Incarnations
Le retour du vieux con misanthrope... Ne pas confondre la fièvre et le thermomètre. Ainsi, il est commode de pointer du doigt Internet et d'en stigmatiser les effets pervertisseurs de notre jeunesse. C'est oublier, me semble-t-il, le vrai coupable qui est l'Homme lui-même, créature plutôt nuisible lorsqu'elle ne dispose pas du privilège d'un semblant de dressage, qu'on appelle chez lui éducation et que notre univers consumériste tend à refouler (la réflexion étant l'ennemie première de la consommation, notre dictature financière s'accommode assez mal en effet d'un humain qui penserait un peu trop ; ce principe s'applique également aux régimes autoritaires qui utilisent la foi comme vecteur des folies religieuses ou la torture lorsqu'il s'agit d'aller encore plus vite en besogne. Briser toute tentative de pensée autonome...). Mais rassurons-nous : sa nature première tend à refaire surface à la moindre occasion : l'homme sait très vite redevenir veule, lubrique, vénal, brutal et grossier. Ainsi est l'homo erectus. Les exemples ne manquant pas, je vous en épargnerai une première liste, voyez autour de vous. Internet est pour lui une aire de jeux, parmi bien d'autres...
Je préfère au contraire vous proposer deux illustrations qui tendent à démontrer qu'Internet peut susciter de beaux passages du virtuel au réel et qu'un dressage opiniâtre et bienveillant de la bête qui sommeille en chacun de nous peut susciter de belles rencontres et nous laisser caresser l'espoir d'une humanité pas encore condamnée à s'autodétruire (processus qui est, notons-le toutefois, largement engagé).
C'est grâce à Internet, par exemple, et à un blog bien ficelé en particulier que j'ai pu découvrir ma ville natale sous un autre jour et en apprécier les qualités intrinsèques, grâce à un néo-verdunois qui avait décidé de lui consacrer beaucoup de temps pour nous offrir de nombreux textes curieux. Avec son œil neuf, l'auteur du site nous proposait une vision presque ensoleillée d'une cité que des années d'enfance et d'habitude, saupoudrées d'une bonne couche de tristesse nostalgique, m'avaient rendu injustement grisâtre. Et plutôt que d'en rester là, lui et moi sommes entrés en contact, nous nous voyons désormais régulièrement et avons entamé une belle histoire d'amitié, à laquelle sont associées nos épouses respectives.
On peut nous voir ici, lors d'une réunion au sommet qui s'est tenue hier, alors que nous allions embarquer, le temps d'une courte croisière-colloque, sur un paquebot, Her Majesty Of The Seas, qui mouillait paisiblement dans le port de Nancy.
Mais je ne fais qu'évoquer un cas personnel qui, s'il a valeur d'exemple, n'en reste pas moins confidentiel et qu'on ne saurait brandir à la façon d'un étendard. Trop prétentieux. Non, voyons plutôt du côté de la musique et la belle histoire du trio SLuG (une chronique est dans les starting blocks de Citizen Jazz, vous la lirez très prochainement). Au départ, il y a un artiste touche-à-tout un peu génial, collectionneur de samples, et deux musiciens en partance de Magma. Le premier, John Trap, rencontre d'abord les seconds, Emmanuel Borghi et Himiko Paganotti, essentiellement via Internet : commence alors une petite valse de fichiers qu'on s'échange. C'est la naissance d'une première composition, puis d'une seconde et enfin d'un album entier qui sort très prochainement sur le label Off. Un groupe vient de prendre corps sous nos yeux (ou plutôt nos oreilles), il s'appelle donc SLuG et vous pouvez d'ores et déjà retenir son nom. On voit que le virtuel a pu engendrer le réel, ce qui, convenons-en, est tout de même plus enthousiasmant que l'opération inverse. Au final, ce premier disque est une parfaite réussite dans un univers électro pop un peu enchanté dont on devrait reparler dans les temps à venir. Il est en tout état de cause mon coup de coeur du moment.
Il est aussi une belle occasion de s'aérer l'esprit et de regarder devant soi avec un peu moins de pessimisme.
Commentaires
Quid de mulier erecta ? :-)
Ben... j'ai quand même l'impression que ces dames se sont moins compromises depuis des siècles dans toutes ces exactions politico-religieuses sanglantes...
Je ne peux que confirmer tes dires en ce qui concerne les amitiés et les rencontres, virtuelles ou physiques, que l'on peut faire grâce à Internet. Et l'on retrouve même, grâce à la musique, des gens que l'on avait entr'aperçu 40 ans plus tôt (à Parmain). Ou grâce à Copains d'avant, un gars du Sud avec qui on avait joué une finale de championnat de Lorraine de foot et qu'on n'avait jamais revu.
Et puis il y a ce réseau de musiciens et d'amoureux de la musique qui se tisse jour après et qui va du Canada à l'Allemagne, de la France aux USA. Mais tout cela ne serait jamais arrivé si un jour, quelqu'un ne m'avait envoyé un mail disant: "Tiens, vas voir là, je parle de toi sur mon blog". Que ce "quelqu'un" soit remercié...
@Quiet Man : ;-))
Ah non cette photo!!! Bertaga t'as pas honte de faire pipi sur le bateau!!!!
Quant à MC il semble prêt à bondir....
C'est un très grand plaisir en effet de "lire des rencontres" sur les blogs. Il s'instaure une sorte de communication sur des idées , des sentiments, des plaisirs esthétiques musicaux ou littéraires, voire des humeurs...
Merci en particulier à MC (un vrai truchement!) à Sister for Ever, et à Edith dont je découvre soudain le passage au coin de mes divers blogs, avec une délicieuse et narcissique satisfaction...