Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Vécu - Page 9

  • Lumière

    Il y a les listes de fin d'année, les meilleurs disques, les meilleurs bouquins, les meilleurs films, ... tous ces petits palmarès rétrospectifs qu'on établit pour fixer le temps passé. Ces menus recensements auxquels il faudrait certainement ajouter le florilège des stupidités énoncées ou entreprises par ceux qu'on appelle nos responsables... Les charters, les Auvergnats, les annonces quotidiennes, les trahisons, les mensonges, la cupidité, la convoitise, la violence, la fuite en avant vers un avenir trouble, la misère, la guerre, les pillages, les tours s'élevant à 810 mètres de haut, ...

    Il y a tout ça...

    vitrail.jpg

    Le jour ne s'est pas encore levé, j'ai juste envie de partager un peu de lumière. Que cette année puisse être pour chacun d'entre nous celle des instants qu'on capte, des rencontres fugitives, des regards qui se croisent, des petits mots qu'on échange, de la curiosité renouvelée. D'une certaine forme d'intelligence, celle du cœur.

  • Stabat Akish

    Jeunes pousses. Voici la quatrième publication du « Z Band » pour l'année 2009, et la neuvième depuis la naissance de ce collectif né en 2007, dont le cercle s'élargit petit à petit. C'est une excellente nouvelle... Pour coïncider avec l'hiver, nous avons curieusement choisi un thème qu'on aurait plutôt imaginé voir éclore au printemps, celui des « jeunes pousses », en d'autres termes des artistes prometteurs que chacun d'entre nous espère voir grandir dans les années à venir. Ici, il sera question d'une formation culottée, totalement décomplexée, dont la musique savante et débordante de vitalité créative se paie le luxe d'avoir été repérée par le grand John Zorn, au point que le saxophoniste new-yorkais leur a ouvert les portes de son label, Tzadik. Réunis en 2007 sous la direction de son jeune contrebassiste compositeur Maxime Delporte (trente-trois ans, né à Johannesburg et devenu toulousain quelque neuf ans plus tard), les six de Stabat Akish constituent une révélation dont il est certain qu'elle ne peut laisser indifférent. Je vous propose de partir à leur découverte, sous la forme d'une petite revue de presse à ma façon.

    Je remercie dès à présent Jean-Luc Karcher qui a bien voulu mettre à ma disposition quelques unes des très belles photographies qu'il a prises durant le concert de Stabat Akish à Nancy.

    jlk_Stabat_Akish.jpg

    L'histoire qui me lie à Stabat Akish est un peu bercée par le hasard : on a beau être à l'affût de toute nouveauté, guetter les musiciens qui inventent, chercher ailleurs ce qu'on ne trouve pas ici, il arrive parfois qu'on passe à côté de ce qui, pourtant, relève de l'évidence. Malgré l'abondance des informations qui peuvent submerger le chroniqueur lambda d'un chouette magazine comme Citizen Jazz, malgré la régularité du flux des nouvelles que nous déverse notre rédactrice en chef et qui est comme notre pain quotidien, on réussit à ne pas capter l'écho d'une musique qui aurait dû vous interpeller tant son propos est enthousiasmant. Oserai-je confesser que j'ai accompli l'exploit de ne pas lire la chouette prose d'un collègue rédacteur qui, voici quelques mois, disait tout le bien qu'il pensait de Stabat Akish ? Il ne m'en voudra pas, j'en suis certain, de le citer, lui qui écrivait : « Le groupe possède une puissance de feu rythmique ahurissante autour de laquelle se construit une mélodie urbaine faite de phrases courtes et de cassures permettant - dans un chaos tout à fait travaillé - d'irradier le propos d'autres influences, servi en cela par des musiciens tirant tous dans le même sens, pour tendre si possible vers un groove chauffé à blanc. » Franchement, je pense qu'une telle phrase suffit à vous donner une idée assez précise de ce qui vit dans cette musique tourmentée, imprévisible et qui ne se dépare jamais d'une bonne dose d'humour. Je vous invite d'ailleurs à lire l'intégralité de cette chronique rédigée à l'occasion du premier (et pour l'instant unique) disque de cette bande d'agités de la portée que sont les six musiciens qui forment Stabat Akish. C'est ICI, pour en savoir plus.

    jlk_Guillaume_Amiel.jpg

    Ce camarade de chronique, le normand Franpi pour ne pas le citer, avait récidivé sur son blog et formulé de bien belles choses au sujet de Stabat Akish. Eh bien, oui, celles-là également m'ont étrangement échappé. Pourtant, tout était écrit pour que n'importe quel « truffe en l'air » dans mon genre se précipite pour en écouter plus ! Quand un amoureux du jazz écrit : « Les influences de Stabat Akish sont multiples, foutraques, mais avant tout urbaines, lorgnant tant vers un rock sautillant et psychotrope que vers un jazz puissant et versatile ou vers les complexités d'écritures d'une musique contemporaine qui ne serait pas déconnecté de son temps. Le propos peu sembler parfois malicieux, il est surtout ardent, s'offrant parfois au gré des surenchères des deux saxophonistes et de Guillaume Amiel, vibraphoniste remarquable, des moments de pur groove. », en temps normal, j'y vais, je fonce tête baissée ! Parce qu'on est habité par la certitude que quelque chose se passe, qui doit nous mettre en émoi. Tiens, puisqu'on en est aux recommandations de bonnes lectures, allez donc voir ce qui s'écrit chez Franpi dont j'adore les « photos qui n'ont rien à voir » !

    jlk_Remi_Leclerc.jpg

    Du côté des « grands » quotidiens, on a parlé de Stabat Akih aussi. Libération y est allé de sa contribution enthousiaste à l'occasion d'un article consacré aux Nancy Jazz Pulsations : « Difficile à définir car fortement irrigué, l'univers zapping aux multiples dynamiques de Stabat Akish se peuple autant des ombres du rock progressif 70's façon King Crimson que des compositeurs russes de la fin du XIXe siècle, tel Prokofiev. Si la référence à Zappa est inévitable, à cause d'un penchant non dissimulé pour «l'absurde et l'aléatoire à la manière des Monty Python», comme le précise Maxime Delporte, contrebassiste et leader du groupe, «il y a aussi des références à Charles Mingus, aux musiques de films et à la bande dessinée».

    Pas mal, non ? Eh bien, malgré cette épaisse et gourmande couche de compliments, j'ai trop longtemps ignoré la joyeuse bande des toulousains de Stabat Akish.

    Par conséquent, en ce mardi 13 octobre 2009, alors que Nancy Jazz Pulsations battait son plein et que je savourais à l'avance le bonheur d'un concert d'Univers Zéro, j'ignorais le plaisir qui me gagnerait en première partie de leur belle et intemporelle prestation. Je ne savais pas que le drapeau de Stabat Akish claquerait au vent comme il le fit durant une heure. Ah le beau concert ! Quel cadeau ! Vous pouvez lire maintenant le court texte que cette prestation m'inspira et qui constitue l'un des quatorze comptes-rendus écrits pour Citizen Jazz. A n'en pas douter, c'était l'un des temps très forts de la trente-sixième édition du festival.

    jlk_Maxime_Delporte.jpg

    « Il ne faut que quelques secondes pour comprendre pourquoi Stabat Akish, jeune groupe toulousain, a séduit le grand John Zorn au point que ce dernier leur ouvre les portes de son label Tzadik. Voici en effet une formation dont la musique vous cingle instantanément la figure tant elle est survoltée, virtuose et d'une complexité rythmique qui laisse d'autant plus pantois qu'elle est servie par de splendides arrangements. Une heure de musique qui passe comme si les minutes duraient quelques secondes... Entièrement composé par son leader, le contrebassiste Maxime Delporte, le répertoire est tiré de l'album Stabat Akish, à l'exception d'un inédit (« La serrure »). Splendide terrain de jeu où s'épanouissent le tourbillonnant Guillaume Amiel (vibraphone, marimba), Marc Maffiolo (saxophones ténor et basse), Ferdinand Doumerc (saxophones, flûte), Rémi Leclerc (claviers) et Stéphane Gratteau (batterie). Cerise sur le gâteau, ce petit monde très sympathique ne manque pas d'humour : on le débusque aussi bien à la lecture de certains titres (« La vache kiwi », « Dynamite cassoulet ») que dans leur nouvelle et temporaire dénomination à l'occasion de ce concert à Nancy : « Blaster Center » se trouve ainsi rebaptisé... « Stabat Akish Lorraine ». On ne saurait mieux dire pendant les NJP et c'est avec une vraie gourmandise qu'on déguste un final en forme de sound painting sous la conduite de Marc Maffiolo. Belle révélation, qui devrait occuper une place de premier plan sur la scène musicale d'avant-garde. C'est tout le mal qu'on souhaite à ce groupe profondément original ».

    jlk_Ferdinand_Doumerc.jpg

    cdsa.jpgVous savez quoi ? J'étais à peine rentré chez moi après ce concert qu'en quelques clics, j'avais commandé sur Internet le disque de Stabat Akish qu'un facteur bienveillant déposa dans ma boîte aux lettres quelques jours plus tard. Et là, dès les premières secondes de « La baie des anchois », j'ai pu sans peine retrouver tout ce qui m'avait transporté la semaine précédente : la générosité des compositions, la précision maniaque des arrangements, les syncopes et les ruptures incessantes, comme autant de rebondissements du scénario d'un film d'aventures un brin déjanté, voire d'un dessin animé un peu fou. Ces types-là peuvent se permettre de mobiliser une belle culture musicale sans jamais faire montre de la moindre cuistrerie. Parce que si leurs connaissances sont impressionnantes - on pourra relire plus haut quelques exemples de leurs influences - elles sont chez eux parfaitement assimilées et donnent naissance à un assemblage très prometteur. On n'en voudrait presque à Maxime Delporte et ses camarades de nous proposer quarante minutes de musique seulement ! Le disque de Stabat Akish est court, mais d'une densité de chaque instant qui vous happe. Surtout, il possède cette précieuse qualité de ne se découvrir réellement qu'au fil des écoutes, ce qui est la marque de l'élégance des grands artistes. Il y a de l'invention dans l'air chez Stabat Akish et c'est tant mieux ! Dans chaque composition se nichent mille trouvailles qui sont autant de propositions d'aller voir un peu plus loin, qu'il est possible de développer ou de combiner en autant de nouveaux petits univers autonomes. Stabat Akish, d'une certaine façon, ressemble à une stimulante séance de remue-méninges.

    Voilà par conséquent une jeune pousse dont on surveillera attentivement la croissance en espérant que ses bourgeons seront les plus nombreux possibles. Allez, c'est dit : plus tard, quand je serai grand, je serai jardinier !

    On peut commander le disque de Stabat Akish ICI par exemple ou bien directement sur le site de Tzadik.

    podcast
    En écoute, "La Baie des Anchois", qui ouvre l'album.

    Les autres textes du Z Band (liste en cours)

    Jazz à Berlin : Peter Van Huffel

    Jazz à Paris : Sylvaine Hélary

    Jazz Frisson : Parc-X Trio

    JazzOCentre : Benoit Lavollée Trio

    Ptilou' Blog : Nenad Gajin

    Mysterio Jazz : Tyondai Braxton

     

  • Antidote

    patissetrier.jpg
    Visiter un marché de Noël - un vrai, pas une machinerie comme on en voit un peu partout avec de la bimbeloterie pseudo-artisanale fabriquée en RPC* - en Allemagne, c'est bien. Mais pratiquer l'exercice par un froid polaire (aux environs de -15°) et une bise cinglante malgré un franc soleil, c'est assez franchement redoutable ! On a beau avoir englouti la traditionnelle saucisse dans son morceau de pain, copieusement badigeonné de moutarde douce, on souffre, on souffre... Il reste alors un remède particulièrement efficace et réconfortant. Je n'ai pas besoin d'en dire plus, mis à part le fait que nos commerçants hexagonaux pourraient venir faire un petit tour par là et s'inspirer de la politique tarifaire pratiquée outre Rhin.... Je dis ça en passant.
    * Nouvelle dénomination utilisée par la clique mercantile qui, s'apercevant que le cochon de consommateur faisait parfois la grimace à la lecture de la mention "Made in China", pense maintenant qu'il ne comprendra pas la signification de ce sigle traduisant l'existence d'une République Populaire de Chine.

  • Italyon

    lyon_fellini.jpg

    Le temps d'un long week-end, prolongé jusqu'au début de la semaine suivante, la ville de Lyon se mettait en lumières. La foule se presse, les déambulations sont souvent épuisantes, c'est la fête à la saucisse et à la bière... Au détour d'une rue, il y a cette place - dont j'ai oublié le nom, que les Gones me pardonnent - qui célèbre l'Italie et son cinéma, plus particulièrement celui de Federico Fellini. De quoi me remettre en mémoire un récent séjour à Rome... et de donner l'envie d'y retourner très vite !

  • Citoyen

    15 novembre, 4 décembre... Près de trois semaines se sont écoulées depuis ma dernière note... Voilà bien longtemps qu'une telle traversée du silence n'avait pas marqué mon blog de son empreinte. Même si je ne me sens plus astreint aujourd'hui à une périodicité régulière, je peux constater que les paramètres favorisant l'inactivité de cet espace sont multiples : une période de travail assez harassante qui n'est pas encore terminée, d'autres travaux d'écriture assez prenants comme un très (trop ?) long compte-rendu des quatorze concerts auxquels j'ai pu assister dans le cadre du Nancy Jazz Pulsations ainsi que quelques chroniques de disques, pour mon Citizen Jazz chéri.

    cj.jpg

    Ah, tiens, puisque j'évoque ce magazine : allez donc voir son nouveau visage, il est tout beau, il ressemble à un news magazine, avec sa une en trois colonnes. Vraiment, je tiens ici à féliciter les fées qui se sont penchées sur ce nouvel habillage qui donne tout à la fois envie de le lire et de prendre encore plus de temps pour le nourrir. Le nouveau "look" du site ne cède pas aux sirènes des modes actuelles, ce qui lui évitera peut-être de vieillir prématurément, mais il s'inscrit toutefois dans une vraie modernité. C'est une bonne nouvelle pour la musique, qui en a bien besoin, en ces temps de couvre-feu et de restrictions budgétaires qui vont bientôt finir par étrangler toutes les sources de jaillissement de la culture dans notre pays. Nous ne serons jamais assez nombreux pour travailler aux côtés des artistes, qui restent, quoiqu'en disent les comptables à oeillères, les meilleurs alliés de l'épanouissement individuel et collectif. C'est bien là un acte citoyen, un vrai engagement.

    J'ai à mes côtés une pile de disques dont je dois parler et qui sont autant d'heures de travail dont je me réjouis à l'avance, même si pour l'heure je rencontre des difficultés à organiser l'agenda de mes soirées. Pierre De Bethmann, Sébastien Texier, Carla Bley, John Coltrane, Belmondo Quintet, Xing-Sa, Soft Machine, Oxyd... voilà quelques exemples des travaux en cours, sans oublier un bouquin consacré à Miles Davis par Franck Médioni qui, comme il l'avait déjà fait il y a deux ou trois ans à propos de Coltrane, a réuni 80 témoignages de musiciens pour parler du trompettiste.

    Et puis... Ce silence un peu prolongé est aussi la traduction chez moi d'un état de consternation. Je ne reviendrai pas ici sur les soubresauts électoralistes de l'actualité politique hexagonale, sur toutes les errances médiatiques à base de "pas vu pas pris", sur la lepénisation des esprits qui rampe, qui rampe, sur le tout à l'ego des candidats à une très hypothétique alternance. J'ai juste un peu honte d'être français en ce moment, et souvent, ça me laisse sans voix...

  • Méditatif

    Je ne me risquerai pas à l'exercice périlleux par lequel je chercherais à résumer en quelques lignes cinq longues et studieuses journées passées à la découverte de Rome, sous ses aspects les plus essentiels (j'emploi cet adjectif à dessein, dans son acception philosophique) : historique, artistique et religieux. La tentation serait grande, en effet, d'un inventaire des splendeurs qui se sont offertes aux yeux des membres du groupe dont je faisais partie, sous la conduite de différents guides, tous de très haut vol. Et du coup, je n'ajouterais rien de particulier à ce que beaucoup savent déjà et qu'on peut lire dans une myriade d'excellents bouquins ou de sites Internet fort bien documentés, tel ce Rome Passion, qu'on pourra recommander à celui qui voudrait aborder les rivages magiques de la ville éternelle. Ce qui me paraît en revanche plus digne d'être partagé avec mes lecteurs est ce sentiment très particulier qui étreint petit à petit au fur et à mesure de vos découvertes. J'ai tenté de donner un nom à cet état intérieur qui vous mène à l'introspection et à une approche de la vie qui, en quelques jours, vous éloigne de vos contingences matérielles (avant un retour à la vie réelle et son désagréable cortège automnal, pluie glacée et feuilles tombées, tristes mines de mes concitoyens). Impossible description, ou plutôt vaine tentative d'évocation de l'indicible... Et j'aurais tant aimé vous rapporter quelques témoignages sonores incomparables, comme le chant de ces quatre jeunes Italiens, dimanche au Panthéon. Pas eu le réflexe de pointer mon petit magnétophone sur leurs poignantes polyphonies d'inspiration grégorienne... Il me reste cependants quelques témoignages photographiques qui, je l'espère, seront pour vous la traduction des ces instants uniques. Ici par exemple, nous sommes dans le cloître de la Basilique Saint Jean de Latran : le soleil commence sa course lente vers le soir et illumine les torsades de pierre. La lumière est douce, on voudrait s'arrêter là un long moment...

    saint_jean_de_latran.jpg
  • Suspense

    avion.jpg

    Si le calendrier de mes activités est respecté, je serai quelque part, là haut, dans un avion au moment où cette note sera publiée. Pour ne rien vous cacher, c'est la première fois que je quitte le plancher des vaches... La confrérie des médecins qui veillent sur mon sort ne s'est jamais acharnée à me convaincre que l'exercice était sans risque pour moi, eu égard à quelques possibles incompatibilités entre le voyage à haute altitude et l'hébergement dans mon sytème veineux profond de quelques dizaines de caillots trentenaires et, par conséquent, une circulation sanguine un tantinet complexe et stimulée par le port de bas à forte contention et un traitement anticoagulant. Mais bon... faut bien essayer un jour, non ? Alors c'est aujourd'hui ! Voici donc comment j'envisage le cours des choses : soit tout se passe bien et je viendrai très vite vous taquiner à coup de phrases potentiellement digressives dans le courant de la semaine prochaine ; soit c'est l'avion qui gagne et dans ce cas, sachez que je surveillerai vos moindres faits et gestes, depuis encore plus haut, assis sur le nuage où une place confortable m'est réservée. Et pour un sacré bout de temps, nom de Dieu !

  • Dense

    daniel_denis.jpg
    Daniel Denis & Univers Zéro © Jacky Joannès

    Attention aux conclusions hâtives ! On pourrait, à la vision d'une batterie occupant la place centrale de la scène et en observant la gestuelle habitée de Daniel Denis, penser qu'avec Univers Zéro on a affaire à une musique engendrée par la sphère Zeuhl. Si ce batteur a croisé un beau jour, voici longtemps maintenant, le chemin de Christian Vander au sein de Magma, et s'il reconnaît lui-même, dans un exercice d'humilité admirable, avoir beaucoup appris de ce dernier, la comparaison doit s'arrêter là. Daniel Denis et ses compagnons de Belgique méritent beaucoup mieux qu'une affiliation qui n'en feraient que des sous-produits d'un courant musical qui, en réalité, n'existe pas. Leur monde est tout autre et leur esthétique très divergente : ici, point d'imprécations ni d'appels furieux à la puissance d'un être supérieur aux contours parfois troubles. Pas de grandes déclarations fracassantes assénant la supériorité d'une musique sur toutes les autres. Pas de quête d'une fantasmatique vérité. Non, rien de tout cela. Avec Univers Zéro, nous sommes conviés à un voyage vers des paysages qui évoquent plutôt les tableaux de Brueghel l'ancien et ses personnages parfaitement mis en scène (Quand on demande à Daniel Denis si le monde qui nous entoure l'influence en tant que compositeur, le premier mot qui vient à la bouche de Daniel Denis est... la campagne !). La musique tournoie, danse, elle est dense ! Son climat assez unique, né de l'association d'instruments en provenance du rock avec d'autres, moins habituels tels que le basson ou le hautbois, la distingue nettement de toutes les autres. Elle est aussi sous l'influence des folklores de l'est de l'Europe et s'avère intemporelle, détachée des modes, depuis 35 ans. Car Daniel Denis se bat avec une énergie remarquable depuis 1974, date de la création d'un groupe qui se maintient en vie par delà les années. En aparté, Daniel Denis confie qu'il ne se sent pas le droit de donner des cours parce qu'il est un autodidacte tout en s'émerveillant d'avoir à orchestrer sa musique pour un orchestre symphonique lituanien. Une démonstration de fraîcheur qui force la sympathie pour un homme d'une exemplaire simplicité (il en va d'ailleurs de même pour tous les membres du groupe).

    Dans ces conditions, on ne s'étonnera pas que le concert donné par Univers Zéro au Théâtre de la Manufacture constitue l'un des temps forts du Festival Nancy Jazz Pulsations ; il est l'occasion d'apprécier le talent de la jeune garde du groupe, rejointe depuis peu par l'ancien Michel Berckmans (hautbois et basson) et nous offre une élégante promenade qui va puiser dans d'anciennes pièces comme « Présage », « Toujours plus à l'est » ou « Dense », mais aussi dans de plus récentes, voire inédites telle que « Straight Edge », qu'on pourra découvrir sur Clivages, le prochain disque du groupe. Qui sera sans doute, comme ses prédécesseurs, une belle réussite et la marque d'une musique qui reste hors du temps.

    En écoute, un extrait de "Présage", lors du concert d'Univers Zéro au Théâtre de la Manufacture de Nancy, le mardi 13 octobre 2009. Le son est probablement un peu assourdi en raison de l'acoustique de la salle, pas forcément la meilleure pour ce genre de musique...

    podcast
    Daniel Denis : batterie, Michel Berckmans : basson, hautbois, Pierre Chevalier : claviers, Dimitri Evers : basse, Martin Lauwers : violon, Kurt Budé : clarinette.
  • Humeurs

    J'ai cru comprendre, en lisant des commentaires ici ou là, que certains d'entre mes lecteurs regrettaient parfois la version « light » de mon blog, quotidienne et généraliste. Je me suis déjà expliqué sur les raisons de cette évolution, qui n'est pas définitive mais sera la marque de l'année à venir. On doit parfois faire des choix, et malheureusement au détriment de ceux qui comptent parmi les plus fidèles supporteurs.

    Cela étant dit, je veux bien faire une légère entorse à la direction générale de mes travaux en écriture en vous proposant une balade en trois humeurs. Ce sera là un petit signe de remerciement et d'espoir pour ceux et celles d'entre vous qui se morfondent à l'idée de ne pas s'injecter leur dose journalière de lecture.

    Humeur 1 : bonne

    Vous savez quoi ? Pour la première fois depuis deux ans, j'ai rendu une petite visite à mon cher Docteur D., principal héros de mes stimulochroniques qui feront un jour l'objet d'un tiré à part, tant elles sont constitutives de cet espace de gribouillage. L'objet de notre rencontre était, on s'en doute, un énième contrôle de mon cher Medtronic, ce boîtier mystérieux qui stimule mon muscle cardiaque et fonctionne en règle générale pendant près de 60% de mon temps de vie. Excellente nouvelle : le docteur D. est en pleine forme, il s'est acheté un nouveau Mac et s'échine à y faire fonctionner une vieille version de Photoshop. Et son logiciel de reconnaissance de caractères semble toujours aussi capricieux. Il m'a fait visiter son nouveau magasin dont je vous présente ici la vitrine. Faites votre choix, messieurs dames, un jour ou l'autre, vous aurez besoin des services de mon cardiologue préféré.

    stimulo.jpg

    Humeur 2 : mauvaise

    Une catastrophe ! Ni plus ni moins... Après une heure d'un splendide concert donné par le quintette de Denis Colin – vérification de visu de la très grande qualité de sa Société des Arpenteurs – voilà qu'une erreur de casting absolue est grimpée sur la jolie scène du Théâtre de la Manufacture. Je serai obligeant et tairai les noms de cette Canadienne et de ses deux acolytes : si l'absence doit s'incarner, elle le fera sans nul doute sous la forme de ce trio apathique et dépourvu de toute originalité. Une pâle chanteuse qui s'affaire mollement sur une caisse claire au moyen de deux balais, un guitariste et un contrebassiste qui risquent l'endormissement à chaque seconde. Tout comme nous d'ailleurs qui, placés au second rang, avons eu la politesse d'attendre la fin de cette éprouvante prestation. Pour vous faire une idée : imaginez un Renan Luce au féminin encore plus décaféiné et vous saurez à quoi ressemblait cette « artiste ». Le plu cruel pour nous, c'est lorsqu'après vingt minutes de si intenses efforts, l'impétrante s'est assise sur un siège en nous expliquant qu'elle allait chanter quelques chansons d'amour plus calmes. Je ne savais pas que c'était possible... Le public, en majorité composé d'invités d'un des sponsors du Nancy Jazz Pulsations, semble avoir apprécié le truc. Enfin, pas tout le monde, n'exagérons pas : nous avons retrouvé un ancien voisin qui, lui aussi, s'arrachait les cheveux en se demandant ce qu'il était venu faire dans cette galère. Ouf ! Il reste encore un peu d'espoir à placer en l'être humain...

    Humeur 3 : excellente !

    Magnifique conclusion de la trente-sixième édition du Nancy Jazz Pulsations avec le grand Joshua Redman venu en trio sous le Chapiteau de la Pépinière. Les grincheux peuvent toujours dire que le jazz y occupe une portion chaque année plus congrue... N'empêche : pour qui savait intelligemment piocher, il y a eu, cette année encore, de beaux moments de musique. Car avant le saxophoniste américain, nous avons pu nous régaler des concerts de Pierrick Pédron, Stabat Akish, Univers Zéro, Jean-Michel Albertucci ou encore Denis Colin. Et ce ne sont là que quelques exemples. Je vais m'atteler dès demain à la rédaction de mon compte-rendu pour Citizen Jazz et en attendant sa publication, je vous propose - chut, ne le dites pas - un extrait du concert de samedi soir. Joshua Redman (saxophone soprano) est entouré de Matt Penman (contrebasse) et de Gregory Hutchinson (batterie) : ils interprètent « Soul Dance » et c'est un petit enchantement. Merci à NJP pour tous ces moments si précieux !

    podcast

  • Omry

    pedron_nancy.jpg

    Pierrick Pédron à l'Autre Canal, le 7 octobre 2009 © Jacky Joannès

    Voilà une soirée qui sera prochainement le sujet d’un de mes articles pour Citizen Jazz (à propos, je rappelle que je consacre pas mal de temps d’écriture à mon magazine favori, ceci expliquant la parution moins abondante de notes pour ce blog. Mes dernières productions sont par ici, d’autres sont en passe d’être publiées, d’autres encore sont en gestation).

    J’étais hier à l’Autre Canal, pour une deuxième soirée de musique dans le cadre du Festival Nancy Jazz Pulsations. Le temps (très) fort de la soirée était le concert du saxophoniste Pierrick Pédron et son combo électrique Omry. Voici quelques mois, j’avais écrit quelques lignes consacrées à la parution de son disque éponyme, une flagrante réussite qui, j’en suis persuadé, sera un des plus beaux de l’année.

    Et voici le temps de découvrir cette formation sur scène : malgré un confort très spartiate – la salle baptisée Club n’étant qu’un petite cube peu convivial où chacun doit se contenter d’une position debout, dans une ambiance où bien des spectateurs semblent plus préoccupés de s’approvisionner toutes les dix minutes en bière que d’écouter de la musique, ah, zapping, quand tu tiens nos cerveaux… – il me faut saluer sans attendre et une fois de plus un musicien qui, à force de talent et de ténacité, est en train de forger son propre univers. Je pèse mes mots… Excellente nouvelle pour tous les passionnés de musique : en fin d’après-midi, Pierrick Pédron me confiait qu’il souhaitait qu’Omry soit plus qu’un disque et une série de concerts, mais une aventure qui s’inscrive dans le temps.

    Dynamitée par la scène et la projection d’images souvent haletantes, la suite Omry explose littéralement devant nous, chargée de l’électricité délivrée par le grand Vincent Artaud (basse) et Eric Löhrer (guitare) et du déferlement des « twin drummers » que constitue la paire Franck Agulhon / Fabrice Moreau à la batterie. Au Fender Rhodes, Pierre De Bethmann laisse échapper des coulées de notes… Un terreau de musique très fertile qui offre à Pierrick Pédron de quoi illuminer l’ensemble de ses somptueux chorus (au passage, n’oublions pas qu’il est un soliste époustouflant), et d'investir avec fièvre et brio tout un espace de liberté et d'improvisation, bien plus qu'il ne l'avait fait sur son disque. Et même si, selon lui, Omry n’est pas une œuvre de saxophoniste, cette longue suite est un formidable sujet qu’il ne se prive pas d’explorer, au même titre que ses camarades d’ailleurs. En témoignent par exemple une belle séquence de Vincent Artaud, longue montée solitaire à grands renforts de boucles, les solos ravageurs à la coloration très rock d’Eric Löhrer ou le duo final des deux batteurs, dans une magnifique exercice de gémellité bien frappée.

    Je vous propose une illustration de cet excellent moment avec une chouette photo de mon ami Jacky Joannès et une petite carte postale sonore captée par mes soins.

    podcast

    En écoute, quelques minutes extraites de "Osman", enregistrées avec l'aimable permission de Pierrick Pédron (saxophone alto) et la complicité musicale de Pierre De Bethmann (Fender Rhodes), Vincent Artaud (basse électrique), Eric Löhrer (guitare électrique), Franck Agulhon et Fabrice Moreau (batterie).

  • Présent

    Cette histoire se déroule en trois temps. Elle me semble assez singulière pour que je prenne le temps de vous la raconter brièvement...

    20 décembre 1980

    Comme il m'arrive de le faire très régulièrement depuis cinq ans, date de mon arrivée à Nancy, je pousse la porte de mon magasin de disques favori, « La Parenthèse ». Aujourd'hui, j'achète deux disques : le premier, signé John Wetton, est passé aux oubliettes. Le second, lui, est beaucoup plus énigmatique. Publié sur le label Atem créé par celui-là même qui travaille encore chez ce disquaire alors installé Rue Gambetta, Gérard N'Guyen. Il me présente ce jour-là un drôle de Triskaidécaphobie (qui signifie la peur du chiffre 13), disque signé d'un groupe Bruxellois, Présent. Formée par le fantasque Roger Trigaux après son départ d'un autre groupe Belge, Univers Zéro, cette nouvelle formation s'inscrit dans la lignée directe de son jumeau mené d'une baguette virtuose par le batteur Daniel Denis. Une musique plutôt sombre, assez vertigineuse et qui convoque des esprits aussi divers que ceux de Belà Bartok, Györgi Ligeti, King Crimson ou encore Magma, pour citer les plus emblématiques. Un rock nocturne, haletant, hanté par des fantômes qu'on croise au détour d'une « Promenade au fond d'un canal », une scansion qui vous prend à la gorge, une sacrée symphonie mûe par une incroyable marche en avant, jusqu'au souffle final. Pas de tout repos, certes, mais profondément original et habité.

    Hiver 2005

    Univers Zéro a poursuivi sa route selon un rythme assez irrégulier, tout comme Présent dont l'existence s'est faite intermittente : l'un comme l'autre ont publié six ou sept albums en vingt-cinq ans. Entre temps, la roue de la vie a tourné, faisant naître puis grandir mes enfants. Ah, ce drôle de concours de circonstances qui veut que mon propre fils, alors âgé de vingt ans, rencontre la tribu Trigaux et intègre le nocturne Présent pour en devenir le saxophoniste ! Comment aurais-je pu imaginer, en ce jour de décembre 1980, que mon histoire personnelle serait ainsi reliée à celle du groupe ? Je raconterai, plus tard probablement, comment les événements ont conduit un jeune musicien de jazz à apprivoiser l'univers fantasmatique de ce compositeur chef d'orchestre pas comme les autres par mon entremise indirecte.

    Septembre 2009

    Présent est toujours là : une tournée sur le continent américain en juillet 2005, des apparitions en Allemagne, à Paris, au Portugal en 2006, au festival Rock In Opposition de Carmaux en 2007. Cette manifestation annuelle voit en 2009 les retrouvailles des deux jumeaux Univers Zéro et Présent. Chacun se produit sur scène le dimanche 20, avant un grand final en commun où treize musiciens enflamment un public dont on dit qu'il a souvent quitté la salle les larmes aux yeux. Larmes de bonheur, évidemment. Un grand moment de musique, semble-t-il...

    present.jpgMais 2009, c'est aussi la publication d'un nouveau disque pour Présent : un CD inédit et un DVD de près de trois heures proposant des extraits de concerts en 2006 et 2007, ainsi que quelques archives des années 90. Barbaro (Ma Non Troppo) est une incontestable réussite, peut-être même s'agit-il du plus beau disque du groupe... Et qu'on ne se méprenne pas sur mes propos : je suis certes fier que mon fils participe à cette aventure et de constater que la place qu'il y occupe est plus que significative, mais mon attendrissement paternel n'est pour rien dans l'admiration que j'ai pour le disque. Barbaro (Ma Non Troppo), ce sont trois longues compositions haletantes et majestueuses, d'une très belle facture et dont les arrangements complexes font merveille et méritent une écoute attentive et répétée. S'appuyant sur une rythmique de fer (Dave Kerman à la batterie, Keith Macksoud à la basse, Pierre Chevalier au piano), les conversations qu'engagent le violoncelle de Mathieu Safatly, la guitare de Trigaux père et fils, les claviers de... Pierre Chevalier, encore lui et le saxophone de Pierre Desassis sont passionnantes d'un bout à l'autre : « Vertiges », « A Last Drop » et, comme si l'histoire devait se réécrire encore et encore, une nouvelle version de « Jack The Ripper » signée Daniel Denis et Roger Trigaux, qu'on pouvait déjà écouter sur le deuxième album d'Univers Zéro en 1979. Et puis... comment ne pas s'émerveiller devant un groupe qui, en 2009, se paie le culot d'utiliser un instrument tel que le mellotron, qui connut son heure de gloire voici bien longtemps par avec des formations mythiques telles que les Moody Blues ou King Crimson ? On sort des quarante-cinq minutes de cette musique pas comme les autres un peu étourdi, la tête un peu ébouriffée et... on en redemande !

    podcast

    En écoute, les trois premières minutes de « Vertiges » (Roger Trigaux)...

    Roger Trigaux (guitare, claviers), Reginald Trigaux (guitare), Pierre Chevalier (piano, claviers), Dave Kerman (batterie, percussions), Keith Macksoud (basse), Mathieu Safatly (violoncelle), Pierre Desassis (saxophones), Udi Koomran (son).

    Barbaro (Ma Non Troppo) est publié par Ad Hoc Records, dont le président n'est autre qu'un certain... Dave Kerman !

  • François

    roudodoudou.jpgIl avait rejoint voici un peu plus d'an le Z Band, ce collectif de blogueurs jazz qui, sans jamais se rencontrer en chair et en os, se donne rendez-vous chaque trimestre pour écrire sur un sujet commun et dont je fais partie depuis sa création en 2007. A compter de cette époque, on avait pu compter sur une participation de sa part, sans faille, dans le plaisir du partage. Chacun d'entre nous avait rapidement pu apprécier son talent et sa chouette écriture poétique, qu'il avait chevillée au corps. Il était aussi illustrateur, philosophe... bref, un type bien, qui vivait de l'intérieur et savait nous communiquer sa vibration. François Roudot n'est plus, cette saloperie de camarde vient de le foudroyer en trois jours, alors qu'il était en vacances à La Rochelle. Nous pensons à lui, qu'il sache que nous ne l'oublierons pas. Merci, François, pour ce que tu étais et qui va longtemps vivre en nous.

    Voir son blog, L'ivre d'images

  • Incarnations

    Le retour du vieux con misanthrope... Ne pas confondre la fièvre et le thermomètre. Ainsi, il est commode de pointer du doigt Internet et d'en stigmatiser les effets pervertisseurs de notre jeunesse. C'est oublier, me semble-t-il, le vrai coupable qui est l'Homme lui-même, créature plutôt nuisible lorsqu'elle ne dispose pas du privilège d'un semblant de dressage, qu'on appelle chez lui éducation et que notre univers consumériste tend à refouler (la réflexion étant l'ennemie première de la consommation, notre dictature financière s'accommode assez mal en effet d'un humain qui penserait un peu trop ; ce principe s'applique également aux régimes autoritaires qui utilisent la foi comme vecteur des folies religieuses ou la torture lorsqu'il s'agit d'aller encore plus vite en besogne. Briser toute tentative de pensée autonome...). Mais rassurons-nous : sa nature première tend à refaire surface à la moindre occasion : l'homme sait très vite redevenir veule, lubrique, vénal, brutal et grossier. Ainsi est l'homo erectus. Les exemples ne manquant pas, je vous en épargnerai une première liste, voyez autour de vous. Internet est pour lui une aire de jeux, parmi bien d'autres...

    Je préfère au contraire vous proposer deux illustrations qui tendent à démontrer qu'Internet peut susciter de beaux passages du virtuel au réel et qu'un dressage opiniâtre et bienveillant de la bête qui sommeille en chacun de nous peut susciter de belles rencontres et nous laisser caresser l'espoir d'une humanité pas encore condamnée à s'autodétruire (processus qui est, notons-le toutefois, largement engagé).

    C'est grâce à Internet, par exemple, et à un blog bien ficelé en particulier que j'ai pu découvrir ma ville natale sous un autre jour et en apprécier les qualités intrinsèques, grâce à un néo-verdunois qui avait décidé de lui consacrer beaucoup de temps pour nous offrir de nombreux textes curieux. Avec son œil neuf, l'auteur du site nous proposait une vision presque ensoleillée d'une cité que des années d'enfance et d'habitude, saupoudrées d'une bonne couche de tristesse nostalgique, m'avaient rendu injustement grisâtre. Et plutôt que d'en rester là, lui et moi sommes entrés en contact, nous nous voyons désormais régulièrement et avons entamé une belle histoire d'amitié, à laquelle sont associées nos épouses respectives.

    mc_bertaga.jpg

    On peut nous voir ici, lors d'une réunion au sommet qui s'est tenue hier, alors que nous allions embarquer, le temps d'une courte croisière-colloque, sur un paquebot, Her Majesty Of The Seas, qui mouillait paisiblement dans le port de Nancy.

    Mais je ne fais qu'évoquer un cas personnel qui, s'il a valeur d'exemple, n'en reste pas moins confidentiel et qu'on ne saurait brandir à la façon d'un étendard. Trop prétentieux. Non, voyons plutôt du côté de la musique et la belle histoire du trio SLuG (une chronique est dans les starting blocks de Citizen Jazz, vous la lirez très prochainement). Au départ, il y a un artiste touche-à-tout un peu génial, collectionneur de samples, et deux musiciens en partance de Magma. Le premier, John Trap, rencontre d'abord les seconds, Emmanuel Borghi et Himiko Paganotti, essentiellement via Internet : commence alors une petite valse de fichiers qu'on s'échange. C'est la naissance d'une première composition, puis d'une seconde et enfin d'un album entier qui sort très prochainement sur le label Off. Un groupe vient de prendre corps sous nos yeux (ou plutôt nos oreilles), il s'appelle donc SLuG et vous pouvez d'ores et déjà retenir son nom. On voit que le virtuel a pu engendrer le réel, ce qui, convenons-en, est tout de même plus enthousiasmant que l'opération inverse. Au final, ce premier disque est une parfaite réussite dans un univers électro pop un peu enchanté dont on devrait reparler dans les temps à venir. Il est en tout état de cause mon coup de coeur du moment.

    Il est aussi une belle occasion de s'aérer l'esprit et de regarder devant soi avec un peu moins de pessimisme.

  • Victime

    sintrom.jpgOn sait depuis belle lurette que je suis la victime expiatoire d'un complot cosmique. D'obscures forces fondent sur moi pour tenter de me réduire à néant. Jusqu'à présent, elles ont échoué dans toutes leurs tentatives, je sais narguer ces ennemis invisibles, mais pour combien de temps encore ?

    Je passerai sur tous ces étranges humains ou prétendus tels, croisés sur le chemin des vacances, comme ces hordes de vététistes encasqués déboulant, masqués, sur de magnifiques sentiers pédestres auxquels ils ne sont pas censés avoir accès et qui vous contraignent, à 2000 mètres d'altitude, à parer au plus pressé devant le déchaînement de leurs maudites mécaniques. Je mépriserai cette citoyenne britannique, promenant son moche clébard sans laisse au beau milieu du Parc National de la Vanoise et tentant de me faire croire qu'elle ne comprenait rien à mes explications, pourtant fournies correctement dans sa langue. Don't understand my ass ! J'ignorerai les incivilités répétées, les violences verbales, ici et là, à pied, à cheval ou en voiture (surtout en voiture d'ailleurs), symbole des nouvelles formes de relations sociales. Non, la connerie étant sans limite - ce qui la distingue de l'intelligence - je m'en tiendrai à l'essentiel, aux faits, à ce que j'ai pu mesurer et vérifier sans que le doute soit permis. Et qui me concernent.

    Deux exemples donc, en guise de démonstration...

    Revenu de vacances avec deux ou trois kilos excédentaires, j'ai pris la décision de soigner ma ligne et de raffermir ma sangle abdominale un peu molle du genou (oui, je sais, ça ne veut rien dire). Au programme, un peu de cardio-training quotidien, une bonne dose de transpiration et, pour réveiller les muscles, acquisition d'un appareil malin autorisant un grand nombre d'exercices pour consolider au choix : dos, jambes, bras, épaules, abdomen... Sauf que l'ennemi guettait le jour même de l'achat. Tu parles, l'objet dans son carton pesant pas loin d'une tonne, j'ai dû le hisser jusqu'au deuxième étage de la Maison Rose où sa place l'attendait. Et pan ! Même pas eu le temps de l'essayer que la douleur, violente et continue, a montré le bout de son nez dès le lendemain. Saloperie de dos bloqué, ça sert à quoi un tel machin s'il faut déjà être un Hercule pour le rapporter chez soi ? Tout ça me fait penser aux publicités pour les régimes minceur qui mettent en scène des femmes qui doivent peser 45 kilos, chaussures comprises... Mais je me connais, la douleur et moi sommes de vieux potes et j'attends la fin des souffrances. Ensuite, à moi la ligne ferme.

    Pour ce qui est du deuxième exemple, je dirais que nous avons affaire au penchant goulu de mes ennemis. Tout s'est passé hier en effet. Je fêtais tranquillement, jour pour jour, les 30 ans de mon traitement anti-coagulant en buvant une tasse de sang frais, lorsque j'ai ressenti une drôle de démangeaison, diffuse et polylocalisée (© Maître Chronique) qui ne m'a guère laissé de doute quant à son origine... Moustique attaque ! Au bas mot, une soixantaine de piqûres format king size, soigneusement disséminées sur toute la partie inférieure de mon corps, entre les reins et les genoux. Feignants d'insectes : c'est tellement facile de pomper mon sang chimiquement liquéfié qu'il s'en donnent à dard joie. Et vas y que je me gave comme un abruti jusqu'à ce que j'éclate, je me fais une orgie de plaquettes, je vois des globules rouges partout. Bande de lâches...

    Il est là, une fois encore, l'ennemi invisible. Mais je tiens bon, je serre les dents (pas trop fort sinon j'ai mal au dos) et j'esquisse un sourire (proche de la grimace, je l'avoue) pour lui signifier que je le méprise.

    Même pas mal.

    P.S. : à toute chose malheur est bon. Au détour d'une émission à vocation médicale, je m'aperçois que l'absorption de mon comprimé matinal me préserve, plus que la moyenne de mes concitoyens, d'un accident vasculaire cérébral. C'est chouette, non ? D'accord, avec une telle chimie dans les veines, je risque plutôt une hémorragie cérébrale mais bon...

  • Pêche

    jardin_du_luxembourg.jpg

    Voilà un instantané qui me plaît infiniment : on y voit, de dos, trois jeunes enfants occupés à une petite partie de pêche à la ligne au Jardin du Luxembourg (en réalité, l'un d'entre eux au moins tente de piloter un petit bateau télécommandé mais j'ai décidé qu'ils pêchaient : ça m'arrange, Antonio !). Au fond, tout en somnolence, le Sénat vieillissant est occupé à une sieste digestive. J'ai capté cette scénette le 25 juillet dernier, alors que nous rallions la Lorraine depuis la Bretagne en posant quelque temps nos valises à Paris. J'aime y voir une drôle d'opposition - ce terme n'est peut-être pas le plus approprié quand on évoque la dispendieuse et inutile maison de retraite pour politiciens bedonnants qui trône au fond du paysage, mais soit, acceptons l'idée qu'un jour les choses puissent changer, après tout, on peut rêver - entre ces enfants, symboles d'avenir qui semblent déjà chercher la bonne technique pour résoudre la difficile équation de leurs années futures et nos chers élus qui, eux aussi, sont par essence des professionnels de la pêche. Cette drôle de pêche aux voix qui leur permet, grâce à la complicité de quelques électeurs prétendument grands, de vivre bien grassement et sans états d'âme leur apathie aux frais de la Princesse. Et je préfère imaginer que le sort de notre pays sera confié un jour à ces gamins plutôt qu'à ces élus confits dans un passé déjà lointain.

  • Gourmand

    gourmand.jpgJe ne sais pas comment va votre moral, mais le mien est soumis à rude épreuve... Je crois que je vais fermer durant quelques jours tous les robinets qui déversent sur nous un flot de mauvaises nouvelles. Pas pour faire l'autruche, hein, juste pour respirer. Histoire de reprendre des forces...

    Tenez, ce matin, j'allume mon poste de radio et qu'est-ce que j'apprends ? Que le Front National rameute quatre votants sur dix dans le Nord de la France (ouais, c'est ça, bienvenue chez les ch'tis...) et qu'un peu plus bas, une histoire de chaussette puante assure la réélection haut la main d'un maire.

    M'en fous, j'ai trouvé une parade à deux balles, euh non, environ trois euros. C'est facile à faire et ce truc fait un bien fou là où il passe. Je vous donne la recette : ZE home made café gourmand. Vous prenez un expresso auquel vous ajoutez (petite précision : à côté, sur une assiette, pas dans le café) une poignée de cerises fraîches en provenance de l'arbre du maraîcher, deux petits macarons (ici, chocolat et amande), un morceau de nougat, une part de Gâteau de Savoie et le tour est joué.

    Non mais !

  • Disjoncté

    fourmi.jpgDécidément, les bêtes sont mes ennemies, ou peut-être les bras armés du complot qui se trame contre moi. Je ne vais pas revenir sur cette théorie que je développe depuis des mois, mais je dois constater, jour après jour, que les faits viennent l'étayer. Vous vous rappelez peut-être ces saloperies d'oiseaux qui viennent lâcher leurs fientes sur ma terrasse en bois ? Eh bien, je crois que ce sont des amateurs à côté des fourmis. Ces saloperies de bestioles se sont attaquées à l'un de mes luminaires extérieurs et ont décidé, rien que ça, de le bourrer de terre jusqu'à l'ampoule. Un cylindre de 80 centimètres de haut et d'un diamètre de plus de 10 centimètres. Non mais, vous imaginez le boulot de titan que ça représente pour des fourmis ? Et comme si ça ne leur suffisait pas, ces connes se sont prises d'amour pour mes douilles (cherchez pas la contrepèterie, y en a pas...) et ont massacré tous les fils. Résultat des courses : un beau soir, tu veux éclairer ton jardin et c'est toute la maison qui disjoncte... Si ça, c'est pas un complot, je ne m'y connais pas.

    PS : cette histoire est véridique, comme vous vous en doutez...

  • Evolution

    Certains prennent de bonnes résolutions à la rentrée, d'autres font le bilan d'une année qui s'écoule pour préparer la suivante. Je fais partie de la deuxième catégorie et je me rends compte que je vais devoir réorganiser mon travail d'écriture dès cet été. Si la satisfaction d'un blog quotidien est réelle - et même si mes textes ne sont pas tous impérissables, loin s'en faut - je suis plutôt mécontent de la qualité de ma participation au magazine Citizen Jazz, parce que la défense de la musique mérite mieux que les quelques textes que j'aurai réussi à écrire alors qu'il y a place pour beaucoup plus ! Il faut que je densifie de ce côté-là, voilà qui ne fait aucun doute. Surtout qu'un autre projet est en cours, celui d'une exposition, un projet que j'ai soumis à un ami au mois de février et que nous mettrons sur pieds au mois d'octobre 2010 dans une médiathèque. Lui, photographe professionnel ayant traîné ses objectifs sur les scènes du Nancy Jazz Pulsations depuis des décennies, et moi, écriveur dilettante et digressif, allons unir nos efforts. Il va nous falloir sélectionner les portraits d'une quarantaine de musiciens sur lesquels viendront se poser des textes de mon crû et commencer très vite ce beau boulot. Et déjà, dans ma tête, les premières phrases qui commencent à tournicoter...

    Pour mener à bien ces missions (auxquelles je peux ajouter la participation à un collectif de blogueurs à production trimestrielle), je dois prendre un nouveau rythme, qui devrait être hebdomadaire. Chaque semaine : un texte pour mon blog, un texte pour Citizen Jazz, un portrait de musicien pour l'exposition. Mes élucubrations vont s'espacer un peu dans le temps, mais resteront inscrites dans mes priorités. Ça devrait le faire, comme disent les djeunzs...

  • Nancynistre

    Malgré la promesse que je m'étais faite, j'ai tout de même traversé hier soir quelques unes des rues principales de Nancy en sortant du cinéma et j'ai pu me confronter à l'épreuve de cette Fête de la Musique que j'évoquais hier. Je passe sous silence ce que j'ai vu - que de mines grises, que de regards perdus ! - et j'ai fini par me demander s'il était obligatoire de se balader avec une bouteille d'alcool à la main. Je refuse d'endosser l'habit du vieux con grincheux. Parce que c'est un certain conformisme conservateur que je réfute, et que j'aimerais parfois que la jeunesse soit un peu plus exigeante, un peu plus à la recherche d'autre chose, qui regarde plus haut, plus loin. Quelque chose qui soit différent, novateur et vivant et pas seulement un produit de consommation courante qui s'autodétruira aussi vite qu'il est apparu. Je ne suis pas très fier de notre monde d'adultes qui les a rendus ainsi, nous avons raté quelque chose...

    Quant à ce que j'ai entendu, c'est tout aussi difficile à comprendre. N'ayant pénétré dans aucun bar (où peut-être des expériences plus variées étaient proposées au public, mais je crains fort qu'elles aient été trop rares), je ne peux émettre une opinion que sur ce qui était livré en extérieur, donc à la foule... Un sentiment de tristesse m'a gagné, impossible de le cacher... Une tristesse où se mêlait un peu de rage aussi, parce qu'il m'arrive de penser, dans ces moments-là, que le combat est peut-être perdu. J'ai pensé au cancer, c'est bizarre, tant la prolifération de stands de "techno" m'évoquaient des métastases, envahissantes, épargnant bien peu d'organes finalement. Ici ou là, quelques musiciens tout de même, qui parviennent à se faire écouter avec bien des difficultés tandis que leurs voisins, réfugiés sous leur casque et jouant avec leur téléphone en attendant la fin des boucles programmées sur leur ordinateur, crachent nonchalamment les décibels dans leur propre indifférence pendant que deux ou trois types déjà loin de nous se collent les tympans aux membranes des haut-parleurs.

    Mais peut-être tout ceci n'est-il propre (si j'ose dire parce que l'état des trottoirs inciterait à employer un autre mot) à ma ville. Oui, peut-être que partout ailleurs, il était donné au public l'occasion d'une balade vers des univers variés, établissant des passerelles entre les cultures et les générations. Une fête de la musique, en quelque sorte.

  • Mur

    mur_nu.jpg

    Au mois de janvier 2007, j'avais évoqué sur mon blog un drôle de mur, devant lequel je passe quotidiennement en me rendant au boulot. Graffitis et tags étaient pour moi la source de lectures sans cesse renouvelées. Petit à petit, jour après jour, on pouvait observer la germination des graphies, prendre note de tous les ordres donnés par d'invisibles écrivains autoritaires, se réjouir de temps à autre d'un dessin imaginatif et bariolé, autrement plus séduisant que toutes ces fientes projetées à grands coups de bombes de peintures qu'on appelle tags et qu'une certaine complaisance gauche caviar tente de nous faire passer pour de l'art urbain. Les graphes oui ; les tags, faudrait voir tout de même à ne pas exagérer...

    telecran.jpgImmanquablement, arrivait le jour où mon mur était plein. Plus un seul centimètre carré pour y inscrire une vérité socio-philosophique. Et zou, les services de la ville y déposaient une bonne couche de laque fraîche et c'était reparti pour un tour. J'avais comparé le mur au Télécran de mon enfance, qu'on secouait en le retournant pour faire disparaître les petits dessins qu'on avait péniblement réussi à produire en tournant deux molettes dont le maniement était particulièrement difficile à contrôler.

    Deux ans plus tard, on dirait que les choses ont un peu changé : voici quelques jours seulement, mon mur était remis à blanc (ou plutôt à vert). Comme d'habitude. Mais au lieu des énigmatiques slogans anarcho-libertaires qui faisaient mon plaisir du matin, d'autres écrits ont fait leur apparition, beaucoup moins sympathiques. Racistes et antisémites, pour parler plus clairement. Ces saloperies communautaristes ont vite été effacées par un nouveau coup de rouleau, dans l'urgence. Je crois bien que c'est la première fois que deux procédures d'effacement ont été déclenchées en un temps aussi court.

    Et je regarde ce mur, nu, presque mort.