, mais je n’en sais rien, après tout). En optant pour un français un peu compassé, même pour l’époque probablement, Robert Latour restitue au mieux ce climat trouble d’une histoire qui se déroule au milieu des années 50, dans une Amérique qui découvre après la guerre les premiers objets courants d’une nouvelle modernité (symbolisées ici par les machines à calculer fabriquées par l’entreprise Knox où travaille l’un des principaux personnages) et surtout, ajoute une note d’amertume supplémentaire à l’histoire de ce couple qui se désagrège sous nos yeux, comme pris dans la nasse d’un conformisme dont il ne parvient pas à s’extirper. J’ai lu quelque part l’avis d’un lecteur qui trouvait cette traduction faiblarde : c’est tout le contraire, me semble-t-il, elle est à considérer plutôt comme un beau et subtil vernis qui agit comme une loupe sur les craquelures de ce couple voué à l’échec.