Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Vécu - Page 10

  • Philodendron

    philodendron.jpgL'un des sujets de l'épreuve de philosophie de la cuvée 2009 du baccalauréat était : « Est-il absurde de désirer l'impossible ? ». Vaste programme... Je serais bien incapable de répondre à cette question à brûle-pourpoint, n'étant pas un expert en ce domaine (je revendique volontiers un côté philo dindon, histoire d'adresser non sans nostalgie un petit clin d'œil à une prolifération végétale du côté du salon de mon enfance...). En revanche, il suffit que j'ouvre les yeux ou les oreilles et que j'observe le monde qui m'entoure pour vérifier la proposition inverse. Il est parfaitement possible en effet de désirer l'absurde tant celui-ci prolifère au quotidien, comme ce bon vieux philodendron.

  • Appel

    Aujourd'hui, je lance un appel, moi aussi... Pour demander qu'on arrête de m'imposer des images insupportables et de me prendre pour une bille. Déjà que je suis de nature publiphobe, voilà que je suis agressé depuis quelques jours par une affiche sur laquelle l'ancien entraîneur de la nageuse Laure Manaudou exhibe fièrement ses pectoraux et ses biceps pour nous vanter les mérites d'un fournisseur d'électricité qui serait, je le cite, « moins chère ». Un slogan dont la chute : « Et pis c'est tout », n'est autre que le gimmick utilisé par les Guignols de l'Info lorsqu'ils mettent en scène ce sportif à la langue bien pendue. Sur la même affiche, finalement, se côtoient le vrai et le faux, en toute complicité, dans une relation commerciale un peu bizarre.

    Voilà qui me semble refléter assez fidèlement le mensonge qui règne de fait la plupart du temps dans le monde de la publicité : on a là un subtil mélange entre le réel (le personnage qui se met en scène) et le virtuel (sa marionnette), pour nous refiler un message un tantinet faux-cul. Ce qu'on vous propose est plus beau, moins cher, pourquoi hésiter ? Sauf qu'une fois lues toutes les restrictions écrites au bas de la page ou de l'affiche, en tout petit et parfaitement illisibles, on comprend que le réel est beaucoup moins séduisant que la fiction et qu'il existe un abîme entre les deux. Un peu comme ces bagnoles dont le modèle visible sur la publicité n'est jamais celui qui correspond au prix affiché en grand et dont l'explication est fournie un peu plus bas, sur un texte commençant en général pas un astérisque.

    Oui, c'est ça, la pub, c'est astérisques et périls !

  • Enchanteur

    J'ai vécu tout récemment une drôle d'expérience... Parce que je voulais m'acheter un appareil que je pensais trouver dans une grande surface de bricolage, je me suis rendu en ce lieu dont je ne percerai malheureusement jamais tous les mystères. Je passe sur l'incroyable farandoles d'objets dont j'ignorais l'existence jusqu'à ce que je les découvre au détour d'une tête de gondole ; aujourd'hui encore, je ne sais pas à quoi ils peuvent servir, même après une observation attentive. Je me rends compte qu'il se fabrique des milliers de tournevis différents (peut-être ne sont-ils pas tous des tournevis, d'ailleurs...), qu'on peut passer une vie entière à comptabiliser les différentes sortes d'ampoules électriques ou de boulons, qu'il y a plus de sortes de papiers peints que de variétés de fromage, que les lavabos sont à eux seuls un monde à part. Tous les rayons du magasin débordent d'ustensiles ou d'outils très menaçants pour l'a-bricoleur que je suis. Terrible ! Pas autant toutefois que les drôles d'individus qui viennent rôder là, en toute connaissance de cause. Tiens, j'en ai même vu un qui promenait une porte sur un caddie. Et voici deux types - des frères probablement - qui exhibent leurs Marcel, leurs bedaines et leurs effluves de transpiration en toute sérénité, la clope sur l'oreille et dans la bouche un accent lorrain à couper au couteau (un truc terrible, vous pouvez m'en croire). On voit des couples aussi : monsieur prend sa femme de haut, qui a osé émettre un avis sur un salon de jardin ; ou le contraire, quand madame qui, d'évidence porte la culotte, est l'experte en travaux manuels et renvoie Mimile dans les cordes au prétexte que ça fait quand même une sacrée somme. Je tourne, je tourne, et je ne trouve rien. Un vendeur, tout de même, face auquel je m'excuse de demander pardon : « Z'auriez pas un schmalglu électrique pour mon jardin ? ». Le brave me conduit vers le rayon idoine où trônent quelques prototypes futuristes hors de prix qui feront double emploi avec le balzingue que j'utilise d'habitude. « Ben merci quand même, m'sieur, z'êtes bien gentil ! ». Dans les rayons, les experts moustachus continuent de s'affairer, ils trouvent leur bonheur. Bon, ben, voilà, je sors du magasin, les mains vides. Je viens d'économiser 300 €...

  • Fils

    fils.jpg

    Je travaille chaque soir à mes petits travaux d'écriture, souvent à mon bureau, mais il m'arrive rarement de regarder mes pieds, j'en suis bien conscient. Et là, c'est l'horreur... J'entends parler de réseaux sans fils, de wi-fi, de toutes les entraves filaires dont nous serions libérés, enfin. Tu parles, Charles, car que vois-je au sol ? Une immonde pizza électrique vautrée sur la moquette, garnie d'une forêt de câbles qui me narguent et menacent de se glisser sous mes semelles pour me faire chuter brutalement et me faire basculer par dessus la rambarde de mon escalier joli. Observons le décor...

    Si je considère comme normale la prise électrique de ma lampe de bureau, parce que le soir, il fait nuit assez vite, d'où proviennent donc tous ces mystérieux entrelacs ? Il y a l'alimentation de mon ordinateur : il a beau être portable, blanc, ne jamais quitter inopinément comme la plupart de ces machines et disposer d'une autonomie de quatre heures, il faut bien le nourrir de temps en temps : PRISE DE COURANT ! Mais un ordinateur, c'est aussi un objet multimédia, qu'il faut sonoriser correctement quand on se pique d'aimer la musique : et hop, on lui accouple de jolis haut-parleurs et un caisson translucides : PRISE DE COURANT ! Je ne sais pas si vous êtes comme moi, mais vous avez appris récemment que les sauvegardes sur CD étaient très peu fiables parce que le matériau se dégrade vite. Par conséquent, vous avez acheté un disque dur externe : PRISE DE COURANT ! Et comme vous vous laissez gagner par la paranoïa, vous vous êtes offert un second disque dur, pour sauvegarder les sauvegardes, partant de l'idée que les deux ne vont pas vous lâcher en même temps : PRISE DE COURANT ! Et puis, votre appareil photo numérique, ce petit chéri qui fait des miracles, renferme une jolie petite batterie qui se recharge sur un adaptateur : PRISE DE COURANT ! Quant à votre baladeur, celui sur lequel vous avez copié presque toute votre discothèque et qui consomme aussi peu d'électricité qu'un chameau d'eau, vous lui avez réservé une place pour son boîtier : PRISE DE COURANT ! Et je vous vois venir... Oui, bien sûr, j'ai aussi un téléphone portable : PRISE DE COURANT ! J'en ai même deux parce que pour acheter le nouveau, j'ai conservé le précédent jusqu'à la fin de mon engagement d'un an : PRISE DE COURANT ! Je connais un ami à qui je vais devoir commander une éolienne pour moi tout seul... Et puis faites-moi penser à voter écolo la prochaine fois...

    Bon, je crois que j'ai fait le tour de la question, il me reste maintenant à trouver la recette miracle qui fera que, malgré les précautions infinies prises pour ranger tous ces câbles avec méthode, leur nature perverse les pousse inexorablement à la gestation de nœuds très compliqués avec lesquels vous engagez chaque jour une âpre lutte dont vous savez que vous sortirez vaincu.

  • Candide

    jardin_maison_rose.jpgPour une fois, j'aimerais à travers ces quelques lignes vous recommander la lecture d'un autre blog, passionnant, celui de Françoise Rebinguet : dans une note appelée « Une culture de jardin de curé », elle propose une comparaison entre la manière dont elle a construit sa culture personnelle (musicale et littéraire) et celle dont elle et son mari ont fait vivre leur jardin au fil des années, comment ils ont fait preuve d'une patience infinie pour le laisser vivre en liberté à peine contrôlée. C'est intelligent, très sensible et riche en arômes et couleurs. Allez donc y faire un tour, vous ne le regretterez pas.

    On imaginera qu'à la lecture de ce beau texte, j'ai cherché à appliquer cette démarche à ma propre expérience et noté des parallélismes mais aussi quelques différences significatives.

    Oui, tout comme Françoise Rebinguet, ma culture répond assez fidèlement au désordre pas du tout contrôlé de la vie de son jardin de curé, à ses essais plus ou moins fructueux, sa végétation qui prolifère sous les tentatives anarchiques de l'autodidacte "la truffe en l'air" que je suis. Rien n'est construit ni planifié. Jamais, seules les impulsions me guident et les formatages me navrent parce qu'ils s'apparentent à la mort. Tout cela forme un sacré bazar parfois (ce que j'appelle parfois mes litté-ratures) au beau milieu duquel je me démène comme un pauvre diable, angoissé à l'idée de tout ce que je n'aurai pas le temps de connaître ou en pensant que bon nombre de promesses que je me fais intérieurement ne seront jamais tenues (comme, par exemple, relire tous les bouquins de tel ou tel écrivain ou réécouter ces centaines de disques qui s'accumulent, sagement alignés sur leurs rayonnages).

    Mais l'aménagement de notre jardin - qui n'est pas de curé car il n'est pas ceint de quatre murs, encore que la végétation qui le clôt en constitue un bon et naturel substitut - fait l'objet de notre part d'une attention très particulière, en opposition assez forte avec celui de notre blogueuse qui éprouve, elle, un plus fort besoin d'ombre et de prolifération. Vivant en Lorraine, nous avons tout d'abord éclairci cet espace formant un carré de dix mètres de côté, pour y faire rentrer le maximum de lumière : arrachage d'un bouleau pleureur envahissant et ombrageux, domestication d'un rideau de charmilles dont la pousse est désormais contrôlée à une hauteur très raisonnable, redressement d'un sureau qui voulait vivre sa vie dans le jardin du voisin, élagage d'un érable menaçant de devenir gigantesque, installation d'une terrasse naturelle en bois de mélèze, mise en valeur des pierres, coloration impressionniste de l'ensemble au moyen d'une pelouse, de différentes variétés de roses, de framboisiers, de plans de tomates. Un ordonnancement réel, nécessaire, mais sans rigueur excessive, qui contraste assez franchement avec mes quelques connaissances, plus anarchiques que jamais.

    Et ça ne va pas s'arranger...

  • Libres

    kitmainslibres.jpgIl m'arrive d'observer mes contemporains et de m'apercevoir que je ne les comprends pas toujours... Prenez cette merveille de la technologie qu'on nomme « kit mains libres » : après s'être rendu compte qu'en arborant, comme vissé à l'oreille, ce moche machin nommé oreillette Bluetooth (imaginez qu'on vous colle un Stabilo Boss sur le lobe, voilà en gros à quoi ça ressemble, sauf que vous ne pouvez même pas vous en servir pour surligner les passages importants du dernier bouquin de Marc Lévy), les bipèdes atteignaient un niveau de ridicule proche du suicide esthétique, ils ont ensuite reporté leur amour de la technologie communicante sur des écouteurs filaires munis d'un petit interrupteur qui permet de décrocher et raccrocher en toute simplicité, comme ils l'auraient fait avec un téléphone ordinaire. Jusque là, rien d'extraordinaire, mieux même, voilà un objet dont le corps médical recommande l'usage dans la mesure où il épargnerait le cerveau de l'agression des ondes méchantes, parce qu'il éloigne notre tête de l'appareil. Le problème est ailleurs... Car j'ai observé, vous dis-je ! Et je reste un peu perplexe face à l'usage qui est fait de cet ustensile : je vois qu'on tient d'une main le téléphone (Pourquoi ? Le fil serait-il trop court ? La poche d'une veste ou d'un pantalon contrarierait-elle la propagation des ondes ? Mystère...) et que de l'autre, on soulève le fil pour rapprocher le micro de sa bouche ! Résultat des courses : au lieu d'avoir les mains libres, on les a bien plus occupées qu'avec un vulgaire téléphone. Notez toutefois que je préfère mille fois ce spectacle plutôt réjouissant à celui que nous infligent les partageurs. Vous ne connaissez pas les partageurs ? Allez, je suis sûr que vous en avez déjà croisé. Vous savez bien, ces gens qui tiennent absolument à vous faire profiter à fond de mini haut-parleurs au son pourri du dernier machin truc jetable qu'ils ont téléchargé plus ou moins légalement et qui déambulent dans les rues pour que chacun de nous puisse en profiter...

  • Vainqueurs

    vote.jpgLa seule idée du sinistre spectacle de nos actuels dirigeants se rengorgeant d'être arrivés en tête des résultats du vote de dimanche me navre. Ils vont se réjouir parce qu'un gros quart d'une grosse moitié des électeurs (je vous laisse faire un calcul plus précis, mais ne cherchez pas trop, vous parviendrez à la même conclusion que moi : ça ne fait pas beaucoup) aura glissé un bulletin favorable à leurs listes alors qu'ils disposent des pleins pouvoirs depuis deux ans et ont table ouverte dans la plupart des vecteurs de communication. Au besoin, si les analyses tournent mal, ils pourront dégainer l'argument selon lequel la consultation ne portait pas sur la politique intérieure, mais sur l'Europe et que par conséquent, ce vote ne sera en rien une sanction. Voir leurs opposants, dispersés en une kyrielle de chapelles stériles et inopérantes, essayer de nous expliquer qu'ils ont atteint leur objectif (lequel ?) me semble tout aussi insupportable. Il y en aura parmi eux qui seront satisfaits, j'en suis convaincu. Quand je me rappelle ce qui a été fait du référendum de 2005 (je dis cela de manière très détachée parce que j'avais voté oui), je comprends la tentation de l'abstention. De belles têtes de vainqueurs, vous dis-je...

  • Retour

    verdun.jpg

    Difficile d'échapper à ce sentiment qui me gagne à chaque fois que je me rends à Verdun, ma ville natale : je m'y sens bien, malgré l'absence définitive de ceux qui y ont posé leurs valises il y a bien longtemps et qui on fait de moi un enfant de cette ville. L'ambiance est plutôt paisible, le cadre a connu au cours de la période récente un réel embellissement qui favorise la déambulation et les flâneries piétonnes, à défaut de contenter les automobilistes qui doivent aujourd'hui s'éloigner de quelques dizaines de mètres du centre ville pour garer leurs véhicules.

    Nous retrouvons un couple d'amis blogueurs qui ont adopté cette ville et qui s'y sentent plutôt bien. Ces nouvelles relations sont agréables car, au-delà du plaisir des instants passés, elles sont une manière d'ancrer à nouveau le présent dans le passé et de tendre au mieux la corde vitale, celle qui relie l'avant et l'après.

    entree_des_classes.jpg

    Au détour d'une rue, je retrouve l'ancienne entrée de ma première école primaire. Me reviennent aussitôt à l'esprit ces images de l'enfant que j'étais et qui, trop pressé de retrouver ses camarades de classe un jour de pluie, s'était étalé de tout son long dans une immense flaque d'eau.

    Revenir ici un jour, plus tard ? Allez savoir...

  • Technochat

    On n'arrête pas le progrès... Voilà qu'hier matin, un jeune homme m'aborde dans la rue, tout près de la Maison Rose, pour me demander l'adresse d'un vétérinaire. Son chat blessé, qu'il tient avec beaucoup de précautions emballé dans une couverture, semble avoir mal supporté une chute de plusieurs étages. Je ne suis pas certain d'ailleurs que j'aurais résisté à un tel exploit sportif, raison pour laquelle je considère le sport avec une réelle défiance, sachant - les statistiques le prouvent - qu'il n'est guère bon pour la santé...

    Ooops ! Un vétérinaire ? Alors là, mon pauvre monsieur, je ne saurais vous dire, y a pas de bestioles à la maison, alors je ne les pratique pas vraiment ces médecins animaliers. Ah mais que je suis bête* ! Attendez donc, je dois pouvoir vous aider... Là, ni une ni deux, j'extrais de ma poche mon téléphone supersonique, j'arrête le disque que je suis en train d'écouter (Very Sensitive, petit bijou du Bernica Octet dont je vous reparlerai), tap tap, je file sur les Pages Jaunes, je saisis le mot vétérinaire, je me géolocalise (c'est un mot à la mode ce truc alors j'en profite avant qu'il ne passe aux oubliettes de la technologie) et tap tap encore... trois secondes plus tard, j'apprends que la clinique la plus proche se trouve... à 190 mètres de l'endroit où nous trouvons ! Bou Diou, on a du bol... Tap tap toujours et encore, j'affiche maintenant l'itinéraire piéton. Et nous voilà tous les trois en partance pour cette unité de soins si convoitée. Dès notre arrivée, je m'éclipse discrètement, sous les remerciements chaleureux du monsieur qui m'explique que j'ai sûrement sauvé son chat. Merci merci merci, mais vraiment, je n'y suis pour rien, le sauveur, c'est mon téléphone, hein ? C'est beau, non, la technique moderne ?

    Sauf que... Si j'étais un type normal, avec une mémoire un peu moins anarchique, je ne devrais pas ignorer l'existence de cette clinique vétérinaire installée à deux minutes à pied de chez moi et devant laquelle j'ai dû passer, à pied, en voiture ou à cheval des centaines, voire des milliers de fois. Mais j'ai cette faculté, assez déroutante, de zapper et oublier assez vite les détails de l'environnement urbain dans lequel j'évolue au quotidien. Qu'une enseigne change dans une rue commerçante et je n'ai plus le moindre souvenir de celle qui s'affichait auparavant. C'est comme ça, je fais avec...

    Comme disent les hommes politiques qui veulent se faire passer pour des férus d'informatique alors qu'ils n'y connaissent rien**, il va falloir que je change mon logiciel... ou qu'au minimum, je procède à une sérieuse mise à jour.

    Tap tap !

    * Humour...
    ** Cette remarque pouvant s'appliquer à d'autres domaines, d'ailleurs... 

  • Lumière

    paris_090524.jpg

    Un petit coup d'œil sur Paris, hier matin assez tôt. Ciel bleu, encore peu de touristes déboulant en hordes plus ou moins contrôlées, le temps est presque estival. Non, pas presque, il est estival. Les rares coureurs du matin transpirent déjà à grosses gouttes, certains semblent glisser comme par magie sur les pavés disjoints, d'autres s'infligent des souffrances qu'ils ne méritent probablement pas. J'ignore l'objet de leur rédemption, mais leur souffle rauque, leur visage violacé, leur transpiration animale est inquiétante. Nous marchons, à très faible allure, pour profiter au mieux de ces instants un peu mystérieux. Voilà pour le coup d'œil qu'on soulignera d'un... coup de nez ! Car la réalité se rappelle à nous à chaque fois que nous passons sous un pont, là où un incomparable fumet de pissotière nous saute au nez. Il y a le Paris des cartes postales, Paris la ville lumière, Paris des monuments, Paris des musées, Paris des grands boulevards... mais aussi Paris de la misère, qui dort enveloppée dans un vieux sac de couchage, à nos pieds.

    PS : avis à l'abruti de motard qui slalomait hier à 18  h27 sur la Francilienne entre la sortie 14 et la sortie 15 en direction de Nancy et qui a dégommé mon rétroviseur d'un coup de coude au prétexte, semble-t-il, que mon véhicule avait la drôle d'idée de rouler sur la file de droite à la vitesse réglementaire et que celui qui nous doublait roulait à peine plus vite, l'empêchant de se livrer à son gymkhana en bande casquée : tu ne perds rien pour attendre, j'ai ton numéro, mon gars, ça s'appelle un délit de fuite !

  • Nature

    lorraine_verte.jpg

    Allez, je vais vous confier un petit secret : parce qu'à force de railler le climat grisâtre qui règne sur la Lorraine la plupart du temps, je finis par me dire que vous pourriez penser qu'il s'agit d'une région inhospitalière et dépourvue de tout attrait touristique. Il n'en est rien. Prenez un paysage de campagne classique, avec ses champs, ses ondulations légères, ses ruminants. Avec un peu d'attention, vous débusquerez une biche ou... un lama. Au loin, vous entendez la cloche d'une église. Sur vos têtes, d'invisibles oiseaux entament un récital joyeux. Faites totale abstraction de ce cancer agricole que sont les champs de colza : incongruité écologique, repoussoir visuel et olfactif et dont les métastases se sont propagées bien au-delà de nos frontières. Oubliez pour un temps les gros nuages qui vous menacent d'une averse, refusez de voir l'éclair qui a zébré le ciel de plomb, annonciateur d'un orage statistiquement inévitable. Et voyez l'essentiel : un vert incomparable (celui qui a inspiré bien des peintres régionaux et qu'on retrouve en bonne place au palmarès des inspirations de l'Ecole de Nancy), tirant parfois sur un bleu profond. Dans les sous-bois, exercez votre œil à repérer ces petites asperges vertes tant appréciées des restaurateurs. Respirez (pas trop profondément toutefois, toujours cette saloperie de colza) et prenez le temps de vivre hors du temps. Voilà, tout près d'ici, calme et apaisé, vous venez de prendre une journée de vacances. Pas besoin de Club Machin, pas de G.O., aucune spéculation possible, pas d'affairiste à l'affût de votre or vert. Ici, c'est du vrai, du lourd comme dirait l'autre. 

  • Boulot

    Incroyable... C'est en regardant la télévision que m'est venue l'idée d'une reconversion professionnelle. Ce n'est pas que je tienne absolument à quitter mon boulot, mais chaque jour ou presque, je me dis que si je devais me retrouver sur le marché du travail, je ne suis pas certain qu'on se battrait vraiment pour s'attacher mes services. Je ne suis expert en rien et mes trente années d'activité m'ont surtout valu d'endosser la cape d'un touche à tout, ayant accumulé une myriade de micro-compétences qui, une fois agrégées, ne font pas forcément une qualification. Et si je jette un œil aux offres d'emploi dans quelques magazines ou journaux, là, c'est le drame ! Rien pour moi, il me manque toujours un truc pour me persuader qu'il me serait possible de postuler. Inaptitude chronique aux aspirations des employeurs du moment, à supposer qu'il s'en trouve encore quelques uns pour franchir le Rubicon et prendre le risque d'une embauche. Sauf qu'enfin, j'ai trouvé ! Oui oui oui, je viens de trouver un boulot qui me convient parfaitement ! Certes, le poste n'est pas libre pour l'instant, mais si je ne le demande pas, si je ne pose pas ma candidature, je n'aurai aucune chance de le décrocher. Oui, mesdames et messieurs, j'ai l'honneur de vous annoncer que j'aimerais avoir un travail d'Ariane Massenet dans la Grande Emission de Canal + ! Un vrai boulot pour moi, pas trop fatigant et sans le moindre risque de faute professionnelle. Imaginez donc : cinq fois par semaine (périodes de congés scolaires non comprises), pas trop tôt le matin, je m'installe derrière une grande table et j'assiste à une émission à laquelle je participe sporadiquement, posant ici ou là une question anodine dont l'idée me sera venue à la lecture en diagonale du dossier fourni par l'attaché de presse de l'invité du jour. Faut juste que j'accepte d'être un peu brocardé par mes collègues et de constater que mes questions amènent en générale des réponses évasives voire pas de réponse du tout, mais bon... si mes informations sont exactes, je crois que je gagnerais plus d'argent qu'à l'heure actuelle alors, foin de mon amour propre, il s'agit de vivre, non ?

  • Sauvegarde

    J'écoutais ce matin un débat très intéressant sur le thème de la connaissance et de la mémoire avec pour corollaires les problèmes posés par les actuels supports de stockage magnétiques. Il est désormais avéré que la durée de vie des CD et autres DVD est beaucoup plus limitée qu'on ne l'imaginait à l'origine, tout comme celle des disques durs sur lesquels il nous faut enregistrer nos photos numériques, nos achats de musique en ligne et bien d'autres fichiers informatisés. A l'heure actuelle, je ne vois pas d'autre solution que celle consistant à doubler (voire tripler) mes sauvegardes sur des disques externes, partant de l'idée que l'hypothèse d'un crash simultané de toutes ces unités est peu probable (même si rien n'interdit à un avion de s'écraser sur ma maison et de tout détruire...). Qu'en sera-t-il dans les années à venir ? Faut-il imaginer d'autres matériaux, plus résistants ? J'ai lu quelque part que des recherches étaient menées pour élaborer des disques en verre, infiniment plus résistants, mais plus onéreux. Doit-on inventer de nouveaux circuits de sauvegarde distante, favorisée par la généralisation des hauts débits ? Et cette accumulation de supports peu encombrants, ces possibilités démultipliées de mémoriser font-elles de nous des homo sapiens plus riches de connaissances que ne l'étaient nos ancêtres ? Etrangement, à peine m'étais-je posé toutes ces questions que j'ai ressorti de ma bibliothèque un vrai bouquin, avec du papier et de l'encre, et que je me suis ressourcé à la lecture de quelques pages de « La Recherche du Temps Perdu ».

  • Repos

    Retour à une activité normale après quelques jours d'un repos obligé. Histoire de reprendre des forces et d'oublier un joli « coup de pompe », ce genre de truc qui vous coupe les jambes et vous donne l'impression de peser une tonne et d'être au gouvernail d'une embarcation humaine bien lourde à traîner. Le prix à payer, probablement, pour toutes ces années - trente exactement - au cours desquelles il aura fallu composer avec une machinerie vasculaire peuplée d'une myriade de petits caillots, nichés un peu partout pour de mystérieuses raisons qui, à défaut de connaître une explication rationnelle, nécessitent un traitement anticoagulant préventif au long cours. Mais l'essentiel n'est pas là, parce qu'il faut toujours regarder de l'avant et que je n'ai pas l'âme d'un malade sur le sort duquel je refuse depuis le premier jour qu'on s'apitoie. Non, seul l'avenir compte et pour l'heure, je réfléchis à deux projets : d'abord m'attaquer à l'écriture de mes « thrombochroniques » qui seront en quelque sorte les sœurs aînées de mes « stimulochroniques », ensuite fêter dignement, au mois d'octobre prochain, une étape cruciale : celle de l'absorption de mon onze millième comprimé d'anticagulant ! Thrombo pour être vrai ?

  • Procuration

    mjb_nouveau_casino.jpg
    Photo : Mad Jazz Girl

    Être père d’un musicien, en 2009, n’est pas forcément un statut de tout repos, parce que les questions se bousculent au portillon : en ce monde troublé qui n’accorde pas aux artistes* la place qui devrait leur revenir, n’aurait-il pas mieux valu inciter son propre fils à choisir une autre voie ? A quoi sert-il d’être musicien, puisque tout doit désormais être quantifié, évalué, rationalisé ? L’art, l’irrationnel, la dimension poétique de l’individu ont-ils encore cours dans la sécheresse économique des discours ambiants ? Ces questions, je me les pose, chaque jour… Mais elles sont souvent balayées par les échos des scènes, ces commentaires qu’on vous fait parvenir et qui vous confirment que, probablement, vous n’avez pas eu tort dans vos choix de parents. Si, vous avez tort parfois, mais d’être absent ! Comme tout récemment, sur une scène parisienne dont vous ne connaissez que ce fugitif cliché vous laissant deviner des heures hautes en couleurs que vous devez vous contenter de vivre par procuration.

    * J’ai de ce mot une définition suffisamment restrictive pour ne pas y inclure un certain nombre de faiseurs et d'imposteurs qui occupent malheureusement une place bien trop importante…

  • Crabe

    Saloperie de cancer... Je vais écrire des banalités, je le sais bien... Parce que dire que la maladie est injuste, d'autres l'ont fait avant moi depuis des siècles et ça ne guérit pas ceux qui souffrent. Mais apprendre qu'un ami, qui a consacré toute sa vie aux autres, aux jeunes en particulier, pour lesquels il a toujours été comme un modèle, jette aujourd'hui ses dernières forces dans une lutte inégale contre un cancer du pancréas et voit son organisme l'abandonner petit à petit, savoir qu'il souffre atrocement et sait qu'il va perdre le combat... Rien à faire, c'est injuste, je ne parviens pas à comprendre « le grand dessein ». J'aimerais tant être doté de pouvoirs spéciaux et pouvoir dévier la course de cette flèche macabre qui est en train de filer droit sur lui, quitte à la rediriger vers quelque nuisible, comme notre monde sait en fabriquer par milliers. Mais je ne suis qu'un humain, rien qu'un humain, et je dois assister à une fin annoncée, sans arme, sans pouvoir repousser l'ennemi.

  • Solidaire

    muguet.jpg

    Mes « horaires de sortie » et ma baisse de forme temporaire étant incompatibles avec toute participation à un long défilé en ce premier jour de mai, je me vois contraint de m'associer de loin avec tous ceux qui - victimes de la crise ou tout simplement demandeurs d'une France moins inégalitaire, moins stupidement comptable, plus partageuse (et pas seulement des pertes engendrées par une poignée d'individus nocifs) - se réuniront aujourd'hui pour exprimer leurs inquiétudes, sans forcément espérer être entendus. Ce muguet en est le symbole, on l'aura compris. Ces quelques lignes vous auront par ailleurs permis d'échapper à ma rituelle complainte sur ce jour fatidique de l'année qui m'a souvent valu bien des déboires et que je ne peux considérer sans une certaine inquiétude. 

  • Grève

    En raison de l'arrêt de travail de certaines catégories de personnel, nous ne sommes pas en mesure de vous proposer aujourd'hui la lecture d'un texte quotidien sur ce blog. Nous présentons d'ores et déjà nos excuses à nos lecteurs et leur donnons rendez-vous d'ici à quelque temps, lorsque le mouvement de grève, reconductible, aura pris fin. A très bientôt.

  • Palpitation

    flow_passage_2009.jpg
    Passage - 120 X 60 cm - Flow 2009

    Il faut parfois se méfier des coups de cœur, surtout lorsque, comme moi, on est porteur d'un pace maker ! Mais il est bon aussi, de temps à autre, de ne pas prendre le temps de la réflexion et de se laisser emporter par une impulsion, quitte ensuite à tourner et retourner dans sa tête toutes les idées qui s'agitent et vous pointent du doigt en vous désignant comme être humain déraisonnable. Mais comment comprendre alors ce phénomène par lequel, alors que vous êtes face à une toile, vous êtes saisi par une certitude : cette peinture est faite pour vous, vous savez d'ores et déjà où elle prendra place dans votre salon, l'hésitation n'est pas de mise ? J'ai été la victime de ce sortilège hier après-midi alors que j'entrais dans la galerie d'Arnaud Flow, en vieille ville à Nancy. C'est un jeune peintre dont j'avais déjà évoqué le travail voici quelques mois et dont le travail me fascine. Quant à ces personnages en mouvement, traversant une rue (de Paris ou d'ailleurs), cette scène résolument ancrée dans un quotidien urbain et contemporain, et puis... cette animation flottante jouée par un beau de coup de pinceau, lui aussi en mouvement et créant un flou dynamique et énigmatique : ils m'attendaient ! Durant quelques secondes, j'ai pensé à la pochette d'Abbey Road, le disque des Beatles, probablement en raison de la traversée d'une rue. Et puis, très vite, j'ai entendu la musique de Steve Reich, celle de City Life : le compositeur avait enregistré des bruits dans New York avant de créer son propre environnement en s'appuyant sur leur rythme. Voici donc cette association que je m'autorise, j'espère qu'elle suscitera l'approbation d'Arnaud.

  • Écoulement

    Tous les matins, c'est le même spectacle un peu désolant... Laissez-moi vous expliquer : j'habite une rue qui est perpendiculaire à l'un des grands axes de ma ville, celui qui traverse Nancy du nord au sud. Alors forcément, vers huit heures, la périphérie laborieuse (enfin, ce qu'il en reste, parce qu'au train où vont les choses...) s'y engouffre, armée de ses innombrables voitures (de taille très souvent disproportionnée à l'usage qui en est généralement fait, mais c'est là une autre histoire), et ce qui doit arriver... arrive ! Le bouchon matinal ! Certains de mes concitoyens, pensant échapper à cette constipation automobile, et se croyant plus malins que leurs congénères, quittent brusquement la file d'attente pour débouler, au mépris de toutes les règles les plus élémentaires de la prudence, vers les axes perpendiculaires. Dont ma rue est un excellent exemple. Moi, piéton sonorisé (je badigeonne actuellement mes tympans du très beau disque de l'Orchestre National de Jazz consacré à la musique de Robert Wyatt), je suis là, un peu abasourdi par ce drôle de comportement dont la vanité ne résiste pas une seule seconde au principe le plus élémentaire de l'écoulement naturel du trafic. Parce que je retrouve quelques minutes plus tard en effet, tout en marchant d'un pas régulier, mes petits Schumacher matutinaux, bloqués, un peu plus loin, attendant à un stop ou un feu rouge que leurs récents voisins d'encombrement, ceux qui avaient bêtement attendu, leur passent sous le nez. Et je vous jure que c'est comme ça chaque matin...