Ecrin
Ah, le retour du vieux con qui sommeille en moi... Il s’est réveillé, tout à l’heure, en pleine rue, alors que je venais de croiser quelques adolescents dont les téléphones portables crachouillaient bruyamment un vague ersatz d’une musique ronronnante et insipide, répondant ainsi parfaitement aux besoins du marketing contemporain. Aussitôt m’est revenue en mémoire cette époque – pas si lointaine – où, au même âge, comptant les pièces de monnaie une par une, j’investissais la totalité de mon argent de poche et autres subsides calendaires dans l’achat d’un électrophone stéréo qui constituait un progrès gigantesque dans la reproduction du son de mes quelques disques vinyles. Des galettes sélectionnées avec soin après la lecture attentive de deux ou trois revues spécialisées nous ouvrant les portes d’univers musicaux différents des mouvements en vogue. Pour parfaire la panoplie, il y avait aussi ces casques futuristes qui nous propulsaient encore plus loin, au cœur même de la musique, lui offrant ainsi le plus bel écrin possible. Chers objets, objets chers. Si belle musique que j’étais fier de débusquer par mes propres investigations, je m’en sentais un peu comme le dépositaire, elle était un trésor à préserver à tout prix. «The times, they are a changin’…». Allez, zou, le vieux con repart dans sa tanière.


J’ai fait un rêve complètement stupide l’autre nuit. Ou un cauchemar plutôt. J’étais en avion (ce qui m’arrivera pour la première fois l’année prochaine, je l’ai appris voici peu de temps) et tout allait bien. Mais probablement perturbé par ce voyage, mon organisme, qui trouve son équilibre depuis trente ans en absorbant de fortes doses d’anti-coagulant, décida alors d’imploser perfidement et de faire de moi une gigantesque marmelade humaine et rougeâtre. Je me liquéfiais de l’intérieur en quelque sorte et mes voisins du moment, soucieux de ne pas me perdre définitivement, ne trouvèrent pas mieux que de me transvaser dans un gros pot de confiture au couvercle à carreaux rouges et blancs (Bon Papa ?). Quelque temps plus tard, on pouvait me retrouver installé quelque part sur un meuble ou une cheminée, je ne sais plus, mais j'étais dans un salon et mes deux yeux encore vivants regardaient fixement les personnes qui passaient devant moi. Je ne me rappelle rien d'autre...

J’imagine que, pour moi comme pour beaucoup d’autres, la journée d’hier fut celle d’une certaine fébrilité… Ce sentiment mêlé de vivre un jour hors du commun, un peu euphorique parce qu’étant celui d’une page qui se tournait après d'interminables années d’obscurantisme économico-militaro-religieux, et d’être gagné simultanément par un état de confusion quant à la compréhension de l’avenir tant le chantier qui s’annonce paraît gigantesque. Quels sont ceux qui, un peu partout de par le monde, s’ils ont eu l’occasion d’échanger quelques propos avec leurs voisins, leurs collègues de bureau, leurs amis, leur famille… n’ont pas évoqué, ne serait-ce que fugitivement, la victoire de Barack Obama à l’élection présidentielle américaine et sa signification sociopolitique historique majeure ?