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Entendu - Page 23

  • Quartet

    Agulhon, Imbert, Legnini, Pédron. Bingo ! Il est toujours très agréable de braver simultanément la nuit, l'hiver lorrain et les brumes spinaliennes pour s'apercevoir que quatre musiciens de jazz peuvent faire "théâtre comble" dans une ville de taille moyenne et recevoir un accueil enthousiaste de la part d'un public par ailleurs reconnaissant du travail effectué depuis la veille par ces artistes pour partager leur passion de la musique avec quelques stagiaires. Soit une bonne douzaine d'élèves présents sur scène le temps de jouer deux compositions répétées avec leurs enseignants d'un week-end.

    Réunis pour la première fois - on espère avoir assisté au début d'une nouvelle histoire - Franck Agulhon, Diego Imbert, Eric Legnini et Pierrick Pédron ont ensuite distillé un répertoire tonique puisant aux sources de quelques standards ("I Can't Get Started", "Lover" ou "I Hear A Rhapsody") mais aussi de compositions originales ("Waltz For A King" et "Tune Z" pour Pierrick Pédron, "Guet Apens" pour Diego Imbert ou "Big Boogaloo" pour Eric Legnini).

    Lyrisme, complicité, joie de faire rayonner un art maîtrisé mais toujours en mouvement : merci à eux quatre ! Cette soirée du 16 janvier à Epinal était sans le moindre doute à mettre au compte des moments qui vous regonflent d'une énergie salutaire.

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    De gauche à droite : Eric Legnini (piano), Diego Imbert (contrebasse),
    Pierrick Pédron (saxophone alto), Franck Agulhon (batterie).

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    En écoute : les trois premières minutes du concert et un extrait de "Waltz For A King" (Pierrick Pédron).

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    Allez, pour une fois... Je m'autorise un petit clin d'œil en direction d'un disque, Soul Game, enregistré par la chanteuse Sophie Darly, qu'il m'est assez difficile d'évoquer dans les colonnes internautiques de Citizen Jazz. Je m'y serais volontiers attelé, mais la rédaction d'une chronique aurait manifesté de ma part une curieuse façon d'être juge et... génétiquement partie. Mais ici, dans cet espace sur lequel j'exerce une autorité sans partage - j'évoque ici mon blog, ah, ce plaisir d'une petite dictature personnelle, d'un royaume virtuel sur lequel on fait régner un ordre absolu ! - pourquoi, après tout, me refuserais-je le droit de partager le plaisir qu'on peut avoir à écouter son Mad Jazz Boy de fils exercer son talent de saxophoniste au service d'une musicienne ? Le talent, justement, il n'en manque pas le bougre, d'ailleurs, à l'alto comme au ténor, mais je m'en tiendrai là en matière de compliments pour éviter les railleries... Le pôpa et son p'tit garçon, j'entends d'ici les ricanements... Rien de tout cela donc, allez plutôt faire un petit tour sur le My Space de Sophie Darly. Vous pourrez y écouter de larges extraits de son disque (Hé, vous savez quoi ? Même que sur le premier titre en écoute, « Land Of Thousand Boys », on entend vachement bien le saxoph... ah, juste, j'ai oublié que je ne devais pas en parler) qui balance tranquillement entre blues et jazz et vous offrira un joli moment de musique. Icing cherry on the cake, vous pourrez même acheter le CD ou, si vous en préférez la version dématérialisée, le télécharger on ne peut plus légalement sur la plate-forme d'iTunes. C'est chouette, non ? D'habitude, j'aime pas trop la pub, mais là, allez savoir pourquoi, elle m'est sympathique...

  • Alchimistes

    Au début du mois de mars 1991, Kenny Barron (piano) et Stan Getz (saxophone ténor) investissaient le Café Montmartre de Copenhague pour une série de quatre concerts en vue de l'enregistrement d'un double album, People Time, qui sera publié en 1992.

    cover.jpgC'est au cours de l'année précédente, alors qu'ils jouaient en quartet, que les deux musiciens eurent l'idée de ce duo enchanté, habité par la grâce. Malgré la maladie qui va l'emporter trois mois plus tard, malgré l'épuisement dans lequel le laisse désormais chacune de ses interventions, Stan Getz assume pleinement son rôle et tutoie, un peu à l'avance, les anges qu'il ne tardera pas à charmer quelque temps plus tard, là-haut dans le ciel étoilé des artistes. Kenny Barron, quant à lui, rayonne à chaque instant et offre au saxophoniste un écrin incomparable, pour une somptueuse visite de grands standards tels que : « Stablemates », « There Is No Greater Love », « I Wish You Love », « Bouncing With Bud », « Like Someone In Love » ou l'éponyme « People Time » de Benny Carter. On vise ici l'éternité, les deux artistes n'ayant de toutes façons plus rien à prouver à qui que ce soit. Objectif atteint, tant la musique jouée, ou plutôt vécue, durant ces quatre soirées, est empreinte d'une magie qui laisse sans voix, chaque note semblant comme suspendue au-dessus de nous dans un air pur dont la respiration vous rend plus léger qu'une plume.

    Et voici qu'en cette fin d'année 2009 nous est proposée l'intégrale des quatre concerts, soit un coffret de sept disques pour une somme de sept heures de musique. Cet enregistrement intégral, People Time - The Complete Recordings, à prix plus que raisonnable, est à classer d'emblée parmi les « must have » d'une discothèque sélective. Kenny Barron et Stan Getz transforment en or massif ces mélodies cent fois jouées et nous emportent vers le meilleur, exempt de toute faute de goût et de toute vulgarité pesante. Le quatrième concert, celui du 6 mars, ne comportera qu'un seul set, tant Stan Getz était au plus mal ce soir-là. Les deux hommes se produiront une dernière fois quelques jours plus tard à Paris, avant que le saxophoniste ne rentre aux Etats-Unis pour une séance de chimiothérapie qu'il envisageait avec optimisme. En vain, le crabe serait le plus fort.

    Ce disque testament nous prouve à quel point la force vitale et l'urgence qui habitaient ces duettistes vibraient dans chacune des notes jouées. C'est là le miracle de People Time.

  • Stabat Akish

    Jeunes pousses. Voici la quatrième publication du « Z Band » pour l'année 2009, et la neuvième depuis la naissance de ce collectif né en 2007, dont le cercle s'élargit petit à petit. C'est une excellente nouvelle... Pour coïncider avec l'hiver, nous avons curieusement choisi un thème qu'on aurait plutôt imaginé voir éclore au printemps, celui des « jeunes pousses », en d'autres termes des artistes prometteurs que chacun d'entre nous espère voir grandir dans les années à venir. Ici, il sera question d'une formation culottée, totalement décomplexée, dont la musique savante et débordante de vitalité créative se paie le luxe d'avoir été repérée par le grand John Zorn, au point que le saxophoniste new-yorkais leur a ouvert les portes de son label, Tzadik. Réunis en 2007 sous la direction de son jeune contrebassiste compositeur Maxime Delporte (trente-trois ans, né à Johannesburg et devenu toulousain quelque neuf ans plus tard), les six de Stabat Akish constituent une révélation dont il est certain qu'elle ne peut laisser indifférent. Je vous propose de partir à leur découverte, sous la forme d'une petite revue de presse à ma façon.

    Je remercie dès à présent Jean-Luc Karcher qui a bien voulu mettre à ma disposition quelques unes des très belles photographies qu'il a prises durant le concert de Stabat Akish à Nancy.

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    L'histoire qui me lie à Stabat Akish est un peu bercée par le hasard : on a beau être à l'affût de toute nouveauté, guetter les musiciens qui inventent, chercher ailleurs ce qu'on ne trouve pas ici, il arrive parfois qu'on passe à côté de ce qui, pourtant, relève de l'évidence. Malgré l'abondance des informations qui peuvent submerger le chroniqueur lambda d'un chouette magazine comme Citizen Jazz, malgré la régularité du flux des nouvelles que nous déverse notre rédactrice en chef et qui est comme notre pain quotidien, on réussit à ne pas capter l'écho d'une musique qui aurait dû vous interpeller tant son propos est enthousiasmant. Oserai-je confesser que j'ai accompli l'exploit de ne pas lire la chouette prose d'un collègue rédacteur qui, voici quelques mois, disait tout le bien qu'il pensait de Stabat Akish ? Il ne m'en voudra pas, j'en suis certain, de le citer, lui qui écrivait : « Le groupe possède une puissance de feu rythmique ahurissante autour de laquelle se construit une mélodie urbaine faite de phrases courtes et de cassures permettant - dans un chaos tout à fait travaillé - d'irradier le propos d'autres influences, servi en cela par des musiciens tirant tous dans le même sens, pour tendre si possible vers un groove chauffé à blanc. » Franchement, je pense qu'une telle phrase suffit à vous donner une idée assez précise de ce qui vit dans cette musique tourmentée, imprévisible et qui ne se dépare jamais d'une bonne dose d'humour. Je vous invite d'ailleurs à lire l'intégralité de cette chronique rédigée à l'occasion du premier (et pour l'instant unique) disque de cette bande d'agités de la portée que sont les six musiciens qui forment Stabat Akish. C'est ICI, pour en savoir plus.

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    Ce camarade de chronique, le normand Franpi pour ne pas le citer, avait récidivé sur son blog et formulé de bien belles choses au sujet de Stabat Akish. Eh bien, oui, celles-là également m'ont étrangement échappé. Pourtant, tout était écrit pour que n'importe quel « truffe en l'air » dans mon genre se précipite pour en écouter plus ! Quand un amoureux du jazz écrit : « Les influences de Stabat Akish sont multiples, foutraques, mais avant tout urbaines, lorgnant tant vers un rock sautillant et psychotrope que vers un jazz puissant et versatile ou vers les complexités d'écritures d'une musique contemporaine qui ne serait pas déconnecté de son temps. Le propos peu sembler parfois malicieux, il est surtout ardent, s'offrant parfois au gré des surenchères des deux saxophonistes et de Guillaume Amiel, vibraphoniste remarquable, des moments de pur groove. », en temps normal, j'y vais, je fonce tête baissée ! Parce qu'on est habité par la certitude que quelque chose se passe, qui doit nous mettre en émoi. Tiens, puisqu'on en est aux recommandations de bonnes lectures, allez donc voir ce qui s'écrit chez Franpi dont j'adore les « photos qui n'ont rien à voir » !

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    Du côté des « grands » quotidiens, on a parlé de Stabat Akih aussi. Libération y est allé de sa contribution enthousiaste à l'occasion d'un article consacré aux Nancy Jazz Pulsations : « Difficile à définir car fortement irrigué, l'univers zapping aux multiples dynamiques de Stabat Akish se peuple autant des ombres du rock progressif 70's façon King Crimson que des compositeurs russes de la fin du XIXe siècle, tel Prokofiev. Si la référence à Zappa est inévitable, à cause d'un penchant non dissimulé pour «l'absurde et l'aléatoire à la manière des Monty Python», comme le précise Maxime Delporte, contrebassiste et leader du groupe, «il y a aussi des références à Charles Mingus, aux musiques de films et à la bande dessinée».

    Pas mal, non ? Eh bien, malgré cette épaisse et gourmande couche de compliments, j'ai trop longtemps ignoré la joyeuse bande des toulousains de Stabat Akish.

    Par conséquent, en ce mardi 13 octobre 2009, alors que Nancy Jazz Pulsations battait son plein et que je savourais à l'avance le bonheur d'un concert d'Univers Zéro, j'ignorais le plaisir qui me gagnerait en première partie de leur belle et intemporelle prestation. Je ne savais pas que le drapeau de Stabat Akish claquerait au vent comme il le fit durant une heure. Ah le beau concert ! Quel cadeau ! Vous pouvez lire maintenant le court texte que cette prestation m'inspira et qui constitue l'un des quatorze comptes-rendus écrits pour Citizen Jazz. A n'en pas douter, c'était l'un des temps très forts de la trente-sixième édition du festival.

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    « Il ne faut que quelques secondes pour comprendre pourquoi Stabat Akish, jeune groupe toulousain, a séduit le grand John Zorn au point que ce dernier leur ouvre les portes de son label Tzadik. Voici en effet une formation dont la musique vous cingle instantanément la figure tant elle est survoltée, virtuose et d'une complexité rythmique qui laisse d'autant plus pantois qu'elle est servie par de splendides arrangements. Une heure de musique qui passe comme si les minutes duraient quelques secondes... Entièrement composé par son leader, le contrebassiste Maxime Delporte, le répertoire est tiré de l'album Stabat Akish, à l'exception d'un inédit (« La serrure »). Splendide terrain de jeu où s'épanouissent le tourbillonnant Guillaume Amiel (vibraphone, marimba), Marc Maffiolo (saxophones ténor et basse), Ferdinand Doumerc (saxophones, flûte), Rémi Leclerc (claviers) et Stéphane Gratteau (batterie). Cerise sur le gâteau, ce petit monde très sympathique ne manque pas d'humour : on le débusque aussi bien à la lecture de certains titres (« La vache kiwi », « Dynamite cassoulet ») que dans leur nouvelle et temporaire dénomination à l'occasion de ce concert à Nancy : « Blaster Center » se trouve ainsi rebaptisé... « Stabat Akish Lorraine ». On ne saurait mieux dire pendant les NJP et c'est avec une vraie gourmandise qu'on déguste un final en forme de sound painting sous la conduite de Marc Maffiolo. Belle révélation, qui devrait occuper une place de premier plan sur la scène musicale d'avant-garde. C'est tout le mal qu'on souhaite à ce groupe profondément original ».

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    cdsa.jpgVous savez quoi ? J'étais à peine rentré chez moi après ce concert qu'en quelques clics, j'avais commandé sur Internet le disque de Stabat Akish qu'un facteur bienveillant déposa dans ma boîte aux lettres quelques jours plus tard. Et là, dès les premières secondes de « La baie des anchois », j'ai pu sans peine retrouver tout ce qui m'avait transporté la semaine précédente : la générosité des compositions, la précision maniaque des arrangements, les syncopes et les ruptures incessantes, comme autant de rebondissements du scénario d'un film d'aventures un brin déjanté, voire d'un dessin animé un peu fou. Ces types-là peuvent se permettre de mobiliser une belle culture musicale sans jamais faire montre de la moindre cuistrerie. Parce que si leurs connaissances sont impressionnantes - on pourra relire plus haut quelques exemples de leurs influences - elles sont chez eux parfaitement assimilées et donnent naissance à un assemblage très prometteur. On n'en voudrait presque à Maxime Delporte et ses camarades de nous proposer quarante minutes de musique seulement ! Le disque de Stabat Akish est court, mais d'une densité de chaque instant qui vous happe. Surtout, il possède cette précieuse qualité de ne se découvrir réellement qu'au fil des écoutes, ce qui est la marque de l'élégance des grands artistes. Il y a de l'invention dans l'air chez Stabat Akish et c'est tant mieux ! Dans chaque composition se nichent mille trouvailles qui sont autant de propositions d'aller voir un peu plus loin, qu'il est possible de développer ou de combiner en autant de nouveaux petits univers autonomes. Stabat Akish, d'une certaine façon, ressemble à une stimulante séance de remue-méninges.

    Voilà par conséquent une jeune pousse dont on surveillera attentivement la croissance en espérant que ses bourgeons seront les plus nombreux possibles. Allez, c'est dit : plus tard, quand je serai grand, je serai jardinier !

    On peut commander le disque de Stabat Akish ICI par exemple ou bien directement sur le site de Tzadik.

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    En écoute, "La Baie des Anchois", qui ouvre l'album.

    Les autres textes du Z Band (liste en cours)

    Jazz à Berlin : Peter Van Huffel

    Jazz à Paris : Sylvaine Hélary

    Jazz Frisson : Parc-X Trio

    JazzOCentre : Benoit Lavollée Trio

    Ptilou' Blog : Nenad Gajin

    Mysterio Jazz : Tyondai Braxton

     

  • Retour

    gong_2032.jpgChouette, les Octave Doctors sont de retour ! Et croyez-moi, ça fait du bien ? Comment, vous ne les connaissez pas ? Ces mystérieux habitants d'une planète pacifique et invisible aux yeux des humains appelée Gong qui étaient venus faire un tour du côté de chez nous à l'époque où ils espéraient très fortement que la Terre pourrait elle aussi délivrer un message de paix. C'était à la fin des années 60... avant que, plus tard, ils ne décident de rentrer chez eux, un brin désappointés. Mais les voici qui reviennent, enfin, pour nous faire une généreuse offre de services en ce moment décisif dans l'histoire de notre planète si malade. Bon, soyons honnêtes : ce n'est pas moi qui le dis, mais eux !

    Le plus réjouissant dans ce come back, c'est que l'équipe est presque au complet, celle de la grande époque, qui avait engendré la trilogie Radio Gnome Invisible. On dirait même que ce petit monde est en pleine forme : Deavid Allen, l'âme du groupe ; Steve Hillage, plus flamboyant que jamais à la guitare ; Mike Howlett à la basse ; Miquette Giraudy aux claviers ; Gilli Smith, désormais septuagénaire mais toujours à la voix et au « soupir spatial ». Sans oublier un invîté de luxe en la personne de Didier Malherbe qui vient à nouveau souffler avec ses vieux complices. Quant à Chris Taylor à la batterie, il ne m'en voudra pas, je pense, d'imaginer que si Pierre Moerlen n'avait pas été gagné par la stupide idée de mourir beaucoup trop tôt, il serait lui aussi de cette fête appelée 2032. Parce qu'il s'agit bien d'une véritable fête, pas du tout passéiste mais au contraire parfaitement ancrée dans notre époque. Et le rock aux envolées psychédélicosmiques de Gong sait se parer aujourd'hui de quelques belles couleurs du temps, ici électro, là hip hop comme dans « How To Stay Alive », tout en conservant son identité un peu folle, celle d'une imagination qui reste débordante et débridée.

    On ne boudera pas son plaisir en écoutant, comme aux plus belles heures, Steve Hillage nous délivrer de magnifiques soli de guitare, pleins de rage et d'effervescence spatiale. On savourera les vocalises inimitables de Gilli Smith et l'on sera certain d'avoir trouvé le philtre de la jeunesse éternelle en compagnie d'un Daevid Allen dont la voix faussement fragile semble préservée lorsqu'elle glisse sur les nappes synthétiques déroulées par Miquette Giraudy. Voici donc un retour chez les terriens que l'on n'espérait même pas et qui nous réjouit au plus haut point. Des concerts sont annoncés, il serait bête de refuser une rencontre avec ces sacrés extra-terrestres que sont les habitants de la planète Gong.

    On peut acheter l'album à un prix très raisonnable par ici...

    En écoute, un extrait de "How To Stay Alive", lui-même extrait de 2032 !

    podcast

    Daevid Allen : voix, guitare, Steve Hillage : guitare, Gilli Smith : voix et soupir spatial, Miquette Giraudy : synthétiseurs, Mike Howlett : basse, Chris Taylor : batterie, Theo Travis : saxophone & flute, Didier Malherbe : doudouk, saxophone soprano, flûte, Yuji Katsui : violon électrique.

  • Dense

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    Daniel Denis & Univers Zéro © Jacky Joannès

    Attention aux conclusions hâtives ! On pourrait, à la vision d'une batterie occupant la place centrale de la scène et en observant la gestuelle habitée de Daniel Denis, penser qu'avec Univers Zéro on a affaire à une musique engendrée par la sphère Zeuhl. Si ce batteur a croisé un beau jour, voici longtemps maintenant, le chemin de Christian Vander au sein de Magma, et s'il reconnaît lui-même, dans un exercice d'humilité admirable, avoir beaucoup appris de ce dernier, la comparaison doit s'arrêter là. Daniel Denis et ses compagnons de Belgique méritent beaucoup mieux qu'une affiliation qui n'en feraient que des sous-produits d'un courant musical qui, en réalité, n'existe pas. Leur monde est tout autre et leur esthétique très divergente : ici, point d'imprécations ni d'appels furieux à la puissance d'un être supérieur aux contours parfois troubles. Pas de grandes déclarations fracassantes assénant la supériorité d'une musique sur toutes les autres. Pas de quête d'une fantasmatique vérité. Non, rien de tout cela. Avec Univers Zéro, nous sommes conviés à un voyage vers des paysages qui évoquent plutôt les tableaux de Brueghel l'ancien et ses personnages parfaitement mis en scène (Quand on demande à Daniel Denis si le monde qui nous entoure l'influence en tant que compositeur, le premier mot qui vient à la bouche de Daniel Denis est... la campagne !). La musique tournoie, danse, elle est dense ! Son climat assez unique, né de l'association d'instruments en provenance du rock avec d'autres, moins habituels tels que le basson ou le hautbois, la distingue nettement de toutes les autres. Elle est aussi sous l'influence des folklores de l'est de l'Europe et s'avère intemporelle, détachée des modes, depuis 35 ans. Car Daniel Denis se bat avec une énergie remarquable depuis 1974, date de la création d'un groupe qui se maintient en vie par delà les années. En aparté, Daniel Denis confie qu'il ne se sent pas le droit de donner des cours parce qu'il est un autodidacte tout en s'émerveillant d'avoir à orchestrer sa musique pour un orchestre symphonique lituanien. Une démonstration de fraîcheur qui force la sympathie pour un homme d'une exemplaire simplicité (il en va d'ailleurs de même pour tous les membres du groupe).

    Dans ces conditions, on ne s'étonnera pas que le concert donné par Univers Zéro au Théâtre de la Manufacture constitue l'un des temps forts du Festival Nancy Jazz Pulsations ; il est l'occasion d'apprécier le talent de la jeune garde du groupe, rejointe depuis peu par l'ancien Michel Berckmans (hautbois et basson) et nous offre une élégante promenade qui va puiser dans d'anciennes pièces comme « Présage », « Toujours plus à l'est » ou « Dense », mais aussi dans de plus récentes, voire inédites telle que « Straight Edge », qu'on pourra découvrir sur Clivages, le prochain disque du groupe. Qui sera sans doute, comme ses prédécesseurs, une belle réussite et la marque d'une musique qui reste hors du temps.

    En écoute, un extrait de "Présage", lors du concert d'Univers Zéro au Théâtre de la Manufacture de Nancy, le mardi 13 octobre 2009. Le son est probablement un peu assourdi en raison de l'acoustique de la salle, pas forcément la meilleure pour ce genre de musique...

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    Daniel Denis : batterie, Michel Berckmans : basson, hautbois, Pierre Chevalier : claviers, Dimitri Evers : basse, Martin Lauwers : violon, Kurt Budé : clarinette.
  • Humeurs

    J'ai cru comprendre, en lisant des commentaires ici ou là, que certains d'entre mes lecteurs regrettaient parfois la version « light » de mon blog, quotidienne et généraliste. Je me suis déjà expliqué sur les raisons de cette évolution, qui n'est pas définitive mais sera la marque de l'année à venir. On doit parfois faire des choix, et malheureusement au détriment de ceux qui comptent parmi les plus fidèles supporteurs.

    Cela étant dit, je veux bien faire une légère entorse à la direction générale de mes travaux en écriture en vous proposant une balade en trois humeurs. Ce sera là un petit signe de remerciement et d'espoir pour ceux et celles d'entre vous qui se morfondent à l'idée de ne pas s'injecter leur dose journalière de lecture.

    Humeur 1 : bonne

    Vous savez quoi ? Pour la première fois depuis deux ans, j'ai rendu une petite visite à mon cher Docteur D., principal héros de mes stimulochroniques qui feront un jour l'objet d'un tiré à part, tant elles sont constitutives de cet espace de gribouillage. L'objet de notre rencontre était, on s'en doute, un énième contrôle de mon cher Medtronic, ce boîtier mystérieux qui stimule mon muscle cardiaque et fonctionne en règle générale pendant près de 60% de mon temps de vie. Excellente nouvelle : le docteur D. est en pleine forme, il s'est acheté un nouveau Mac et s'échine à y faire fonctionner une vieille version de Photoshop. Et son logiciel de reconnaissance de caractères semble toujours aussi capricieux. Il m'a fait visiter son nouveau magasin dont je vous présente ici la vitrine. Faites votre choix, messieurs dames, un jour ou l'autre, vous aurez besoin des services de mon cardiologue préféré.

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    Humeur 2 : mauvaise

    Une catastrophe ! Ni plus ni moins... Après une heure d'un splendide concert donné par le quintette de Denis Colin – vérification de visu de la très grande qualité de sa Société des Arpenteurs – voilà qu'une erreur de casting absolue est grimpée sur la jolie scène du Théâtre de la Manufacture. Je serai obligeant et tairai les noms de cette Canadienne et de ses deux acolytes : si l'absence doit s'incarner, elle le fera sans nul doute sous la forme de ce trio apathique et dépourvu de toute originalité. Une pâle chanteuse qui s'affaire mollement sur une caisse claire au moyen de deux balais, un guitariste et un contrebassiste qui risquent l'endormissement à chaque seconde. Tout comme nous d'ailleurs qui, placés au second rang, avons eu la politesse d'attendre la fin de cette éprouvante prestation. Pour vous faire une idée : imaginez un Renan Luce au féminin encore plus décaféiné et vous saurez à quoi ressemblait cette « artiste ». Le plu cruel pour nous, c'est lorsqu'après vingt minutes de si intenses efforts, l'impétrante s'est assise sur un siège en nous expliquant qu'elle allait chanter quelques chansons d'amour plus calmes. Je ne savais pas que c'était possible... Le public, en majorité composé d'invités d'un des sponsors du Nancy Jazz Pulsations, semble avoir apprécié le truc. Enfin, pas tout le monde, n'exagérons pas : nous avons retrouvé un ancien voisin qui, lui aussi, s'arrachait les cheveux en se demandant ce qu'il était venu faire dans cette galère. Ouf ! Il reste encore un peu d'espoir à placer en l'être humain...

    Humeur 3 : excellente !

    Magnifique conclusion de la trente-sixième édition du Nancy Jazz Pulsations avec le grand Joshua Redman venu en trio sous le Chapiteau de la Pépinière. Les grincheux peuvent toujours dire que le jazz y occupe une portion chaque année plus congrue... N'empêche : pour qui savait intelligemment piocher, il y a eu, cette année encore, de beaux moments de musique. Car avant le saxophoniste américain, nous avons pu nous régaler des concerts de Pierrick Pédron, Stabat Akish, Univers Zéro, Jean-Michel Albertucci ou encore Denis Colin. Et ce ne sont là que quelques exemples. Je vais m'atteler dès demain à la rédaction de mon compte-rendu pour Citizen Jazz et en attendant sa publication, je vous propose - chut, ne le dites pas - un extrait du concert de samedi soir. Joshua Redman (saxophone soprano) est entouré de Matt Penman (contrebasse) et de Gregory Hutchinson (batterie) : ils interprètent « Soul Dance » et c'est un petit enchantement. Merci à NJP pour tous ces moments si précieux !

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  • Roboratif

    Subject to Change cover.jpgIl me tarde de lire la chronique que doit rédiger notre ami Julien pour le compte de Citizen Jazz !!! Parce que s'il a pris autant de plaisir que moi à l'écoute du dernier disque du clarinettiste Denis Colin, alors il ne se privera pas d'enrober son texte d'un enthousiasme parfaitement justifié. Subject To Change, tel est le nom du CD enregistré par une sacrée conférie appelée La Société des Arpenteurs

    Imaginez-vous un petit matin d'automne : il fait gris et froid, une radio crache de mauvaises nouvelles du monde et vous vous levez fatigué après de longues heures d'insomnie. La vie n'est pas toujours, on le sait, un long fleuve tranquille et vous ruminez je ne sais quel problème personnel dont vous ne trouvez pas la solution. Moral bas d'un optimiste désespéré...

    Et voilà que retentissent les premières mesures de « Hopperation », la composition qui ouvre l'album Subject To Change. Ah oui, tu m'étonnes que ça change ! Une vraie opération de gonflage en énergie ! Une cure d'oxygène pour tympans apathiques qui vous fait voir les choses de la vie avec un début de sourire. La Société des Arpenteurs, c'est une quinzaine de musiciens qui vous balancent un musique hyper mélodique, brillante, animée d'un groove impeccable, aux arrangements cuivrés et électriques, sur laquelle la clarinette basse de Denis Colin fait merveille. Un jazz qui pète le feu et qui sait se faire binaire s'il le faut. Et ça dure une heure comme ça, sans temps mort, sans faute de goût. J'irais même jusqu'à dire que c'est exactement la musique que j'ai besoin et envie d'écouter en ce moment.

    J'ai pris le temps de vous établir la liste de ce big band tourbillonnant qui s'est même payé le luxe d'un invité lui-même pas banal, le saxophoniste Tony Malaby (pour mémoire, ce dernier a travaillé avec Steve Coleman ou encore Ravi Coltrane et joue dans Birdwatcher, le dernier disque de Michel Portal). Subject To Change, c'est mon coup de cœur du moment, et j'espère que ces quelques lignes vous donneront l'envie d'en savoir un peu plus. Je me réjouis aussi à l'idée de voir sur scène dans les prochains jours une extraction très noble de cette société sous la forme d'un quintette qui sera l'une des belles soirées de l'édition 2009 de Nancy Jazz Pulsations. J'en parlerai plus en détail dans un prochain article pour Citizen Jazz...

    La Société des Arpenteurs :

    Denis Colin (clarinette-basse & compositions), Benjamin Moussay (Fender rhodes & electronics), Julien Omé (guitare), Antoine Berjeaut (trompette & bugle), Sylvaine Hélary (flûtes), Fabrice Theuillon (sax baryton & soprano), Stéphane Kerecki (contrebasse), Arnault Cuisinier (contrebasse), Eric Echampard (batterie), Tony Rabeson (batterie). Et aussi : Philippe Sellam (sax), Fabrice Moreau (batterie), Thomas Gimonprez (batterie), Misja Fitzgerald-Michel (guitare). Invité spécial : Tony Malaby (sax).

    P.S. : bien que d'une coloration différente, il est un autre disque à surveiller du coin de l'oreille : c'est Humus que nous propose Bojan Z et son Tetraband.

    En écoute, les premières minutes de "Hopperation", qui ouvre l'album Subject To Change.

    podcast

  • Omry

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    Pierrick Pédron à l'Autre Canal, le 7 octobre 2009 © Jacky Joannès

    Voilà une soirée qui sera prochainement le sujet d’un de mes articles pour Citizen Jazz (à propos, je rappelle que je consacre pas mal de temps d’écriture à mon magazine favori, ceci expliquant la parution moins abondante de notes pour ce blog. Mes dernières productions sont par ici, d’autres sont en passe d’être publiées, d’autres encore sont en gestation).

    J’étais hier à l’Autre Canal, pour une deuxième soirée de musique dans le cadre du Festival Nancy Jazz Pulsations. Le temps (très) fort de la soirée était le concert du saxophoniste Pierrick Pédron et son combo électrique Omry. Voici quelques mois, j’avais écrit quelques lignes consacrées à la parution de son disque éponyme, une flagrante réussite qui, j’en suis persuadé, sera un des plus beaux de l’année.

    Et voici le temps de découvrir cette formation sur scène : malgré un confort très spartiate – la salle baptisée Club n’étant qu’un petite cube peu convivial où chacun doit se contenter d’une position debout, dans une ambiance où bien des spectateurs semblent plus préoccupés de s’approvisionner toutes les dix minutes en bière que d’écouter de la musique, ah, zapping, quand tu tiens nos cerveaux… – il me faut saluer sans attendre et une fois de plus un musicien qui, à force de talent et de ténacité, est en train de forger son propre univers. Je pèse mes mots… Excellente nouvelle pour tous les passionnés de musique : en fin d’après-midi, Pierrick Pédron me confiait qu’il souhaitait qu’Omry soit plus qu’un disque et une série de concerts, mais une aventure qui s’inscrive dans le temps.

    Dynamitée par la scène et la projection d’images souvent haletantes, la suite Omry explose littéralement devant nous, chargée de l’électricité délivrée par le grand Vincent Artaud (basse) et Eric Löhrer (guitare) et du déferlement des « twin drummers » que constitue la paire Franck Agulhon / Fabrice Moreau à la batterie. Au Fender Rhodes, Pierre De Bethmann laisse échapper des coulées de notes… Un terreau de musique très fertile qui offre à Pierrick Pédron de quoi illuminer l’ensemble de ses somptueux chorus (au passage, n’oublions pas qu’il est un soliste époustouflant), et d'investir avec fièvre et brio tout un espace de liberté et d'improvisation, bien plus qu'il ne l'avait fait sur son disque. Et même si, selon lui, Omry n’est pas une œuvre de saxophoniste, cette longue suite est un formidable sujet qu’il ne se prive pas d’explorer, au même titre que ses camarades d’ailleurs. En témoignent par exemple une belle séquence de Vincent Artaud, longue montée solitaire à grands renforts de boucles, les solos ravageurs à la coloration très rock d’Eric Löhrer ou le duo final des deux batteurs, dans une magnifique exercice de gémellité bien frappée.

    Je vous propose une illustration de cet excellent moment avec une chouette photo de mon ami Jacky Joannès et une petite carte postale sonore captée par mes soins.

    podcast

    En écoute, quelques minutes extraites de "Osman", enregistrées avec l'aimable permission de Pierrick Pédron (saxophone alto) et la complicité musicale de Pierre De Bethmann (Fender Rhodes), Vincent Artaud (basse électrique), Eric Löhrer (guitare électrique), Franck Agulhon et Fabrice Moreau (batterie).

  • Seul

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    Christian Vander au Triton, le samedi 26 septembre 2009 © Marco Tchamp

    Singulière impression, assez émouvante en fait, qui vous gagne après la troisième "sortie" en solitaire de Christian Vander sur scène. Il y avait d'abord eu Eysines, puis le Japon. Samedi dernier, celui qui est l'âme de Magma investissait le Triton, aux Lilas. Pleine comme il se doit, la salle a découvert un homme se livrant à nu, sans artifice, dans un corps à corps parfois rude avec un piano qu'il a apprivoisé en autodidacte. Jean-Pierre Vivante, le patron des lieux, avait requis le silence - "pas de caméras, pas d'appareils photos qui font du bruit" : juste l'écoute attentive d'un artiste qui se livre humblement, comme à la maison, mais ici visiblement gagné par le trac. Comme si nous étions invités à le rejoindre au coeur de sa démarche créatrice. Je reviendrai beaucoup plus en détail sur ce concert dans le cadre d'un article pour Citizen Jazz, et vous laisse en attendant une brève carte postale sonore et visuelle.

    podcast
    En écoute, quelques minutes extraites de "Ügüma Ma Mëlïmëh Gïngeh".

  • Présent

    Cette histoire se déroule en trois temps. Elle me semble assez singulière pour que je prenne le temps de vous la raconter brièvement...

    20 décembre 1980

    Comme il m'arrive de le faire très régulièrement depuis cinq ans, date de mon arrivée à Nancy, je pousse la porte de mon magasin de disques favori, « La Parenthèse ». Aujourd'hui, j'achète deux disques : le premier, signé John Wetton, est passé aux oubliettes. Le second, lui, est beaucoup plus énigmatique. Publié sur le label Atem créé par celui-là même qui travaille encore chez ce disquaire alors installé Rue Gambetta, Gérard N'Guyen. Il me présente ce jour-là un drôle de Triskaidécaphobie (qui signifie la peur du chiffre 13), disque signé d'un groupe Bruxellois, Présent. Formée par le fantasque Roger Trigaux après son départ d'un autre groupe Belge, Univers Zéro, cette nouvelle formation s'inscrit dans la lignée directe de son jumeau mené d'une baguette virtuose par le batteur Daniel Denis. Une musique plutôt sombre, assez vertigineuse et qui convoque des esprits aussi divers que ceux de Belà Bartok, Györgi Ligeti, King Crimson ou encore Magma, pour citer les plus emblématiques. Un rock nocturne, haletant, hanté par des fantômes qu'on croise au détour d'une « Promenade au fond d'un canal », une scansion qui vous prend à la gorge, une sacrée symphonie mûe par une incroyable marche en avant, jusqu'au souffle final. Pas de tout repos, certes, mais profondément original et habité.

    Hiver 2005

    Univers Zéro a poursuivi sa route selon un rythme assez irrégulier, tout comme Présent dont l'existence s'est faite intermittente : l'un comme l'autre ont publié six ou sept albums en vingt-cinq ans. Entre temps, la roue de la vie a tourné, faisant naître puis grandir mes enfants. Ah, ce drôle de concours de circonstances qui veut que mon propre fils, alors âgé de vingt ans, rencontre la tribu Trigaux et intègre le nocturne Présent pour en devenir le saxophoniste ! Comment aurais-je pu imaginer, en ce jour de décembre 1980, que mon histoire personnelle serait ainsi reliée à celle du groupe ? Je raconterai, plus tard probablement, comment les événements ont conduit un jeune musicien de jazz à apprivoiser l'univers fantasmatique de ce compositeur chef d'orchestre pas comme les autres par mon entremise indirecte.

    Septembre 2009

    Présent est toujours là : une tournée sur le continent américain en juillet 2005, des apparitions en Allemagne, à Paris, au Portugal en 2006, au festival Rock In Opposition de Carmaux en 2007. Cette manifestation annuelle voit en 2009 les retrouvailles des deux jumeaux Univers Zéro et Présent. Chacun se produit sur scène le dimanche 20, avant un grand final en commun où treize musiciens enflamment un public dont on dit qu'il a souvent quitté la salle les larmes aux yeux. Larmes de bonheur, évidemment. Un grand moment de musique, semble-t-il...

    present.jpgMais 2009, c'est aussi la publication d'un nouveau disque pour Présent : un CD inédit et un DVD de près de trois heures proposant des extraits de concerts en 2006 et 2007, ainsi que quelques archives des années 90. Barbaro (Ma Non Troppo) est une incontestable réussite, peut-être même s'agit-il du plus beau disque du groupe... Et qu'on ne se méprenne pas sur mes propos : je suis certes fier que mon fils participe à cette aventure et de constater que la place qu'il y occupe est plus que significative, mais mon attendrissement paternel n'est pour rien dans l'admiration que j'ai pour le disque. Barbaro (Ma Non Troppo), ce sont trois longues compositions haletantes et majestueuses, d'une très belle facture et dont les arrangements complexes font merveille et méritent une écoute attentive et répétée. S'appuyant sur une rythmique de fer (Dave Kerman à la batterie, Keith Macksoud à la basse, Pierre Chevalier au piano), les conversations qu'engagent le violoncelle de Mathieu Safatly, la guitare de Trigaux père et fils, les claviers de... Pierre Chevalier, encore lui et le saxophone de Pierre Desassis sont passionnantes d'un bout à l'autre : « Vertiges », « A Last Drop » et, comme si l'histoire devait se réécrire encore et encore, une nouvelle version de « Jack The Ripper » signée Daniel Denis et Roger Trigaux, qu'on pouvait déjà écouter sur le deuxième album d'Univers Zéro en 1979. Et puis... comment ne pas s'émerveiller devant un groupe qui, en 2009, se paie le culot d'utiliser un instrument tel que le mellotron, qui connut son heure de gloire voici bien longtemps par avec des formations mythiques telles que les Moody Blues ou King Crimson ? On sort des quarante-cinq minutes de cette musique pas comme les autres un peu étourdi, la tête un peu ébouriffée et... on en redemande !

    podcast

    En écoute, les trois premières minutes de « Vertiges » (Roger Trigaux)...

    Roger Trigaux (guitare, claviers), Reginald Trigaux (guitare), Pierre Chevalier (piano, claviers), Dave Kerman (batterie, percussions), Keith Macksoud (basse), Mathieu Safatly (violoncelle), Pierre Desassis (saxophones), Udi Koomran (son).

    Barbaro (Ma Non Troppo) est publié par Ad Hoc Records, dont le président n'est autre qu'un certain... Dave Kerman !

  • Eternel

    L'Ivre d'Images sur son Nuage...

    Le Z Band vient de perdre l'une de ses plus belles plumes... L'ami François Roudot, qui avait rallié l'année dernière notre collectif de passionnés de musique en général et de jazz en particulier, nous a quittés au mois d'août, fauché en quelques jours par une impitoyable maladie à l'âge de 40 ans. Injuste, forcément, quand tant de nuisibles plastronnent un peu partout sur la planète et répandent le mal... Chacun d'entre nous a reçu cette triste nouvelle comme une gifle très violente au beau milieu de l'été : lui, si jeune, si talentueux (allez donc faire un tour sur son blog pour vous en convaincre), quittait cette Terre alors qu'il avait d'évidence beaucoup de choses à faire et à nous dire. Nous avions tous, d'emblée, apprécié son talent, en particulier la ligne poétique de chacun de ses textes et son imagination, source de beaux voyages pour ses lecteurs. Certains le connaissaient « pour de vrai », d'autres - comme moi - le côtoyaient par clavier interposé uniquement, mais habités par cette drôle d'impression qui vous fait comprendre que vous avez réussi à agrandir le cercle de vos amis, en lui ajoutant un être humain distant, invisible, et convaincu de croiser son chemin un jour ou l'autre. Une histoire d'affinités électives.

    Alors en ce jour, celui de notre publication trimestrielle, l'évidence est là : François s'est envolé si vite sur le petit nuage duquel il observe notre monde avec son œil d'éternelle jeunesse qu'il n'a pas eu le temps de préparer ses bagages pour l'au-delà. Même pas le temps d'embarquer ses disques préférés, pas plus que quelques bons bouquins... Voilà donc une excellente raison de lui rendre un hommage particulier : à chacun de nous de garnir sa discothèque céleste d'une galette que nous lui offrons, pour que sa nouvelle vie, là haut, celle qui va durer toujours dans nos esprits, soit encore plus belle et à nulle autre pareille.

    coltrane_hartman.jpgJe n'ai pas réfléchi trop longtemps. Parce qu'il me fallait trouver un disque intemporel, pour ne pas dire éternel. Un disque habité par la grâce et détaché de toutes les modes. En quelques fractions de secondes, Coltrane était devant moi, il s'imposait, massif et profondément humain. J'ai pensé pendant un moment à l'une des ses œuvres transcendantales, marquées par la dévotion à l'Être Suprême comme il en avait gravé à partir de l'année 1964 et jusqu'à sa mort en 1967 (A Love Supreme, Crescent, Ascension, Meditations, ...) avant de me dire qu'après tout, niché dans son petit paradis, François ne manquait certainement pas de matière à réflexion sur le sujet divin et que, le connaissant, il devait déjà avoir entamé de fiévreuses discussions avec ses nouveaux camarades d'éternité. Il me fallait viser pour lui un autre objectif : celui d'un disque qui serait l'expression de ce que la nature humain peut provoquer de plus beau lorsqu'elle est animée par l'idée de rencontre et de partage. Je voulais un disque de fraternité. John Coltrane & Johnny Hartman ! Mais oui, forcément !

    Retour à l'année 1962. La comète Coltrane est lancée depuis pas mal de temps pour un voyage dont on pressent qu'il sera sans retour. La musique devient stratosphérique, elle commence à en dérouter quelques uns, un peu égarés dans cet univers de spirales où tous les repères s'évanouissent les uns après les autres (écoutons par exemple les circonvolutions de l'emblématique Live At The Village Vanguard, enregistré en novembre 1961, quel plus exemple d'une évolution foudroyante ?). Du côté de chez Impulse, le label avec lequel le saxophoniste a signé depuis un an, on ne verrait d'ailleurs pas d'un mauvais œil l'idée d'une petite pause dans la course vers l'absolu et c'est dans cet esprit qu'il faut comprendre la publication de Ballads et de John Coltrane & Duke Ellington : montrer au public, mais aussi aux critiques qui commençaient à l'éreinter, que John Coltrane n'avait pas perdu la notion de mélodie, et qu'il pouvait, s'il le voulait, les caresser dans le sens du poil. Bob Thiele, son producteur, nous explique au sujet de John Coltrane & Johnny Hartman : « La raison pour laquelle cet enregistrement est sorti provient du fait que j'ai suggéré à John de montrer aux journalistes de jazz ce dont il était capable. Entre autres, de jouer d'une part des standards américains et de faire, d'autre part un album chanté. Je lui avais dit de se trouver quelqu'un capable de chanter, tout ça pour les faire sourciller et attirer leur attention. Après Ballads, je pensais qu'il aurait fait quelque chose avec une chanteuse comme Sarah Vaughan par exemple. C'est alors qu'il m'a confié qu'il aimerait faire un album avec Johnny Hartman et cela m'a totalement surpris. Hartman n'était pas du tout connu. Il ne faisait l'objet d'aucune renommée. Ce n'était qu'un bon chanteur de ballades. Je ne le classais même pas dans les chanteurs de jazz. »

    Nous sommes maintenant le 7 mars 1963, aux studios d'Englewood Cliffs. Les deux hommes, qui se sont rencontrés pour la première fois une semaine auparavant, trouvent naturellement leurs marques avec un répertoire que l'un comme l'autre connaissent sur le bout des doigts. Une session qui se déroulera dans les meilleures conditions, chaque titre n'ayant nécessité qu'une seule prise, à l'exception de « You Are Too Beautiful », contrarié par l'envol d'une baguette d'Elvin Jones ! Au total, une grosse demi-heure de musique mise en boîte et six standards gravés pour l'éternité : « They Say It's Wonderful », « Dedicated To You », « My One And Only Love », « Lush Life », « You Are Too Beautiful » et « Autumn Serenade ». Un septième titre, « Afro Blue », aurait été enregistré, mais il n'a pas été publié.

    On est là en présence d'une forme évidente de magie : Johnny Hartman pose naturellement le velouté caressant de sa voix chaude et un peu enjôleuse sur la toile parfaite tissée par le quartet du saxophoniste (qui, jamais, n'enregistrera plus avec un chanteur, cette association étant vraiment unique). Chaque note jouée par Coltrane est habitée par la grâce, comme si tout était mystérieusement écrit, et ses complices, pourtant habitués depuis quelque temps en sa compagnie à de plus périlleux voyages, trouvent ce jour-là le moyen d'un épanouissement souriant par la voie d'un jeu totalement apaisé, où les notes sont presque suggérées tant elles sont empreintes de délicatesse.

    Disque court et parfait, John Coltrane & Johnny Hartman n'appartient qu'à lui-même. Sui generis. Et si sa genèse - enregistrer une parenthèse pour rallier plus de public - n'était peut-être pas à l'origine animée d'une motivation intrinsèquement artistique, il n'en reste pas moins que le résultat va bien au-delà des espérances de ceux qui avaient souhaité le voir naître. Un chef d'œuvre, ni plus ni moins. Quarante-six ans plus tard, ces minutes sont préservées et le resteront.

    Et puis, si François peut nous lire depuis sa nouvelle maison nébuleuse, je me permets de doubler la mise en lui glissant dans mon petit paquet un deuxième disque, celui que le chanteur Kurt Elling vient de publier et qui est consacré, justement, à cette rencontre magique entre John Coltrane et Johnny Hartman : son Dedicated To You est une belle réussite, humble et respectueuse de l'harmonie d'un jour et du répertoire dont il s'inspire et qui le compose. J'en dis quelques mots ici, sur le site Internet de Citizen Jazz.

    A bientôt, ami François, donne-nous des nouvelles dès que tu le pourras. Et profite de cette musique enchantée, tu l'as bien méritée.

    En écoute : « Lush Life », extrait de John Coltrane & Johnny Hartman.

    Johnny Hartman (chant), John Coltrane (saxophone ténor), McCoy Tyner (piano), Jimmy Garrison (contrebasse), Elvin Jones (batterie). Enregistré le 7 mars 1963.

    On peut acheter le disque ICI, pour une somme plus que raisonnable !

    Vers les autres textes du Z Band en hommage à François Roudot :

    - Belette & Jazz : L'ivre d'images sur son nuage
    - Flux Jazz : Respect ! (pour François)
    - Jazz Frisson : "Un passant" de Gilles Vigneault par Karen Young
    - JazzOcentre : L'ivre d'images sur son nuage, avec Hadouk Trio
    - Jazzques : L'ivre d'images sur son nuage, Michel Petrucciani "The Prayer"
    - Mysterio Jazz : L'ivre d'images sur son nuage
    - Ptilou's Blog : Michael Blake
    - Z et le Jazz : L'ivre d'images sur son nuage, avec "Karma" de Pharoah Sanders

  • Absence

    la_note_bleue_blue_note.jpgFrance 5 diffusait hier soir un documentaire appelé « C'est fini ou ça commence ? ». Ce film de 50 minutes, réalisé en 2005 par Thomas Ceccaldi, est un hommage particulièrement émouvant à Claude Nougaro, pour lequel la femme du chanteur, Hélène (sa kiné, kiné, qui n'est plus en exercice) a apporté son soutien et son concours. Si le film se compose naturellement de tous les éléments classiques et presque obligés d'un hommage - images d'archives montrant le chanteur sur scène ou à la télévision, interviews réalisées en différentes époques depuis le début des années 60, témoignages de proches - sa colonne vertébrale est d'abord l'immersion au cœur des sessions de l'enregistrement de l'album, La Note Bleue, au studio Ferber. Ce disque ultime concrétisait pour Nougaro un rêve de toujours : être enfin publié sur un label mythique pour tout fan de jazz, Blue Note.

    Attention : on ne sort pas indemne de ces images terribles captées en janvier 2004, quelques semaines avant la mort du Petit Taureau (qui nous quittera le 4 mars suivant). Épuisé par la maladie et les séances de chimiothérapie, considérablement amaigri, presque méconnaissable, Claude Nougaro rassemble ses dernières forces pour mener à bien un projet qui associe la crème des musiciens de jazz. Produit par le pianiste Yvan Cassar, La Note Bleue nous fait entendre André Ceccarelli, Nelson Veras, Eric Legnini, David Linx et bien d'autres, au rang desquels la chanteuse lyrique Nathalie Dessay, pour une version paradisiaque de « Autour de minuit ». Tout au long de ces minutes poignantes, on est instantanément gagné par une vraie souffrance mêlée d'admiration. Lui, symbole de force, le boxeur des mots, celui qui avait réussi à relever le défi de sa lamentable éviction de la maison Barclay au milieu des années 80 pour rebondir brillamment du côté de Nougayork, après avoir tout vendu et traversé l'Atlantique avec en poche trois numéros de téléphone comme seuls viatiques, le voilà qui se présente à nous dans une cruelle et impitoyable nudité, celle du combat contre une maladie dont il sait qu'il ne sortira pas gagnant : le titre même du documentaire reprend une mention manuscrite que Nougaro avait griffonnée au bas d'un dessin et qui est reproduite sur la pochette du disque. Il ne laisse aucun doute sur l'issue fatale que Claude Nougaro savait. Il aura eu beau boxer, boxer, la lutte était par trop inégale. N'écrivait-il pas à l'automne 2003 : « J'ai envie d'écrire, mais je ne sais pas quoi / La mort, je l'avoue, me laisse coi ».

    Ce film n'est jamais larmoyant, mais il semble impossible de le visionner sans avoir les larmes au bord des yeux : il y a cette scène où, à bout de forces, presque sans voix, Claude Nougaro s'endort comme un enfant sur l'épaule de sa femme, alors qu'il écoute la dernière prise d'une des huit chansons qu'il réussira malgré l'adversité à enregistrer. Ou bien, quelque temps plus tard, nous sommes alors au mois de février, comment décrire la terrible absence de celui qui ne peut même plus se déplacer et à qui Yvan Cassar fait écouter au téléphone l'enregistrement d'une version instrumentale de « Bidonville », en espérant sans y croire sa venue au studio le lendemain ? On devine, même si le son de sa voix ne nous parvient pas, que Nougaro paraît satisfait du résultat, il prodigue quelques conseils avant que la conversation ne s'achève. Silence pesant des musiciens dans le studio, mines sombres, Yvan Cassar s'échappe rapidement tant l'émotion est grande. Il part pleurer... Ce jour-là, probablement, tous ont su que celui qu'ils admiraient tant ne reviendrait pas et que leur serait confiée la lourde tâche de terminer au mieux, sans son créateur, un disque au goût d'inachevé.

    Claude Nougaro aurait eu 80 ans le 9 septembre. Il manque terriblement dans le paysage de la chanson française. Il nous a laissés cois.

    Je choisis de vous faire écouter « Fleur Bleue », qui me semble traduire au mieux ces heures douloureuses. La voix de Claude Nougaro reste ferme, mais on en ressent la doluoureuse fêlure. Avec Yvan Cassar (paino), Rosario Bonaccorso (contrebasse), André Ceccarelli (batterie), Nicolas Montazaud (percussions), Eric Chevalier (Orgue Hammond B3).

    P.S. : un bel hommage vient d'être rendu à Claude Nougaro. Sous la houlette d'André Ceccarelli, avec la complicité de Pierre-Alain Goualch (piano), Diego Imbert (contrebasse) et David Linx (chant), Le Coq et la Pendule vient à point nommé nous rappeler toute la force des chansons de Claude Nougaro. Le disque a paru tout récemment chez Plus Loin Music. A consommer sans modération !

  • Récompense

    Cover.jpgLegrand Jazz. L'histoire de ce disque, plus que quinquagénaire aujourd'hui, mérite qu'on s'y arrête quelques instants. Au milieu des années 50, un jeune musicien, pianiste et arrangeur féru de jazz, Michel Legrand, avait enregistré pour le compte du label Columbia un disque intitulé I Love Paris. Les Américains souhaitaient en effet un disque sur différents thèmes de Paris et avaient demandé à leurs homologues de Phillips s'ils connaissaient un musicien capable de le réaliser. Le futur compositeur des Parapluies de Cherbourg ou Demoiselles de Rochefort s'y colla tant et si bien que le disque connut outre Atlantique un très gros succès. Seul problème : Michel Legrand avait juste été payé pour la réalisation de l'enregistrement mais il ne toucha aucune royaltie. Reconnaissants néanmoins, les responsables de Columbia firent un beau cadeau au jeune français en lui offrant la réalisation du disque qu'il souhaitait faire ! Ni une ni deux, l'heureux bénéficiaire répondit qu'il voulait publier un disque avec... Miles Davis et John Coltrane, rien que ça ! Et c'est ainsi que fut enregistré ce Legrand Jazz à New York, lors de trois séances au mois de juin 1958. La première, en date du 25, permit de mettre en boîte quatre titres, choisis avec la complicité de Boris Vian et interprétés par Davis (trompette) et Coltrane (saxophone ténor), auxquels se joignirent Phil Woods (saxophone alto), Jerome Richardson (saxophone baryton), Herbie Mann (flûte), Berry Glamann (harpe), Barry Galbraith (guitare), Eddie Costa (vibraphone), Bill Evans (piano), Paul Chambers (contrebasse) et Kenny Dennis (batterie). Sacrée réunion au sommet, qui engendra chez Michel Legrand une vraie appréhension dans la mesure où il connaissait suffisamment Miles Davis pour savoir que le trompettiste pouvait, au dernier moment, refuser de participer à cet enregistrement si ce qu'il entendait derrière la vitre du studio ne lui plaisait pas. Mais non, Miles Davis décida de se joindre à la fête, joua et, lorsqu'il eut posé son instrument, demanda à Michel Legrand s'il était content de ce qu'il avait joué ! On imagine aisément combien celui-ci fut comblé d'aise en entendant LA star du jazz de l'époque quérir son approbation. Le monde à l'envers, en quelque sorte... C'était pour ce jeune français - il n'avait alors que 25 ans - une magnifique récompense dont il parle, aujourd'hui encore, avec beaucoup d'émotion. Cinquante et un ans plus tard, Legrand Jazz demeure un disque d'une étonnante fraîcheur qu'il est toujours temps de découvrir.

    podcast
    « Round Midnight », de Thelonious Monk, enregistré lors de la session du 25 juin 1958.

  • Incarnations

    Le retour du vieux con misanthrope... Ne pas confondre la fièvre et le thermomètre. Ainsi, il est commode de pointer du doigt Internet et d'en stigmatiser les effets pervertisseurs de notre jeunesse. C'est oublier, me semble-t-il, le vrai coupable qui est l'Homme lui-même, créature plutôt nuisible lorsqu'elle ne dispose pas du privilège d'un semblant de dressage, qu'on appelle chez lui éducation et que notre univers consumériste tend à refouler (la réflexion étant l'ennemie première de la consommation, notre dictature financière s'accommode assez mal en effet d'un humain qui penserait un peu trop ; ce principe s'applique également aux régimes autoritaires qui utilisent la foi comme vecteur des folies religieuses ou la torture lorsqu'il s'agit d'aller encore plus vite en besogne. Briser toute tentative de pensée autonome...). Mais rassurons-nous : sa nature première tend à refaire surface à la moindre occasion : l'homme sait très vite redevenir veule, lubrique, vénal, brutal et grossier. Ainsi est l'homo erectus. Les exemples ne manquant pas, je vous en épargnerai une première liste, voyez autour de vous. Internet est pour lui une aire de jeux, parmi bien d'autres...

    Je préfère au contraire vous proposer deux illustrations qui tendent à démontrer qu'Internet peut susciter de beaux passages du virtuel au réel et qu'un dressage opiniâtre et bienveillant de la bête qui sommeille en chacun de nous peut susciter de belles rencontres et nous laisser caresser l'espoir d'une humanité pas encore condamnée à s'autodétruire (processus qui est, notons-le toutefois, largement engagé).

    C'est grâce à Internet, par exemple, et à un blog bien ficelé en particulier que j'ai pu découvrir ma ville natale sous un autre jour et en apprécier les qualités intrinsèques, grâce à un néo-verdunois qui avait décidé de lui consacrer beaucoup de temps pour nous offrir de nombreux textes curieux. Avec son œil neuf, l'auteur du site nous proposait une vision presque ensoleillée d'une cité que des années d'enfance et d'habitude, saupoudrées d'une bonne couche de tristesse nostalgique, m'avaient rendu injustement grisâtre. Et plutôt que d'en rester là, lui et moi sommes entrés en contact, nous nous voyons désormais régulièrement et avons entamé une belle histoire d'amitié, à laquelle sont associées nos épouses respectives.

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    On peut nous voir ici, lors d'une réunion au sommet qui s'est tenue hier, alors que nous allions embarquer, le temps d'une courte croisière-colloque, sur un paquebot, Her Majesty Of The Seas, qui mouillait paisiblement dans le port de Nancy.

    Mais je ne fais qu'évoquer un cas personnel qui, s'il a valeur d'exemple, n'en reste pas moins confidentiel et qu'on ne saurait brandir à la façon d'un étendard. Trop prétentieux. Non, voyons plutôt du côté de la musique et la belle histoire du trio SLuG (une chronique est dans les starting blocks de Citizen Jazz, vous la lirez très prochainement). Au départ, il y a un artiste touche-à-tout un peu génial, collectionneur de samples, et deux musiciens en partance de Magma. Le premier, John Trap, rencontre d'abord les seconds, Emmanuel Borghi et Himiko Paganotti, essentiellement via Internet : commence alors une petite valse de fichiers qu'on s'échange. C'est la naissance d'une première composition, puis d'une seconde et enfin d'un album entier qui sort très prochainement sur le label Off. Un groupe vient de prendre corps sous nos yeux (ou plutôt nos oreilles), il s'appelle donc SLuG et vous pouvez d'ores et déjà retenir son nom. On voit que le virtuel a pu engendrer le réel, ce qui, convenons-en, est tout de même plus enthousiasmant que l'opération inverse. Au final, ce premier disque est une parfaite réussite dans un univers électro pop un peu enchanté dont on devrait reparler dans les temps à venir. Il est en tout état de cause mon coup de coeur du moment.

    Il est aussi une belle occasion de s'aérer l'esprit et de regarder devant soi avec un peu moins de pessimisme.

  • Sélection

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    Eh oui, ici aussi, on appuie sur la touche Pause ! Non que je m'éloigne de mes petits travaux d'écriture (j'irais même jusqu'à penser que ceux-ci vont m'occuper encore un peu plus qu'à l'accoutumée), ni que je ressente un quelconque sentiment de lassitude vis-à-vis de mes lignes quotidiennes, mais j'arrive à la lisière d'un nouvel espace qu'il va me falloir investir de manière organisée. Je dois aussi trouver un nouveau sens à mon blog. Par conséquent, le repos s'impose et je reviendrai faire un petit tour par ici durant la deuxième quinzaine du mois d'août.

    Néanmoins, j'aimerais profiter de cette interruption momentanée de mes services pour vous proposer une petite sélection musicale. Sept disques publiés au cours du premier semestre de l'année et qui ont pour autres points communs d'avoir été enregistrés sur notre scène jazz hexagonale et d'être le fruit de la créativité de musiciens qui savant s'affranchir des frontières, que celles-ci soient artistiques, géographiques ou culturelles. En cette période dite de crise (de la finance, du marché du disque, de tout en fait...), se rendre compte que les artistes conservent toute leur force d'imagination est tout de même un peu rassurant. Qu'ils en soient ici remerciés et qu'ils sachent que je vais consacrer le maximum de mon énergie à défendre leur cause et assurer leur promotion, dans la limite de mes moyens, bien sûr.

    ONJ Yvinec, Around Robert Wyatt : salué unanimement, ce beau projet, qui mêle voix enregistrées sur lesquelles ont été posés les arrangement signés Vincent Artaud, est exécuté de main de maître par une jeune formation pour célébrer le grand Robert Wyatt. Un de chocs musicaux de l'année.

    Surnatural Orchestra, Sans Tête : ce super big band qui pratique le sound painting, fait tout exploser sur son passage et offre au public un double CD live ébouriffant qui ne se contente pas d'être un disque, mais aussi un bel objet pour collectionneurs. Indispensable.

    Louis Sclavis, Lost On The Way : à cinquante-six ans, le saxophoniste clarinettiste lyonnais n'a jamais été en aussi grande forme. Ce disque, qui nous emmène dans les pas d'Ulysse, est - je me risque à une assertion lapidaire - à n'en pas douter, son meilleur.

    Bozilo, Live : BOjan Z (piano), Karim ZIad (batterie), Julien LOurau (saxophone), nous emmènent pour un voyage inter continents et allient un lyrisme flamboyant à une imagination sans pareille. C'est un trio majeur, que chacun d'entre nous peut rêver de voir sur scène.

    Pierrick Pedron, Omry : encore un disque choc, signé d'un saxophoniste surdoué qui déjoue les pronostics en célébrant tout à la fois l'orient (Oum Kalthoum) et son amour pour le rock progressif des années 70, et celui de Pink Floyd en particulier. Hyper mélodique, parfois électrique, toujours inspiré, ce disque vous entre dans la tête pour ne plus en ressortir.

    Volunteered Slaves, Breakfast in Babylon : Olivier Temime et sa belle bande d'esclaves volontaires mettent le feu au dance floor en trempant leur jazz dans la soul music et l'afro beat. Oh que ce disque fait du bien en ces temps grisâtres ! Une musique pour gourmands, une cuisine roborative parfumée à la pêche.

    Renaud Garcia-Fons, La Linea Del Sur : pas à pas, le contrebassiste catalan dessine son chemin illuminé, élégant et nourri d'influences méditerranéennes, espagnole en particulier. Indémodable, les yeux levés vers le ciel.

  • Secondaire

    Lorsqu'il y a quelques semaines, un Airbus s'est abîmé en mer au large des côtes brésiliennes, l'information s'est comme arrêtée. Matin, midi, soir, on ne parlait plus que de ça. Une concentration justifiée par l'émotion et la douleur des familles et la traduction probable d'un effet de proximité, certainement dû à la présence à bord de l'avion de très nombreux citoyens français. Et voilà que ça recommence : un autre Airbus envoie vers l'au-delà plus d'une centaine de passagers partis rejoindre les Comores. On en parle, c'est vrai, mais de façon beaucoup moins intensive. Normal, ça commence à faire répétition, à force, on pourrait se lasser. Et puis il y a cette drôle d'impression que laissent certains des commentaires, ceux qui nous expliquent que les quelque 66 français comptés parmi les disparus avaient la double nationalité... Comme s'ils étaient moins importants que des français à part entière. Fort heureusement, l'actualité donne l'occasion de renouveler le traitement de l'information en pointant du doigt les défaillances de la compagnie aérienne Yemenia Airways et en soulignant le fait qu'elle était sous la surveillance étroite des autorités françaises... Merci également à la jeune rescapée d'apporter un peu d'aventure à cet accident qui a failli être banal. On a eu chaud !

  • Duo

    Parce qu'on ne peut pas toujours écrire sur un blog... et qu'on s'efforce, à la façon d'un tâcheron, de mettre sa plume au service d'un magazine - Citizen Jazz - qui défend l'idée d'une musique comme on l'aime par ici. Je vous invite par conséquent à suivre un lien qui vous emmènera vers la lecture d'un article du type « deux en un », dont le personnage central est Robert Wyatt.

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    Cliquez sur la photo pour accéder à l'article
  • Aquatique

    hot_tuna_burgers.jpgAllez savoir pourquoi, par je ne sais quelle mystérieuse divagation intérieure, j'ai pensé ce matin à ce beau disque de Hot Tuna intitulé Burgers. Paru en 1972, il était le troisième album né de la volonté de deux musiciens exceptionnels et complices, Jorma Kaukonen (guitare) et Jack Casady (basse), d'explorer plus avant certaines contrées qu'ils visitaient de temps en temps au sein du Jefferson Airplane, groupe mythique de la scène californienne des années 60. Proche de la perfection, cette galette toute noire (pochette et disque) fusionnait rock et blues en un mélange harmonieux de musique acoustique et électrique (« Water Song » d'un côté, « Sea Child » de l'autre) qui pourrait tout aussi bien avoir été enregistré hier, comme préservé des méfaits du temps qui passe. C'est là probablement un disque essentiel qu'on peut sans craindre se procurer, tant il paraît se bonifier avec les années.

    En écoute : « Water Song »

    Jorma Kaukonen : guitare, Jack Casady : basse, Papa John Creach (violon), Sammy Piazza (batterie).

    Acheter Burgers

  • Bad

    mjackson.jpgQu'on aime ou pas sa musique et quelles que soient les extravagances et les zones d'ombre du personnage, nul ne pourra contester que Michael Jackson aura marqué l'histoire de la musique du vingtième siècle. N'en déplaise à Alain Finkielkraut qui développait hier matin sur France Inter un sentiment, je le cite, « d'inappartenance » face au déferlement médiatique planétaire qui a immédiatement suivi l'annonce de la mort du créateur de Thriller*, cet artiste aura inventé à lui tout seul un univers singulier et inimité, dont énormément d'artistes de tous horizons revendiquent l'influence, à des degrés divers. Parfaitement identifiable, sa musique aura connu un sommet entre 1979 et 1987, avec la succession des trois albums que sont Off The Wall, Thriller et Bad. Et même s'il y a fort à parier qu'il n'avait plus rien de nouveau à nous offrir, cette trilogie justifie à elle seule un engouement qui dépasse les limites du raisonnable. Et j'imagine que sa disparition doit susciter un drôle de sentiment chez mes enfants, aujourd'hui adultes, eux qui avaient beaucoup vibré à sa musique, comme tant d'autres.

    * Ce qui est d'autant plus dommage que Finkielkraut venait de tenir de magnifiques propos après qu'un auditeur lui ait demandé son sentiment sur le débat autour du port de la burka. Il y avait tout de même bien des choses à dire sur le thème de la musique... Mais dès qu'on évoque celle-ci, il semble que le temps se soit arrêté pour lui voici plusieurs siècles.