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Vécu - Page 12

  • Nébuleux

     

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    La Lorraine est, à n'en pas douter, une région particulièrement attractive... pour les nuages ! Elle présente à leurs gouttes en suspension tant de charme secret qu'ils décident souvent de s'y installer pour de longs séjours. De très longs séjours. Leur tranquillité étant assurée - car aucune autre région ne semble vouloir s'attacher durablement leurs services, sauf pour quelques extras (voir plus bas) - ils paissent tranquillement, tout là-haut, se dorant la pilule au soleil dont ils nous préservent. Mon jardin s'en réjouit, lui dont la terrasse virtuelle (elle existe, je la vois, mais mes pieds en foulent très rarement le mélèze au point que je finis par douter de son existence...) brille de ses mille feux pluvieux. De quoi me rendre impatient de rallier prochainement les Calanques de Cassis, histoire de vérifier que ce petit paradis n'est pas toujours inondé de soleil, mais peut lui aussi subir quelques sévères précipitations. Car je choisis en règle générale LA semaine pluvieuse lorsque je m'y rends en vacances. On ne se refait pas...

     

  • Unité

    Paris, dans une sorte de self service sans âme du hall de la Gare de l'Est. Arrivé un peu en avance, je bois une bouteille d'eau minérale en attendant mon TGV. Je suis assis sur une chaise haute parmi quelques bipèdes qui, comme moi, tentent de tuer leur temps sans en avoir l'air. Après m'être échiné en vain à me raccorder à un réseau wi-fi public, j'observe du coin de l'œil un type qui vient nous demander de lui prêter un téléphone portable, le temps de passer un rapide coup de fil. Les candidats sont peu nombreux et après une courte hésitation, ma voisine de comptoir lui tend timidement son appareil. Elle saisit elle-même le numéro que le type lui dicte, puis lui confie le précieux objet. On devine toutefois à son regard interrogatif qu'elle n'est pas certaine des intentions du bonhomme. Quelques secondes plus tard, celui-ci lui rend naturellement le téléphone et commence à psalmodier une comptabilité geignarde de toutes les demandes sans succès qu'il a dû effectuer avant que quelqu'un accepte de lui rendre service. Il se plaint du manque de solidarité de ses contemporains et nous explique ensuite, preuves en main, qu'il ne réussit plus à faire fonctionner une carte téléphonique malgré 50 unités restantes. Une carte payée 14 € désormais inutilisable. Pourquoi est-il si bavard ? Je lui explique que, très probablement, il a dû la mettre en contact avec un objet qui l'aura démagnétisée. Bref, un début de conversation s'engage, mais qu'il est étrange ce sentiment de malaise qui nous gagne tous à l'idée de l'avoir unanimement soupçonné de nous jouer une vilaine entourloupe.

  • Bulles

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    J'aime bien les petits jeux du hasard. Je ne déteste rien tant que l'idée selon laquelle toutes nos vies seraient organisées en un grand dessein sous la baguette autoritaire d'une force supérieure à laquelle nous ne saurions échapper. Je préfère imaginer que les êtres humains sont un peu comme des bulles de savon - ne me demandez pas qui a soufflé - dont le voyage sera guidé par des vents incontrôlables. Toutes les bulles n'ont pas la même épaisseur ni le même volume, mais elles sont bulles, elles peuvent s'entrechoquer ou ne jamais se toucher, parfois elles éclatent, certaines beaucoup plus précocement que d'autres. Leurs voyages les mènent à des destinations imprévisibles. Que serait donc notre vie si, par malheur, la fin était écrite ? L'incertitude et l'inconnu ne sont-ils pas les seuls garants de notre esprit d'initiative ? Oh, et puis zut, je sens que je me laisse gagner par ces grandes questions qui nous hantent : où vais-je ? où cours-je ? Et comme dirait Woody Allen : à quelle heure on mange ?

     

  • Entrée

    Mes deux précédentes notes (Durable suivi d'Éphémère) étaient consacrées à des sujets futiles, dont le thème commun est la crise économique qui s'abat sur nous tous. Il est temps de revenir à l'essentiel et d'aborder un sujet dont la gravité n'échappera à aucun d'entre vous. La nécessité de l'évoquer est née de l'observation de quelques uns de mes collègues aux prises avec la saisie d'un texte sur leur ordinateur et plus particulièrement de l'étude scientifique d'un massacre méticuleusement programmé, celui de la touche Entrée, située sur la droite de tout clavier digne de ce nom. Avez-vous constaté en effet, concernant cette dernière, à quel point elle est méthodiquement martyrisée par les utilisateurs de l'outil informatique ? Cette violence à peine retenue serait-elle un reliquat de l'époque révolue des machines à écrire ? Si si, rappelez-vous : parvenu à la fin d'une ligne, il fallait énergiquement enclencher un petit bras articulé pour provoquer le mythique «retour chariot». Parfois même, la machine retentissait d'un «ding» guilleret avertissant votre entourage de l'avancée de votre travail. Mais aujourd'hui, là où un effleurement suffirait amplement à assouvir le besoin d'un changement de paragraphe, ces forcenés de la frappe ne peuvent s'empêcher d'asséner un coup violent à ce pauvre petit carré de plastique qui n'en demande pas tant. Conséquence (je tiens cette observation d'une longue pratique de l'entretien d'un parc informatique) : la touche Entrée est bien trop souvent branlante, voire absente et le collègue coupable, dans ce cas, m'explique avec la plus grande sincérité qu'il ne comprend pas pourquoi elle s'est volatilisée et que le matériel est vraiment de piètre qualité, ce qui est normal puisqu'il est fabriqué en Chine. Il fallait que j'évoque cette question grave. Mais c'est promis, j'essaierai de ne pas vous choquer trop souvent...

  • Éphémère

    C'est en quelque sorte le contrepoint sombre à la note écrite hier... Je soulignais quelques unes des rares conséquences positives nées d'une nécessaire gestion de la crise par nos compatriotes se trouvant dans la nécessité de dépenser mieux et moins. Malheureusement, cette crise semble être le prétexte à d'autres décisions beaucoup moins élégantes, quant à elles. Ce soir par exemple, en procédant à la mise à jour du calendrier des concerts de Magma sur le site de Seventh Records, j'ai dû retirer de la liste prévisionnelle celui qui devait être donné à Colmar le 28 avril. Parce qu'il semble que la municipalité ait supprimé les subventions aux associations culturelles de la ville, dont celle qui était impliquée dans l'organisation du concert de Magma, et ce malgré des engagements pris antérieurement. Une bonne manière de faire, enfin, la chasse aux «saltimbanques» en se cachant derrière le masque hypocrite des restrictions budgétaires ?

  • Paralysie

    A chaque fois, c'est pareil... Voilà près de trente-cinq ans que ça dure et je ne parviens toujours pas à m'expliquer le phénomène dont je suis victime. Comme pas mal d'autres, d'ailleurs, si j'en crois quelques témoignages entendus ici ou là. Je reste toujours comme tétanisé - étrange paralysie physique et mentale - durant les jours qui suivent un concert de Magma. Pas moyen ni envie d'écouter quoi que ce soit d'autre (Coltrane peut-être, tout de même). Celui que nous avons vécu la semaine dernière à Nancy n'était peut-être pas le meilleur de tous ceux auxquels j'ai eu la chance d'assister depuis le premier -  c'était le 18 juin 1976, avec au violon un gamin de vingt ans appelé Didier Lockwood -  mais il véhiculait comme à chaque fois une telle dose d'énergie vitale, cette énergie que nous recevons de la musique et qu'en retour, nous brûlons nous-mêmes pour mieux intensifier l'échange avec les musiciens, que j'en suis ressorti comme vidé après un effort physique intense. Il faudra bien qu'un jour je parvienne à comprendre où Christian Vander puise cette force qu'il sait si bien faire rejaillir sur nous. Ce n'est pas faute d'avoir lu toutes les interviews qu'il a pu donner depuis quarante ans, mais le mystère demeure entier. Au point qu'on en vient à se dire que le temps passe, inexorablement, que les années s'ajoutent les unes aux autres et qu'il nous faut vivre chaque concert avec la plus grande intensité de peur qu'il soit le dernier... Dans les loges après ces instants hors du commun, Stella et moi avons résumé cette question en deux mots : «Carpe Diem».

  • Abstinence

    Lors d'un récent long week-end parisien - trois jours off - j'ai volontairement fermé les yeux et les oreilles à toute information diffusée par un poste de radio ou de télévision. Un nécessité absolue de désintoxication après tant de semaines où, comme tout citoyen consciencieux, je me suis quotidiennement infligé la potion très amère de la ligne éditoriale des différents médias, qui confine à l'acharnement, voire la psalmodie, de toutes les brutalités de la planète Terre déposées à nos pieds. Je n'ignore rien de l'extrême brutalité de notre monde et j'ai la faiblesse de croire que je ne me comporte pas comme une autruche plongeant la tête dans le sable, mais il est des jours où, à force de violence répétée, il faut - tel un ordinateur dont on libère un peu de mémoire vive en quittant une application - apprendre à se préserver des agressions extérieures en se détachant de son environnement.

  • Félicité

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    Crédit photo © Jacky Joannès
     

    Une foule tranquille s’est retrouvée hier soir dans le béton rouge vif de l’Autre Canal à Nancy. Après avoir fêté «quarante ans d’évolution» deux semaines plus tôt au Casino de Paris, Magma passait par la Lorraine… Grand bien lui en a pris, car si le confort de la salle est… spartiate (quelques places assises seulement sur des gradins amovibles), l’acoustique est impeccable, ce qui reste un incomparable bénéfice pour les oreilles de tous (les conditions sonores dans la vieille salle de la rue de Clichy, deux semaines plus tôt, étaient beaucoup moins favorables, doit-on le préciser).

    Une première heure durant, l’Infernal Machina de Jannick Top est venue déferler et délivrer ses climats oppressants, sombres, à la limite de l’étouffement. Si le disque éponyme paru l’an passé était passionnant, il y a quelque chose qui continue de gêner dans la version live du groupe, comme si la musique arrachait tout sur son passage, sans emporter vraiment, il faut le dire, l’adhésion. La volonté de froideur du propos semble créer une distance presque infranchissable et il faudra chercher à comprendre ce filtre un peu opaque qui s’installe entre la musique et son public.

    Magma, quant à lui, s’expose très naturellement à la lumière et offre pour commencer près de cinquante minutes de nouvelles compositions, dont un splendide « Félicité Thösz » qui souligne toutes les qualités de leader de Christian Vander : compositeur toujours inspiré, batteur à la précision surhumaine, chanteur incomparable, remarquablement soutenu par Stella qui, rarement, aura été autant mise en avant et dont la voix aérienne offre un parfait contrepoint à la force du groupe. Il y a quelque chose de rayonnant dans cette œuvre récente, un ensoleillement parfaitement souligné par un jeu de batterie qui privilégie la frappe des cymbales, dont on sait qu’elles ont toujours fasciné le créateur de Magma. Quant à sa conclusion chantée par Vander lui-même (un petit extrait est ici en écoute), elle est habitée, d’une double voix père-fils héritière des harmoniques de John Coltrane et leur alternance de chant grave et chant haut placé. Une dualité qui, probablement, est aussi l’identité du groupe depuis le premier jour.

    Magma interprète ensuite sa version intégrale de « Ëmehntëhtt-Ré » dont la plupart des thèmes sont connus de longue date de tous les kobaïens, avant un final – tous gongs dehors – en forme de marche funèbre jusqu’à une ultime vocalise de celui qui s’est offert sans compter.

    Il nous reste à nous envoler ensuite sur la planète « Kobaïa », cerise sur le gâteau, avec son chanteur originel, Klaus Blasquiz dont la puissance vocale reste étourdissante et, en salut intimiste, cette « Ballade » émouvante où Christian Vander, presque seul au chant, vient tutoyer l’étoile de son maître à jouer, John Coltrane.

    Il est minuit.


    podcast
    En écoute, « Öhst », extrait de « Félicité Thösz » lors du concert à l'Autre Canal (Nancy), le 28 février 2009.
  • Représentation

    Je viens d'assurer une formation à un groupe d'une douzaine d'adultes (je précise qu'ils étaient volontaires) durant deux jours. Il s'agissait de leur expliquer les bases d'un logiciel et de les rendre autonomes dans la mise en pratique de celui-ci dans le cadre de leur activité professionnelle. Quatre séquences de trois heures, préparées minutieusement depuis quelque temps, pendant lesquelles il a fallu : parler de manière presque continue, expliquer, me faire comprendre, écouter les demandes, répondre aux questions, m'adapter à l'hétérogénéité de mon public... et d'une certaine façon me placer dans le rôle d'un acteur de théâtre (parce que pour enseigner, il faut savoir se mettre en scène), des heures au bout desquelles je me suis senti... épuisé physiquement ! Je n'ai pas pu m'empêcher d'avoir une pensée pour les enseignants (une catégorie de citoyens qu'il est politiquement correct de dénigrer et dont il est toujours de bon ton de stigmatiser les congés interminables) qui sont en représentation tout au long de l'année sous l'œil impitoyable de leurs élèves et qui doivent, beaucoup plus que moi, connaître des moments de lassitude intense dont ils doivent s'extraire au plus vite avant d'entrer à nouveau dans leur arène pédagogique.

  • Paradoxal

    Elle est bien étrange, en effet, la situation du disque... Car c'est évident, il y a un problème : les ventes diminuent, le téléchargement sauvage fait des ravages, c'est bien d'un bouleversement majeur qu'il s'agit. Analyser les causes de ce phénomène d'ampleur mondiale nécessiterait beaucoup plus que les quelques lignes de ce blog quotidien, tant les raisons sont multiples (et les fautifs pas toujours ceux qu'on croit...), mais je reste avant tout surpris qu'à ce jour, la production discographique soit d'une telle richesse, même s'il faut s'armer de beaucoup de courage et de pugnacité pour débusquer les pépites. Rien que dans l'univers du «jazz» (je mets des guillemets parce que ce terme recouvre énormément de musiques très différentes sous un seul mot), je me régale depuis quelques jours de nouveautés très réjouissantes : le nouveau disque de Pierrick Pédron (Omry), celui d'Eric Legnini (Trippin') ou de Marc Ducret (Le Sens de la Marche), l'ovni sonore du Surnatural Orchestra (Sans Tête), les galettes enchantées de Renaud Garcia-Fons (La Linea Del Sur) ou Henri Texier (Love Songs Reflexions)... pour n'en citer que quelques uns. Autant de petits bonheurs qui vous gonflent d'énergie en ces temps difficiles et vous dispensent de trop regarder dans le rétroviseur de tous ces disques, tous les autres, qu'on n'aura plus le temps d'écouter... Hommage, une fois encore, aux musiciens qui se battent, note après note, pour qu'une sphère de l'art soit préservée dans notre monde de l'immédiateté.

     

  • Funambule

    Cette impression de marcher sur un fil tendu au-dessus du vide qui ne me quitte que rarement... On perçoit les violences de notre monde et, un peu abasourdi, on se tient en équilibre, malgré tout. Pourquoi suis-je debout alors que tant d'autres tombent ? Il y a ce jour où, au téléphone, un vieux copain m'explique qu'il est fond de la nasse. Malgré mes mots, il semble incapable de sortir de sa détresse. Je me sens inutile. Et puis ce soir quand un ami vous explique qu'il va devoir se battre contre une maladie. La maladie. Je vais lui téléphoner, l'encourager, parce qu'il y a la vie, d'abord. Moi-même, je me rappelle ces jours où l'on ne m'accordait plus que quelques jours à vivre et ces êtres auprès de moi, leurs énergies bienfaisances qui m'enrobaient de leur puissance et m'aidaient à rester debout.

  • Acharnement

    Selon un rythme variable - qui n'excède pas une à deux fois par semaine, fort heureusement - une entreprise de nettoyage délègue à l'une de ses femmes de..., euh, pardon, l'une de ses techniciennes de surface, le soin de nettoyer mon bureau ainsi que tous ceux de mes collègues. Aucun d'entre nous ne fait preuve d'une exigence exagérée en matière de propreté, parce que nous connaissons parfaitement le caractère ingrat (et très mal rémunéré) de ce travail. N'empêche... Pourquoi faut-il que nous soyons tombés sur la seule employée capable de dévaster une pièce alors qu'elle n'est armée que d'un pauvre balai qui semble la retenir de tomber ? Pourquoi, alors que j'ai quitté mon bureau correctement rangé la veille, suis-je incapable, après le passage de cette tornade humaine, de retrouver quoi que ce soit le lendemain ? Pourquoi prend-elle un malin plaisir à entremêler tous les fils au sol (téléphone, ordinateur, lampe) au risque de me faire tomber ? Pourquoi met-elle autant d'application à faire apparaître mystérieusement une poussière invisible jusque là ? Pourquoi veut-elle ouvrir la porte fenêtre quand il pleut et surtout, pourquoi oublie-t-elle de la refermer avant de partir ? Voilà autant de manifestations tangibles de ce complot contre moi que je ne cesse de dénoncer depuis des années.

  • Epik

    Je me rappelle très bien ce jour de juin 1998, lorsque je reçus un drôle d’appel téléphonique, vers dix-huit heures… Après s’être assuré qu’il avait bien au bout du fil la personne à laquelle il souhaitait parler, mon correspondant commença un interminable monologue chargé de colère. Qu’avais-je donc pu faire qui le mît dans un tel état de rage et qui me valût d’être ainsi vilipendé et traité, je cite, «d’intello» ? Comment avais-je pu oser, même sur un mode on ne peut plus confidentiel, émettre la moindre critique et interpeller imprudemment un artiste en m’interrogeant sur certains fondements philosophiques sous-tendant, selon moi, une partie de sa création ? Moi, pauvre scarabée ignare, j’avais stupidement oublié de me ranger sagement au beau milieu de la cohorte des fidèles zélés et mutiques ! Notre conversation – puisqu’après la longue diatribe, il y en eut bien une – dura plus de quatre-vingt-dix minutes… Pas une seule fois je n’eus la tentation de présenter mes excuses – pourquoi l’aurais-je fait d’ailleurs ? – mais je m’efforçai d’argumenter et d’expliquer qu’après tout, j’avais la faiblesse de me considérer comme un homme libre de mes actes et de mes pensées et que, nonobstant, je continuerais à l’admirer, lui, compositeur et musicien à nul autre pareil. Même si ce coup de téléphone eut pour conséquence (durable) de me brouiller l’écoute et de me faire comprendre qu’il n’est pas forcément bon d’approcher ses idoles et encore moins d’en avoir.

  • Tendresse

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    La tendresse (1912) – Joseph Bernard – Musée des Beaux Arts de Lyon

    Si j’en crois mon calendrier, aujourd’hui est le jour de la Saint Valentin, plus communément appelé fête des amoureux. Très bien : ici comme ailleurs, on devine les restaurateurs tout affairés à disposer tables et fauteuils afin de remplir au mieux leurs salles du plus grand nombre possible de couples (si par malheur, vous avez décidé de tenter l’aventure du restaurant en famille, soyez patients, il vaudra mieux attendre demain…) ; les cartes bancaires (enfin, pas toutes…) vont chauffer et ces messieurs vont déclarer leur flamme à leurs compagnes parce qu’eux aussi ont un agenda. Dois-je confier que je ne suis pas très sensible à toute cette foire aux sentiments à date fixe et qu’il me paraît plus chevaleresque de garder un œil quotidien et attentif sur le baromètre des effusions conjugales, plutôt que de partir en chasse d’un cadeau à date fixe ?

     

  • Précoce

    Aujourd’hui, première journée d’une escapade parisienne qui commencera ce soir en fêtant les 40 ans de Magma au Casino de Paris. Je vous raconterai… Mais en attendant mon compte-rendu, je ne peux m’empêcher de vous glisser ici une petite confidence : ma future petite-fille, qui ne saurait tarder à venir au monde, est déjà sensible à la musique de Christian Vander. Ce n’est pas moi qui le dis, mais sa maman, bien obligée de constater une inhabituelle danse de mademoiselle sa fille dès le retentissement des premières notes de K.A, que je faisais découvrir au futur papa. Bon sang ne saurait mentir.

  • Racleffe

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    Rendons à César ce qui appartient à César. Voilà une recette sui generis dont l’idée m’a été soufflée par Mad Jazz Boy. Le principe en est des plus simples : procurez-vous tous les ingrédients nécessaires à la confection d’une bonne raclette ; ajoutez un breuvage à base de houblon dont la marque n’est pas prédéterminée même si l’une d’entre elles donne tout son sens au titre de cette note. Voilà, c’est tout, régalez-vous et n’oubliez pas les consignes de modération, car manger du fromage peut provoquer des maladies graves. Toutes les informations utiles sont consultables sur www.boufferpicoler.fr.

  • Coma

    Je me demande si j’ai raison de voyager en train… Souvenez-vous : à la fin de l’année dernière, ma voisine de compartiment s’était mise brutalement à éclater en sanglots. Je vous avais épargné le spectacle offert par une autre voisine, âgée de deux ou trois ans, qui s’était appliquée à vomir l’intégralité de son repas sous les yeux de sa maman, vite transformée en nettoyeuse d’urgence, non sans avoir reçu mon aide au moment où il fallut tenir avec habileté le sac en plastique chargé de recueillir le précieux et odorant rejet stomacal. Un régal pour les yeux et les narines…
    Retour dans mon wagon qui cette fois m’emmène à Lyon. J’observe tranquillement cette micro-société en mouvement : ordinateurs portables affichant un jeu de cartes ou un film piraté ; hommes et femmes prenant appui sur les dossiers des sièges pour se rendre aux toilettes où une nouvelle épreuve d’équilibre les attend. Toutes les générations sont là, espérant peut-être lever le voile sur le mystère de l’une des communes les plus énigmatiques de France : Culmont-Chalindrey. Juste derrière moi, un voyageur est étrangement calme, si calme qu’il n’a même pas ouvert la moitié d’un œil lorsque nous sommes montés dans le train. Le contrôleur lui-même n’est pas parvenu à le réveiller, malgré une série d’appels et de secousses énergiques. On se met alors en quête d’un médecin qui parvient, tout au plus, à lui extirper un vague grognement après lui avoir flanqué une bonne paire de baffes. Le diagnostic ne tarde pas : coma éthylique ! Le SAMU débarque en gare de Neufchâteau et finit par descendre le buveur sur une civière, le dirigeant couché vers un avenir hospitalier et incertain. Fort heureusement pour nous tous, l’individu imbibé avait eu la bonne idée de garder pour lui les litres d’alcool qu’il cuvait… Boire ou voyager, il faut choisir.

  • Push

    Je me rappelle le bon vieux temps où j'avais la chance d'animer un programme de musique sur une radio dite libre. A cette époque, il fallait apprendre (je n'y suis jamais parvenu et je m'en honore) à "causer radio" pour se couler dans le moule des codes en vigueur qui étaient supposés attirer l'auditeur vers notre fréquence comme de pauvres fourmis dans un pot de confiture. Une manière très particulière de s'exprimer en inventant des syllabes inexistantes (le parQUEU des expositions, le matCHEU de football, ...) ou en prononçant mal volontairement certains mots (tous les mots en ISME devaient être prononcés en IZME). Ce parler faux des animateurs radio de la bande FM décaféinée m'est revenu en mémoire alors que je m'écarquillais les tympans en écoutant le jargon si particulier de mes amis informaticiens, dont je me suis régalé tout récemment pendant une réunion de travail. Par exemple, vous savez, vous, ce qu'est le push ? C'est très simple, "c'est un procédé par lequel on peut consulter des ressources sans aller les chercher, mais c'est aussi le nom d'une instruction par laquelle on installe un objet en haut d'une pile de données". La classe, non ? Et j'ai thinké à tout ça le soir en rentrant, pendant que je walkais dans la street avant de taker le train. Et qu'est-ce que je feelais good !

  • Lugubre

    Un mercredi soir, vers 22 heures 30 dans le hall de la gare de Nancy. Presque désert. Le train attendu aura un quart d’heure de retard. Un type un peu bizarre, qui a vu que je téléphonais quelques secondes auparavant, vient brandir sous mes yeux un petit carton sur lequel sont écrits les chiffres 1, 1 et 5. Il ne parle pas français. Je lui demande s’il comprend l’anglais et commence à lui poser deux ou trois questions. Nous avons du mal à communiquer, mais je comprends néanmoins qu'il veut que j’appelle ce numéro d’urgence et j’ai toutes les peines du monde à lui expliquer que je dois connaître la raison de l’appel avant de téléphoner. Puis il s’en va, en m’expliquant par un geste que tout va bien. Juste avant qu’un jeune couple, un garçon et une fille de moins de vingt ans, vienne à ma rencontre. Il leur manque 80 centimes. Pour quoi faire, je l’ignore. Je cherche dans mon porte-monnaie et leur donne une pièce d’un euro. Ils filent vers la seule boutique ouverte et quand ils repassent devant moi, ils semblent ne pas me voir, je ne leur suis plus utile. Face au grand tableau qui affiche les trains au départ, un autre type parle tout seul et commente pour un public invisible ces informations. Deux agents de sécurité passent, chien en laisse et le cheveu ras. Un autre couple attend, assis tranquillement sur un banc, elle sur lui. Personne ne se parle plus. Le train arrive. Enfin…

  • Vers

    Ma rédac’ chef m’apprend que le drôle de syndrome dont je suis victime porte le surnom de brainworms. Rien à voir cependant avec un quelconque parasite ou je ne sais quelle tumeur évoqués dans les dictionnaires médicaux. Non, il s’agit plutôt d’un terme image qui traduit une activité cérébrale un peu incontrôlée. Elle se manifeste chez moi, en particulier, lorsque je dois écrire un texte. Là, c’est un peu le foutoir à l’intérieur : commence alors la valse mentale des phrases qui s’écrivent en silence, qui s’assemblent, se disloquent, tournent, s’en vont, reviennent, cette agitation occupe tout mon espace cérébral au point de me neutraliser, alors que petit à petit le texte prend forme, se met en ordre (celui-ci n’étant pas forcément définitif) jusqu’au moment où il faut passer à l’acte, c’est-à-dire s’asseoir devant son clavier et commencer la rédaction. Quel soulagement lorsque, parfois, celle-ci semble couler presque naturellement, comme guidée par une diction mystérieuse ! Et quelle jubilation, ensuite, lorsque, tel l’ébéniste chantournant un meuble, on apporte les dernières corrections aux phrases qui se sont posées sur la page blanche. Mais quelle angoisse lorsque, malgré toute cette agitation préalable, rien ne se produit…