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Vécu - Page 8

  • Résistance

    depression_van_gogh.jpgRentrée en Lorraine. C'est déjà l'automne. Le ciel est gris, le mercure a d'ores et déjà effectué son grand plongeon, comme pour nous punir de quelques journées un peu plus chaudes que la moyenne au début du mois de juillet. J'en viens chaque jour à me dire que je ne terminerai pas ma vie ici. Trop terne, trop livide, pas assez de lumière...

    L'été n'aura pas été sinistre que du point de vue météorologique. La sphère politique me laisse dans un état d'inquiétude et d'hébétude. Il paraît qu'à la tête du pays se trouvent des "responsables". Ah bon ? Mais comment ont-ils pu en arriver là ? Comment peut-on à ce point s'enivrer de pouvoir au point de manipuler cyniquement la stigmatisation et le mensonge ? Pour la première fois depuis bien longtemps - depuis toujours ? - je me sens honteux d'être Français. Et qu'on ne vienne pas me faire le coup des pays où la situation est encore pire ! Je sais qu'ils existent, mais est-ce vraiment une raison pour accepter cette vicieuse dérive ? NON ! Je ne peux pas m'y résoudre.

    Mais une voix vient sans cesse me parler, qui me dit, surtout, de ne pas baisser les bras. Elle me suggère de me souvenir que quelles que soient les errances des décennies passées,  les trahisons, les manquements aux promesses, il nous reste tout de même une dernière arme à ne pas laisser rangée au placard : notre bulletin de vote. Celui-là est prêt et connaît ses ennemis !

    Je serai assez peu présent sur ce blog durant les semaines à venir. Non par manque d'intérêt ou je ne sais quel phénomène d'usure, mais parce que mes activités "périphériques" se bousculent un peu au portillon et que l'heure des choix - temporaires - est venue.

    Il me reste en effet à mettre la dernière touche aux textes que je rédige pour l'exposition "Portraits Croisés" où une cinquantaine de musiciens seront à la fois mis en images par mon ami Jacky Joannès et en phrases par ma pomme. A découvrir du 6 au 23 octobre à la Médiathèque de Laxou. Et pour ceux qui ne pourront venir faire un petit tour par là, nous préparons un petit livre numérique dont il vous sera possible de commander un exemplaire numéroté et dédicacé. Il sera disponible à la fin de l'année.

    Je dois également donner la priorité à Citizen Jazz, auquel j'ai consacré du temps l'année passée, mais pas autant que je ne l'aurais souhaité. La pile de chroniques (un chouette bouquin, de bien beaux disques) ne cesse de s'élever sur la petite tablette de mon Chalet Suisse et sa vision me plonge à chaque fois dans un abime de culpabilité vis-à-vis de ma rédactrice en chef à qui je promets souvent une publication rapide et qui doit bien constater que mes travaux sont toujours en retard...

    Tiens, il y a justement sur Citizen Jazz un texte écrit par Guillaume de Chassy. Ce musicien exprime parfaitement ce que je ressens en ce moment. Je vous laisse le découvrir. C'est un appel à la vigilance et à la résistance qu'il faut lire, non seulement parce qu'il est bien écrit, mais parce qu'il résume de manière lumineuse la difficulté pour l'art et la culture d'exister dans un monde dominé par l'argent et la rentabilité. Je choisis ici mon camp, celui de l'Être, contre celui, méprisable et vulgaire, du paraître.

    Par la même occasion, profitez-en pour picorer quelques autres lectures sur le site du magazine ! Et à très bientôt...

  • Demain

    Il est possible que la période estivale – bientôt les vacances, allez savoir pourquoi j'y pense des mois à l'avance et qu'une fois venues elles me mettent dans un étrange état d'inquiétude – favorise le relâchement, relatif toutefois, de ce blog. Non par une volonté d'inactivité de ma part, mais plutôt parce qu'il m'est impossible d'être ici et là en même temps.

    N'étant finalement qu'un bipède humanoïde banal, je me sens partagé entre le désir ludique d'alimenter régulièrement ces pages et la nécessité joyeuse de mener à bien un objectif que je me suis assigné depuis quelques mois : finir d'écrire, puis peaufiner durant l'été la bonne cinquantaine de mini portraits que je dois rédiger pour l'exposition « Portraits Croisés » qui m'associe à mon pote photographe Jacky Joannès. Pour chacun des instantanés – toujours très beaux, mon complice ayant conservé par delà les années un regard d'enfant en perpétuel état d'émerveillement face aux artistes – quelques lignes qui raconteront une petite histoire. J'espère réussir dans cette entreprise et contribuer à donner un peu de bonheur à celles et ceux qui viendront voir notre travail à la Médiathèque de Laxou du 6 au 23 octobre prochains. De toute façon, je n'ai plus le choix, cette exposition a fait l'objet d'une annonce officielle dans le dossier de presse du trente-septième Nancy Jazz Pulsations. Ah oui, j'avais oublié de vous préciser que les portrai(tor)turés sont des musiciens, pour la plupart captés lors de NJP depuis plus de trois décennies. Étrange aussi d'observer, que dis-je, de ressentir que cette « matérialisation » de ce qui n'était jusque là qu'un projet vient injecter perfidement dans mes veines sa petite dose de stress... Une douce torture, cependant, un exercice de double admiration. Et une manière de dire merci aux musiciens.

    En écrivant ces lignes, en évoquant l'idée d'un remerciement, je repense instantanément à la soirée du 25 juin, lorsque dans le cadre du festival Vand'Jazz, le Bernica Octet dirigé par François Jeanneau avait partagé la scène du Centre Culturel André Malraux de Vandœuvre-lès-Nancy avec le chouette saxophoniste anglo-américain Will Vinson. Juste avant le concert, j'étais attablé avec un homme charmant, le guitariste Denis Moog. Le vin rosé était frais et bienvenu, les macarons délicieux et la conversation très chaleureuse.

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    Denis Moog avec le Bernica Octet au Festival Vand'Jazz © Jacky Joannès

    Chacun de nous deux s'est livré à son propre exercice de reconnaissance : mélomane et rien d'autre, je me devais d'expliquer à celui qui allait monter sur scène quelques minutes plus tard que l'écriture d'un texte ou d'une chronique consacrée à un disque ou un concert est la seule arme dont je dispose aujourd'hui pour rendre une part très infime de ce que les musiciens m'ont apporté depuis l'enfance. Lui, de son côté, exprimait une passion intacte et communicative.

    Incapable d'extraire quelque note que ce soit – même celle de l'horrible flûte à bec des années collège – et totalement inhibé par le génie de mes idoles, je n'ai jamais eu le courage d'imposer à la musique sa plus cuisante défaite, celle qui aurait été occasionnée par ma contribution à la diffusion d'un art majeur dans la sphère familiale sous la forme de l'erreur grossière consistant à tenter vainement de produire le moindre son en public. J'ai cessé toute activité de ce genre en 1963 – j'avais cinq ans – lorsque mon institutrice, probablement dure d'oreille et sous le charme de ma précocité scolaire, avait trouvé bienfaisante l'idée de m'exhiber d'une classe à l'autre, jouant mécaniquement « L'hymne à la joie » ou « Les enfants du Pirée ». Même mon pauvre Mélodica, cadeau ultérieurement trouvé un soir de Noël au pied d'un sapin, n'a jamais voulu que je lui fasse l'injure de lui extorquer quoi que ce soit d'autre que le clic ou le clac produit par l'ouverture et la fermeture du bouton pression de son étui en plastique vert. Je suis un amusicien, le a étant ici, on l'a compris, privatif.

    Oh je n'ai pas dit toute cela à Denis Moog, c'est là une digression postérieure qui traduit mon état d'esprit permanent. Je me suis contenté de lui faire part de mon souci d'écrire au plus juste les émotions et les vibrations que me procure la musique et de ne pas perdre inutilement mon temps à émettre des jugements négatifs. J'écris dans le seul but de partager le plaisir.

    Après m'avoir fait part de celui qui est le sien à travailler aux côtés de ce septuagénaire flamboyant et toujours inventif qu'est François Jeanneau, mon partenaire de bavardage a tenu à souligner l'importance que peuvent revêtir les récepteurs que nous, simples mélomanes, sommes, en ce sens que nous venons enrichir et donner tout son sens au travail d'émetteur qui est celui des musiciens.

    J'ai envie de le croire, j'ai besoin de savoir qu'à ma modeste place, je peux apporter une pierre – un caillou me suffirait, d'ailleurs – à ce magnifique édifice qui a pour nom musique. Et je veux bien poursuivre dès que possible ce dialogue impromptu avec lui. S'il dit vrai – je lui fais totale confiance sur ce point comme sur les autres – alors je peux continuer et me dire que chaque jour doit être celui d'une possible découverte, d'une nouvelle émotion, d'une absence de calcul dans le partage des instants d'éveil. La meilleure façon pour moi de me tenir debout et de ne pas me résigner tristement à seulement contempler le spectacle de la médiocrité du quotidien. Tomorrow will be another day...

  • Rideau

    Terzieff_Laurent.jpgL'état de décomposition avancée dans lequel se trouvent aujourd'hui le pouvoir politique hexagonal et son cortège de vulgarités quotidiennes ne fait que rendre plus éclatante et magique l'élégance presque surnaturelle qui caractérisait Laurent Terzieff. Ce très grand acteur nous a quittés, il venait d'avoir 75 ans.

    Cette voix, cette allure de vieil adolescent, cette beauté torturée, cette fièvre dans le regard, cette intelligence...

    Qu'ajouter de plus ?

    Je ne fais pas partie des heureux privilégiés qui auront eu la chance de l'admirer sur scène. Toutefois, une anecdote – une "presque rencontre" éphémère et mystérieuse – me relie à lui.

    C'était il y a deux ans, au mois de juillet 2008. J'étais attablé pour déjeuner du côté de Saint-Germain des Prés. Brusquement, comme surgi de nulle part, il est apparu – grave et silencieux – du fond de la salle où il s'était installé lui aussi, pour s'évanouir aussitôt sur le Boulevard, dans une démarche à la fois hésitante et vaporeuse. Comme s'il flottait à quelques centimètres au-dessus du sol... Cette image d'un homme loup solitaire est restée gravée dans ma mémoire. J'ignore si elle correspond vraiment à celui qu'il était, mais elle le pare d'une aura qui était très certainement la sienne, celle de son immense talent.

  • Dédicace

    Premier retour, en quelques lignes, sur une soirée musicale passée tout récemment au Centre Culturel André Malraux de Vandœuvre-lès-Nancy. C'était vendredi dernier et la programmation du festival Vand'Jazz réservait la première de ses deux soirées à un concert, lui-même en deux parties : tout d'abord le bouillonnant Bernica Octet, sous la direction de l'éternel adolescent et néanmoins septuagénaire François Jeanneau, puis l'élégant quartet du saxophoniste anglais Will Vinson.

    Juste avant quelques gourmandes agapes en prélude aux concerts, j'ai tenu à honorer une promesse faite à François Jeanneau : lui apporter mes trois 45 tours du groupe Triangle (dont il était l'un des membres éminents) achetés voici près de quarante ans. Sur le premier : « Peut-être demain » et « Blow Your Cool » ; sur le second : « Viens avec nous » et « La confusion » ; sur le troisième enfin : « Les contes du vieil homme » et « Les brumes de Chatou ».

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    Photo François Jeanneau & MC © Jacky Joannès

    Il se trouve que mon ami Jacky Joannès, toujours là quand il faut – the right man in the right place – était en embuscade, l'objectif rivé à la rétine et a fixé pour l'éternité (enfin, bon, là, j'exagère un peu tout de même...) ce moment que François Jeanneau a parfaitement résumé sur sa dédicace : « Après tout ce temps ».

    Et si on écoutait Triangle, pour fêter ça ?

  • Chaîne de moral

    Je suis interpellé par une camarade blogueuse qui me demande de participer à une « chaîne de moral » : en d'autres termes, je dois citer ici trois choses qui me sapent le dit moral. Hou la la... je vais devoir être sélectif... parce qu'en plus de tout ce qui navre depuis 52 ans et quelques semaines (19149 jours très exactement), l'actualité nous livre des exemples pitoyables en nombre si important qu'il est même devenu inutile de se baisser pour les ramasser !

    Alors je m'y colle...

    Prends l'oreille et tire-toi. On ne pourra jamais rien y changer. Pendant qu'ils nous lancent de pressants appels à une rigueur qu'ils ne s'appliqueront jamais à eux-mêmes, nos prétendus « responsables » s'en mettent plein les poches et nous méprisent à grand renfort de mensonges et de conflits d'intérêts. Je rêve de ce jour où l'on pourra ajouter l'exemplarité en quatrième mot sur les frontispices de nos édifices (comme disait Catherine Ribeiro). Mais ce n'est qu'un rêve, voire une utopie.

    La culture avachie (ce que j'appelle la druckerisation). Combien de décennies faudra-t-il encore attendre avant que les médias ne se défassent de ces ternes apôtres du conformisme le plus courbé, toujours dans le sillage des pouvoirs en place ? Combien de temps avant qu'à la place de ces médiocrités ayant pignon sur écran, un peu de place - rien qu'un peu - soit enfin accordée aux créateurs, aux inventeurs, aux éveilleurs ? A ceux qui nous font regarder vers le haut et nous élèvent.

    L'alcoolisation massive des adolescents. C'est un truc qui non seulement me sape le moral, mais qui me fait vraiment peur. Il y a là une gigantesque bataille à mener, je crains toutefois que bien trop de parents ne soient malheureusement incapables de la gagner. Et après ?

    Fort heureusement, je terminerai sur les trois choses qui me remontent le moral..

    La découverte permanente. Musique, littérature, peinture, bref tout ce qui nous fait apprendre. Celle par exemple d'un nouveau disque réjouissant, inventif, qui va me surprendre et me faire vibrer : comme celui la Mop Meuchiine qui joue la musique de Robert Wyatt avec un incroyable talent. Ou, dans un tout autre genre et sublime néanmoins, un magnifique adagio composé par le regretté Olivier Greif qu'il faudra bien un jour reconnaître comme l'un des plus passionnants compositeurs du XXe siècle. Je lui consacrerai bientôt une note, qui fera suite à deux que je lui ai déjà consacrées.

    Les éclats de rire de ma petite-fille quand elle veut jouer à cache-cache avec moi derrière le canapé, au deuxième étage de la Maison Rose. Sans oublier sa vraie gourmandise quand elle rencontre un délicieux macaron.

    Le partage. Passer deux heures en compagnie d'un ami qui me raconte les souvenirs qu'il a accumulés durant les années 70, quand il avait créé un fanzine et fait de belles rencontres. Puis retranscrire cette conversation pour Citizen Jazz.

    Pour finir, je crois qu'une chaîne ne doit pas être rompue et qu'il me faut proposer à deux personnes de relever ce petit défi. Alors j'invite deux camarades blogueuses à continuer après moi : Françoise et Elisabeth.

    A vous de jouer mesdames !

  • Atem

    atem.jpgJe dois recevoir très prochainement chez moi – à des fins d'interview pour Citizen Jazz – une personnalité bien connue des amateurs lorrains (et pas seulement d'ailleurs) des musiques dites « de traverses ». Gérard Nguyen, puisque c'est de lui qu'il s'agit, va en effet soulever de plaisir beaucoup de gens en publiant aux éditions Camion Blanc une sélection d'articles publiés durant la seconde moitié des années 70 dans le magazine qu'il avait alors porté à bout de bras : Atem. Ce journal incomparable – 16 numéros édités entre 1975 et 1979 – fut en effet une formidable aventure humaine que nous sommes nombreux à avoir vécu non sans fièvre, guettant la prochaine édition, nous arrachant les yeux parfois (au début) sur une mise en page dense et aride. Ah, que de beaux noms ont pu être convoqués au sommaire de ce réjouissant et singulier Atem ! Il suffit de regarder la couverture du livre qui paraît aujourd'hui pour s'en convaincre : Kevin Ayers, Tim Buckley, Can, Kevin Coyne, Nick Drake, Brian Eno, Faust, Robert Fripp, Philip Glass, Peter Hammill, Hatfield & The North, Heldon, Henry Cow, Hugh Hopper, Magma, John Martyn, Nico, Steve Reich, The Residents, Suicide, This Heat, Tom Waits, Robert Wyatt, etc. Un casting de rêve qui associe des artistes issus de sphères différentes : rock, jazz, musique contemporaine ou expérimentale, … mais ayant en commun une démarche artistique hors normes et intrinsèquement créative. Plus de 560 pages d'articles et d'interviews qu'on n'a pas fini de lire et de relire. Une sorte de livre de chevet, un compagnon de vie.

    Il est amusant aussi de se rendre compte que la parution d'Atem – qui fut aussi un label de disques tout aussi inventif et sans équivalent, dont les têtes de pont s'appelaient notamment Univers Zéro ou Présent – fait remonter à la surface de vieux souvenirs, très agréables.

    L'époque de l'Université par exemple, lorsqu'à peine mon dernier cours de la journée terminé, je ralliais au plus vite le magasin de disques où le même Gérard Nguyen, l'œil malicieux, une Camel filtre au bec et toutes platines Marantz dehors, nous faisait partager ses passions de l'époque, celles justement dont on va pouvoir relire les textes qui en étaient nés.

    Je me souviens... de ce soir d'octobre 1976 où, après une attente interminable – la publication du disque annoncé étant sans cesse reportée – les premières mesures de « De Futura » de Magma avaient retenti avec une sombre solennité. Jannick Top et Christian Vander tentaient une éphémère association dont la deuxième face de l'album Üdü Wüdü – avec une pochette provisoire et de belles fautes d'orthographe – se présentait comme le fidèle reflet. Une attaque de Kobaïa, rue Gambetta !

    Je me souviens aussi, quelques mois plutôt, de ce soir où j'avais embarqué (avec l'accord du patron, évidemment) plusieurs numéros du magazine pour le faire connaître à Jean-Bernard Hébey, alors animateur à RTL, qui avait posé sa bulle à Nancy pour une semaine, et dont l'émission quotidienne était une source assez éclectique de découvertes musicales en début de soirée.

    Atem ! Les anciens vont se réjouir de cette résurgence, les plus jeunes vont sans nul doute avoir du mal à ne pas admettre qu'on tenait là une pépite, que certains conservent aujourd'hui précieusement comme un trésor caché.

    Cerise sur le gâteau, il est question que les textes non sélectionnés pour le livre puissent être réunis en un blog.

    Pour moi, c'est d'accord, sans la moindre réserve !

  • Pom Pom... Pidou !

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    Passé le temps des premières heures et de la foule des curieux qui s'agglutinait en interminables files d'attente, voici enfin venu le moment de profiter dans d'excellentes conditions d'une réussite à souligner, celle du Centre Pompidou de Metz. Son architecte élégante et aérienne - bois et verre, tentures blanches - vous saute aux yeux à votre sortie de la gare. Parce qu'en outre, ce chouette musée a la bonne idée de n'être situé qu'à quelques pas de cette dernière, à laquelle il est relié par une passerelle, tel un cordon ombilical.

    "L'édifice se présente comme une vaste structure de plan hexagonal, traversée par trois galeries. Il se développe autour d'une flèche centrale qui culmine à 77 mètres, clin d'oeil à la date de création du Centre Pompidou : 1977... L'ensemble évoque un vaste chapiteau, entouré d'un parvis et d'un jardin. A l'intérieur, l'ambiance générale est claire, avec sa toiture en bois blond, ses murs et structures peints en blanc et ses sols en béton surfacé gris perle. La toiture, le traitement de la relation intérieur-extérieur et les trois galeries d'exposition sont le résultat de partis pris architecturaux très novateurs."

    Ce n'est pas moi qui le dis, ce sont les responsables du Centre eux-mêmes et force est de reconnaître que leur propos entre en correspondance exacte avec ce que vous ressentez en déambulant, tranquillement, l'oeil admiratif, tout au long d'un parcours riche d'oeuvres magnifiques (j'aurai personnellement un petit faible pour "Les disques dans la ville" de Fernand Léger et pour la série Jazz d'Henri Matisse, mais la liste de mes contemplations béates est bien plus longue en réalité...).

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    Mais on goûtera aussi les jeux de miroirs futés, qui vous laissent deviner ce que votre visite va vous faire découvrir. En levant la tête, vous voyez aussi vos congénères qui deviennent fourmis curieuses, évoluant par petites grappes, comme collées au plafond. Les plus perspicaces d'entre vous sauront d'ailleurs débusquer l'auteur de ces quelques lignes sur la première photographie illustrant cette note.

    Ah, et puis... Un mot tout de même sur cette galerie un peu magique, au troisième étage : elle s'ouvre en une vaste fenêtre découpée comme autant de tableaux vivants et offre une vue panoramique sur la ville. Comme par enchantement, ses composantes architecturales s'éloignent de vous au fur et à mesure que vous vous en approchez. C'est splendide.

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    Je ne voudrais pas abuser de la prose laudative. Néanmoins, je vous incite fortement à faire le déplacement du côté de la Lorraine. Il y a de belles choses à y découvrir...

  • Sound Painting

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    Il me faudra encore beaucoup d'expériences comme celle que j'ai vécue vendredi dernier pour entrevoir le potentiel d'un curieux langage inventé dans les années 80 par Walter Thomson et qu'on appelle le sound painting.

    Mais avec ses quelque 800 gestes - il s'agit en effet d'une sorte d'alphabet visuel - le sound painting est une discipline propice aux imaginations fertiles et débridées. Au gré de son inspiration, le chef d'orchestre peut ainsi donner à ses musiciens, mais aussi à des danseurs, de mystérieux ordres visuels parfaitement codifiés, provoquant la réaction et l'invention spontanée des instrumentistes. Au milieu des phrases ainsi créées peuvent aussi se glisser des séquences écrites, comme autant d'instants où la musique semble reprendre son souffle.

    François Jeanneau était à la médiathèque de Vandœuvre-lès-Nancy, avec quelques musiciens dont trois membres de son excellent Bernica Octet, que je vous invite par ailleurs à découvrir. Sa démonstration ludique, suivie d'une courte séance de réponse aux questions avant un exercice collectif associant le public, fut un petit moment de plénitude malicieuse.

  • Motown

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    Voilà qui fait vraiment du bien... Deux ans presque jour pour jour après leur dernière visite dans la petite salle du Quai Son à Nancy, le fougueux aréopage du Motown Project investissait à nouveau les lieux hier soir !

    Motown Project - une telle identité ne laisse aucun doute sur le répertoire qui sera proposé - c'est la promesse, largement tenue, d'une fête joyeuse et de la célébration d'une musique sans la moindre ride, frappée au sceau de l'énergie la plus communicative qui soit. Une éternelle jeunesse, impeccablement servie par un combo soudé et pourvoyeur d'ondes positives.

    Il n'aura pas fallu attendre bien longtemps pour que la température monte très très fort. En réalité, il n'y a pas eu la moindre attente du tout avec, d'emblée, l'enchaînement vitaminé de « Time » et « Got To Give It Up »... Ah, Marvin Gaye quand tu nous tiens... Ce dernier sera d'ailleurs l'une des sources d'inspirations premières de ce concert gorgé de salutaires vibrations : on le retrouvera un peu plus tard avec l'incontournable « What's Going On », « I Heard It Through The Grapevine » ou le brûlant « Sexual Healing » en guise de rappel, avant, pour que l'histoire ne s'arrête pas, un retour sur « Got To Give It Up ».

    Stevie Wonder, lui aussi, sera plusieurs fois à l'honneur : comment en effet ne pas interpréter le mythique « Supersition » pour célébrer ce torrent artistique que fut la Motown ? Comment ne pas puiser par ailleurs à deux reprises dans ce qui est à considérer, tous styles confondus, comme l'un des albums majeurs du XXe siècle, Songs In The Key Of Life ?

    The Temptations, Jimmy Ruffin, Aretha Franklin, The Jackson Five, Martha & The Vandellas, James Brown, The Supremes... Tous sont là, avec nous, éternels invités d'une fête qu'on goûte entre amis. On savoure chaque minute, conscient cependant que le temps, déjà, passe bien trop vite.

    Les neuf musiciens sont de toute évidence heureux d'être sur scène : la charismatique Marie Ossagantsia et son alter ego Martial Bourgon au chant assurent le spectacle, soutenus par une rythmique d'acier : Jérôme Arrighi, ici malicieusement présenté comme le « dictateur artistique », à la basse et Guillaume Bachmann, batteur chanteur qui ne se privera pas de nous offrir un joyeux numéro de duettistes à lui tout seul... Du côté de la section de cuivres, on souffle une revigorante tempête tropicale : Julien Hornberger à la trompette ; Matthieu Durmarque, au saxophone ténor, qui gardera son meilleur pour la fin avec un envoûtant chorus sur « Sexual Healing » ; Pierre Desassis (oui oui, je sais, je parle encore de mon fils, désolé...), qui dynamite constamment l'espace au saxophone alto ou se permet d'enflammer « I Wish » en quatre minutes explosives au saxophone soprano, des instants qui vous scotchent à votre chaise, pour peu que vous ayez eu la chance de trouver une place assise (c'est le petit extrait sonore que je propose ici, dans une captation brute de décoffrage mais qui, finalement, restitue plutôt bien l'ambiance de la soirée). On n'oubliera pas, évidemment, les deux enlumineurs que sont les deux Stéphane : Berti (guitare) et Cormorèche (claviers).

    On voudrait que le temps s'arrête, rester là, au milieu du public qui est venu en nombre. Durant plus de deux heures, toutes les vicissitudes du quotidien se sont envolées, balayées par le souffle vital de cette « Motown » sans égale.

    Merci !

    podcast

    En écoute : "I Wish" de Stevie Wonder par le Motown Project au Quai Son - Nancy, le mercredi 19 mai 2010.

    Marie Ossagantsia & Martial Bourgon (chant), Stéphane Cormorèche (claviers), Julien Hornberger (trompette), Matthieu Durmarque (saxophone ténor), Pierre Desassis (saxophones alto & soprano), Stéphane Berti (guitare), Jérome Arrighi (basse), Guillaume Bachmann (batterie, chant).

  • Couchant

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    Pour bien commencer la semaine... L'actualité est grise, pour ne pas dire sombre... Alors je vous propose cette image - un classique parmi les classiques, mais pourquoi chercher ailleurs après tout ? - apaisée. Sans commentaire superflu.

    Le soleil était amical ce week-end du côté de Mesnil-Val.

  • Kékéland

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    [Mode vieux con]

    Ce qui est bien avec la nature humaine, c'est que, livrée à elle-même, elle ne vous déçoit que très rarement. Une brève incursion du côté des Alpes Maritimes m'a permis d'en savoir un peu plus sur notre redoutable espèce. Ou plutôt de vivre en direct ce que je n'avais aucun mal à imaginer : une certaine image de la décadence.

    Parce que je suis convaincu que nous vivons une époque décadente, mais ceci est une autre histoire... Historiquement, tous les paramètres qui permettent de qualifier la décadence semblent réunis, pour qu'on puisse formuler cette détestable équation.

    Et encore... Les propos qui suivent émanent de quelqu'un qui connaît sa condition de privilégié qui a la chance de travailler, de manger à sa faim et de s'offrir le luxe de quelques jours de vacances.

    Mais le mépris qui gangrène les esprits est insupportable.

    Je passe sur l'affligeant spectacle offert voici trois jours par un cafetier niçois qui nous désigna de façon très lapidaire le fast food voisin, parce qu'après avoir rapidement étudié la carte déposée sur une table poussiéreuse sans l'esquisse d'un début de sourire, nous choisîmes de quitter les lieux pour rallier l'un de ses proches concurrents, parce que décidément, sept euros pour une vulgaire crêpe au sucre servie sous les tuyaux d'échappements des voitures locales est un tarif exorbitant même pas justifié par une prestation de qualité.

    Je passe sur le défilé des horreurs vieillissantes contemplées du côté de la Croisette... Pathétiques errances, fric qui dégouline, comme le pus d'un abcès en train de crever.

    Nous sommes dans le village médiéval de Cagnes-sur-Mer, tout près du château. Le paysage et sa géographie somptueuse sont entachés de nombreuses villas coloriées par leurs dispendieuses baignoires bleues. D'une propriété à l'autre, on s'affronte à grands coups de kistcheries néo-coloniales et de caméras de surveillance. Les quelques ruelles du bourg se font l'écho d'une musique aux intonations vaguement latines et poussivement interprétée par un trio qui distille son ennui synthétique devant une poignée de types armés de coupes de champagne. Ceux-ci, de sexe masculin exclusivement, gardent un œil vigilant sur les bolides de course qu'ils n'ont pas manqué de faire pétarader aux environs avant de les exposer sur la petite place où quelques boulistes entretiennent leur lumbago.

    Le bilan carbone de cet aréopage un brin hautain est désastreux, mais là n'est pas la question. On s'en fout : il s'agit avant tout de se montrer, d'afficher. On devine que la chasse à la femme va commencer.

    Il y a quelque chose qui pue dans ce bas monde, juste à côté de nous. On se dit aussi que la même espèce humaine est capable d'une très forte résistance à l'injustice pour accepter ainsi le spectacle d'une minorité aussi malodorante aux yeux de la misère de tant d'autres...

    [/Mode vieux con]

  • Elvin

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    Hommage au grand Elvin Jones, que je n'aurai jamais vu sur scène, malheureusement. Pourtant, il s'en est fallu de peu, voici une dizaine d'années : le batteur historique de John Coltrane était à l'affiche des Nancy Jazz Pulsations en 2000. Manque de chance, Elvin Jones fut victime d'un accident au genou qui rendit ce rendez-vous impossible...

    Elvin Jones devait nous quitter pour toujours le 18 mai 2004, à l'âge de 76 ans.

    J'ai croisé son chemin cet après-midi, lors d'une longue balade du côté de Juan les Pins, où de nombreux musiciens de jazz ont laissé les empreintes de leurs mains après un passage lors du festival d'Antibes Juan les Pins, où i était venu en 1996 avec sa Jazz Machine. Mais on se souviendra aussi de l'été 1965 : Coltrane, encore et toujours et l'une des rares interprétations live de A Love Supreme.

    En 2000, Stefano Di Battista invitait le batteur a le rejoindre le temps d'un disque splendide et lui dédiait de "Elvin's Song" qui donne la chair de poule... Impressionné par le talent du saxophoniste, Elvin Jones devait lui retourner la "politesse" et l'associer à une série de concerts avec sa propre formation.

    Laissons la parole à ces grands messieurs...

    Stefano Di Battista (saxophone soprano), Elvin Jones (batterie), Rosario Bonaccorso (contrebasse), Jacky Terrasson (piano).

  • Cyclique

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    J'ai la drôle de manie de photographier les vélos. Mais à une condition : qu'ils ne soient pas chevauchés par un humain, dont je considère la présence comme très inesthétique et mal venue. J'apprécie les bicyclettes sans leurs maîtres, déposées ici ou là dans la rue avec ou sans antivol, voire quand elle sont abandonnées... et si elles sont un peu vieillottes, elles auront ma préférence.

    On voit ici un bel attelage un tantinet suranné, que j'avais « capté » voici quelques années - c'était en 2007 je crois - sur cette petite place absolument irrésistible qu'on peut dénicher à Paris du côté de la rue de Furstemberg, dans le quartier de Saint-Germain des Prés. Tiens, pendant que j'y suis, profitez donc de votre flânerie pour rendre une petite visite au Musée National Eugène Delacroix, dont l'entrée n'est située qu'à quelques mètres de mon véhicule d'un jour.

    Souvent, j'associe un souvenir à une photographie, mais pas forcément celui qui correspond au moment où j'ai appuyé sur le déclencheur. Ce souvenir peut remonter à la surface bien plus tard, lorsque je feuillette mes albums. Ce vieux vélo, la petite place... aussitôt je remonte le temps et me retrouve au début des années 80. A cette époque, je m'étais rendu à Paris avec mon directeur pour participer à une réunion dont j'ai oublié la teneur et le lieu précis. Qu'importe... Je me rappelle notre arrivée devant l'entrée du Ministère de l'Education Nationale : n'arborant pas la tenue correcte, mon chef avait ouvert le coffre de sa voiture dont il avait extirpé veste, chemise, pantalon et cravate avant de se déshabiller tranquillement - et voilà notre bonhomme en caleçon et t-shirt à même le trottoir, offrant une belle bedaine et un spectacle peu banal au fonctionnaire de police qui montait la garde. Mais surtout, dans un autre recoin de ma mémoire est stocké le souvenir du voyage retour : au volant de sa voiture, mon replet mannequin du matin - par ailleurs un homme charmant que le travail ne passionnait plus et qui préférait de très très loin parler de cinéma, de littérature et mettait un point d'honneur à me vanter les mérites de Télérama - avait décidé de me présenter une petite place dont il ne cessait de me vanter le charme discret depuis de longues semaines.

    Comme il avait raison le bougre ! Sa conviction fut très vite la mienne et je tombai instantanément sous le charme. Il m'arrive fréquemment, depuis, de faire un petit crochet commémoratif vers la rue de Furstemberg, lors de mes balades parisiennes. Je musarde quelques instants, j'en fais le tour une fois ou deux, je ronchonne contre les voitures qui l'encombrent... Je suis alors dans ma posture préférée : la truffe en l'air, humant tranquillement l'air si doux d'un univers où se mêlent nostalgie et les petits bonheurs de l'instant présent.

  • Sunday Night Blues

    Quand quelques idées s'entrechoquent, au soir d'un dimanche pluvieux...

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    Dans quelques jours débutera à Nancy une fête foraine annuelle d'un mois. La foire, comme on dit par ici... Les camions et leurs manèges ont fait leur entrée dès lundi matin dans la ville, provoquant de beaux bouchons et, ce faisant, la colère de l'homo automobilus en route vers son labeur et de fait coincé dans sa maisonnette sur roues. Quant à moi, plus piéton que jamais, j'observais ce matin les véhicules dans lesquels s'exhibent la plupart des forains : en règle générale, de très très grosses cylindrées allemandes, véritables attentats écologiques qui m'y feront regarder à deux fois avant que j'engage le moindre centime d'euro - ce qui ne m'est pas arrivé depuis des lustres - dans l'une ou l'autre de ces attractions bruyantes et kitsch qui, tout au plus, me permettront de repartir chez moi l'estomac retourné ou les bras chargés d'un affreux lot de consolation fabriqué dans la dictature eldorado chérie de nos ayatollahs néo-conservateurs, hypocritement baptisée RPC sur les étiquettes introuvables de la plupart des produits qu'on essaie de nous fourguer à tout bout de magasin*.

    Ah, puisqu'on parle des ayatollahs du libéralisme échevelé (privatisons les bénéfices, mutualisons les dettes), je pense à cette récente émission vue sur l'excellent site Arrêt sur Images qui avait pour sujet d'étude le directeur du journal l'Express, le sémillant et omniprésent Christophe Barbier, toujours ceint de son écharpe rouge, éditorialiste bien fourni en ronds de serviette sur de nombreux plateaux de télévision consentants. Ce journaliste, dont l'inspiration idéologique pourrait être qualifiée de thatchero-zemmourienne, aime s'adonner sur son blog à quelques saillies provocatrices, qu'il justifie au nom de je ne sais quel besoin de débat, qu'il faudrait impérativement lancer. Soit. Il s'attaquait l'autre jour à la question des obèses montrés du doigt par les compagnies aériennes qui menacent de surtaxer les sièges passagers de ces encombrants bipèdes. Soit encore, cette question est intéressante, car elle traite potentiellement de plusieurs sujets sensibles : la discrimination d'une part, les raisons de la croissance exponentielle de l'obésité dans les sociétés occidentales selon le modèle américain d'autre part, pour ne citer que les plus prégnantes. Mais, comme l'aurait dit Rossini, ce vil Barbier préfère choisir un angle plus pernicieux en opposant ceux dont l'obésité serait d'origine génétique et les autres, qui auraient grossi par manque de volonté. Il faudra que ce professionnel de la parole m'explique la méthode qu'il va employer pour séparer les uns des autres et comment il pourra extraire le phénomène de l'obésité galopante de son contexte social, lui même résultant d'un système économique (dont il reste le défenseur) à la dérive. En réalité, ce « bougisme » médiatique un brin stérile n'est probablement rien d'autre qu'une flatulence intellectuelle - une parmi tant d'autres - ayant pignon sur écran depuis quelque temps, mais qui nous interpelle fortement quant à son pouvoir de nuisance dans les esprits. Et doit nous inciter à la plus extrême vigilance.

    chorale_cathedrale.jpgEsprit es-tu là ? Certains pensent que l'art possède des vertus rédemptrices pour l'homme. Je fais partie de ceux-là et lorsque le quotidien devient lourd à porter, la musique m'est d'un précieux secours. Hier soir, une chorale chantait le Requiem de Gabriel Fauré en la cathédrale de Nancy. Adultes et enfants dans un même élan : de quoi vous enchanter et vous laisser croire qu'il existe encore une porte de sortie à ce maelström dans lequel nous sommes englués, nous les humains. Et une incitation très forte à mettre le doigt là où ça fait du bien en partageant avec vous quelques oeuvres fortes. Comme celles que crée avec un talent fou le clarinettiste saxophoniste Louis Sclavis, auquel je pense à la minute présente parce qu'une collègue blogueuse qui l'a vu sur scène tout récemment est encore, semble-t-il, sous le charme puissant de sa musique. On la comprend ! L'abondante discographie du bonhomme depuis 25 ans témoigne de sa créativité sans pareille, dans une ascension régulière et dont ses quatre derniers disques, d'une stupéfiante beauté, sont à chaque fois autant de promesses avérées pour l'avenir : « L'Affrontement des prétendants » (2001), « Napoli's Walls » (2003), « L'Imparfait des Langues » (2007) et « Lost On The Way » (2009). Ces petites merveilles, toutes publiées sur le label ECM, inventent un jazz contemporain, en éveil permanent.

    L'éveil, vous dis-je !

    * Cette phrase compte 731 caractères, mais je suis capable de faire beaucoup mieux... ou pire, c'est vous qui voyez !

  • Printanier

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    Et si nous restions en accord avec la saison en parlant, encore et toujours, de musique... Après tout, voilà qui nous permet de prendre un peu de hauteur après les épuisants et plutôt vulgaires épisodes de la vie politicienne de la période récente. Que nos amis politologues et autres éditorialistes cessent donc de s'épuiser (et de nous épuiser par la même occasion) en ressassant jusqu'à la saturation la moindre phrase prononcée par nos, comment dit-on déjà ? Ah oui, nos responsables... pour en tirer de hasardeuses conclusions (ce qui les différencie des responsables en question qui, eux, s'acharnent dans un insupportable tic de langage à tirer les conséquences, une stupidité puisque les conséquences ont cet avantage précieux de se tirer toutes seules)... Je me propose de leur résumer l'avant, le pendant et l'après campagne électorale en une phrase simple : l'actuel locataire de l'Elysée est le président de la République de l'UMP. Ni plus, ni moins. Je l'avais déjà écrit ici-même il y a belle lurette, autant le rappeler car rien ne change. Tout est dans cette phrase et basta !

    Avant-hier donc, le collectif du Z Band célébrait le printemps en vous soumettant une composition ou un titre qui saluait le renouveau et, surtout, remisait l'hiver au plus vite dans son grenier glacé. Aujourd'hui, pour parachever ce tableau de l'éclosion, j'aimerais revenir rapidement sur un moment de musique aux touchantes imperfections nées de la mise en place à l'arraché d'un concert - qui s'apparentait plutôt à une jam session - réunissant quatre musiciens se connaissant bien, au moins pour trois d'entre eux. Nous étions à Nancy, le 15 mars 2010, dans la petite salle du Quai Son, que les autochtones connaissent fort bien depuis longtemps et notamment lorsqu'elle s'appelait le Barnum.

    Ah, les lundis du Barnum !!! J'en connais quelques uns qui s'y sont illustrés un sacré nombre de fois, fourbissant leurs instruments, se lançant de joyeux défis à coups de standards fiévreux. Mon Mad Jazz Boy de fils n'avait pas 18 ans quand il zébrait l'atmosphère alors très enfumée de la salle des flammèches cuivrées de son saxophone (ténor, alto ou soprano). Il y croisait chaque semaine le bec avec quelques potes musiciens qui, tous, faisaient fi de conditions parfois précaires et savaient réchauffer l'ambiance jusqu'à des heures tardives.

    Ce lundi 15 mars, trois de ces acharnés du boeuf, auprès desquels est convié un quatrième larron et talentueux batteur, se sont donné rendez-vous pour une réunion qui ressemble avant tout aux retrouvailles de vieux amis. Le public, peut-être moins nombreux qu'à l'époque haute en couleurs relatée plus haut, est tout de même venu, souvent pour s'accouder au bar et écouter en sirotant. Cédric Hanriot (claviers), Mathieu Loigerot (contrebasse), Gauthier Garrigue (batterie) et... Pierre Desassis (saxophone alto), l'invité de dernière minute, revisitent quelques thèmes bien connus, comme « Take The Coltrane », « Nardis » ou « Cantaloupe Island ». On devine qu'une ou deux répétitions auraient pu très facilement propulser la musique vers de plus hautes sphères mais qu'importe ! La fraîcheur est là, une vraie vibration s'installe, les thèmes laissent la place aux fantaisies des solistes et on ne s'ennuie pas.

    C'est tout ce qu'on demande après tout : être là et partager des instants suffisamment fiévreux pour qu'on puisse quitter les lieux, sans nostalgie, mais en pensant aux heures passées qui sont restées gravées dans nos mémoires.

    Un bon début de printemps, une envie de musique, le besoin d'autres concerts...

    podcast

    En écoute : quelques minutes du concert, le temps d'un chouette chorus de Mad Jazz Boy au saxophone alto.

    Cédric Hanriot (claviers), Mathieu Loigerot (contrebasse), Gauthier Garrigue (batterie), Pierre Desassis (saxophone alto). Nancy, le Quai Son, lundi 15 mars 2010.

    Crédits :
    Photo : Jacky Joannès - Captation : Maître Chronique (Yamaha Pocketrak 2G)

  • Back

    I was a few days off to London this week. So good and busy moments in this oversized town, co-leading a group of students in the streets and different historical places, but also in the crowdy underground. As if I were their sheperd...

    I also took the time to meet my old friend George.

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    Can't wait being back there again !

  • Ecrire

    stylo-plume.jpgOui, je sais. Pas une note depuis trois semaines. Je réinvente peut-être la jachère, après tout. Un peu de silence pour qu'ensuite, les phrases repoussent mieux. Mais le monde a d'autres soucis que la régularité de publication du côté de chez mes notes, n'est-ce pas ?

    L'actualité, ici et là, est tragique comme d'habitude. Partout en fait. Pas de quoi faire le malin et embrayer sur quelques parenthèses digressives comme au bon vieux temps...

    Cela dit, je vous dois un minimum d'informations qui vous montreront que l'écriture reste au centre de mes activités. Pour Citizen Jazz d'abord, parce que tout de même, je me suis fendu d'une bonne trentaine de chroniques depuis le mois de septembre, ce qui constitue une progression assez significative par comparaison avec mon travail de l'année précédente, même si je conçois qu'une intensification reste plausible. Mais pas tout de suite, parce que sur le feu de mes occupations artisanales, il y a une cinquantaine de mini portraits de musiciens qu'il me faut écrire en prévision d'une exposition dont je vous reparlerai en temps utile. Mine de rien, ça prend du temps toutes ces bêtises.

    Ah, puisqu'on parle de bêtises... J'ai vu une affiche umpiste totalement stupide dans la rue. C'est la campagne électorale et nos élus et ceux qui veulent le devenir paient souvent très cher pour que des agences de communication leur troussent des slogans très creux censés happer les électeurs vers les profondeurs du néant de leurs programmes*. Mon affiche donc. On peut y lire : la France change, la Lorraine doit changer aussi. Je précise ici que la même affiche est déclinée en autant de versions que notre beau pays compte de régions. Pourquoi se gêner : on est jacobin ou on n'est rien... Une première lecture de cet impératif politique m'a fait comprendre que la Lorraine n'était pas située en France. Relisez bien : la France change, la Lorraine doit changer aussi. Vous pouvez retourner la chose dans tous les sens, comme dirait mon cheval, y a pas à tortiller ! C'est surtout le aussi qui me gêne un peu aux entournures dans cette phrase cucul la praline. Nous voilà à nouveau exclus, nous les lorrains. Ou peut-être bien que les Germains nous ont remis le grappin dessus, allez savoir. Et puis de toutes façons, je m'en moque un peu car je ne suis pas certain de vouloir changer comme les vrais français : faut-il vraiment qu'on nous décline des versions lorraines des Brice, Eric et autre Frédéric, pour ne citer que les plus rigolos ?

    Allez, je retourne à mes portraits. Mais je reviens très vite, c'est promis, on parlera de musique et de plein d'autres sujets passionnants, comme la campagne de publicité sur le Grand Emprunt dont on murmure qu'elle aurait coûté 973.000 €, ce qui m'inquiète un peu tout de même... J'espère que le reste de la somme sera mieux utilisé.

    Ah, pendant que j'y suis : faut quand même que je vous dise deux mots du dernier disque de Jacques Higelin, qui est un vrai petit bonheur. Le Jacquot de Pantin file tout droit vers ses 70 printemps et reste frais comme un gardon. Je vous recommande vivement sa vision apocalyptique du mois d'août et des hordes d'estivants déshydratés du côté de Gourdon, Alpes Maritimes. C'est le gardon de Gourdon, en quelque sorte, même si le disque a été enregistré pas très loin d'ici, à Sainte-Marie-aux-Mines. Un régal et une classe pas possible, ce type ! Le disque s'appelle Coup de Foudre et il fait un bien fou. C'est un enchantement qui sonne comme un enfantement, je crois que ces mots conviennent très bien. Et soit dit en passant, il est une réponse cinglante à tous ceux qui vous expliquent qu'ils chantent en anglais parce que rock et français se marient mal. Tu parles, Charles : écoutez "Hôtel Terminus" par exemple, et dites-moi si ça ne fonctionne pas !

    Faudrait qu'il écrive des slogans pour les politiciens, le père Higelin : au moins, on prendrait du plaisir à lire les affiches dans la rue !

    * Désolé pour la longueur de la phrase. C'est la faute à Marcel, que je relis en ce moment...

  • Mémoires

    La ville de Nancy se dotera prochainement d'un Centre des Mémoires, regroupant les archives départementales, trop à l'étroit désormais dans leur site actuel, ainsi qu'un espace culturel pouvant accueillir des expositions, des animations et d'autres formes de diffusion de témoignages historiques. Cerise sur la gâteau, un parc public arboré lui sera associé, ajoutant à la ville une nouvelle zone de vie qui manquait probablement à sa partie nord : voilà une excellente nouvelle pour les habitants du quartier - dont je suis - qui voient d'un bon oeil cette implantation future d'une activité utile, porteuse des richesses de notre mémoire collective.

    En visitant le site de l'ancienne école normale - à l'abandon depuis une vingtaine d'années et livrée à l'imagination des squatteurs - qui fera l'objet d'une requalification pour donner naissance à ce projet dont l'aboutissement nécessitera plusieurs années, j'ai pu observer comme un raccourci de notre société en contemplant les façades des bâtiments et en me glissant à l'intérieur de quelques salles ouvertes à tous les vents.

    J'ai vu, j'ai même admiré, de véritables œuvres d'art projetées à la bombe à peinture sur des murs en décomposition. Acharnement de quelques uns à ne pas se résigner à la médiocrité. Malgré l'âpreté du quotidien, ces peintres anonymes créent le beau, sans espoir de reconnaissance toutefois. Sans même se dire qu'en d'autres circonstances, un émir ou un milliardaire russe pourrait débourser 100 millions de dollars pour confisquer leur travail et faire un pari financier en spéculant sur la valeur relative d'une toile ou d'une sculpture. Dehors, dans l'humidité poisseuse de l'hiver lorrain et les émulsions verdâtres d'un salpêtre omniprésent, ou dans des salles encombrées de détritus et de gravats, ces peintures s'offrent, avant leur prochaine disparition. Art éphémère et désespéré où l'imagination est reine.

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    Mais j'ai vu aussi, ou plutôt j'ai lu, ici et là comme autant d'invectives cyniques, la revendication d'une inculture, affichée non sans une certaine fierté, qui m'en a rappelé une autre, celle qui se répand jusque dans les sphères les plus proches des cercles décisionnaires. Et qui regarde vers le bas, animée d'un mépris qui ne laisse guère de place à quelque forme de dialogue que ce soit.

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  • Filiation

    Dans une chronique à paraître très prochainement sur Citizen Jazz*, j'évoque la relation familiale qui me semble unir la musique de Sébastien Texier à celle de son père, le contrebassiste Henri Texier. J'ai eu l'occasion de m'entretenir dernièrement avec ce dernier sur ce sujet après un concert donné par le trio africain constitué, outre Henri Texier, de Louis Sclavis (saxophone soprano et clarinettes) et d'Aldo Romano (batterie). Nous étions à Chalons-en-Champagne, près du bar de la très belle salle de la Comète. Une conversation instructive qui montre que cet apparentement ne semble pas si marquant pour le contrebassiste, lui qui vit ces choses-là de l'intérieur.

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    Henri Texier & Maître Chronique au Sunset, en avril 2007 © Fabrice Journo

    « Je ne me rends pas bien compte, je sais que Sébastien et moi, on a beaucoup de points en commun sur le plan musical, à part le fait d'avoir les mêmes gènes. Mais depuis toujours, ses goûts musicaux, je les ai appréciés aussi et peut-être que ce sont toute une quantité de strates qui se sont accumulées. Franchement, j'entends toutes ses mélodies, elles me conviennent, certaines me plaisent beaucoup. Cela dit, je ne sens pas une filiation particulière, mais je suis d'accord, je suis complètement d'accord avec ce qu'il a fait dans cet album, avec ou sans moi, lui et ses potes. Je n'ai pas mis mon grain de sel et je me suis senti parfaitement à l'aise. Mais bon, je ne suis pas trop bien placé pour donner un avis... Sébastien, il a grandi là-dedans, il n'a pas grandi avec Johnny Hallyday, il a grandi avec nous ! De plus, il a trouvé un vocabulaire, un idiome, c'est une espèce de quête, de tissage. Il y a des brins, des motifs, qui font leur propre étoffe. »

    podcast

    En bonus, une petite carte postale sonore sous la forme des premières minutes du concert de Romano Sclavis Texier à Chalons-en-Champagne avec un extrait de "Daoulagad" (Henri Texier). Un concert sur lequel nous reviendrons plus en détail dans un prochain article pour Citizen Jazz.

    * Consacré au dernier disque du trio de Sébastien Texier, Don't Forget You're An Animal.

  • Privilège

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    C'est un luxe finalement... On peut toujours trouver des raisons de râler, en bons français que nous sommes : "ILS" n'ont pas déneigé, "ILS" nous abandonnent, "ILS" ceci, "ILS" cela. Comme le disait ce matin à la radio un conducteur chargé de nettoyer une portion de 50 kilomètres d'autoroute avec son chargement de 6 tonnes de sel et de saumure, les automobilistes pensent qu'il n'a pas neigé lorsqu'ils trouvent leur route dégagée au petit matin, mais dès qu'une autre voie est encore recouverte d'un épais manteau blanc, ils se persuadent que personne ne fait jamais rien pour eux... Nous avons construit une société de l'urgence et de l'immédiateté qui s'affranchit de la réalité des saisons, alors doit-on s'étonner que, parfois, son mécanisme se grippe sous l'effet de quelques flocons "épais et collants" ?

    C'est l'hiver, en somme... Il fait froid (plus froid qu'en été), il neige, le vent souffle (dans ma jeunesse, on l'appelait la bise). Etrange comme la ville est presque silencieuse au petit matin. On goûte sa chance de n'avoir pas besoin de se rendre à son travail en voiture ou par quelque transport en commun que ce soit. De poser les pieds bien à plat dans la poudreuse qui n'a pas encore subi les assauts des pelletées de sel qui vont la salir et la transformer en bouillie. D'écouter le petit crissement de la chaussure lorsqu'elle s'enfonce dans l'épaisseur ouatée. Dans les oreilles, un vieux disque de Chicago, le numéro VII, ajoute sa propre touche à un tableau vivant qui devient intemporel, comme si le paysage s'arrêtait.

    On a aussi une pensée pour d'autres humains, très loin de nous, du côté des Grandes Antilles. Haïti, une fois encore, s'offre en martyr au reste du monde. Il y avait eu l'ouragan Jeanne voici maintenant un peu plus de cinq ans. Auujourd'hui, la terre a tremblé et les morts vont se compter par milliers.

    Nos routes peuvent attendre un peu, non ?