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J’ai entendu hier matin à la radio le témoignage d’une famille – parents et enfants – toute tourneboulée semble-t-il à l’idée de devoir réorganiser ses soirées en raison du démarrage avancé d’un quart d’heure des émissions de télévision sur le service public. Quel drame en effet… Et je me dis que malgré la crise systémique qui nous frappe, malgré la désorganisation de nos économies, nous autres occidentaux conservons de saines inquiétudes… Voilà qui me rassure.
Il fait encore nuit, la neige tombe à gros flocons et entame une danse tranquille dans la lumière des réverbères. La température est de saison, réfrigérante. Assis à mon bureau, j’observe ce spectacle un peu irréel qui s’accorde parfaitement avec «The Heavenly Music Corporation», une longue pièce instrumentale enregistrée voici bien longtemps maintenant, en 1973, par deux sorciers du son, Brian Eno et Robert Fripp sur leur album No Pussyfooting. Je n’avais pas écouté ce disque depuis de très longues années et j’en perçois toute la beauté du fait de cette concordance presque parfaite entre les images qui s’offrent à moi et les nappes sonores qui s’échappent en volutes des hauts parleurs. Un peu magique, tout cela...
La discographie de One Shot – quatre disques enregistrés de 1999 à 2008 – constitue un ensemble parfaitement cohérent qu’il s’agit de découvrir en le considérant pour ce qu’il est : une fusion contemporaine de rock et de jazz aux couleurs souvent sombres dont l’énergie ne s’est jamais démentie au fil des années. Sa formation, inchangée depuis le début, semble le garant d’une belle unité de fond et de forme qui amène le groupe au meilleur niveau, celui d’une virtuosité jamais démonstrative, mise au service d’un propos techniquement irréprochable et artistiquement original. Et si le noyau du quatuor est intimement lié à la galaxie Magma (deux de ses membres font partie de ce dernier, le troisième fut compagnon de route de Christian Vander durant plus de 20 ans ; quant au quatrième, il serait étonnant qu’il ignore quoi que ce soit de la matrice kobaïenne…), on écoutera sa musique pour elle-même, parce qu’une paternité aussi forte risquerait de nous faire oublier qu’elle puise son inspiration à d’autres sources tout aussi puissantes : «Black P» par exemple, qui introduit le nouvel album Dark Shot (composé d’un disque studio et d’un DVD concert et interview), semble ainsi marqué d’une belle griffe crimsonienne, celle de la période Red du groupe de Robert Fripp. De quoi abreuver notre soif d’une musique à consommer sans modération.
One Shot : Emmanuel Borghi (claviers), Philippe Bussonnet (basse), Daniel Jand’Heur (batterie), James Mac Gaw (guitare). Discographie : One Shot (1999), Vendredi 13 (2001), Ewaz Wader (2006), Dark Shot (2008).
En 1960, John Coltrane se produisait dans les studios de la télévision allemande accompagné de Wynton Kelly au piano, Paul Chambers à la contrebasse et Jimmy Cobb à la batterie. Ecoutons-les interpréter un magnifique «On Green Dolphin Street». Quelle meilleure introduction pour cette nouvelle année ? On peut toujours rêver et se dire qu’elle sera habitée d’autant de grâce que cette musique… Bonne année à vous tous.
J’avais imaginé, en ce dernier jour de l’année, vous proposer une petite sélection de quelques bonheurs musicaux débusqués en 2008. Dans ma tête circulaient déjà les images et les sons de disques marquants, car il y en a eu, dont je souhaitais partager avec vous la vie et la grâce. Et puis… J’ai appris hier qu’un grand monsieur de l’histoire du jazz venait de nous quitter : âgé de 70 ans, Freddie Hubbard, est mort des suites d’une crise cardiaque. 70 ans ? Seulement ? Incroyable… Freddie Hubbard, c’était pour moi avant tout la fougue d’un jeune musicien âgé de 23 ans qui débordait d’énergie aux côtés de John Coltrane en 1961 pour l’enregistrement du mythique Olé. A cette époque, il participait à l’aventure des Jazz Messengers d’Art Blakey, avant de travailler aux côtés d’autres géants comme Sonny Rollins, Eric Dolphy, Herbie Hancock, Ornette Coleman ou Quincy Jones. Il avait su s’affranchir des frontières et faire traverser sa musique par de nombreux courants, en commençant par recevoir l’influence du grand Miles avant de s’émanciper et de trouver sa propre voie. Sa discographie, en tant que leader ou comme sideman, est abondante et j’aimerais ici vous proposer un petit hommage avec «Red Clay», extrait de l'album éponyme publié en 1970. Le casting est somptueux, excusez du peu : aux côtés du trompettiste, on trouve Joe Henderson au saxophone ténor, Herbie Hancock au piano, Ron Carter à la contrebasse et Lenny White à la batterie. Rien que ça. Chapeau bas monsieur Freddie, et bonne chance pour vos nouvelles aventures.
Le résultat n’est pas inoubliable, certes. Parce que le rock un peu rude et la voix rocailleuse de John Fogerty se marient plutôt mal, finalement, avec la rythmique aérienne et les flammèches évanescentes lancées par les cordes électriques du Grateful Dead. Mais cette rencontre, qui remonte à l’année 1991, entre celui qui était à lui seul Creedence Clearwater Revival et la bande à Jerry Garcia, ressemble pour moi à l’une des pièces manquantes du puzzle que je tente d’assembler depuis les années de ma préadolescence. En 1970 – j’avais alors douze ans – je m’entichais du premier avant de me lancer à disques perdus dans la découverte du second, dès le mois de janvier 1972. Il aura fallu attendre près de vingt ans pour qu’une jonction s’opère et presque autant encore pour qu’elle me parvienne aux oreilles. Astucieusement baptisé Dead Moon Rising - les spécialistes comprendront – cet enregistrement constitue un précieux témoignage, à défaut d’être musicalement historique.
Voici maintenant près de quinze ans, c'était en 1994, que Christian Vander surprenait son monde en proposant A tous les enfants. Disque puisant ses racines dans la mémoire des premières années d'un homme connu d'abord pour le déferlement à nul autre pareil de sa musique avec Magma, sa beauté intacte nous semble parfaitement adaptée à ces jours dits de fête où familles, amis se rassemblent et, peut-être, retrouvent l'innocence des jours de leur enfance. Car c'est bien de cela qu'il s'agit : A tous les enfants s'adresse aux enfants que nous étions et que, trop souvent, nous avons perdu de vue dans nos vies d'adultes. "Les contes de Noel de Kobaïa se sont posés sur la Terre. Ils ont le charme ineffable de ces mélodies cristallines et limpides, qui s'envolent des boîtes à musique que l'on ouvre et que l'on referme pour qu'elles ne la laissent pas échapper".
Je ne connaissais pas grand chose de cet anglais de trente-six ans, qui publie un premier album sous son nom. Je savais seulement qu'il avait été le chanteur d'un groupe appelé The Hoax et qu'il s'était installé en France depuis plusieurs années. Pour l'avoir récemment entendu sur France Inter, je peux même témoigner de la qualité impeccable de son français, que bien des ressortissants de notre pays si fiers de mal parler les langues étrangères pourraient lui envier. C'est donc avec un vrai plaisir que j'ai pu découvrir Hugh Coltman et ses Stories from the Safe House : sa musique teintée de rock, de folk et dont les climats lorgnent parfois vers une ambiance jazz, est empreinte d'une belle élégance qui n'est pas sans rappeler celle d'un autre britannique, l'excellent Piers Faccini. On pense aussi parfois, pour le timbre de la voix, à un autre grand monsieur, le regretté Jeff Buckley. Une galette à recommander !
Voici quelques semaines, j'avais évoqué ici-même la sortie d'un disque enregistré en solo par le pianiste Jean-Michel Albertucci. Ses Etranges Fantaisies, passionnant voyage au pays de la liberté, m'ont donné envie d'en savoir un peu plus sur ce musicien et de lui accorder suffisamment de temps pour nous parler de ce bel enregistrement.
Une heure d'entretien, dont la quasi totalité est retranscrite sur mon autre espace, c'est ICI !
On pourra toujours en profiter pour écouter à nouveau un petit extrait du disque, "Horizontale".
Une grisaille dominicale couvre d’un épais matelas tristounet le ciel lorrain… Voilà donc une excellente occasion de fourbir cette belle arme ensoleillée qu’est Palabre, le nouveau disque du sextet français Sixun. Dix ans après Nouvelle Vague, on n’espérait plus que ces héritiers de Weather Report vinssent nous délivrer un disque aussi réussi. Il y avait bien eu ce concert à la Cigale en 2005, mais depuis, on ignorait si cette aventure fusionnelle de plus de vingt ans tournerait une nouvelle page. C’est fait et bien fait, alors soleil !
Alain Debiossat (saxophones), Louis Winsberg (guitare), Jean-Pierre Como (claviers, piano), Michel Alibo (basse), Paco Sery (batterie), Stéphane Edouard (percussions) + invités, dont Pierre Bertrand aux arrangements.
J’aime bien les hommes politiques, parce que souvent, ils vous servent des phrases automatiques qui en disent long sur l’estime dans laquelle ils tiennent leur électorat. Tenez, l’autre jour par exemple, il y avait une élection législative partielle. Ne me demandez pas où, je ne m’en souviens plus. Et puis on s’en fout, ça ne change rien à l’histoire. En lice au deuxième tour, deux candidats et comme d’habitude en ce genre d’occasion, une participation plutôt faible. Manque de chance pour le candidat sortant qui appartient à l’actuelle majorité présidentielle, le résultat a donné vainqueur son adversaire (ce qui n’est pas un mince exploit compte tenu des luttes stupides qui ridiculisent son parti en haut lieu). J’entends alors une interview du perdant qui nous explique que s’il s’est fait sortir, roulez tambours sonnez trompettes, «c’est parce que le gagnant a mieux mobilisé ses électeurs». Tu parles Charles… Autrement dit, il ne remet pas un seul instant en cause la qualité du travail de son propre camp (pas plus que le sien localement) et botte en touche pour expliquer pourquoi il s’est mal tiré d’affaire. En fait, il faut le comprendre, il a perdu parce que ses électeurs sont des idiots…
Je n’ai pas le moindre doute quant au fait que la sortie du nouveau disque d’Alain Souchon s’accompagne d’un plan médias savamment organisé, avec son cortège d’interviews dans la presse et à la radio, sans parler d’un long (et beau) documentaire diffusé en début de semaine à la télévision. Et que tout ce battage est forcément injuste pour tous les autres, ceux dont on parle peu, voire pas du tout. C’est vrai et de ce fait, je ne devrais pas en parler, partant de l’idée que les autres en ont déjà assez dit. Mais je ne peux m’empêcher de penser que j’adore ce type ! Voilà un ciseleur de mots, capable d’exprimer avec un rien ce que nous, humains lambda, ne parvenons même pas à dire en de longues phrases alambiquées. Son génie très particulier réside certainement dans une expression poétique parfaitement identifiable qui fait de lui un inventeur, humble et lucide. Les petites fulgurances littéraires d’Alain Souchon sont toujours un régal. Et je suis certain qu’on pourra, plus tard, étudier ses textes avec attention et y découvrir une observation fine et pertinente de notre monde. Souchon s’apparente, d’une certaine façon, à un socio-philosophe contemporain dont les idées, les questionnements, les inquiétudes, les admirations et les révoltes sont souvent les nôtres. Les hommes, de plus, ont trouvé chez lui un écho à leurs propres doutes et se sont sentis moins seuls lorsqu’ils ont entendu cette fragilité qu’il n’a jamais chercher à masquer sous une attitude arrogante ou virile. J’avais envie de le dire…
J'ai entendu ce matin deux informations étonnantes qui nous démontrent que si l'intelligence a des limites, la connerie, elle, n'en a point. Il y a tout d'abord le futur ex-président des Etats-Unis qui reconnaît qu'il n'était pas prêt à faire la guerre et qui espère aujourd'hui qu'on se souviendra de lui comme d'un dirigeant ayant contribué à la paix. Faut oser, tout de même ! Alors je crois que c'est raté, dobeuliou, j'ai plutôt l'impression que l'histoire te rangera dans la case des calamités mondiales, j'en suis désolé pour toi. Dans la foulée de cette confession ridicule, j'apprends que nos voisins d'Outre-Manche remettent à l'ordre du jour ce fameux "name and shame" qui était si cher à Tony Blair. Il s'agit de faire porter un blouson de couleur fluo orange aux délinquants condamnés à des travaux d'intérêt général (on montre et on fait honte, donc). Mais pourquoi se fendre d'un blouson alors qu'une petite étoile suffirait pour marquer ces gens ? Et puis, on pourrait peut-être aussi les lyncher en place publique pendant qu'on y est, histoire de mettre un peu d'animation dans ce monde grisâtre.
J’ai entendu à la radio le témoignage d’un drôle de type qui expliquait comment, depuis vingt ans, il ne se contentait pas de se brosser les dents réglementairement pendant trois à quatre minutes, mais s’échinait à conserver à chaque fois le dentifrice dans sa bouche durant… quarante-cinq minutes, sans parler. Promis, juré, craché, pas une seule carie depuis le jour où cette étrange idée lui a traversé l'esprit. Je ne voudrais pas vous apparaître comme un maniaque de la chose chiffrée, mais si je considère que ce drôle de bipède s’est adonné deux fois par jour à cette folie hygiénique depuis l’année 1988, j’en déduis qu’il a passé plus de quinze mois à attendre, bouche fermée, que le fluor protège ses dents. Je sais que la santé bucco-dentaire est essentielle, mais je me demande si tout cela ne ressemble pas à un trouble obsessionnel compulsif.
J’ai consacré une bonne partie de mon après-midi de vendredi à un entretien avec le pianiste Jean-Michel Albertucci (dont il a déjà été question ici à l’occasion de la sortie de son premier disque en solo). Pour conclure cette conversation destinée à l’écriture d’un prochain article pour le compte du magazine Citizen Jazz, je lui ai proposé de réagir à quelques écoutes musicales, émanant exclusivement d’enregistrements de pianistes. Quel ne fut pas mon bonheur de voir ce musicien, attachant et sensible, vibrer de manière très intense dès les premières notes de la Toccata, extraite de la Sonate de Guerre du regretté Olivier Greif, ici interprétée par Pascal Amoyel. Il a perçu instantanément toute la profondeur de cette composition et, surtout, s’est senti comme en résonance corporelle, physique avec une œuvre douloureuse inspirée par l’horreur absolue que furent les camps de concentration. Dans notre conversation, j’ai pu lui dire combien de mon côté je me sentais privilégié d’avoir eu le bonheur d’écouter Olivier Greif lui-même interpréter cette sonate, dans le cadre du Festival des Arcs, il y a une dizaine d’années. Je crois que c’était en 1998, mais un petit doute subsiste, ayant pu l’écouter plusieurs années consécutives (je me rappelle ses interprétations de «Veni Creator» et de «La Bataille d’Agincourt»). Ce compositeur exceptionnel, totalement habité par sa musique, nous a quittés bien trop tôt en l’an 2000, à l’âge de 50 ans, devant son piano. Il aura laissé, j’en fais le pari, une œuvre durable qui continuera de hanter longtemps les âmes éprises de beauté.
Y a un truc qui m’horripile au plus haut point (voyez comme mes préoccupations sont essentielles, voire vitales), ce sont tous ces gens qui disent «Cent z’euros». Ah ce que ça m’énerve ! C’est tellement difficile de faire la bonne liaison ? D’accord quand il s’agit de deux cents euros, là je veux bien parce qu’on doit mettre effectivement la lettre «s» au bout de cent mais pas de son «z» quand il n’a rien à faire là, par pitié… On écrit cent avec un «t» au bout, nom d’un billet ! Phénomène bizarre, les mêmes personnes en oublient toute logique d’enchaînement sonore avec le chiffre vingt ? Faites-leur prononcer «Vingt euros» et vous verrez que la plupart du temps, la liaison en t a disparu, ils disent «Vin euros» alors qu’elle reviendra comme par magie s’ils disent «Vingt heures» ou «Vingt ans». Je ne sais pas ce qu’ils ont avec les euros... peut-être qu’à force de se faire rouler dans la farine par des commerçants trop malins, ils ont fini par la prendre en grippe notre monnaie européenne… Allez, on répète après moi : cenTeuros, cenTeuros, cenTeuros, cenTeuros, cenTeuros, cenTeuros, cenTeuros, cenTeuros, cenTeuros, cenTeuros.
Un nouvel opus - le septième en tant que leader - pour le batteur Simon Goubert. Avec Background, ce musicien sensible et habité, compagnon de route de Christian Vander au sein de Magma, Offering et Welcome, réunit une belle équipe dont la musique est brûlante de ce feu nourri à la braise coltranienne : Pierrick Pedron et Boris Blanchet aux saxophones, Emmanuel Codjia à la guitare, Sophia Domancich au piano et Michel Zenino à la contrebasse. Il y a finalement peu à dire quand on écoute un tel disque. On écoute, tout simplement, par exemple un extrait "Mister Dean", titre hommage au saxophoniste Elton Dean, ancien membre de Soft Machine avec lequel Simon Goubert eut le bonheur de travailler.
J’ai remarqué un truc. Chaque dimanche, les statistiques de consultation de mon blog manifestent une certaine tendance à piquer du nez. Je vois deux explications possibles :
- ce reflux est lié au jour lui-même et tend à prouver que les internautes surfent plus fréquemment en semaine qu’au jour du Seigneur… Dois-je en conclure qu’ils fréquentent Internet sur leur lieu de travail plus qu’à la maison ? C’est vous qui voyez… - le dimanche consistant ici en une proposition de (re)découverte musicale, je peux en déduire que j’intéresse alors nettement moins mon lectorat que lorsque je suis pris de l’idée d’écrire des bêtises ou de me lancer dans un sujet plus… sociétal. Faudra-t-il que je j’envisage une version plus pipeul bling bling de mon blog ? J’aimerais pas devoir en passer par là.
M’en fous… Foin de l’audimat, je persiste et dans ces moments de doute, rien ne vaut l’appel fait aux vieux compagnons de route. Tenez par exemple, Jackson Browne : voilà bientôt 40 ans que non sans une certaine parcimonie, il égrène des disques magnifiques (une quinzaine selon mes repérages) dont le folk rock est tout imprégné d’une sensibilité à la fois fragile et convaincue (l’homme est clairement engagé en politique depuis belle lurette et dénonça en son temps la stupidité reaganienne) qui rendent le personnage extrêmement attachant. Cerise sur le gâteau, son nouvel album, «Time The Conqueror» est une belle réussite, dans la parfaite continuité de ses meilleures productions. De plus, on est heureux de constater qu’à 60 ans, sa voix si particulière est intacte. Tant mieux, parce qu’elle compte pour beaucoup dans l’attraction que cet artiste exerce sur nous. Pas forcément très connu de ce côté-ci de l’Atlantique, Jackson Browne mérite pourtant une bonne piqûre de rappel. Alors faisons ici un petit saut au tout début des années 70, lorsqu’il cosignait avec Glenn Frey «Take It Easy» popularisé par le groupe de ce dernier, The Eagles. Une composition qu’on retrouve également sur «For Everyman», deuxième album de Jackson Browne.
J’ai une relation objectivement très pathologique avec le groupe anglais Supertramp. Mercredi soir, je me traînais lamentablement d’un étage à l’autre de la Maison Rose pendant que Madame Maître Chronique était occupée à son cours de dessin hebdomadaire. Assommé par une bonne fièvre, toussant à n’en plus finir comme si je parvenais au dernier stade d’une infection pulmonaire, la tête à la fois prise dans un étau mais ceinte d’une invisible épaisseur de ce coton qui vous donne l’impression d’être enfoui au beau milieu de vous-même et loin de tous les autres, j’ai fini par m’effondrer sur le canapé… Et là, perclus de douleurs articulaires, j’ai empoigné une télécommande, allumé le poste de télévision et commencé à zapper, le cerveau sinon limpide mais pour le moins disponible. Au bout de quelques secondes de butinage, je vois apparaître, seul au piano, Roger Hodgson, ancienne voix haut perchée et toujours intacte du groupe, chantant à la demande pour un public bien dressé par un chauffeur de salle et un animateur envahissant : «Give a little bit», «Dreamer», «School», «It’s raining again», «Take the long way home» et, bien sûr, «The Logical Song», succès planétaire de l’année 1979. Aussitôt, me voilà revenu presque trente ans en arrière lorsque, pendant de longues semaines passées à l’hôpital, mon occupation principale entre deux examens ésotériques consistait à écouter mon petit poste de radio où j’avais essentiellement le choix des grandes ondes, et donc de bien peu de fréquences. Combien de fois ai-je pu entendre «The Logical Song» alors en tête des classements des meilleures ventes avec «La Marseillaise» façon Serge Gainsbourg ? Impossible de répondre à cette question mais le nombre fut si élevé qu’il m’est impossible aujourd'hui encore de dissocier cette chanson de mon état de santé chancelant. Et voilà que ça recommence…
Alors que Brian Eno, touche-à-tout homme de climats musicaux révélé au sein de Roxy Music puis dans le travail entrepris avec Robert Fripp, et David Byrne, ex-leader des Talking Heads, s’associent pour un nouvel album intitulé Everything that happens will happen today, on est tenté de revenir illico à leur première collaboration, qui remonte à la fin des années 70. Car si leur nouvelle production, une succession de chansons aériennes et pacifiées, est un petit plaisir musical, ces deux-là avaient élaboré avec My life in the bush of ghosts il y a 30 ans un ovni pour un disque qui reste d’une incroyable modernité et dont les inventions sonores sont inépuisables. Le principe en était simple : à partir d’une voix enregistrée (un prédicateur, un évangéliste, un muezzin, une chanteuse libanaise, etc), il s’agissait pour eux de construire un environnement musical qui s’appuie sur la rythmique des mots et leur mélodie intrinsèque. En 2008, leur projet est toujours aussi passionnant, comme peut vous le suggérer ce «Regiment» ou les deux sorciers explorent l’univers de la chanteuse Dunya Yusin.