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Vidéo Jazz. C'est le onzième rendez-vous du collectif de blogueurs appelé le "Z Band". Ses membres étant un tantinet débordés actuellement par leurs occupations respectives, le travail d'écriture d'un article sur un thème choisi de manière concertée est reporté au mois de septembre. Mais il était hors de question de manquer notre rendez-vous trimestriel : nous avons par conséquent décidé de chercher, chacun de notre côté, une vidéo. Voilà, pas plus compliqué que ça !!!
Je vous propose par conséquent de retrouver dans ce cadre un duo hautement sensible composé de deux musiciens que j'affectionne tout particulièrement, tant pour la brûlure de leur jeu que pour leur sens de l'écoute réciproque. Je n'évoque même pas leur maîtrise instrumentale, elle va de soi, elle est au-delà.
Nous sommes au mois d'août 2007, au festival Jazz In Marciac. Jacky Terrasson (piano) et Michel Portal (clarinette basse), interprètent avec un feu intérieur qui force l'admiration une composition de ce dernier, "Max mon Amour", dont on peut trouver une magnifique version sur son très beau disque Musiques de Cinémas déjouées avec des amis jazzmen en 1995. Souvenons-nous aussi que ce thème illustrait à l'origine le film réalisé par Nagisa Oshima en 1986, avec Charlotte Rampling en premier rôle (ainsi qu'un chimpanzé dont elle tombait amoureuse, si mes souvenirs sont exacts).
Cette note est aussi l'occasion pour moi de prendre date : il faut absolument que je prenne plus de temps pour évoquer Michel Portal, un très grand monsieur ! Un de mes artistes compagnons de vie...
Z Band
Un peu maigrichon cette fois, les contributions étant peu nombreuses... Elles n'en méritent pas moins le détour !
Faut pas croire... Je lis, le plus attentivement possible, la prose de mes petits camarades de Citizen Jazz. Et souvent, je me dis que j'ai bien raison !
Mais avant d'aller plus loin, autorisez-moi un petit conseil : sur votre table (de travail, de salon, de cuisine... qu'importe), peut-être aurez-vous laissé par mégarde une ou deux productions en vogue auxquelles on accole assez étrangement un label jazz, quand il ne s'agit tout au plus que de variétés anglo-saxonnes, dont on peut goûter les charmes, pourquoi pas, mais qui, soyons sérieux, sortent bien rarement du cadre douillet et convenu de la chansonnette. Il paraît que ça trouve son public... Alors, s'il vous plaît, d'un grand revers de la main, vous balayez les Norah Jones, les Katie Melua, les Melody Gardot, les Lisa je ne sais plus quoi... Autant de chanteuses à la mode qui risquent fort de vous assoupir si vous êtes éveillé et certainement pas de vous réveiller si vous somnolez. Un peu d'ivresse ne vous nuira pas, allez donc chercher un peu plus loin les pépites... Le jeu en vaut la chandelle.
Tenez, l'autre jour encore, notre magazine chéri a mis en ligne la chronique du disque du Claudia Solal Spoonbox, Room Service. Un texte écrit par Franpi Barriaux - à ce sujet, il commence à m'énerver sérieusement celui-là ! J'aimerais bien savoir comment il s'y prend pour glisser mille et une petites inventions poétiques au détour de ses phrases avec un naturel qui frise parfois l'insolence... En tant qu'artisan laborieux de la prose, en écriveur bricoleur, je déclare ici ma plus véhémente jalousie vis-à-vis du monsieur. Franpi, essaie de temps en temps de te fendre d'une phrase ordinaire, histoire de nous laisser croire qu'on arrivera, nous aussi, à dire les choses avec ce brin de folie qui fait toujours du bien. Et toc, voilà, c'est dit ! - qui nous alerte sur les nombreuses qualités d'un disque enregistré avec la complicité de quelques chouettes musiciens, dont Benjamin Moussay, jamais à court d'une invention sonore et d'une enluminure inattendue. Fille du grand Martial Solal, Claudia nous invite dans son univers tout à fait singulier, où les textes (en anglais) nous racontent une Angleterre d'autrefois, peuplée de personnages malicieux, et se conjuguent avec une musique à la fois savante et joyeuse. Parfois - en particulier sur le long et captivant « The Winter Of Our Discontent - on pense à Henry Cow et à sa chanteuse Dagmar Krause sur l'album In Praise Of Learning. Ce qui est un compliment. Il se passe toujours quelque chose sur Room Service : chaque minute, pour ne pas dire chaque seconde, nous réserve une surprise, une trouvaille qui nous enchante. Un peu comme si nous nous trouvions glissés à l'intérieur d'un cabinet de curiosités, dont les mystères et les objets bizarroïdes se dévoilent petit à petit.
Je vous laisse en compagnie de Claudia Solal, pour découvrir son petit laboratoire artistique, et vous inviter à entrer dans la magie de son univers. Elle interprète ici « Room Service ».
Claudia Solal (chant), Benjamin Moussay (claviers), Jean-Charles Richard (saxophone), Joe Quitzke (batterie), Régis Huby (violon).
Et puis, tiens, tant qu'on y est. Suivez aussi les précieux conseils qu'on peut lire chez Belette & Jazz : on y trouve une belle présentation d'un disque formidable, un pari risqué puisqu'il s'agit d'une aventure en solitaire du contrebassiste Claude Tchatmichian : Another Childhood est une réussite flagrante, passionnante de bout en bout. Ce qui ne nous étonne guère quand on connaît le talent du bonhomme. On en redemande !!!
Il me faudra encore beaucoup d'expériences comme celle que j'ai vécue vendredi dernier pour entrevoir le potentiel d'un curieux langage inventé dans les années 80 par Walter Thomson et qu'on appelle le sound painting.
Mais avec ses quelque 800 gestes - il s'agit en effet d'une sorte d'alphabet visuel - le sound painting est une discipline propice aux imaginations fertiles et débridées. Au gré de son inspiration, le chef d'orchestre peut ainsi donner à ses musiciens, mais aussi à des danseurs, de mystérieux ordres visuels parfaitement codifiés, provoquant la réaction et l'invention spontanée des instrumentistes. Au milieu des phrases ainsi créées peuvent aussi se glisser des séquences écrites, comme autant d'instants où la musique semble reprendre son souffle.
François Jeanneau était à la médiathèque de Vandœuvre-lès-Nancy, avec quelques musiciens dont trois membres de son excellent Bernica Octet, que je vous invite par ailleurs à découvrir. Sa démonstration ludique, suivie d'une courte séance de réponse aux questions avant un exercice collectif associant le public, fut un petit moment de plénitude malicieuse.
Voilà qui fait vraiment du bien... Deux ans presque jour pour jour après leur dernière visite dans la petite salle du Quai Son à Nancy, le fougueux aréopage du Motown Project investissait à nouveau les lieux hier soir !
Motown Project - une telle identité ne laisse aucun doute sur le répertoire qui sera proposé - c'est la promesse, largement tenue, d'une fête joyeuse et de la célébration d'une musique sans la moindre ride, frappée au sceau de l'énergie la plus communicative qui soit. Une éternelle jeunesse, impeccablement servie par un combo soudé et pourvoyeur d'ondes positives.
Il n'aura pas fallu attendre bien longtemps pour que la température monte très très fort. En réalité, il n'y a pas eu la moindre attente du tout avec, d'emblée, l'enchaînement vitaminé de « Time » et « Got To Give It Up »... Ah, Marvin Gaye quand tu nous tiens... Ce dernier sera d'ailleurs l'une des sources d'inspirations premières de ce concert gorgé de salutaires vibrations : on le retrouvera un peu plus tard avec l'incontournable « What's Going On », « I Heard It Through The Grapevine » ou le brûlant « Sexual Healing » en guise de rappel, avant, pour que l'histoire ne s'arrête pas, un retour sur « Got To Give It Up ».
Stevie Wonder, lui aussi, sera plusieurs fois à l'honneur : comment en effet ne pas interpréter le mythique « Supersition » pour célébrer ce torrent artistique que fut la Motown ? Comment ne pas puiser par ailleurs à deux reprises dans ce qui est à considérer, tous styles confondus, comme l'un des albums majeurs du XXe siècle, Songs In The Key Of Life ?
The Temptations, Jimmy Ruffin, Aretha Franklin, The Jackson Five, Martha & The Vandellas, James Brown, The Supremes... Tous sont là, avec nous, éternels invités d'une fête qu'on goûte entre amis. On savoure chaque minute, conscient cependant que le temps, déjà, passe bien trop vite.
Les neuf musiciens sont de toute évidence heureux d'être sur scène : la charismatique Marie Ossagantsia et son alter ego Martial Bourgon au chant assurent le spectacle, soutenus par une rythmique d'acier : Jérôme Arrighi, ici malicieusement présenté comme le « dictateur artistique », à la basse et Guillaume Bachmann, batteur chanteur qui ne se privera pas de nous offrir un joyeux numéro de duettistes à lui tout seul... Du côté de la section de cuivres, on souffle une revigorante tempête tropicale : Julien Hornberger à la trompette ; Matthieu Durmarque, au saxophone ténor, qui gardera son meilleur pour la fin avec un envoûtant chorus sur « Sexual Healing » ; Pierre Desassis (oui oui, je sais, je parle encore de mon fils, désolé...), qui dynamite constamment l'espace au saxophone alto ou se permet d'enflammer « I Wish » en quatre minutes explosives au saxophone soprano, des instants qui vous scotchent à votre chaise, pour peu que vous ayez eu la chance de trouver une place assise (c'est le petit extrait sonore que je propose ici, dans une captation brute de décoffrage mais qui, finalement, restitue plutôt bien l'ambiance de la soirée). On n'oubliera pas, évidemment, les deux enlumineurs que sont les deux Stéphane : Berti (guitare) et Cormorèche (claviers).
On voudrait que le temps s'arrête, rester là, au milieu du public qui est venu en nombre. Durant plus de deux heures, toutes les vicissitudes du quotidien se sont envolées, balayées par le souffle vital de cette « Motown » sans égale.
Merci !
En écoute : "I Wish" de Stevie Wonder par le Motown Project au Quai Son - Nancy, le mercredi 19 mai 2010.
Zut, une fois de plus, j'ai été pris de court ! J'avais écrit dans ma tête une courte note à teneur taquine pour moquer le comportement de certaine actrice, épouse d'un sous-ministre du budget, un peu contrainte par l'actualité politique de son conjoint de faire savoir qu'elle allait à nouveau payer des impôts. Parce que nous expliquer son « exil fiscal » du côté de Las Vegas au prétexte que ses « activités » (oui, mais lesquelles, au fait ?) l'éloignent de notre beau pays plus de la moitié de l'année, c'est bien gentil, mais on a un peu de mal à admettre l'argument. Faut bien reconnaître que ça ternit un peu l'image... Et voir la même actrice se dandiner avec ses collègues enfoirés et faire semblant de chanter sur scène pour nous inciter à débourser des euros au profit des Restaurant du Cœur, là, ça frise le ridicule... Je paye pas d'impôts mais vous, les manants, sortez les biffetons...
Pas de chance, Stéphane Guillon s'est chargé de la besogne ce matin sur France Inter, avec beaucoup plus de talent que moi, bien sûr. Alors je n'en dis pas plus.
Heureusement, hier y a eu le Jean-Louis !!! Notre inénarrable Borloo m'a sauvé la mise en balayant d'un revers de la main la question que lui posait une journaliste au sujet des rétro-commissions qui auraient été versées par le Pakistan du temps du gouvernement Balladur : « Alors là, ces trucs là, j'y ai jamais rien compris ! ». Voilà comment notre lunaire frisé esquive la question. Ah oui ? Vraiment ? Il ne comprendrait pas ?
Attendez... Ce type, qui fut longtemps maire de Valenciennes, est avocat de formation, je crois même me souvenir qu'en d'autres temps, il eut Bernard Tapie comme client. Ça doit quand même vous aider à être un peu expert en circuits financiers compliqués, non ? Borloo, c'est quelqu'un qui trempe dans la politique depuis des années et il voudrait nous faire croire qu'il ne comprend pas le principe d'une rétro-commission ? Même moi, pingouin de base, il m'a fallu cinq minutes pour piger le fonctionnement de ce petit jeu un peu pervers.
Conclusion : notre chef écologiste nous fait un gros mensonge. L'avait pas envie de répondre et de fâcher ses amis. Il ment. Nous savons qu'il ment. Il sait que nous le savons. La machinerie est tellement bien rôdée que même la prétendue journaliste se laisse piétiner et ne dit pas un mot, même quelque chose du genre : « Vous ne voulez pas répondre à cette question ? ». Non, rien, silence, on passe à la suite sans moufter.
On s'étonnera après ça que nos concitoyens rechignent à se déplacer vers les urnes. Et encore, ce n'est qu'un exemple anecdotique, une amusette télévisée...
Et un de plus sur la pile ! Ou plutôt quatre, pour être précis... Il y a tout de même quelque chose qui s'apparente chez moi à un sortilège. Je vous épargnerai toutefois la narration des innombrables épisodes qui lient ma vie de mélomane à la musique du Grateful Dead. Eh oui... encore eux ! Mais comment expliquer ce drôle d'appel auquel je résiste très difficilement dès lors que l'annonce d'un nouveau disque est portée à ma connaissance ? Voilà bientôt quarante ans que ça dure et même si la formation originelle n'existe plus depuis quinze ans - Jerry Garcia, âme du groupe, ayant quitté ce monde au mois d'août 1995 - les Dead Heads voient régulièrement leur soif de musique étanchée par la publication d'un nouveau disque : cette fois, c'est le concert du 7 juillet 1989 au Stade John F. Kennedy de Philadelphie qui est à l'honneur. Trois CD, trois heures de musique et, cerise sur le gâteau, l'équivalent en images ramassé sur un seul DVD. Le titre du mini-coffret est extrait des paroles de « Standing On The Moon », l'une des compositions de Built To Last, disque studio que le Grateful Dead venait de publier et qui serait d'ailleurs son dernier : Crimson, White & Indigo nous présente les six musiciens en excellente forme, malgré la fournaise dans laquelle ils évoluent et le mini short absolument ridicule arboré par Bob Weir, le second et indispensable guitariste.
Une question de forme en effet : trois ans auparavant, Jerry Garcia s'était mis en très grand danger après un coma diabétique qui lui avait valu un long et pénible séjour à l'hôpital. Peu nombreux étaient alors ceux qui auraient parié sur son retour ! Mais le Captain Trips, grand consommateur de substances illicites et très nocives, avait beaucoup appris de cet accident : « Quand j'étais à l'hôpital avec des tubes branchés un peu partout, je pensais aux millions de choses que j'aurais pu faire au lieu d'être allongé sur un lit ». Il disait vrai : l'année suivante, le Grateful Dead enregistrait In The Dark, l'un de ses meilleurs disques et se payait même le luxe d'un hit single avec « Touch Of Grey ». Un phénomène peu courant chez un groupe capable de battre tous les records d'affluence depuis la fin des années 60 lors de ses concerts - on citera pour mémoire le concert de Watkins Glen de 1973 et ses 600.000 spectateurs - mais modeste vendeur de disques. Et si le successeur de cet album, ce Built To Last dont il est question un peu plus haut, n'atteignait pas en 1989 les mêmes sommets, il soulignait toutefois la vivacité retrouvée du Grateful Dead.
L'écoute du disque est particulièrement révélatrice : les musiciens prennent un plaisir absolu à jouer et les chorus de guitare de Jerry Garcia sont incisifs comme aux plus beaux jours (il suffit pour s'en convaincre d'écouter dès le début son lumineux solo sur « Iko Iko »). Débarrassé des afféteries et gadgets synthétiques qui polluaient parfois son jeu à la fin des années 70 jusqu'au début des années 80 (comme tant d'artistes et de groupes, le Grateful Dead avait subi, mais de manière assez périphérique toutefois, le désastre musical de cette époque), notre homme impulse au groupe toute l'énergie de sa propre renaissance. Crimson, White & Indigo s'écoute dans la plus grande des fluidités, les minutes coulent en toute sérénité, chaque musicien apportant une couleur très personnelle à un ensemble parfaitement identifiable.
Car le Grateful Dead, au-delà de son inspiration blues et rock voire country, de ses longues envolées improvisées nées de la « grande époque psychédélique » du côté de San Francisco, possède une vraie identité sonore qu'il est finalement assez compliqué de définir. Lançons quelques pistes cependant : il y a la voix fragile empreinte de mélancolie de Jerry Garcia posée sur les notes cristallines de sa guitare, il y a la présence plus impétueuse de Bob Weir le rockeur qui tisse une toile rythmique continue derrière les sinuosités de son leader qui n'a jamais caché son admiration pour des musiciens de jazz comme Django Reinhardt ou... John Coltrane ; mais le Grateful Dead, c'est aussi une assise percussive marquée par une grande souplesse, celle du jeu tout en nuances des batteurs (Bill Kreutzmann et Mickey Hart) qui jamais ne cognent vraiment, mais agissent plutôt comme des illustrateurs polyphoniques. On n'oubliera surtout pas Phil Lesh, bassiste faussement discret et personnalité majeure du groupe : ses attaques veloutées sont aussi l'une des composantes génétiques du sang qui coule dans les veines de cette musique.
Côté claviers, la situation aura toujours été plus précaire dans l'histoire du groupe. Et mortifère surtout... Car il faut se souvenir que le Grateful Dead était né sous l'impulsion de Ron Mc Kernan, pianiste, harmoniciste, chanteur et bluesman habité qui n'avait pas survécu à une cirrhose du foie née de ses excès répétés : décédé en 1973, celui qu'on surnommait Pig Pen avait trouvé en Keith Godchaux un successeur avant tout pianiste et, il faut bien le reconnaître, plus transparent. Un tournant majeur dans l'histoire du groupe, qui se voyait amputé de fait d'une bonne part de sa fibre blues. Mais la mort accidentelle de Godchaux en 1980 avait fait entrer dans la danse un nouveau venu, Brent Mydland - présent sur ce concert de 1989 - musicien beaucoup plus fougueux, d'une présence tonifiante qui lui avait valu d'être particulièrement apprécié de Jerry Garcia, ce dernier lui vouant un véritable attachement. Mydland remettait l'orgue Hammond à l'honneur et sa voix écorchée donnait au Grateful Dead une nouvelle assise, plus proche de son empreinte sonore initiale. Il savait aussi manifester une forte présence sur scène : en témoigne ici sa prestation fiévreuse sur « Blow Away », l'une de ses compositions. Mydland harangue le public, l'emporte avec lui dans une danse frénétique sous le regard bienveillant et les coups d'oeil complices de Jerry Garcia.
D'une certaine manière, Crimson White & Indigo se situe au cœur d'une courte période, plutôt faste, qui viendra se fracasser quelques mois plus tard sur la disparition de Brent Mydland, entré en dépression après des déboires conjuguaux, et qui finira par mourir d'une overdose. On dit que jamais Jerry Garcia ne s'est remis de cette nouvelle tragédie et que la douleur aura contribué à une nouvelle plongée dans la drogue qui finira par l'emporter lui-même en 1995.
Crimson White & Indigo ne laisse pourtant rien paraître de l'histoire à venir du Grateful Dead, bien au contraire ! Son répertoire, qui se compose comme à l'accoutumée d'originaux du groupe (« Hell In A Bucket », « Ramble On Rose », « Loser », « Let It Grow », « Box Of Rain », « Scarlet Begonias », « The Other One », ...) mais aussi de reprises de Bob Dylan (« Stuck Inside Of Mobile With The Memphis Blues Again » ou « Knockin' On Heaven's Door » qui clôt magnifiquement le concert) ou de classiques comme « Little Red Rooster » ou « Turn On Your Lovelight », fait jaillir toute la lumière née d'une amitié et d'une complicité qui possèdent finalement peu d'équivalents dans l'histoire du rock.
Et l'on n'en finira pas de revenir vers ces artistes qui, avant tout, ont su insuffler une très forte dose d'humanité à leur art.
The Grateful Dead : Jerry Garcia (guitare, chant), Bow Weir (guitare, chant), Phil Lesh (basse, chant), Brent Mydland (claviers, chant), Bill Kreutzmann & Mickey Hart (batterie, percussions).
J'ai expliqué voici pas mal de temps pourquoi le premier mai était un jour redoutable pour moi. Il y a notamment quelque part cette petite note qui rappelle un événement pas banal qui fut une sorte de déclencheur de ma relative phobie pour ce jour de relâche... Il y en aura prochainement d'autres qui évoqueront ce jour assez maudit chez moi, mais là n'est pas le sujet...
Alors, aujourd'hui : repos !
Mais je ne suis pas un ingrat et vous laisse durant près d'une heure et demie en très bonne compagnie, celle de la grande Carla Bley (composition, direction, piano) et ses Lost Chords, ici enregistrés lors d'un récent concert à la Salle Pleyel : Steve Swallow (basse), Andy Sheppard (saxophone), Paolo Fresu (trompette), Billy Drummond (batterie). Une formation que j'avais eu la chance de voir sur scène dans la très belle salle de La Comète à Chalons en Champagne. C'était le 10 mai 2007. Je m'étais fait l'écho de ce beau concert dans un article de Citizen Jazz appelé : Carla et les chics types.
Alors, place à la belle musique de la grande Carla ! La seule...
Au printemps 1977, le groupe Univers Zéro enregistrait son premier album. Sa musique souvent sombre vous taquinait les tympans en vous laissant deviner qu'un nouveau chemin, mystérieux, tortueux, mais passionnant surtout, était en cours d'élaboration, sous l'impulsion de ses deux principaux compositeurs, le batteur Daniel Denis et le guitariste Roger Trigaux. On trouvait par exemple sur l'album une magnifique composition de ce dernier, intitulée "Dr Petiot".
Et plutôt que de ressasser l'histoire macabre de ce médecin accusé de vingt-sept assassinats (lui-même en revendiquant... soixante-trois !), revenons sans attendre et pour une dizaine de minutes à un concert donné récemment par Présent (groupe formé par Roger Trigaux après son départ d'Univers Zéro). Quelques jours après une prestation mémorable au festival RIO, qui vit la réunification des deux groupes le temps d'un somptueux final, Présent jouait à Bourgoin Jallieu et redonnait vie à cette musique assez incroyable.
Non non non... Vous ne m'avez pas entendu dire que l'on peut y voir et écouter mon fils au saxophone soprano... Vous ne l'avez même pas lu...
Présent Live @ Bourgoin Jallieu (Les Abattoirs) - 25/09/2009 Roger Trigaux (direction, guitare), Reginald Trigaux (guitare), Dave Kerman (batterie), Pierre Chevalier (claviers), Keith Macksoud (basse), Mathieu Safatly (violoncelle), Pierre Desassis (saxophone soprano). Vidéo : Robert Guillerault Son : Udi Koomran
S'il n'en restait qu'un ? Allez savoir... J'écrivais hier pour Citizen Jazz la chronique d'un bouquin consacré à Magma* lorsque je me suis senti gagné par un « besoin de John Coltrane »... C'est une sorte d'appel intérieur, assez fréquent chez moi depuis 25 ans, qui me pousse à vite gagner le deuxième étage de ma maison et à m'agenouiller devant le rayon du meuble où sont méthodiquement rangés tous mes disques du saxophoniste - comme leader ou sideman - soit largement plus d'une centaine. La difficulté vient juste après (voyez comme je suis habité par de graves problèmes existentiels... pendant que tant d'autres souffrent...) : quel CD choisir ? Mon œil scanne en quelques secondes les deux décennies qui séparent le premier enregistrement (1946) du dernier (1967) et, très souvent, mon choix se porte sur l'album Meditations, dont je finis par penser qu'il est celui qui me nourrit le plus intensément.
Ce disque clôt une année particulièrement féconde, que j'avais rapidement résumée dans Citizen Jazz avec un article appelé 65, année héroïque ! et auquel je vous renvoie volontiers si vous souhaitez devenir presque incollable sur les douze mois qui avaient commencé par l'enregistrement du mythique A Love Supreme, en décembre 1964.
Meditations, un disque phare, une musique abrasive, une énergie vitale. Une expression de la Beauté. Pourquoi donc celui-là et pas un autre ? Pourquoi y trouve-t-on, à chaque écoute, de quoi se ressourcer et se sentir plus vivant ?
Parce qu'il est habité d'une force presque mystique qui nous touche au plus près et nous fait comprendre que l'artiste ne triche pas, qu'il EST sa musique ? Oui, sans aucun doute. Coltrane disait au sujet de l'album : « C'est une extension de A Love Supreme, sous une forme différente. Mais mon but reste le même, c'est une méditation à travers la musique. Je veux élever les gens, autant que possible. Pour les inciter à percevoir leur capacité à donner du sens à leur vie ».
Parce qu'il donne à écouter tous les versants de la musique de John Coltrane, si nombreux depuis le milieu des années 50 ? Certainement. Il y a cette introduction un peu hallucinée où son saxophone croise le feu de celui de Pharoah Sanders : « The Father, The Son And The Holyghost » et qui est marquée par l'urgence mystique qui s'est révélée petit à petit chez lui ; et quelques minutes plus tard, la mélodie presque relâchée des premières mesures de « Love », assez proche finalement dans ses premières mesures des Ballads enregistrées quelques années plus tôt. Avant que le chant ne devienne quête... Une musique d'une intensité constante, brûlante, un flux de vie habité au plus profond de chaque note, mais qui ne se livre pas immédiatement à vous parce qu'il faut venir à sa rencontre et l'apprivoiser, avant qu'elle ne vous rende au centuple les menus efforts que vous aurez bien voulu lui consacrer.
Le plus étonnant dans cette suite captée en studio le 23 novembre 1965, c'est qu'elle avait fait l'objet d'un premier enregistrement en quartet quelques semaines plus tôt, le 2 septembre (Et qui sera en fait le dernier rendez-vous sous cette forme d'un quatuor né en 1961, avec McCoy Tyner au piano, Jimmy Garrison à la contrebasse et Elvin Jones à la batterie. Les spécialistes considèrent cette formation comme la plus aboutie dans la courte carrière de John Coltrane). Ces First Meditations sont elles-mêmes un autre joyau qui fut publié bien des années plus tard et recoupent pour l'essentiel le répertoire des secondes. Mais au mois de novembre, John Coltrane choisit d'élargir sa formation : outre Pharoah Sanders (« Ce que j'aime chez lu, c'est la force de son jeu, la conviction avec laquelle il joue. Il a la volonté et l'esprit, ce sont les qualités que je préfère chez un homme. »), il fait appel à un second batteur, Rashied Ali, parce qu'il souhaite que, de plus en plus, sa musique soit imprégnée d'un foisonnement rythmique qui le hante.
Il n'y a pas de hasard... Très vite, Elvin Jones, qui acceptait mal la cohabitation avec un autre batteur, et McCoy Tyner qui se sentait de moins en moins à sa place dans un univers où disparaissaient ses repères mélodiques et rythmiques, quittent le vaisseau Coltrane. Pharoah Sanders et Rashied Ali restent, bientôt rejoints par Alice Coltrane, l'épouse de John. Ce sera le point de départ d'une autre expérience, la dernière. Celui ou celle qui voudrait comprendre la puissance de ce nouveau foyer de création peut s'essayer à l'aventure inouïe qu'est le quadruple CD Live In Japan, enregistré en juillet 1966. Et pourra revenir ensuite vers les Meditations de novembre 1965, encore et encore.
En écoute : « Love », troisième mouvement de Meditations. John Coltrane (saxophone ténor), Pharoah Sanders (saxophone ténor), McCoy Tyner (piano), Jimmy Garrison (contrebasse), Elvin Jones (batterie), Rashied Ali (batterie).
* Philippe Gonin : « Magma, Décryptage d'un mythe et d'une musique » - Editions Le Mot et le Reste - 2010.
Je dois lutter à tout prix contre une tentation nostalgique qui, à défaut d'un contrôle conscient de ma part, pourrait vite m'arracher à la nécessité de lutter, jour après jour, pour construire un lendemain qui me verra debout. Facile à dire...
Voici en quelques lignes l'exemple d'une digression nostalgique qui vient malicieusement polluer mon quotidien. J'emploie cet adverbe à dessein parce qu'il faut bien l'avouer, ces échappées vers un passé lointain et idéalisé ne sont pas désagréables. C'est tout le contraire : elles s'apparentent à un douillet refuge qu'on gagne volontiers lorsque la grisaille du quotidien pointe sur vous un doigt menaçant et vous paralyse.
J'écoutais ce matin un disque d'un saxophoniste anglais ayant posé ses valises du côté de New York voici une bonne dizaine d'années, Will Vinson. J'en profite pour dire ici que je consacrerai prochainement un peu de mon temps pour évoquer ce talentueux saxophoniste dans un article destiné à Citizen Jazz, avec très probablement une interview à la clé.
Avant de quitter la maison, j'ai jeté un petit coup d'oeil à la pochette de l'un de ses disques, Promises, publié en 2008 (j'en profite tout de même pour dire que son nouveau CD live, The World (Through My Shoes), vient de voir le jour...) et je n'ai pu m'interdire de tracer une grande ligne droite entre ce que j'avais sous les yeux :
et un autre disque, le lumineux Europe '72 du Grateful Dead (eh oui, encore ce groupe qui n'a pas fini de me hanter...) qui m'avait tellement fait rêver lorsque j'étais adolescent et grâce auquel j'avais fini par élaborer un subtil stratagème pour acquérir dans les meilleures conditions de... discrétion ce triple album qui, à l'échelle de mon budget d'adolescent, valait une petite fortune. A l'occasion, allez faire un petit tour par ici, car je raconte cette drôle d'histoire que j'ai d'ores et déjà sélectionnée, dans une version légèrement remaniée, pour un projet de bouquin qui traîne quelque part dans un coin de mon cerveau... et qui verra le jour !
On voit bien que ces deux visuels ne sont pas totalement étrangers l'un à l'autre. Il y a l'arc-en-ciel qui semble ouvrir une vaste porte vers un univers un peu irréel, celui de la création, très probablement. Et le fond blanc, pour mieux en souligner les couleurs. Et forcément, Promises appelle automatiquement en mon for intérieur la vision intérieure de Europe '72. Impossible d'échapper à ce rappel !
J'ai donc marché pour me rendre au travail en écoutant Promises, les délicats entrelacs du saxophone de Will Vinson et de la guitare de Lage Lund. Avec, bien nichés dans un des tiroirs de mon armoire aux souvenirs, les arpèges cristallins d'une autre guitare, celle de Jerry Garcia dans « China Cat Sunflower » ou « Tennessee Jed » sur la scène du Lyceum de Londres ou de l'Olympia de Paris.
Histoire de ne pas plomber l'ambiance de ce blog en alignant des notes à la tonalité un peu trop souvent désespérée, je choisis aujourd'hui de lever les yeux au ciel et de contempler... Je me suis arrêté hier soir en effet devant un tableau vivant comme seule la nature est capable d'en créer. Après tout, l'inspiration florale est bien celle qui animait les peintres de l'École de Nancy... alors quoi de plus normal donc que de vous livrer ici, en toute simplicité, une composition dont la beauté n'a d'égale que son caractère éphémère ?
Je ne sais pas résister au charme d'un magnolia en fleurs. Mais attention : cette éclosion, qui marque l'avénement du printemps, est de si courte durée qu'il nous faut dévorer des yeux son spectacle incomparable, s'en repaître goulûment tout en sachant qu'au moindre coup de vent, il s'évanouira, abandonnant au sol un triste parterre de pétales piétinés par l'indifférence des humains pressés.
Cueille le jour.
Cette fleur est aussi, à sa façon, ma madeleine de Proust : elle me ramène près de quarante ans en arrière - c'était en août 1972 - lorsqu'après avoir acheté dans un magasin parisien (Gibert Jeune ?) un disque enchanté du Grateful Dead appelé American Beauty, je m'allongeais à plat ventre sur le lit pneumatique que ma soeur avait installé pour moi et me calais la tête entre les deux hauts-parleurs de son électrophone, afin d'écouter comme dans un drôle de casque géant et ouvert cette galette qui m'avait coûté plusieurs mois d'argent de poche.
J'écoutais dernièrement à la radio un débat consacré à l'évolution probable du fonctionnement d'Internet et de son accessibilité pour le « grand public ». La diffusion massive de la Toile favorisée entre autres par un taux d'équipement élevé des foyers en ordinateurs individuels dont le prix a fondu sous l'effet « netbook » notamment, le développement des applications dédiées aux « smartphones », l'utilisation de plus en plus intensive de plates-formes telles que You Tube, très gourmandes en bande passante, modifient considérablement la donne, rendant parfois très difficile, voire impossible à certaines heures, l'accès au réseau, au point que les fournisseurs d'accès sortent petit à petit de leur devoir de neutralité pour entamer des négociations avec les fournisseurs de contenus. En d'autres termes, les premiers disent aux seconds : « Ecoute mon vieux, si tu veux que mes abonnés continuent à accéder à ton site, je vais être obligé de les faire payer plus cher parce que les tuyaux de mon réseau sont trop étroits ». Dans certains pays comme la Belgique par exemple, on commence à voir apparaître des offres dites « Premium » qui permettent de surfer partout... à condition de payer le prix fort (j'ai entendu évoquer des sommes de l'ordre de 70 ou 80 € mensuels). Ainsi, le modèle socio-économique initial de l'Internet - fondé sur l'idée un peu utopique du partage - est en train, tout doucement, de voler en éclats et son évolution nous ramène 25 ans en arrière lorsque la publicité avait été autorisée sur des radios dites « libres » qui, en quelques années, connurent un extraordinaire phénomène de concentration, devenant au final de simples robinets déversoirs du plus désespérant des conformismes, seul garant d'une rentabilité assurée pour la meute des actionnaires (r)assis sur leurs dividendes.
L'argent règne en maître absolu, on le sait bien, et notre système économique semble ne pouvoir s'épanouir que dans la division et la fracture. A l'image de toute l'histoire de l'humanité, probablement. Une infime minorité possédante doit écraser de son pouvoir le reste de la population. C'est, semble-t-il, une sorte de loi propre à l'espèce humaine...
En poursuivant notre exemple, on peut affirmer qu'il y aura un Internet pour les riches et un Internet pour les pauvres. N'en doutons pas un seul instant.
Et allez savoir pourquoi, cette division brutale entre la minorité des possédants et le reste de la population me fait penser à un bouquin que j'ai dû lire, je crois, dans les années 90, sous la plume de Norman Spinrad qui campe dans son Rock Machine (dont le titre original est Little Heroes) une société divisée en deux couches : la première, celle d'une fraction minoritaire revenue de tout, habite à la surface et trompe son ennui dans la fête, l'alcool et les stupéfiants. Cette population du show biz et des P.A (« Personnalités Artificielles, vedettes de synthèse, poupées de sons, produits incestueux des sondages et des éprouvettes électroniques, concoctées dans les entrailles d'ordinateurs, tels Lady Leather et Mucho Muchacho. Vite fanées. Trop vite oubliées au gré des huiles de Muzik, Inc., la mégasociété des variétés. », je cite ici une phrase tirée d'une présentation du roman sur Internet), superficielle à tous les sens du mot, vit au grand jour et s'oppose à un peuple de l'ombre qui grouille sous ses pieds et ne fait que survivre. Je ne me rappelle plus vraiment les détails de ce roman, mais je me souviens d'avoir été frappé par certains de ses aspects, très visionnaires, qui semblent nous décrire, quelques années à l'avance, le monde qui nous menace.
Je pense aussi, mais là c'est une anecdote souriante, aux moqueries de mes enfants, qui à cette époque, prenaient un malin plaisir à m'imiter lorsqu'au détour d'une conversation, je faisais référence à ce bouquin en soulignant la fracture qu'il mettait en avant sous couvert d'anticipation... Je les entends encore...
Si j'en crois le site www.amazon.fr, Duke Ellington va s'arracher les cheveux lorsqu'il lira depuis le paradis des musiciens la fiche descriptive du dernier disque enregistré par le Big Band de l'Air, sous la direction de Stan Laferrière. Assez subtilement baptisé Duke In The Air, ce second enregistrement réalisé par le pianiste arrangeur devient un bien étrange Duke In The Hair sur le site de vente en ligne...
Toute plaisanterie mise à part (et nonobstant le fait que vous pouvez cliquer sur l'image ci-dessus pour commander l'album), je m'autorise une incursion personnelle dans la campagne de promotion de ce disque puisque l'un des acteurs en est mon propre fils. Mad Jazz Boy y fait en effet vibrer les anches de son saxophone (soprano ou alto) et propose en particulier un petit numéro assez personnel sur « Caravan », qu'il dynamite non sans bonheur tout au long des cinq minutes d'un chorus plutôt réjouissant.
Ce disque est également l'occasion de (re)découvrir une « Deep South Suite » passée aux oubliettes de l'histoire de la musique, mais visiblement pas perdue pour tout le monde, puisque certains de ses thèmes étaient réapparus sous un autre nom et pas nécessairement sous la signature de Duke Ellington. Stan, si tu lis ces lignes, n'hésite pas à venir nous raconter cette histoire en quelques lignes, tu seras le bienvenu !
Enfin, Duke In The Air, enregistré en public à Bayonne, Tours et La Souterraine, est une occasion de partager une heure de musique avec une quinzaine musiciens qui s'expriment avec beaucoup de conviction et de talent sur les arrangements très toniques de leur chef d'orchestre.
Ça fait du bien !
En écoute, un extrait de « Caravan » avec Pierre Desassis (ici au saxophone soprano) dans ses oeuvres... Sébastien Maire (contrebasse), Stan Laferrière (piano), Xavier Sauze (batterie) + Ludovic Louis, Nicolas Gardel, Mathieu Haage, Julien Rousseau, Philippe Slominski (trompette, bugle), David Fettmann (saxophones alto & soprano, clarinette), Olivier Bernard (saxophone ténor & soprano), Christophe Allemand (saxophone ténor), Cyril Dumeaux (saxophone baryton), Nicolas Grymponprez, Bertrand Luzignant, Cyril Dubilé, Jean Crozat (trombone).
Une fois n'est pas coutume, j'aimerais faire ici écho à l'une de mes chroniques, tout récemment publiée sur Citizen Jazz, pour revenir en quelques lignes, agrémentées de deux bonus, sur le disque que vient de publier le saxophoniste Olivier Temime. Non par narcissisme, mais plutôt parce que cette nouvelle galette baptisée The Intruder me réjouit au plus haut point et qu'il me paraît de mon devoir de vous la faire connaître ! Nous vivons une époque plutôt terne, sachons donc ne pas nous priver de ces éclats de lumière que les artistes nous font parvenir...
En parfaite symbiose avec son complice Vincent Artaud (multi instrumentiste de grand talent qui prend en charge tous les arrangements du disque et en co-signe tous les titres), Olivier Temime dynamite les barrières qui pourraient encore séparer certains paysages musicaux : il nous offre un jazz goulu qui se sait quand il le faut se parer des atours d'un rock décoiffant pour mieux nous élever avec lui vers les hauteurs d'une musique gonflée à bloc d'une saine énergie. Voilà qui est dit, inutile d'enrober la chose de mots superflus. Laissez-vous emporter, ça fait vraiment du bien !
Je vous laisse maintenant en la compagnie de monsieur Temime, d'abord avec un court extrait du roboratif « Purple Dream » qui ouvre l'album...
... puis avec cette petite séquence vidéo où vous pourrez voir et écouter les musiciens interpréter en studio « The Macadam Turtle ».
Olivier TEMIME (saxophone ténor), Vincent ARTAUD (contrebasse), Cyril ATEF (batterie).
Et puis, surtout... car c'est essentiel tout de même ! Souvenez-vous que les disques s'achètent aussi. Je vous donne ICI un lien parmi d'autres possibles...
Quand quelques idées s'entrechoquent, au soir d'un dimanche pluvieux...
Dans quelques jours débutera à Nancy une fête foraine annuelle d'un mois. La foire, comme on dit par ici... Les camions et leurs manèges ont fait leur entrée dès lundi matin dans la ville, provoquant de beaux bouchons et, ce faisant, la colère de l'homo automobilus en route vers son labeur et de fait coincé dans sa maisonnette sur roues. Quant à moi, plus piéton que jamais, j'observais ce matin les véhicules dans lesquels s'exhibent la plupart des forains : en règle générale, de très très grosses cylindrées allemandes, véritables attentats écologiques qui m'y feront regarder à deux fois avant que j'engage le moindre centime d'euro - ce qui ne m'est pas arrivé depuis des lustres - dans l'une ou l'autre de ces attractions bruyantes et kitsch qui, tout au plus, me permettront de repartir chez moi l'estomac retourné ou les bras chargés d'un affreux lot de consolation fabriqué dans la dictature eldorado chérie de nos ayatollahs néo-conservateurs, hypocritement baptisée RPC sur les étiquettes introuvables de la plupart des produits qu'on essaie de nous fourguer à tout bout de magasin*.
Ah, puisqu'on parle des ayatollahs du libéralisme échevelé (privatisons les bénéfices, mutualisons les dettes), je pense à cette récente émission vue sur l'excellent site Arrêt sur Images qui avait pour sujet d'étude le directeur du journal l'Express, le sémillant et omniprésent Christophe Barbier, toujours ceint de son écharpe rouge, éditorialiste bien fourni en ronds de serviette sur de nombreux plateaux de télévision consentants. Ce journaliste, dont l'inspiration idéologique pourrait être qualifiée de thatchero-zemmourienne, aime s'adonner sur son blog à quelques saillies provocatrices, qu'il justifie au nom de je ne sais quel besoin de débat, qu'il faudrait impérativement lancer. Soit. Il s'attaquait l'autre jour à la question des obèses montrés du doigt par les compagnies aériennes qui menacent de surtaxer les sièges passagers de ces encombrants bipèdes. Soit encore, cette question est intéressante, car elle traite potentiellement de plusieurs sujets sensibles : la discrimination d'une part, les raisons de la croissance exponentielle de l'obésité dans les sociétés occidentales selon le modèle américain d'autre part, pour ne citer que les plus prégnantes. Mais, comme l'aurait dit Rossini, ce vil Barbier préfère choisir un angle plus pernicieux en opposant ceux dont l'obésité serait d'origine génétique et les autres, qui auraient grossi par manque de volonté. Il faudra que ce professionnel de la parole m'explique la méthode qu'il va employer pour séparer les uns des autres et comment il pourra extraire le phénomène de l'obésité galopante de son contexte social, lui même résultant d'un système économique (dont il reste le défenseur) à la dérive. En réalité, ce « bougisme » médiatique un brin stérile n'est probablement rien d'autre qu'une flatulence intellectuelle - une parmi tant d'autres - ayant pignon sur écran depuis quelque temps, mais qui nous interpelle fortement quant à son pouvoir de nuisance dans les esprits. Et doit nous inciter à la plus extrême vigilance.
Esprit es-tu là ? Certains pensent que l'art possède des vertus rédemptrices pour l'homme. Je fais partie de ceux-là et lorsque le quotidien devient lourd à porter, la musique m'est d'un précieux secours. Hier soir, une chorale chantait le Requiem de Gabriel Fauré en la cathédrale de Nancy. Adultes et enfants dans un même élan : de quoi vous enchanter et vous laisser croire qu'il existe encore une porte de sortie à ce maelström dans lequel nous sommes englués, nous les humains. Et une incitation très forte à mettre le doigt là où ça fait du bien en partageant avec vous quelques oeuvres fortes. Comme celles que crée avec un talent fou le clarinettiste saxophoniste Louis Sclavis, auquel je pense à la minute présente parce qu'une collègue blogueuse qui l'a vu sur scène tout récemment est encore, semble-t-il, sous le charme puissant de sa musique. On la comprend ! L'abondante discographie du bonhomme depuis 25 ans témoigne de sa créativité sans pareille, dans une ascension régulière et dont ses quatre derniers disques, d'une stupéfiante beauté, sont à chaque fois autant de promesses avérées pour l'avenir : « L'Affrontement des prétendants » (2001), « Napoli's Walls » (2003), « L'Imparfait des Langues » (2007) et « Lost On The Way » (2009). Ces petites merveilles, toutes publiées sur le label ECM, inventent un jazz contemporain, en éveil permanent.
L'éveil, vous dis-je !
* Cette phrase compte 731 caractères, mais je suis capable de faire beaucoup mieux... ou pire, c'est vous qui voyez !
Et si nous restions en accord avec la saison en parlant, encore et toujours, de musique... Après tout, voilà qui nous permet de prendre un peu de hauteur après les épuisants et plutôt vulgaires épisodes de la vie politicienne de la période récente. Que nos amis politologues et autres éditorialistes cessent donc de s'épuiser (et de nous épuiser par la même occasion) en ressassant jusqu'à la saturation la moindre phrase prononcée par nos, comment dit-on déjà ? Ah oui, nos responsables... pour en tirer de hasardeuses conclusions (ce qui les différencie des responsables en question qui, eux, s'acharnent dans un insupportable tic de langage à tirer les conséquences, une stupidité puisque les conséquences ont cet avantage précieux de se tirer toutes seules)... Je me propose de leur résumer l'avant, le pendant et l'après campagne électorale en une phrase simple : l'actuel locataire de l'Elysée est le président de la République de l'UMP. Ni plus, ni moins. Je l'avais déjà écrit ici-même il y a belle lurette, autant le rappeler car rien ne change. Tout est dans cette phrase et basta !
Avant-hier donc, le collectif du Z Band célébrait le printemps en vous soumettant une composition ou un titre qui saluait le renouveau et, surtout, remisait l'hiver au plus vite dans son grenier glacé. Aujourd'hui, pour parachever ce tableau de l'éclosion, j'aimerais revenir rapidement sur un moment de musique aux touchantes imperfections nées de la mise en place à l'arraché d'un concert - qui s'apparentait plutôt à une jam session - réunissant quatre musiciens se connaissant bien, au moins pour trois d'entre eux. Nous étions à Nancy, le 15 mars 2010, dans la petite salle du Quai Son, que les autochtones connaissent fort bien depuis longtemps et notamment lorsqu'elle s'appelait le Barnum.
Ah, les lundis du Barnum !!! J'en connais quelques uns qui s'y sont illustrés un sacré nombre de fois, fourbissant leurs instruments, se lançant de joyeux défis à coups de standards fiévreux. Mon Mad Jazz Boy de fils n'avait pas 18 ans quand il zébrait l'atmosphère alors très enfumée de la salle des flammèches cuivrées de son saxophone (ténor, alto ou soprano). Il y croisait chaque semaine le bec avec quelques potes musiciens qui, tous, faisaient fi de conditions parfois précaires et savaient réchauffer l'ambiance jusqu'à des heures tardives.
Ce lundi 15 mars, trois de ces acharnés du boeuf, auprès desquels est convié un quatrième larron et talentueux batteur, se sont donné rendez-vous pour une réunion qui ressemble avant tout aux retrouvailles de vieux amis. Le public, peut-être moins nombreux qu'à l'époque haute en couleurs relatée plus haut, est tout de même venu, souvent pour s'accouder au bar et écouter en sirotant. Cédric Hanriot (claviers), Mathieu Loigerot (contrebasse), Gauthier Garrigue (batterie) et... Pierre Desassis (saxophone alto), l'invité de dernière minute, revisitent quelques thèmes bien connus, comme « Take The Coltrane », « Nardis » ou « Cantaloupe Island ». On devine qu'une ou deux répétitions auraient pu très facilement propulser la musique vers de plus hautes sphères mais qu'importe ! La fraîcheur est là, une vraie vibration s'installe, les thèmes laissent la place aux fantaisies des solistes et on ne s'ennuie pas.
C'est tout ce qu'on demande après tout : être là et partager des instants suffisamment fiévreux pour qu'on puisse quitter les lieux, sans nostalgie, mais en pensant aux heures passées qui sont restées gravées dans nos mémoires.
Un bon début de printemps, une envie de musique, le besoin d'autres concerts...
En écoute : quelques minutes du concert, le temps d'un chouette chorus de Mad Jazz Boy au saxophone alto.
Cédric Hanriot (claviers), Mathieu Loigerot (contrebasse), Gauthier Garrigue (batterie), Pierre Desassis (saxophone alto). Nancy, le Quai Son, lundi 15 mars 2010.
C'est l'heure du dixième rendez-vous (eh oui, le temps passe si vite...) pour le collectif des blogueurs, passionnés de musique en général et de jazz en particulier, unis sous la bannière du "Z Band". Nous avons choisi pour l'occasion - comment s'en étonner d'ailleurs ? - de célébrer le printemps et de lui associer ce qui, finalement, lui sied comme un gant : le swing.
Les différentes contributions sont à découvrir chez mes amis distants :
- "Springtime" d’Eric Dolphy, version Eberhard chez Jazz à Berlin ; - "Springtime for… & Correction", chez Jazz à Paris ; - Blossom Dearie et sa "Ballad Of The Spring" chez Jazz Frisson à Montréal ; - “You must believe in spring” de Michel Legrand à Bill Evans, chez La Pie / JazzOcentre ; - Clifford Brown avec "Joy Spring" sur Ptilou’s Blog ; - "Springtime again", par Sun Ra chez Mysterio Jazz / Bill Vesée ; - "Spring" par Kenny Dorham chez Belette ; - "Springtime dancing", par Manu Katché chez Bladsurb ; - "Everytime We Say Goodbye" de Jeanne Lee & Mal Waldron, du côté de chez Jazzques.
Ici, il sera question de John Coltrane et de sa version de "Spring Is Here", signée Rodgers & Hart.
Assez amusante cette remarque entendue ce matin sur France Inter. On s'était déplacé jusqu'à Nancy - une sorte de Sibérie mal dégrossie pour certains parisiens, si j'en crois la remarque glissée subrepticement par le journaliste qui animait le journal du matin et qui supposait qu'en d'autres lieux « plus chics » (sic) les commentaires eussent été différents - lorsqu'une lycéenne nous expliqua que le débat sur l'identité nationale s'était terminée en « eau de poisson » (re-sic). Voilà qui fera plaisir à nos édiles, heureux de constater que même aux yeux de la jeunesse, ce dossier un peu gluant aura pu être lavé de toutes ses impuretés.
Je me permets toutefois de vous laisser à vos réflexions (n'hésitez pas à échanger si vous le souhaitez) car je dois partir à la recherche d'une queue de boudin.
Dans une chronique à paraître très prochainement sur Citizen Jazz*, j'évoque la relation familiale qui me semble unir la musique de Sébastien Texier à celle de son père, le contrebassiste Henri Texier. J'ai eu l'occasion de m'entretenir dernièrement avec ce dernier sur ce sujet après un concert donné par le trio africain constitué, outre Henri Texier, de Louis Sclavis (saxophone soprano et clarinettes) et d'Aldo Romano (batterie). Nous étions à Chalons-en-Champagne, près du bar de la très belle salle de la Comète. Une conversation instructive qui montre que cet apparentement ne semble pas si marquant pour le contrebassiste, lui qui vit ces choses-là de l'intérieur.
« Je ne me rends pas bien compte, je sais que Sébastien et moi, on a beaucoup de points en commun sur le plan musical, à part le fait d'avoir les mêmes gènes. Mais depuis toujours, ses goûts musicaux, je les ai appréciés aussi et peut-être que ce sont toute une quantité de strates qui se sont accumulées. Franchement, j'entends toutes ses mélodies, elles me conviennent, certaines me plaisent beaucoup. Cela dit, je ne sens pas une filiation particulière, mais je suis d'accord, je suis complètement d'accord avec ce qu'il a fait dans cet album, avec ou sans moi, lui et ses potes. Je n'ai pas mis mon grain de sel et je me suis senti parfaitement à l'aise. Mais bon, je ne suis pas trop bien placé pour donner un avis... Sébastien, il a grandi là-dedans, il n'a pas grandi avec Johnny Hallyday, il a grandi avec nous ! De plus, il a trouvé un vocabulaire, un idiome, c'est une espèce de quête, de tissage. Il y a des brins, des motifs, qui font leur propre étoffe. »
En bonus, une petite carte postale sonore sous la forme des premières minutes du concert de Romano Sclavis Texier à Chalons-en-Champagne avec un extrait de "Daoulagad" (Henri Texier). Un concert sur lequel nous reviendrons plus en détail dans un prochain article pourCitizen Jazz.
* Consacré au dernier disque du trio de Sébastien Texier, Don't Forget You're An Animal.
Quand le violoncelliste Vincent Segal - dont la carte de visite est assez impressionnante si l'on en juge par la diversité de ses collaborations et expériences : l'Ensemble Intercontemporain, Cesaria Evora, Elvis Costello, Sting, Piers Faccini, Matthieu Chedid, Marianne Faithfull, sans oublier le duo Bumcello formé avec le percussionniste Cyril Atef - rencontre le musicien compositeur Malien Ballaké Sissoko, joueur de kora, on pressent que le mariage des cordes sera magnifique. Un pressentiment totalement vérifié par les faits... Trois sessions d'enregistrement à Bamako au mois de mai 2009 ont donné naissance à Chamber Music, un disque de plénitude publié sur le label No Format !. La conversation entre les deux instruments est de toute beauté, si harmonieuse et intemporelle qu'elle semble attirer vers elle comme par magie d'autres musiciens, comme par exemple Demba Camara au karignan.
Un disque qui exprime une certaine vérité, celle de l'âme. Une chronique est à venir sur Citizen Jazz.
En écoute, un extrait de "Ma-Ma FC" : Ballaké Sissoko (kora), Vincent Segal (violoncelle), Demba Camara (karignan).