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Vécu - Page 6

  • Nancy Jazz Pulsations 2011 # 3

    nancy jazz pulsations,francesco bearzatti,malcolm x

     Quarante-huit heures après sa prestation en cette même salle Poirel mais en tant que membre du quintet d’Henri Texier, Francesco Bearzatti est revenu cette fois entouré de ses musiciens italiens. Ce quatuor baptisé Tinissima avait publié en 2010 le disque X (Suite For Malcolm), affichant par là une sacrée santé créative et une dynamique iconoclaste née de l’association formée par le saxophoniste et le trompettiste Giovanni Falzone (qui ressemble étrangement au bassiste Janik Top, mais ceci est une autre histoire). Le concert nancéen est à l’image de l’enregistrement, mais en plus explosif, il s’apparente à un feu d’artifice sonore où la vie du militant des droits afro-américains nous est contée par le recours à différentes formes de musiques noires : funk, rap, hip hop et jazz bien sûr. Jusqu’à une ambiance disco sur le thème appelé « Cotton Club » ! Jouée dans sa continuité, sans pause, l’œuvre est flamboyante, gorgée d’une sève bouillonnante et les dialogues entre les deux solistes sont à chaque fois très hauts en couleurs. Derrière eux, une rythmique surpuissante les pousse au meilleur. Francesco Bearzatti se déhanche plus que jamais, Giovanni Falzone trompette et éructe ses vocalises, la basse électrique de Danilo Gallo gronde et Zeno De Rossi foisonne derrière ses fûts. Le rappel, qui est aussi la conclusion de l’album : « Kinshasa », dédié à Mohamed Ali, vient glisser une ultime note à résonnance africaine et finit d’emporter l’adhésion d’un public attrapé à la gorge et bienheureux d’avoir été l’otage consentant d’un voyage aussi étourdissant.

    Salle Poirel - Nancy - Vendredi 7 octobre 2011

    En écoute : "Betrayal", extrait de la Suite For Malcolm X.

    podcast

    Texte préparatoire à un prochain compte-rendu complet pour Citizen Jazz.

  • Nancy Jazz Pulsations 2011 # 2

    henri texier, nord sud quintet, nancy jazz pulsationstions

    Dans la foulée du concert de Pascal Schumacher (voir note précédente), Henri Texier et ses musiciens n’ont pas manqué leur rendez-vous avec Nancy Jazz Pulsations. Son Nord Sud Quintet (Sébastien Texier : saxophone alto et clarinette, Francesco Bearzatti : saxophone ténor et clarinette, Manu Codjia : guitare, Christophe Marguet : batterie, Henri Texier : contrebasse) a très vite embarqué le public de la Salle Poirel vers des contrées peuplées de musiques vibratoires dédiées « aux musiciens noirs », d’Afrique ou d’ailleurs. Le groupe jouera la quasi intégralité de son dernier disque, Canto Negro et fera une démonstration d’une grande efficacité : le quintet, c’est la réunion d’individualités très fortes au service d’un collectif toujours en état de rébellion. Entre ballades mélancoliques (« Tango Fangoso », « De Nada ») et charges électriques puissantes (« Mucho Calor ») confinant au hard rock, la musique d'Henri Texier est un chant universel et émouvant. A 66 ans passés, le contrebassiste à l’éternel bonnet continue de creuser le sillon de sa révolte, il est un point de repère essentiel de notre scène jazz.

    Salle Poirel - Nancy - Mercredi 5 octobre 2011

    En écoute : "Tango Fangoso" - Henri Texier Nord Sud Quintet

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    Texte préparatoire à un prochain compte-rendu complet pour Citizen Jazz.

  • Nancy Jazz Pulsations 2011 # 1

    BangMyCan.jpg

    J’avoue humblement mon ignorance : je ne connaissais Pascal Schumacher que de nom. C’est donc totalement vierge de toute information préalable que j’ai découvert la prestation de ce vibraphoniste luxembourgeois et de son quartet à la Salle Poirel, mercredi 5 octobre en première partie du concert d’Henri Texier. Une découverte, donc, et une bonne surprise. Le public est conquis dès les premières minutes par des compositions (originales pour la plupart) qui forment un répertoire acidulé, entre jazz et pop, et qui sont en grande partie extraites de Bang My Can, sixième et nouveau disque du quartet (dont les trois autres membres sont Franz von Chossyau piano, Christophe Devisscher à la contrebasse et Jens Düppe à la batterie). La musique s’articule autour de thèmes où la mélodie, très prégnante, s’accommode naturellement de développements sinueux et de changements de rythme, comme autant de rebondissements pourvoyeurs d’une vraie joie de jouer. Une sérénité qui s’épanouit sur scène par une dramaturgie qui n’est pas sans évoquer parfois les montées en tension du trio E.S.T., dans un climat toutefois plus détendu. Pascal Schumacher expliquera d’ailleurs qu’il connaissait fort bien Nancy Jazz Pulsations en tant que voisin (Luxembourg est à moins de 100 kilomètres de Nancy), une proximité qui lui avait donné l’occasion d’applaudir, entre autres, le suédois et néanmoins regretté Esbjörn Svensson. L’interaction entre le vibraphone et le piano contribue pour beaucoup au charme de cette musique : une complémentarité de couleurs et de timbres entre le jeu vibrionnant de Pascal Schumacher et l’approche plus intériorisée de Franz von Chossy. En guise de conclusion, Pascal Schumacher et ses musiciens revisiteront « Sing », une chanson du groupe écossais Travis, l'une de leurs références assumées. Leur succès mérité aura constitué une première page jazz réussie l'édition 2011 du festival.

    Salle Poirel - Nancy - Mercredi 5 octobre 2011

    En écoute : "Bang My Can" - Pascal Schumacher Quartet

    podcast

    Texte préparatoire à un prochain compte-rendu complet pour Citizen Jazz.

  • Magique

    stanza, kalimba, musée du quai branly, youn sun nah, my favorite things, john coltraneVoilà une petite carte postale, souvenir d’une récente visite du Musée des Arts Premiers, un lieu né de par la volonté du plus anosognosique de tous les anciens présidents de la République qui, déjà à l’époque, avait la mémoire courte sur son passé récent mais vouait un culte à celle des très anciens. Pas grand monde du côté du Quai Branly, aucune attente aux caisses, juste les bonnes conditions pour une tranquille déambulation, souvent dans une demi-pénombre semble-t-il voulue par les concepteurs de ce site.

    Forcément, je me suis attardé sur les instruments de musique et j’ai été immédiatement séduit par ce joueur de sanza (originaire du Centrafrique), parfois appelé piano à pouces. On trouve de par le monde différentes déclinaisons de ce précieux objet : tout récemment, sa version Ougandaise, appelée kalimba, a été remise au (bon) goût du jour par Youn Sun Nah, qui illumine la célèbre chanson « My Favorite Things », tirée de la comédie musicale The Sound Of Music (en France, La mélodie du bonheur) que John Coltrane avait de son côté transfigurée un beau jour d’octobre 1960.

    La voix de la chanteuse Coréenne, son interprétation émouvante, seule avec sa kalimba, sont un pur enchantement. Les images, quant à elles, vous expliqueront d’elles-mêmes le surnom de l’instrument.

    Un peu de magie…

  • Pierrick Pédron - Cheeleaders

    pierrick pedron, cheerleaders, citizen jazzOn l’attendait un peu au tournant, l’ami Pierrick Pédron, lui dont le bel Omry avait éclaté au printemps 2009 : Omry, une proposition ambitieuse qui dépassait le contexte du jazz ou du rock, dans un mélange d’influences orientales et de regards vers l’univers de Pink Floyd et ses inspirations psychédéliques. Chaleureusement accueilli à l’époque, ce disque révélait non seulement une évolution majeure dans la carrière du saxophoniste, mais aussi le fruit déjà mûr du travail d’un groupe soudé dont l’identité sonore s’affirmait d’emblée. Cheerleaders, deuxième œuvre d’un sextet pas comme les autres, vient balayer d’un revers de l’anche les questions qu’on aurait pu se poser quant à ce qui s’apparente chez le saxophoniste à une véritable quête.

    Lire la suite de la chronique sur Citizen Jazz...

  • Face

    citizen jazz, blogComme une conséquence naturelle des faits relatés dans ma précédente note, je vois le niveau de ma pile de disques en souffrance s’élever (j’en compte une douzaine dont je dois rédiger la chronique pour Citizen Jazz). Soucieux de la responsabilité qui est la mienne, je m’efforce d’établir des règles destinées à améliorer ma productivité. Planning raisonnable (ce qui signifie que je ne dois pas ignorer la nécessité du repos), prises de notes à la volée sur tous les supports à portée de main : carnets, téléphone, simples bouts de papiers, recoins de ma tête qui n’en demande pas tant… tous les moyens sont bons pour ne pas me laisser déborder. Je dois aussi (ré)apprendre à écrire plus court, plus juste, contrecarrer une tendance naturelle à l’épanchement - même si je ne m’interdis pas la possibilité d’un laisser aller vers de bienfaisantes parenthèses digressives. C’est aussi l’occasion d’un retour aux sources de ce blog qui se voulait light et quotidien lorsque j’ai mis en ligne sa nouvelle mouture au mois d’août 2008. Comme un sportif pratiquerait un jogging de remise en forme, je me fixe un objectif d’écriture, sinon quotidienne, du moins pluri-hebdomadaire et un thème constant : la musique. Et je repousse la publication de mon premier bouquin, pour ne pas m’éparpiller (mais le contenu des trois premiers est là, bien rangé, prêt pour une révision) : ce sera pour un peu plus tard. En attendant, je vous en propose la couverture possible. L’art de faire les choses à l’envers ?

  • Pile

    Live In Cologne.jpgJ’ai reçu la semaine dernière une petite livraison de CD à chroniquer pour Citizen Jazz… Trois nouvelles galettes : un Live in Cologne 1983 de Weather Report (dont la première écoute m’a un peu ennuyé, parce que la musique me paraît avoir mal vieilli, mais sur laquelle je reviendrai car la paire Zawinul / Shorter le mérite bien) ; le surprenant et inclassable Des Clairières dans le Ciel de Lionel Belmondo dont l’Hymne au Soleil s’est frotté au Chœur National de Lettonie ; enfin le très réjouissant et inventif Des Trucs Pareils de Ping Machine, un grand ensemble dirigé par le guitariste compositeur Fred Maurin. C’est un privilège que d’avoir à écrire afin de rendre compte au plus de nos émotions du travail de ces artistes. Une responsabilité aussi, car mes chroniques sont lues, voire attendues, et je dois par conséquent prendre le temps d’écouter, une fois, deux fois… et même beaucoup plus, ne serait-ce que par respect des musiciens. Mais je garde ma ligne de conduite : privilégier l’émotion.

  • Vertébral

    grateful dead, europe 72Le Dead Store m’informe de l’expédition depuis San Francisco d’un double CD du Grateful Dead qui résonne en moi de façon très particulière. Ce disque goûteux, appelé Europe ’72 Vol. 2, fait remonter bien des souvenirs que j’ai déjà relatés… A l’époque, il y aura bientôt quarante ans, le groupe avait publié un triple trente-trois tours lumineux qui est resté ancré en moi, très probablement pour toujours, comme l’est cette musique en général. Une musique que je finis par considérer comme ma colonne vertébrale, autour de laquelle je m’efforce depuis de consolider un appareil musculaire toujours trop chétif. Au-delà des innombrables exhumations d’enregistrements live qui se succèdent depuis la fin de l’histoire du groupe (consécutive à la mort de son leader Jerry Garcia le 9 août 1995) et qui peuvent recouper cette nouveauté, ce volume, dont le répertoire complète celui du premier, arbore les mêmes couleurs que son prédecesseur, celles de l’Ice Cream Kid de Kelley & Mouse, enfonçant encore un peu plus profond le coin de la nostalgie. 156 minutes qui déroulent une musique imprégnée de rhythm’n’blues, de folk, de rock et nimbée de longues improvisations culminant ici en une séquence de plus d’une heure avec l’enchaînement de « Dark Star » et « The Other One », témoignages encore très vivaces de la période psychédélique du Dead. Voilà un disque à recommander aux Deadheads qui n’auront pas les moyens de s’offrir pour la modique somme de 450 $ le monumental coffret de 66 CD rassemblant l’intégralité des 22 concerts donnés par le groupe à l’occasion de sa grande tournée européenne de 1972… Un coffret qui va fort heureusement connaître un très attendu éclatement, sous la pression amicale des fans réclamant à corps et à cris une parution individualisée. Je me dis que les concerts parisiens de l’Olympia traverseront prochainement l’Atlantique…

  • Coupe-file

    franck avitabile, edvard munch, centre pompidouRencontre impromptue hier avec le pianiste Franck Avitabile, venu découvrir l’exposition que le Centre Pompidou consacre au peintre norvégien Edvard Munch (une exposition qui mérite le détour, soit dit en passant). Une première petite conversation avant que chacun – lui d’abord en raison d’un timing musical assez serré dans l’après-midi – ne grimpe jusqu’au sommet du grand escalator avant une attente annoncée de plus de quarante minutes... finalement réduites à un petit quart d’heure. Ayant réussi à se faufiler habilement dans la file des visiteurs, notre artiste du jour a eu l’excellente idée de nous faire signe pour nous inviter à le rejoindre. Mes jambes ont approuvé !

  • Vertiges

    perrine_mansuy.jpgPerrine Mansuy présentait hier son Vertigo Songs, magnifique album dont j’ai récemment rendu compte pour Citizen Jazz, au Sunside, rue des Lombards à Paris. Un moment important pour elle et ceux qui l’entouraient. L’équipe était au complet puisqu’autour de la pianiste évoluaient Rémy Decrouy à la guitare, Jean-Luc Difraya aux percussions et la très charismatique Marion Rampal au chant. Cette musique, finement ciselée et hautement dosée en onirisme, aurait peut-être mérité un meilleur écrin que celui d’hier soir. Confort spartiate, scène plus qu’exigüe, acoustique incertaine, accueil peu chaleureux... Les clubs parisiens sont un passage obligé pour les artistes, qui doivent bien s’accommoder des conditions qu’ils leur offrent. Fort heureusement, le talent de Perrine Mansuy aura imposé le silence aux spectateurs les plus proches du bar. Une belle performance et un appel à ceux qui pourraient la programmer, parce qu’ils ne le regretteront pas. En attendant, achetez le disque !

  • Rebelle

    neil_young.jpgMon pote Gérard Nguyen vient de m’apporter un exemplaire de Neil Young, Rock’n’Roll Rebel?, le bouquin écrit par le journaliste JeanDo Bernard dont il a assuré la mise en page pour le compte des éditions Camion Blanc. Un double plaisir car passer une heure en compagnie de l’ami Gérard, c’est l’assurance d’une conversation passionnante qui va fourmiller des mille et une anecdotes qu’il raconte avec passion ; mais aussi parce que le bouquin, loin d’être une simple biographie, présente un angle d’attaque très intéressant : l’auteur analyse les prises de position du Canadien solitaire, tant au plan social que politique ou écologique, quitte à en souligner les contradictions. Voilà de belles heures de lecture en perspective !

  • Quatre-vingt-cinq

     

    coltrane.jpgSi la vie – ou plutôt la mort – en avait décidé autrement, John Coltrane fêterait aujourd’hui son quatre-vingt-cinquième anniversaire. Quels chemins le saxophoniste aurait-il fait emprunter à son parcours artistique ? Vers quelles contrées nous aurait-il emmenés ? Nul ne le saura jamais, même si l’on devine, parce qu’il l’avait dit, qu’il ressentait le besoin d’un foisonnement rythmique et que sa curiosité insatiable lui donnait des envies d’Orient. Le mystère reste entier : il nous appartient de puiser, encore et toujours, dans sa discographie foisonnante et de nous contenter du magnifique cadeau qu’il nous aura légué. En attendant la parution en import Japonais d’un double CD exhumant un concert à la Temple University de Philadelphie, le 11 novembre 1966, déjà partiellement édité.


  • Big Bands etc.

    Assez curieusement, la période estivale aura été pour moi placée sous le signe de ces formations élargies qu’on appelle Big Bands. Ceux-ci, à leur manière, m’ont en quelque sorte (pour)suivis sans que je ne m’en explique la raison.

    christophe dal sasso, pierre bertrand, bernica octet, françois jeanneau, billy cobham, pierrick pedron, amazing keystone big band, perrine mansuy, citizen jazzEn rédigeant mes dernières chroniques pour Citizen Jazz (ces dernières restant à paraître), j’ai d’abord connu l’immense bonheur de m’immerger dans la musique luxuriante de Christophe Del Sasso, dont le dernier Prétextes n’est rien moins qu’un enchantement de chaque instant : à la richesse des couleurs et des arrangements, aux textures soyeuses qui ne sont pas sans rappeler parfois l’Hymne au Soleil de Lionel Belmondo, viennent se superposer les élans tout aussi lumineux d’artistes accomplis dont les qualités d’improvisateurs se coulent naturellement dans le moule d’une écriture extrêmement précise. Citons parmi ces derniers les saxophonistes David El Malek et Sophie Alour, aux styles très opposés, le premier comme dans une longue quête intérieure et transcendantale, la seconde au jeu plus rugueux et presque géométrique ; Julien Alour à la trompette ; Jerry Edwards au trombone ; sans oublier le bouillonnant Pierre De Bethmann (claviers) et l’excellent Franck Agulhon (batterie), décidément toujours dans les bons coups !

    christophe dal sasso,pierre bertrand,bernica octet,françois jeanneau,billy cobham,pierrick pedron,amazing keystone big band,perrine mansuy,citizen jazzDans un style radicalement différent, plus directement festif, aux accents méditerranéens voire latino-américains, le Nice Jazz Orchestra emmené par Pierre Bertrand et ses complices niçois Christian Pachaudi et Alain Asplanato déboule sans complexe et affiche un groove revigorant, dynamité à chaque moment par ses solistes qui, comme le dit si bien le titre du disque, nous font un vrai Festival. On ne pourra que regretter plus encore la disparition brutale et bien trop précoce du trompettiste François Chassagnite dont l’expressivité éclate sur «My Funny Valentine» qui ouvre le disque. NJO donne la pêche, voilà qui ne fait aucun doute et nous rappelle que le même Pierre Bertrand, flanqué du trompettiste Nicolas Folmer, avait déjà bien fait parler la poudre avec son Paris Jazz Big Band. Quelle sera la prochaine ville mise en lumière ? A suivre...

    christophe dal sasso,pierre bertrand,bernica octet,françois jeanneau,billy cobham,pierrick pedron,amazing keystone big band,perrine mansuy,citizen jazzLe Bernica Octet (allez, soyons approximatifs, c’est presque un big band) récidive : son Very Sensitive publié en 2009 était déjà bien réjouissant. François Jeanneau et son combo lorrain emmené par le trompettiste René Dagognet y avançaient des arguments séduisants, là aussi sous la forme d’arrangements très soignés. Deux ans plus tard, les voilà qui reviennent avec une double galette très copieuse : si la seconde appelée Bric à brac peut être perçue comme la suite logique de Very Sensitive, il n’en va pas de même pour l’étonnant Périple en Soundpainting. Je ne reviendrai pas ici en détail sur cette technique gestuelle inventée dans les années 80 par Walter Thomson, mais il faut souligner que les inquiétudes qu’on pouvait formuler à l’idée de l’enregistrement d’une musique dont une large part est visuelle (les musiciens obéissant aux gestes du chef d’orchestre, selon un alphabet qui en comporte plusieurs centaines, on se dit que le soundpainting prend tout son sens sur scène) sont balayées avec cette heure de musique captées dans sa continuité. Il se passe énormément de choses tout au long de ce joyeux périple, et si l’on a coutume de dire que le diable se cache dans les détails, alors il s’agit bien d’une œuvre endiablée. A écouter attentivement, car voilà un projet captivant qui peut paraître parfois d’un abord complexe mais qui, en réalité, exprime à sa manière la réalité d’une musique vivante. François Jeanneau, toujours sur la brèche !

    christophe dal sasso,pierre bertrand,bernica octet,françois jeanneau,billy cobham,pierrick pedron,amazing keystone big band,perrine mansuy,citizen jazzJ’étais aussi très perplexe en écoutant la réédition d’un album sorti quelques années plus tôt, qui est à lui seul comme un défi : le HR Big Band, dirigé par Colin Towns invite le légendaire batteur Billy Cobham pour une relecture d’une bonne partie du répertoire du flamboyant Mahavishnu Orchestra créé au début des années 70 par le guitariste John McLaughlin après son adoubement dans les formations de Miles Davis puis de Tony Williams. Cobham, membre de la première mouture du groupe, avait révélé à cette époque un talent hors normes, qui ne s’est jamais démenti même si, pour être juste, il faut bien dire qu’il n’a depuis jamais trouvé un écrin aussi propice à l’expression de son drumming. Force est de connaître que la version big band du Mahavishnu a fière allure ! Oui, ça marche. Bien sûr, à l’écoute des grands thèmes du groupe (le HR Big Band a su faire un choix équilibré entre les quatre plus beaux de ses albums), on ne peut s’empêcher d’entendre les versions originales si captivantes, les élans foudroyants et mystiques, les dialogues comme autant de courses effrénées vers la la lumière entre McLaughlin et Jan Hammer, Jerry Goodman ou Jean-Luc Ponty. Mais la sauce prend et ce Meeting Of The Spirits mérite bien qu’on s’y attarde. Surtout qu’il laisse à Billy Cobham une place prépondérante, pour notre plus grande joie. 

    christophe dal sasso,pierre bertrand,bernica octet,françois jeanneau,billy cobham,pierrick pedron,amazing keystone big band,perrine mansuy,citizen jazzPas de disque, mais un concert récemment donné par l’Amazing Keystone Big Band au dernier festival de Vienne, le 5 juillet. Dans le cadre prestigieux du théâtre antique, ces jeunes musiciens (la plupart ayant des attaches lyonnaises, et notamment celle du club appelé La Clef de Voûte, les anglicistes comprendront...) ont offert une prestation très enjouée, à la fois dans le respect d’une certaine tradition du jazz (ils avaient pour l’occasion quelques invités prestigieux comme l’organiste Rhoda Scott ou le vibraphoniste Michel Hausser) et dans un mode d’expression qui privilégie l’énergie. Je n’étais pas de la fête, mais mon rejeton - lui-même saxophoniste alto du Keystone - m’a permis de visionner un DVD de cette soirée. Là aussi, beaucoup de joie dans le jeu, la même dose de plaisir dans l’écoute, avec en ce qui me concerne une petite pointe d’émotion de le voir au milieu de cette fête. 

    christophe dal sasso,pierre bertrand,bernica octet,françois jeanneau,billy cobham,pierrick pedron,amazing keystone big band,perrine mansuy,citizen jazzPeut-on parler de big band au sujet de Cheerleaders, le nouveau disque de Pierrick Pédron, qui sortira au mois de septembre ? Non... mais si, quand même un peu. Si la formation, celle de son précédent Omry, s’articule autour de six musiciens qui forment un sacré combo dont la musique doit autant au rock qu’au jazz, l’histoire de ces majorettes a nécessité l’adjonction d’une bonne quinzaine de musiciens pour l’enregistrement d’une suite de fanfares qui viennent ponctuer le récit que le saxophoniste nous propose. Entre rêve et réalité, entre fanfares évanescentes et lourdes charges à haute teneur en électricité, la musique de Pierrick Pédron s’affirme comme unique. Et surtout, le groupe a su se créer en peu de temps une vraie identité sonore. Attention, c’est du lourd, pour moi un disque essentiel. Un événement...

    christophe dal sasso,pierre bertrand,bernica octet,françois jeanneau,billy cobham,pierrick pedron,amazing keystone big band,perrine mansuy,citizen jazzPour paraphraser mon camarade Franpi, je pourrais terminer cette note en vous disant : et un disque qui n’a rien à voir !!! Oui, parce que je ne peux résister au plaisir de vous suggérer de prêter très vite une oreille attentive au disque du quartet de la pianiste Perrine Mansuy. Ses Vertigo Songs sont rien moins qu’enchanteurs, voire ensorcelants. Voilà un disque aérien, peuplé de rêves, habité par la grâce mais aussi par une pointe de folie à laquelle le chant de Marion Rampal (qui signe les textes) n’est certainement pas étranger. Il serait par ailleurs très injuste de ne pas citer l’autre moitié de ce quatuor fort passionnant : le guitariste Rémi Decrouy - dont le jeu subtile alterne impressionnisme et flammèches électriques - et le percussionniste Jean-Luc Difraya, qui marie pulsion et légèreté. A commander d’urgence ! Vous pouvez en écouter ici un extrait avant de vous ruer sur le site d’Abeille Musique...

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  • Thank You Friend

    françois cahen, zao, yochk'o seffer, magma, citizen jazz

    Il n’aura pas eu le temps de souffler ses 67 bougies. Né le 24 juillet 1944, le pianiste François Cahen vient de nous quitter, victime d’une crise cardiaque. Retour en quelques mots sur un grand monsieur dont les expériences musicales de ces quarante dernières années auront été autant de belles aventures.

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    Je compléterai cette note par une évocation plus personnelle qui nous fait remonter au milieu des années 90, si mes souvenirs sont exacts. Je me trouvais ce jour-là à Paris pour des raisons professionnelles et j’avais choisi, à l’heure du retour, de rallier à pied la Gare de l’Est. En passant à proximité du Duc des Lombards, j’aperçus une silhouette familière : François Cahen, avec ses faux airs du chanteur Carlos (le talent en plus, évidemment). Disposant d’un peu de temps avant de monter dans le train, j’étais allé à sa rencontre, histoire de lui dire combien sa musique m’avait accompagné. Nous avons parlé de Magma, bien sûr, mais aussi de Zao, fascinante expérience marquant sa complicité avec le saxophoniste Yochk’o Seffer. Homme particulièrement chaleureux, Faton m’avait aussitôt proposé de m’inviter au concert qu’il donnait ce soir là au Duc. On imagine mon émotion mêlée de la déception d’être obligé de la décliner, étant attendu à 300 kilomètres de là. En le quittant, j’ai perçu, de manière assez intense, que l’homme et sa musique ne faisaient qu’un : un cœur gros comme ça ! Ce cœur qui s’est trop vite arrêté de battre.

    En hommage à François Cahen, écoutons l'une de ses compositions : "Isis", extraite d'Osiris, deuxième album de Zao. Presque dix minutes de bonheur...

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    François Cahen
    (claviers), Yochk'o Seffer (saxophone), Joël Dugrenot (bass), Jean-My Truong (batterie).

  • Prysm - Five

    Prysm-Five.jpgUn disque sorti au printemps dernier qui brandit fièrement les couleurs d’une joie manifeste, celle des retrouvailles volubiles de vieux complices au meilleur de leur forme... Prysm est de retour : alléluia !

    Un bref rappel historique, sans doute pas inutile. Prysm est un trio (Pierre De Bethmann,Christophe Wallemme et Benjamin Henocq) de leaders-compositeurs, équilatéral, donc, et bien équilibré, qui connut le succès au milieu des années 90 au point de signer - privilège ! - chez Blue Note et de vivre quelques expériences internationales en compagnie de solistes de haut niveau (Lee KonitzPhilip Catherine ou Paolo Fresu), voire aux côtés de James Taylor à l’occasion d’une tournée américaine avec un orchestre symphonique. Ce trio aura été, il faut le souligner aussi, un animateur essentiel de la scène musicale pendant sept ans, jusqu’à sa dissolution après quatre albums unanimement salués : Prysm (1997), Second Rhythm (1998), Time (1999) et On Tour(2001).

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  • Un parfum d’éternité

    john coltrane, my favorite thingsConnaissez-vous ce phénomène un peu étrange – terriblement humain, sans nul doute – qui vous conduit vers telle ou telle musique selon l’heure du jour, la saison ou le temps qu’il fait ? Il est des artistes qu’on sollicitera plutôt un jour de soleil tandis que la grisaille siéra mieux à d’autres ; au petit matin, nos invités ne seront pas forcément les mêmes qu’au soleil couchant ; des musiques pour l’hiver, d’autres pour le printemps, dans une succession de mouvements harmonieux et inexpliqués. Et puis, dominant ces variations saisonnières ou journalières, se dessinent d’autres rythmes : de grands cycles, des univers qu’on veut parcourir dans toute leur immensité, en explorant dans une continuum méthodique – chronologique parfois – toutes les œuvres d’un musicien dont on se dit qu'il n’aura jamais fini de se livrer à nous. Comme par longues vagues pacifiques et créatives, pour nous nourrir, pour nous imprégner du sens qu’ils ont voulu donner à leur propre vie. Et que dire de cet univers « au-delà », celui des Maîtres, des référents, ceux-là même qui viennent un beau jour à notre rencontre pour devenir nos compagnons de toute une vie ? Finalement assez rares, ils sont autant de repères majeurs (qu’en aucun cas, je ne prendrai pour des guides car la tutelle spirituelle est toujours effrayante en ce qu’elle nous interdit de penser par nous-mêmes) pour nous qui ne devons jamais oublier de tourner notre regard vers le haut et tenter d’élever notre quotidien à un niveau qui surpasse la vulgarité ambiante, collée à nos basques.

    Au cœur du petit noyau des très grands vers lesquels je reviens sans cesse, il y a John Coltrane. Tout récemment, je n'ai pas hésité une seule fraction de seconde quand il s'est agi d'évoquer l'Afrique nourricière, à l'occasion du rendez-vous estival du Z Band, le collectif de blogueurs jazzophiles dont je fais partie. Coltrane bien sûr… Chaque jour ou presque, j'ai une pensée pour cet extra-terrestre dont, voici près de trente ans, j’ai acheté un album ensorcelant, une galette de vinyle au son incomparable qui continue de ma hanter, encore et encore ? Coltrane, évidemment, et son hypnotique interprétation de "My Favorite Things"… Le saxophoniste fulgurant, à la puissance sans égale, dont j’ai empilé un nombre, sinon incalculable, du moins vertigineux, de disques inépuisables ? Coltrane, forcément…

    Avec lui, j’ai appris la liberté de créer, le souffle mystique de l’inspiration, l’engagement total dans un art, l’expression d’une force surhumaine. Comme l’incarnation, non d’une vérité (quelle horreur !), mais de la plus totale fidélité à un idéal, exempt de toute vulgarité, gorgé d'une sève généreuse et habitée, dans un parfum d’éternité. Une musique qui touche à l'essentiel.

    Respect absolu. Incitation à l’humilité.

    Je ne veux pas en dire plus, parce que les mots peuvent s’avérer insuffisants pour exprimer. Si les miens peuvent simplement suggérer, alors ils auront déjà rempli une belle mission.

    Je vous laisse en bonne compagnie, celle de John Coltrane et de ses musiciens (McCoy Tyner : piano, Elvin Jones : batterie, Jimmy Garrison : contrebasse, Eric Dolphy : flûte) enregistrés en 1961. Ils nous offrent une version (parmi beaucoup d’autres) de « My Favorite Things ».

  • Chaud devant !

    Je vous ai donné beaucoup (trop ?) à lire avec ma note consacrée au monumental Africa / Brass Sessions de John Coltrane. Aussi, ce n’est pas sans un certain plaisir mâtiné de la fierté du nigaud parvenu à délacer ses chaussures sans les entortiller en un nœud définitif, le soir en rentrant du boulot, que je vous propose un retour en arrière plus visuel qu’écrit sur une soirée festive à laquelle il m’a été donné d’assister tout récemment.

    electro deluxe, big band, new morningMais que les choses soient claires, afin qu’on ne me suspecte pas de partialité paternelle : si je me suis rendu lundi soir au New Morning pour voir (et écouter) le concert d’Electro Deluxe version Big Band, c’est bien à l’origine parce que, parmi les treize soufflants que le groupe s’était adjoints pour l’occasion, se trouvait un saxophoniste connu de certains sous l’identité de Madjazz Boy et qui, par ailleurs, doit assumer avec courage et ténacité depuis un peu plus de 26 ans le fait d’être mon fils. Cette relation père-fils étant ainsi déclarée, je me sens d’autant plus libre d’écrire ici, indépendamment de toute appréciation à caractère familial, le plaisir qui aura été le mien de vibrer durant plus de deux heures dans une moiteur souriante à une musique fiévreuse et ruisselant d’un groove bienfaisant. Quel bonheur en effet – malgré une température ambiante rien moins que tropicale – de pouvoir dire noir sur blanc (ou plutôt blanc sur noir) que cette soirée aura été une absolue réussite, un de ces moments dont on sait au moment précis où on les vit qu’ils sont là, pour toujours, inscrits quelque part dans notre mémoire pourtant si anarchique et chaque jour plus incertaine.

    Electro Deluxe jouait à guichets fermés dans un New Morning plein comme un œuf : son line-up de base (Gaël Cadoux aux claviers, Arnaud Renaville à la batterie, Jérémie Coke à la basse et Thomas Faure au saxophone mais aussi, et surtout pour ce qui nous concernait ce soir-là aux arrangements, totalement réécrits pour l’occasion – un super bravo, Thomas !) a bénéficié du renfort de cinq saxophonistes, quatre trompettistes et quatre trombonistes. Excusez du peu ! Dès les premières secondes de sa mise à feu, l’ensemble a fait parler la poudre, interprétant pour l’essentiel le dernier disque, Play, proposant un petit retour sur Stardown avec « Point G » ainsi que sur Hopeful pour une reprise charnue du « Stayin’ Alive » des Bee Gees. Le feu d’artifice était prêt, totalement dynamité par la présence survoltée du chanteur James Copley, qui n’a pas ménagé son talent ni sa transpiration pour communiquer au public une fièvre chargée d’un pulpeuse pulsion : ici, sur un tapis jazz et funk dont l’épaisseur cuivrée me rappelait parfois les belles heures du groupe Chicago (en particulier la période de son album V) planaient les ombres d’Otis Redding, de Stevie Wonder et de bien d’autres, bref de toute celle soul music qu’on aime, celle de la Motown, dont pas un seul instant l’âme ne fut confite dans un passé idéalisé par la nostalgie, mais bien au contraire en prise directe avec le ressenti de notre époque : en témoignait la présence de 20Syl, le rappeur d’Hocus Pocus, lors de la dernière partie du concert. Et pour que la fête soit encore plus belle, les deux chanteurs de Because Of Lily (qui avaient assuré une courte et néanmoins chaleureuse première partie) sont venus ajouter leurs voix à celles qui, déjà, nous donnaient beaucoup.

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    [Electro Deluxe Big Band au New Morning]

    Et ton fils dans tout ça ? Ecoutez… ça me gêne un peu d’en parler, parce qu’il était 1/13e du Big Band, pas plus. Mais je vous accorde volontiers qu’il aura eu le privilège de quelques minutes bien à lui lorsqu’il a entrepris l’ascension d’un petit chorus comme il en a le secret sur « Point G ». Et là, c’est toujours pareil, papa a le trac, papa sent son pacemaker qui envoie du courant, papa se sent un tout petit peu responsable d’avoir occasionné indirectement cette exhibition talentueuse, papa se dit qu’il aurait dû obliger son fils à aimer... les maths, la physique, la chimie, à devenir ingénieur ou je ne sais quoi… Un truc bien utile, sérieux avec un costume et une cravate, pas comme la musique et ses saltimbanques dépenaillés… Mais bon, papa quand même un peu fier surtout, hein, mais pas trop, non non, juste content d’être là au bon moment et de participer à la fête. Et puis, je sais pour avoir tendu l'oreille ici ou là que ce moment a été fort prisé du public.

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    [Pierre "Madjazz Boy" Desassis]

    Zut, c’est encore trop de lecture, alors pour me faire pardonner, je vous offre : quelques photos et une vidéo de mon crû, auxquelles j’ajoute un échantillon de petits témoignages filmés trouvés sur la Toile. J’espère qu’ils vous donneront une bonne idée de l’ambiance survoltée qui régnait en ce 20 juin 2011.

    Autant vous dire qu’avec cette bonne grosse dose de musique survitaminée, je n’ai pas un seul instant ressenti le besoin, vingt-quatre heures plus tard, de déambuler à la fraîche dans les rues de Nancy pour slalomer entre les canettes de bière et des passants titubants aux yeux rougis par l’alcool. Je ne sais plus comment on appelle ça. Ah oui, la fête de la musique…

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    [James Copley]

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    [Thomas Faure]


    Et pour quelques minutes de plus, un petit bouquet de vidéos...




  • Parhélie "live"

    Le trio Sphère (Jean Kapsa : piano, Antoine Reininger : contrebasse ; Maxime Fleau : batterie) vient de publier un bel album appelé Parhélie. Ce disque est d’ailleurs l’objet de la chronique que j’écris actuellement pour Citizen Jazz, un texte que vous pourrez (si vous le voulez, bien sûr, je ne peux pas vous y obliger…) lire prochainement en ligne sur le site du magazine. Tout m’indique que je vais proposer qu’il soit classé dans la catégorie « Élu » tant je suis sensible à l’alchimie très séduisante que ces trois jeunes musiciens (ils ont l’âge de mes enfants, eh oui…) ont su créer : un disque extrêmement mélodique, habité d’une retenue qui témoigne de leur grande maturité et sur lequel leurs improvisations sont toujours convaincantes, comme le fruit naturel de leur travail et de leur connivence. Le trio manifeste un bel équilibre qui, à n’en point douter, est implicitement évoqué dans le titre de son premier disque.

    Je n’évoquerai donc ici Parhélie qu’indirectement, après avoir pu assister dimanche soir à un concert de la formation au Théâtre du Petit Hébertot à Paris (Zacharie Abraham remplaçant Antoine Reininger, engagé ailleurs). Dans le cadre intime de cette salle chaleureuse, les trois musiciens ont largement confirmé le bien que peut inspirer leur disque. Surtout, il nous ont montré que cet équilibre dont le centre est variable mais constant – là est bien le sens de ce parhélie musical – s’appuie sur de belles énergies reposant sur des personnalités différentes : presque timide, Jean Kapsa porte un discours souvent méditatif, il sait ne pas jouer une note quand elle n’est pas nécessaire et nous épargne les grands effets de manche et les chevauchées acrobatiques sur son clavier. Maxime Fleau, de son côté, est plus l’homme de la tension, d'une expression progressive de la puissance de son jeu. Remplaçant du moment, Zacharie Abraham a su trouver sa place (on imagine volontiers que l’exercice consistant à s’insérer dans un espace occupé par un autre depuis trois ou quatre ans n’est pas des plus aisés), discrètement mais sans faille néanmoins.

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    Le trio Sphère au Théâtre du Petit Hébertot - Paris, le 29 mai 2011.

    La petite conversation que j’ai pu avoir avec les musiciens après le concert a fini de me convaincre : voilà des artistes humbles et sincères, dont les horizons musicaux ne sont pas finis et qui regardent devant eux. Sphère a proposé une composition inédite ; lors de l’interview, nous avons pu aussi parler de l’autre groupe dont ils sont les membres actifs, Festen, et d’un projet de second disque. Attention : Sphère et Festen sont deux entités bien distinctes, aux esthétiques différentes. Par son approche, le premier est typiquement jazz, quand le second est manifestement porté par une vibration qui lorgne avec bonheur du côté du rock. Mais ce sont les mêmes êtres humains qui interagissent, c’est le même sang qui coule dans les veines des deux formations.

    Des formations que je surveille de près, croyez-le bien, parce qu’elles annoncent une génération d’artistes qui connaissent l’histoire du jazz sur le bout des doigts (voire de la musique classique : pour la petite histoire, on soulignera que Maxime Fleau, avant d’être batteur, a suivi un cursus de clarinettiste) mais qui savent lui adjoindre d’autres chapitres, sans le moindre complexe. Inutile de dire que leur cocktail a tout pour me plaire…

    En écoute, quelques minutes du concert au Théâtre du Petit Hébertot, avec un extrait de "Sept lieues sous les mers".
    Jean Kapsa (piano), Zacharie Abraham (contrebasse), Maxime Fleau (batterie). La captation privilégie (involontairement) le son de la batterie, mais le son d'ensemble me paraît écoutable...

    podcast

    PS : l'illustration est un montage un peu rustique... Parisien d'un jour sans appareil photo, j'ai dû faire avec les moyens du bord : plusieurs clichés pris avec mon téléphone, avant un petit rafistolage informatique, histoire de présenter le trio d'un seul coup d'œil...

  • Essais de portraits...

    Une fois n’est pas coutume – et voilà que je me rends compte de ma trop longue absence bloguesque… enfin, quand je dis trop longue, je parle pour moi, pour vous, je ne sais pas – je vais vous donner plus à voir qu’à lire. Chers lecteurs, ayez suffisamment d’indulgence envers mon humble personne pour comprendre que le travail d’écriture que j’entreprends régulièrement pour Citizen Jazz devient à mes yeux prioritaire (ce que vous n’avez pas manqué de comprendre au fil des liens présents sur cet espace) et que se forme tout doucement un ensemble qui, à défaut d’être cohérent, se révèle plutôt chronophage… Car mes activités ici présentes seront prochainement (à la fin de l’année) complétées par le premier volume de la série de cinq livres en chantier du côté de par ici… Chroniques, blog, évocations plus personnelles… Autant de fragments, certainement vains, mais ô combien stimulants ! 

    Mais je tenais à souligner ici que la période récente aura été pour moi celle d’une magnifique série de concerts…

    Pensez-donc : en moins d’un mois, j’aurai pu assister à un concert du Bernica Octet venu présenter son nouveau disque Périple en Soundpainting / Bric-à-brac dont la chronique est à venir sur Citizen Jazz : François Jeanneau et sa bande de complices lorrains auront fait la démonstration de leur énergie communicative et d’une inventivité réjouissante que le recours à cette technique musico-gestuelle qu’est le soundpainting a bien mis en évidence. Et même si, après leur prestation, les musiciens recensaient une à une les imperfections de cette soirée (je ne suis pas certain de les avoir toutes détectées…), force est de constater que le public venu les encourager à la MJC Pichon de Nancy en est sorti plutôt souriant. Et j’en étais !

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    François Jeanneau (Bernica Octet)

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    Bernica Octet (Denis Moog)

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    Bernica Octet (Pierre Boepsflug)

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    Bernica Octet (Jean-Luc Déat)

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    Bernica Octet (Christian Mariotto)

    Quelque temps après, c’était le début du Marly Jazz Festival avec pour première soirée un concert de Stefano Di Battista venu, lui aussi, présenter son nouvel album, Woman’s Land (dont je suis en train d’écrire la chronique pour… qui vous savez). On oubliera vite la soporifique première partie pour mieux souligner la verve lyrique du saxophoniste italien, magnifiquement épaulé par ses acolytes au rang desquels il faut mentionner la présence de deux musiciens américains de haut vol : le batteur Jeff Ballard (par ailleurs membre du trio de Brad Meldhau) et le guitariste Jonathan Kreisberg dont le jeu se marie à la perfection au flux envoûtant et débordant de sève de celui de Di Battista. Retenez bien le nom de ce monsieur (qui a déjà plusieurs albums à son actif : prêtez une oreille attentive au tout dernier appelé Shadowless), qu’il m’a été donné d’apprécier avant le concert dans une démonstration inédite de guitare-trampoline… À chacun ses privilèges !

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    Stefano Di Battista

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    Jonathan Kreisberg

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    Un exercice de guitare-trampoline...

    Le surlendemain, voici le quartet du très grand Renaud Garcia-Fons : on sait peut-être que je lui voue une grande admiration, qu’il m’a déjà été donné d’évoquer ses disques ICI ou mais le plaisir de le voir sur scène est si rare que l’annonce de sa venue au Théâtre Gérard Philippe de Frouard m’a fait courir comme un lapin traqué par un chasseur à la rencontre vivante de sa musique qui transpire l’amour du sud et de la Méditerranée. Son quartet Linea del Sur a fait merveille : David Venitucci à l’accordéon, Kiko Ruiz à la guitare, Pascal Rollando aux percussions et, bien sûr, Renaud Garcia-Fons à la contrebasse), suscitant trois rappels de la part d’un public ayant rempli la salle. On ne sait ce qu’il faut le plus admirer : la virtuosité de l’ensemble ? l’extrême humilité avec laquelle le contrebassiste se présente sur scène ? la chaleur très communicative qui émane de ses mélodies ? Une seule certitude : cette soirée était lumineuse à force d’ensoleillement.

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    Renaud Garcia-Fons (Quartet Linea Del Sur)

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    Kiko Ruiz (Quartet Linea Del Sur)

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    David Venitucci (Quartet Linea Del Sur)

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    Pascal Rollando (Quartet Linea Del Sur)

    Comme si cette forte dose de musique ne suffisait pas, le lendemain m’emmenait une nouvelle fois à Marly pour un concert du trio d’Avishai Cohen. Sacrée affiche, une fois encore, et bravo aux organisateurs. Le contrebassiste a soulevé la salle, il ne fait qu’un avec son instrument et son chant ladino est toujours aussi émouvant. Un concert comme un seul souffle… À ses côtés, le fidèle Shai Maestro au piano et le jeune Amir Bresler à la batterie (un peu bavard parfois, mais reconnaissons-lui un vrai sens du spectacle). La réussite de cette soirée de clôture aura été d’autant plus éclatante que se produisait en première partie un passionnant combo parisien aux accents zorniens (et admirateur déclaré de John Hollenbeck) : dans sa formule originale (saxophone, vibraphone, tuba, batterie), et sous la houlette de son fondateur Julien Soro, le Big Four Quartet a bien réussi son coup, il ne fait pas de doute qu’on reparlera de ces musiciens très impliqués dans leur musique.

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    Big Four Quartet (Julien Soro)

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    Big Four Quartet (Stephan Caracci)

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    Avishai Cohen

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    Shai Maestro (Avishai Cohen Trio)

     

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    Amir Bresler (Avishai Cohen Trio)

    D’autres scènes vont venir, très vite : demain, ce sera Louis Sclavis avec une soirée qui associera sa formation Lost On The Way et l’Ebony 5tet  dans la belle salle de l’Arsenal de Metz ; dimanche soir, au Théâtre du Petit Hébertot (Paris), le concert du trio Sphère à l’occasion de la sortie de son premier (et très beau) disque Parhélie (chronique en cours pour… etc etc). Il ne faudra surtout pas manquer le Grand Bernica au Festival Music Action de Vandœuvre-lès-Nancy le 3 juin : plus de 80 artistes sur scène, ça mérite d'être vu ! Retour enfin à Paris le 20 juin pour voir Electro Deluxe Big Band au New Morning : mon Madjazzboy de fils sera de la fête, j’espère pouvoir en revenir avec quelques instantanés.

    À propos de photographies : je suis bien loin de maîtriser toutes les subtilités de mon petit NEX-5, surtout lorsque je lui adjoins un drôle de zoom surdimensionné… Celles que vous pouvez voir sur cette note sont à prendre pour ce qu’elles sont : des tentatives (plus ou moins réussies) de portraits, à travers lesquels j’aimerais que puisse au moins transparaître la foi de ces artistes en leur musique. Ce serait déjà un début de réussite, même si je connais bien mes limites. Ne s’appelle pas Jacky ou Hélène qui veut…

    NB : l’exercice de guitare trampoline a été capté avec les moyens du bord, l’appareil photo de mon vieil iPhone…