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Entendu - Page 21

  • Hypernuit

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    Voilà près de quatre ans maintenant – c’était au mois de mars 2007 – que j’ai découvert Bertrand Belin, alors qu’il venait de publier La Perdue, son second album. Vous pouvez vous reporter à la petite note que j’avais écrite à l’époque pour comprendre ce qui m’avait séduit chez ce chanteur atypique, l’un des rares sur la scène actuelle de la chanson dite française à posséder cette capacité d’installer d’emblée un univers immédiatement identifiable, résolument énigmatique et aux antipodes d’un insupportable carcan, celui du couplet / refrain rimailleur mou du genou tout le monde tape dans ses mains.

    Bertrand Belin a récemment ajouté une nouvelle étape au périple musical qui est le sien en publiant un troisième disque étrangement intitulé Hypernuit. On y retrouve cette alternance de pénombre et de lumière, ces climats brumeux orchestrés en une musique volontairement réduite à son état minimal – guitare, basse légère, batterie plus suggérée que frappée, ici ou là quelques arrangements de cordes – où les paroles souvent elliptiques laissent deviner les émotions ou les paysages plus qu’elles n’affirment. Bertrand Belin invente des textes dans une langue qui ne sent pas l’effort de l’écriture et semble au contraire déposer spontanément les mots au plus près des impressions qu’ils veulent nous transmettre. Dans une récente interview, il confiait que « les textes n'ont pas été écrits, ne sont pas passés par le papier pour ne pas organiser la phrase selon des concepts graphiques. J'ai souvent mis le casque sur les oreilles et chanté directement, sans écrire. Les textes sont nés au sein même de la musique. » La voix grave de Bertrand Belin, qui danse sur le fil ténu d’un équilibre entre chant et talk over, est empreinte tout à la fois de gravité et de fragilité. Elle parle au creux de l’oreille, confie des secrets qu’on recueille avec la certitude qu’ils nous sont destinés.

    Il est peu probable que cette Hypernuit permette à son auteur de sortir d’une certaine confidentialité qui est la marque de Bertrand Belin, malgré l’accueil en général très enthousiaste de son travail et la reconnaissance de ses pairs. Parce que celui-ci, excellent guitariste et arrangeur de surcroît, ne choisit pas avec ce nouveau disque la facilité d’une chanson tape à l’œil et s’éloigne définitivement d’une appartenance au clan si peu imaginatif de la variété. Bien au contraire, Hypernuit s’apparente à la poursuite d’une quête, plutôt austère et feutrée, qui nous conduit avec lui dans un monde qui s’accommode mal des fureurs du quotidien. On se plaît à respirer à pleins poumons cette musique comme une bulle d'air existentielle et poétique.

  • Nancy Jazz Pulsations 2010

    cj_youn_sun_nah.jpgLe pari était pourtant loin d’être gagné vu le contexte économique. Les Lorrains, plus encore que les Français dans leur ensemble, ont le moral en berne et sont rarement au mieux de leur forme lorsque l’automne, qui n’est autre ici qu’un hiver mal déguisé, commence à glacer les esprits... On pouvait donc se poser la question : sauraient-ils se distraire – au sens le plus strict du mot – de leurs inquiétudes, pointer le bout du nez hors les murs et participer à cette fête de la musique ?

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  • Mille-feuilles

    Etrangement, l'histoire semble se répéter... Je me rappelle avec un vrai bonheur ces heures, si lointaines aujourd'hui, de découverte d'une myriade d'univers musicaux enchantés, lorsque tapi dans un coin de la chambre de mon frère aîné, je partageais la totalité des coups de cœur qu'il collectionnait en vertigineuses piles de disques, ces galettes dont l'effet magique ne s'est jamais évanoui chez moi. Chez lui non plus d'ailleurs, je suis prêt à prendre les paris. Il suffirait de lui demander. J'ai déjà évoqué ces instants, en particulier dans un texte où je me suis efforcé de décrire un processus naturel d'indépendance vis-à-vis de celui qui était d'une certaine façon mon nourricier culturel. Appelons cette phase cruciale un sevrage, d'abord par la bande à Jerry avant que ma petite route ne me vaille de nombreuses embardées plus ou moins contrôlées... soit le début d'une longue quête dont je pense ne jamais voir la fin et qui me vaut aujourd'hui de ressentir la musique comme une nécessité presque vitale. La musique, les musiques...

    indio-saravanja.jpgAllez savoir pourquoi le passé vient soudainement carillonner à la porte de mon présent. Alors forcément, n'étant jamais à court d'une œillade à mes années de jeunesse, j'ouvre la porte en grand et je laisse entrer mon hôte et son cortège de bonnes nouvelles. Car voilà qu'après avoir écrit voici quelques mois un beau texte, très documenté, le dit frère instructeur a récemment multiplié les appels à la découverte d'un certain Indio Saravanja. Que je ne connaissais ni d'Eve ni d'Adam... Ou plutôt, devrais-je dire, ni de Bob ni de Neil, voire de Jackson... Car ce songwriter Canadien originaire d'Argentine, personnage hors normes se battant au quotidien pour faire vivre son art, a probablement biberonné son Zim ou son Loner depuis sa plus tendre enfance. Nul ne pourra le nier... Au point qu'il partage avec eux cette faculté d'exposer tranquillement ses faiblesses, comme cette voix qui, ici ou là, semblera fragile, ou un jeu d'harmonica qu'on devine vacillant. Tant mieux ! Ici, il n'est pas question de gros bras, mais bien plutôt de délicatesse et de sincérité. Et la comparaison avec les maîtres cités un peu plus haut s'arrêtera là parce qu'Indio Saravanja vous enveloppe très vite dans son univers chaleureux et singulier. On s'y attache sans opposer la moindre résistance, en constatant avec un plaisir gourmand qu'il se dégage de ses songs une identité des plus attachantes. Beaucoup d'intelligence, beaucoup de finesse... Je possède par ailleurs quelques indices qui me laissent penser que l'homme est très proche de l'artiste... Ce qui ne saurait nous étonner.

    On peut découvrir la musique d'Indio Saravanja à travers trois beaux disques, qu'il n'est pas toujours facile de se procurer mais qui sont disponibles néanmoins sur la plupart des plates-formes de téléchargement : Indio Saravanja (2005), The Caravan Sessions (2009) et Songster (2010), ce dernier rassemblant des chansons dites de jeunesse, ici interprétées dans leur plus grande nudité et enregistrées en quelques heures seulement. Un disque épuré, loin de tous les artifices des surproductions anglo-saxonnes et, finalement, hors du temps. Et des modes... Let it be naked, comme dirait l'autre. Quant à The Caravan Sessions, il n'est ni plus ni moins qu'un très grand disque, qu'on écoute d'une traite, subjugué par son évidence mélodique. Je n'en dirai pas plus, sachant que du côté de Blue Umbrella, l'essentiel vous est expliqué avec beaucoup d'arguments convaincants et de nombreuses explications fort utiles.

    Me voilà donc à nouveau dans la posture bien confortable du pré-adolescent que je ne suis plus depuis belle lurette. Une situation très confortable, finalement... Un peu comme le gamin qui met les pieds sous la table, sans se demander si quelqu'un a préparé le repas, parce qu'il sait qu'il y aura quelque chose à manger. Oh, je sais que le présent va très vite me faire signe en m'agitant sa grisaille tenace, tel le torero brandissant la muleta sous le nez du taureau. Mais en attendant, je savoure...

    On aura donc compris que si je me laisse souvent assaillir par des bouffées de nostalgie, je développe en contrepartie des stratégies presque surhumaines pour les réprimer, ou plutôt les comprimer autant que possible. Car la tentation nostalgique n'est bonne conseillère qu'à la seule condition qu'on en fasse un usage modéré, sans quoi elle vous interdit de regarder devant vous et vous fige inutilement dans un passé vitrifié à force d'être idéalisé. Mais consommée à petites doses, savourée en quelque sorte, elle vous fait comprendre qui vous êtes, comment vous avez multiplié les efforts pour vous construire et grandir en vous rappelant votre appartenance à ce monde de l'enfance qu'un quotidien brutal essaie d'enfouir dans ses tréfonds les plus insupportables. Alors cette vieille histoire d'apprentissage fraternel qui surgit à nouveau, dans toute sa simplicité, n'est finalement rien d'autre qu'une tranche de vie, une de plus, dans le mystérieux mille-feuilles de l'existence de l'être humain que j'essaie d'être, lui-même goutte d'eau dans l'océan de l'histoire. Autrement dit, pas grand chose finalement...

    Mais nom d'un chien, on a beau surveiller sa ligne et guetter avec une rigueur spartiate le niveau de son indice de masse corporelle, qu'il est bon ce gâteau ! Tiens, j'en reprends une grosse part...

  • Ailleurs

    Ailleurs, vraiment ? Oui, peut-être, parce qu'on peut en effet se laisser gagner par un profond dépaysement, dès les premières notes jouées par Moriba Koïta au n'goni. L'Afrique, notre mère à tous, nous enveloppe et nous emporte, suscitant dans l'imagination des enfants que nous sommes restés des images brûlées de chaleur, vibrant de puissants appels à un partage des émotions essentielles. Mais sommes-nous bien ailleurs ou plutôt ici-même, profondément, au cœur des méandres de notre complexité, celle de l'âme humaine et de sa mémoire éternelle, quand la musique vient chavirer d'un ondoiement recueilli le public venu à La Douëra pour écouter le trio du musicien malien ?

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    Moriba Koïta (n'goni), Moussa Diabaté (balafon), Maryam Sonntoura (chant)

    Revenons quelques instants sur le n'goni, que j'avoue avoir découvert à cette occasion. Il s'agit d'un instrument traditionnel appartenant à la famille des luths, dont le bois est recouvert d'une peau de vache. Ses quatre cordes en nylon sont fixées sur un chevalet en calebasse. Auparavant, elles étaient en crin de cheval mais, comme nous l'a malicieusement rappelé Moriba Koïta, on n'a pas toujours un cheval avec soi quand on casse une corde... Par un raccourci un peu trop rapide, on pourra dire que le n'goni est une sorte d'ancêtre du banjo. Voilà pour la précision instrumentale.

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    Aux côtés de Moriba Koïta, Moussa Diabaté joue du balafon (un xylophone à vingt et une lames) et de la guitare acoustique. Maryam Sonntourra (dite Kadiaba) chante et danse, dans une imploration particulièrement saisissante. Le trio devient alors hypnotique, il ne reste plus qu'à fermer les yeux, à se laisser bercer au gré de la pulsion douce et sensuellement chaloupée qui en émane. A toucher du bout des rêves l'idée d'une humanité qui serait une et indivisible, et dont tous les regards seraient braqués vers le meilleur. Un rêve, oui certainement... mais auquel on veut croire, tout de même. Des enfants, je vous le répète, nous sommes toujours des enfants.

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    Maryam Sonntoura & Marie Ossagantsia

    C'est à l'initiative de Marie Ossagantsia que le trio a pu venir nous inoculer sa musique si pacifique et je ne surprendrai personne – en tout cas parmi ceux d'entre vous qui la connaissent – en vous disant que la chanteuse a, forcément, partagé la scène avec ses invités, le temps de deux ou trois compositions enivrantes. Il faut voir les deux femmes, magnifiques, engager un dialogue habité, s'encourager par d'irrésistibles sourires (décidément, c'est le maître mot en ce qui la concerne, voir à ce sujet une note récente...) et nous conquérir tous par la transmission d'un amour puissant. Et s'il est vrai qu'on ne vient pas ici, par un jour d'automne désespérément gris et sans espoir de lumière, pour offrir la moindre résistance à nos émotions, il est encore plus vrai que cette musique paraît très propice à l'abandon, au lâcher prise.

    A vous les artistes, merci.

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    Moriba Koïta, Marie Ossagantsia, Maryam Sonntoura, Moussa Diabaté

  • Steve Reich - Double Sextet - 2 X 5

    cover.jpgInutile de perdre son temps à trop regarder dans le rétroviseur des années 60 et 70, au risque de s'égarer dans la nostalgie d’une période un peu folle. Celle où Steve Reich, un des chantres de la musique minimaliste avec Terry Riley ou Philip Glass, proposait des œuvres radicales telles que It’s Gonna Rain (1965), Come Out (1966), Four Organs (1970) ou bien encore le fascinant Drumming (1971) et ses 56 minutes de percussions et de chœurs en un flux continu.

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  • Improvisions, le retour

    Il y a quelque temps, j'ai évoqué ici la publication à venir d'un très beau disque enregistré par le pianiste Murat Öztürk et le guitariste designer sonore Jean-Pascal Boffo. Tous deux venaient de me faire l'honneur de m'associer à leurs Improvisions en me demandant de rédiger un texte pour le livret du disque. Soit une gouttelette créative dans leur belle rivière imaginaire...

    Une vraie responsabilité, un peu d'angoisse aussi, la peur de tomber à côté de la plaque... C'est pourquoi j'aimerais, en quelques lignes, tenter de m'expliquer sur la façon dont j'ai envisagé cette (modeste) collaboration.

    3915994709.jpgLorsque j'ai reçu le disque et le visuel de la pochette (qui incluait les notes écrites par chacun des musiciens), j'ai – comme on s'en doute – pris le temps d'écouter dans un grand silence cette musique improvisée, sans vraiment réfléchir. Murat et Jean-Pascal avaient par ailleurs déjà fourni dans leurs propres textes des informations suffisamment documentées sur leur travail pour que je n'aie pas à me perdre en considérations trop descriptives ou factuelles. Alors j'ai voulu jouer le jeu des Improvisions, en ce sens que j'ai noté sur un bout de papier les premiers mots, les premières images qui me venaient à l'esprit en écoutant le disque. Eux-mêmes ayant improvisé, je leur devais une écriture qui repose sur une trame la plus spontanée possible. Mes visions improvisées, en quelque sorte... Je précise ici que j'ai procédé exactement de la même façon pour construire les 57 textes de l'exposition Portraits Croisés, en association avec mon ami Jacky Joannès (avis à la population : un livret numérique est en préparation, avec toutes les photos, tous les textes, des bonus... Tout cela sera prêt au mois de décembre).

    Ne me demandez pas pourquoi, en écoutant Improvisions, j'ai vu, tout de suite, des paysages un peu sauvages, des arbres, des collines, des vallées et un grand lac sur lequel rebondissaient en ricochets de petits cailloux, probablement lancés par Jean-Pascal Boffo ! Le disque semblait m'inviter à un voyage imaginaire et m'offrait un panorama où se dressait un pont (à n'en pas douter inspiré par le précédent disque de Murat Öztürk, Crossing My Bridge).

    La forme générale étant dégrossie, j'ai entrepris de polir mes phrases, en cherchant à préserver la dimension poétique des visions qui avaient surgi en moi. C'est là certainement la phase qui vous ronge le plus, celle de la sculpture, du ciselage des détails et des interrogations : est-ce que ces mots véhiculent leur propre musique ? sont-ils un reflet suffisamment fidèle de ce que le disque donnera à entendre ? a-t-on le droit d'imposer sa propre lecture, au risque d'égarer celui ou celle qui va acheter Improvisions ?

    Aujourd'hui, le disque est là et le texte que j'ai écrit illustre non seulement son livret mais sert aussi à sa promotion. Je croise les doigts pour que mes drôles d'illuminations soient avant tout une incitation à le découvrir.

    Par conséquent, je m'autorise à en faire un peu de publicité supplémentaire en vous indiquant ci-dessous le bon chemin pour le commander.

    Vous pouvez télécharger le bon de commande en cliquant ICI.

  • Sourires

    jeannette dalia curta,marie ossagantsia

    Jeannette Curta & Marie Ossagantsia © Maître Chronique

    Parfois, une photographie vaut tous les discours... Hier soir, Jeannette Dalia Curta se produisait à Villers-lès-Nancy avec ses musiciens dans le cadre du Festival Vand'Influences. Une soirée entre jazz, soul, funk, chanson, bossa nova ou influences directes de sa terre d'origine, la Roumanie. Juste après le concert, elle retrouvait sa complice Marie Ossagantsia – dont il a déjà été question ici et qui faisait partie des 57 « Portraits Croisés » mis en scène dans le cadre de l'exposition réalisée avec mon pote Jacky Joannès au mois d'octobre. Ces deux-là se connaissent bien et l'on en viendrait à appeler de nos vœux une prestation à deux voix. On devine déjà que le grand gagnant de ce duo de charme serait le sourire !

  • IMA bien plu

    Allons allons, les pleurnicheries automnales ne sauraient tenir lieu de fil conducteur à mon petit laboratoire textuel... La tentation est grande pourtant : tenez, pas plus tard qu'hier soir, j'ai détruit mon parapluie. Un gros coup de vent, le machin fabriqué chez les Chinois se retourne violemment et se désintègre, sans le moindre cri de souffrance. Je pense toutefois avoir battu mon record personnel en maintenant en vie l'objet protecteur durant plus de six mois. D'habitude, c'est deux ou trois, rarement plus... Eh bien vous savez quoi ? Ça m'a fait marrer ! Je me suis dit que la prochaine fois, je choisirais un robuste modèle made in Aurillac en non pas en RPC, comme disent les marchands avides. Certes, la chose me coûtera quelques brouzoufs de plus, mais j'aurai ma conscience pour moi.

    Pourquoi est-ce que je vous dis tout ça, au fait ? Ah oui : hier soir donc, plutôt que de me morfondre en lamentations pluvio-lorraines (je compte bien cependant m'adonner régulièrement à cette activité maniaco-dépressive dans les semaines à venir), j'ai bravé la pluie battante pour rallier la petite salle du Quai Son où, un lundi sur deux environ, se tiennent les lundis de l'IMA, sous la houlette de Jean-Marie Viguier. Je ne vous en dis pas plus sur ce sympathique rendez-vous nancéien et néanmoins musical, sachant que j'ai dans mes cartons un petit entretien avec le monsieur pour Citizen Jazz.

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    Jean-Marie Viguier © Jacky Joannès

    Le Quai Son – qui tire son nom de son implantation Quai Claude Le Lorrain et de sa nette tendance à émettre des sons – est une petite salle, avec un bar, quelques tables et chaises. Au fond, une scène. Voilà, c'est aussi simple que ça, mais on pourra ajouter que le lieu est plutôt accueillant, avec sa lumière tamisée, son public à effectif variable mêlant musiciens et autres habitués qui finissent par former un petit club. Hier soir, l'invité était le saxophoniste Vincent Thékal entouré de ses trois complices belges : Laurent Melnyk à la guitare, Michel Vrydag à la basse (et aux compositions), Kris Duerinckx à la batterie.

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    Vincent Thékal © Jacky Joannès

    Voilà un combo tout en énergie savante dont le jazz élaboré n'a jamais manqué un seul instant de cette composante essentielle qu'on pourrait baptiser la vi(e)vacité. On me pardonnera ce quasi néologisme qui me semble un bon raccourci du ressenti à l'écoute du répertoire de Vincent Thékal. Les compositions originales du groupe sont entrecoupées de quelques reprises parmi lesquelles celles de Wayne Shorter sont en bonne place (« Juju », « Speak No Evil »), ce dont on ne saurait se plaindre. Une heure et demie dans une ambiance presque cosy, à écouter une musique vivante : franchement, que voulez-vous demander de plus en ces heures grises ?

    On attend le prochain rendez-vous...

  • Sixun Live 2009

    sixun-live-in-marciac.jpgEn 2008, après dix années de silence de la part du groupe, mis à profit par ses musiciens pour s’accomplir dans d’autres expériences, Sixun était revenu sur le devant de la scène avec Palabre, un disque tonique et ensoleillé qui affirmait plus que jamais sa volonté de produire une musique désireuse d’ouvrir les fenêtres du jazz à tous les courants d’air du jazz. Publié au printemps 2010, Sixun 2009 Live In Marciac...

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  • Keystoned

    Week-end de la Toussaint, un ciel de plomb coiffe la ville de Lyon. Pluie, nuages, pluie, nuages... Rien de bien réjouissant au-dessus de nos têtes, mais c'est ailleurs qu'il faut chercher le soleil. Celui de la musique par exemple. Alors direction La Clef de Voûte, ce petit caveau niché sur les pentes du quartier de la Croix-Rousse... On se presse autour des quelque soixante sièges qui attendent le public venu nombreux, on se tasse au besoin pour applaudir une bande de jeunes musiciens réunis sous l'appellation très opportune de Keystone Big Band.

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    Ceux-là vont nous proposer leur relecture souriante de Count Basie, Duke Ellington, ou de compositions originales concoctées par François Théberge qui fut le professeur de bon nombre d'entre eux. Et n'en déplaise à un éminent jazzologue hexagonal qui leur reproche un académisme préoccupant (sic) ainsi qu'un intérêt trop marqué pour la note au détriment de la musique, force est de constater que les deux sets proposés par ce big band ont sévèrement réchauffé l'atmosphère et insufflé au public une sacrée dose d'énergie bienfaisante. Sous la houlette de Frédéric Nardin (piano) et Jon Boutelier (saxophone ténor), ces jeunes artificiers n'ont pas cherché midi à quatorze heures en partageant tout simplement leur plaisir d'être là. Les thèmes s'enchaînent, chacun y va d'un chorus pétulant, les sourires circulent entre les pupitres et c'est très bien ainsi. Le Keystone Big Band allie le classicisme d'un répertoire patrimonial à la fougue de sa jeunesse : le cocktail est savoureux, inutile donc de rallier le camp des esprits chagrins...

    Allez, c'est le moment d'en reprendre une petite gorgée... A votre santé ! Vous avez même le droit d'en abuser...

    Un court extrait du concert du Keystone Big Band à la Clef de Voûte (Lyon), le lundi 1er novembre 2010. Ses dix-sept musiciens interprètent "Suburban Beauty" de Duke Ellington.

  • The Living Tree

    living_tree.jpgLa surprise est bonne, finalement... Quand deux membres historiques du groupe Yes, groupe phare du rock progressif (si ce jargon ne vous parle pas, je vous suggère un petit détour par le bouquin éponyme d'Aymeric Leroy, dont je me suis fait l'écho dans Citizen Jazz), proposent un disque d'excellente facture, on est saisi par une impression, plutôt délicieuse, qui est celle du temps qui s'arrête. Alors que le groupe a donné le meilleur de lui-même durant la première moitié des années 70, avant de se perdre dans un nombre assez étonnant de dissolutions / reformations plus ou moins judicieuses, au gré desquelles on aura surtout eu envie de se replonger illico dans les grands albums que furent The Yes Album, Fragile, Close To The Edge, Songs From Topographic Oceans et Relayer, certains membres ont été les acteurs de ces changements multiples, d'autres pas… Histoires d’égos, histoires d'argent... Ecartés d'une récente tournée de Yes, Jon Anderson (chant) et Rick Wakeman (piano, claviers) ont enregistré The Living Tree durant les mois de septembre et d'octobre 2010, un album au format court (43 minutes, comme au bon vieux temps) composé de neuf chansons elles-mêmes plutôt brèves, dont certaines avaient trouvé leur place dans une tournée acoustique des deux musiciens en 2006.

    Il faut plutôt situer leur musique dans l'esprit d'une autre collaboration, aujourd'hui trentenaire, celle du même Jon Anderson avec Vangelis (qui fut durant quelque temps pressenti pour intégrer Yes en remplacament de Rick Wakeman au printemps 1974, avant d'être préféré au Suisse Patrick Moraz. Vous me suivez ? Non ? Pas grave...), le temps de quelques albums tels que Short Stories ou The Friends Of Mr Cairo. Soit un duo pacifié où la voix de Jon Anderson – plus fragile, plus nasale, comme un peu enrouée parfois – exerce le même pouvoir de séduction qu'aux plus beaux jours. Les paroles, qu'il a toutes composées, ont perdu tout le côté abscons des textes écrits avec Yes pour laisser la place à des élans qui expriment les croyances de leur auteur en une religion unique et traduisent sa dévotion à son gourou du moment, Audrey Kitagawa. Rien de bien méchant, donc, à défaut d'être inoubliable... A ses côtés, Rick Wakeman a renoncé aux grands effets de manches et à l’esbroufe pour afficher une certaine sobriété au piano, qu'il complète parfois de nappes sonores plus synthétiques.

    A la première écoute, on se dit qu'on tient là ce qui pourrait être le noyau dur d'un futur répertoire de Yes... qui ne verra probablement pas le jour. Il est difficile en effet de savoir si The Living Tree n'est qu'une jolie parenthèse dans une vie musicale qui est un peu moins enchantée ou s'il peut constituer le ferment d'une nouvelle page de l'histoire d'un groupe dont les plus belles heures méritent de rester en bonne place dans notre mémoire. En attendant la réponse à cette question, on ne perdra pas son temps à consacrer 43 minutes à découvrir le disque.

  • Signatures Edition

    Cover_6005-2.jpgNous sommes en 2010, le disque connaît une crise sans précédent au point que sa disparition est programmée dans l’esprit de beaucoup d’experts ou prétendus tels, dans un contexte économique où, malgré des difficultés avérées, le nombre de références publiées semble, lui, ne pas manifester de fléchissement. Pas simple, donc, de s’y retrouver dans le foisonnement des publications et de procéder aux bons choix lorsqu’il s’agit d’engager une dépense.

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  • Improvisions

    Le pianiste Murat Öztürk et son complice designer sonore Jean-Pascal Boffo m'ont fait l'honneur de me demander la rédaction d'un texte qui illustrera le livret de leur prochain disque, Improvisions. Cette belle aventure improvisée sera disponible prochainement, mais en attendant, je partage ici la modeste contribution qui a été la mienne. Si ces quelques lignes peuvent vous donner envie d'en savoir plus sur leur musique, alors le pari sera gagné. Et merci à eux deux, une fois encore.

    improvisions.jpg"Improvisions" ou la connivence de deux funambules. Une complicité qui nous transporte au gré du courant d'une rivière imaginaire traversant des paysages dont la quiétude est parfois troublée par les soubresauts d'une vie en liberté. Alors, nos sens en éveil scrutent, là haut, cet horizon lointain qui ne dévoile pas ses mystères au premier regard.
    On avait laissé Murat Öztürk sur un pont qu'il franchissait dans l'équilibre d'un quatuor. Entre Orient et Occident, le pianiste donnait vie à ses voyages, d'un doigté subtil soulignant la sérénité de mélodies méditatives, parfois zébrées d'accords plus convulsifs.
    Jean-Pascal Boffo, déjà, était là... Le ciseleur d'arpèges, guitariste amoureux du chant de la musique, déployait ses cordes dans un espace sonore qu'il animait d'une imagination impressionniste.
    Après le passage du pont, voici venu le temps du grand saut vers l'inconnu stimulant de l'improvisation. Le beau défi de l'invention spontanée, celle qui dessine une route invisible, parfois guidée par le cher hasard nietzschéen.
    Murat Öztürk, qui jamais ne perd de vue la nécessité de la mélodie, joue la carte de l'épure. Il nous offre des accords à notes comptées, comme s'il se savait emporté vers l'essentiel.
    Jean-Pascal Boffo, en designer sonore attentif à ce qui s'imagine devant lui, invente de nouvelles couleurs et suggère ses propres chemins. Il lance de petits cailloux – échos, boucles, samples, sons inversés – à la surface d'une eau limpide qui s'anime de mouvements éphémères et harmonieux. Il flotte comme un parfum de magie dans ce dialogue fraternel.
    Écoutons ces deux musiciens vivants nous raconter leur belle aventure...

    Pour commander le disque : improvisionsprojekt@gmail.com

  • Empreintes

    Empreintes_cover.jpgMa rédactrice en chef vient de me faire parvenir Empreintes, le deuxième disque d'Anne Paceo. Je vais m'atteler assez vite à la rédaction d'une chronique pour Citizen Jazz, mais je ne résiste pas au plaisir de vous dire ici sans attendre que ce nouvel album confirme le talent de cette jeune musicienne – Anne a 26 ans – dont la carte de visite est déjà très respectable. Elle nous propose un jazz pétillant et coloré qui offre à son trio un terrain de jeu où la conversation entre les trois instruments (batterie, piano, contrebasse) se déroule à chaque seconde dans une vraie recherche de l'équilibre. Un dialogue d'égal à égal, où l'écoute et le respect vous font comprendre ce qu'est l'art du trio. On est heureux, aussi, à l'idée qu'Anne Paceo s'empare avec une fougue gourmande d'un instrument – la batterie – que les hommes avaient jusque là confisquée. Il n'est pas ici affaire de gros bras, mais d'énergie.

  • Shut Up And Dance !

    Shut Up And Dance.jpgBis non repetita ! Il fallait s’y attendre, sans une seconde de doute. On avait beau se repaître encore, avec une gourmandise intacte, d’un Around Robert Wyatt unanimement salué comme une réussite exemplaire, fort justement récompensé et placé très haut sur la grande pile des préférences de Citizen Jazz (voir ici notre chronique), on avait beau se réjouir de la relecture des chansons de Billie Holiday dans un programme tendrement nommé Broadway In Satin, ou d’une collaboration avec Benoît Delbecq pour une mise en notes du cinéma hollywoodien avec Carmen, on savait.

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  • Mop Meuchiine

    mop meuchiine.jpgLa musique de Robert Wyatt constituerait-elle à elle seule un univers qu’on peut explorer indéfiniment ? On serait tenté de le croire, surtout de ce côté-ci de la Manche, où les hommages se succèdent avec un légitime respect mêlé de beaucoup d’imagination et d’originalité. Wyatt est bien vivant et pourtant, on le célèbre à intervalles réguliers, on lui érige de belles statues musicales comme on le ferait d’un génie disparu.

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  • Colère

    Parfois, il vaut mieux s'effacer devant celles ou ceux qui, en quelques phrases bien senties, disent mieux que vous ce que vous ressentez. C'est exactement ce que je me propose de faire aujourd'hui. Où l'on voit que le racisme hautain de la racaille en costume ne suscite même pas un un début de réaction de la part d'une interlocutrice qui, pourtant, nous l'avait servie sur un plateau, celui d'une télévision dite de service public. Beurk !

  • Magique

    Nancy Jazz Pulsations, c'est fini. L'édition 2010 s'est terminée en apothéose avec une soirée de clôture tonitruante, sous les coups de boutoir de Marcus Miller et sa basse virtuose pour une relecture haute en couleurs de Tutu, ce disque de Miles Davis dont il avait été le compositeur, l'arrangeur et le producteur en 1986. J'aurai l'occasion de revenir sur ce festival dans un prochain article pour Citizen Jazz, afin de souligner quelques moments forts, comme le concert d'Avishai Cohen, ou la soirée réunissant le trio Thomas Savy et le quartet de Diego Imbert. Sans oublier, bien sûr, le grand Dave Holland au Chapiteau de la Pépinière.

    Et puis, délicieuse cerise sur ce savoureux gâteau musical, la prestation enchantée de Youn Sun Nah, une chanteuse coréenne envoûtante dont la complicité intimiste avec le guitariste Ulf Wakenius a suscité une adhésion méritée du public venu remplir La Fabrique, cette petite salle qu'on imaginerait volontiers devenir, ici, un lieu dédié au jazz. Ce lieu qui fait cruellement défaut à la ville de Nancy.

    ysn&mc_3_101015.jpgYoun Sun Nah © Jacky Joannès

    Le public est attentif lorsque Ulf Wakenius entre seul en scène pour nous proposer un petit échauffement (a warm up), seul à la guitare, avant l'arrivée de sa complice chanteuse. Dans la salle, un groupe d'enfants – toute une classe de sixième – ouvre de grands yeux, c'est le premier concert auquel ils assistent. Ils écouteront religieusement pendant près d'une heure et demie, captivés par le spectacle qui s'offre à eux. Très vite, Youn Sun Nah fait son apparition, arborant un sourire absolument désarmant. Elle nous dit quelques mots, nous explique dans un murmure combien elle est heureuse de se trouver là. Et c'est parti pour l'enchantement : qu'elle chante ses propres compositions ou des thèmes de bossa nova de João Gilberto ou Egberto Gismonti, qu'elle reprenne à son compte « Avec le temps » de Léo Ferré ou « My Favorite Things » (dont la version transfigurée de John Coltrane fêtera ses 50 ans après-demain), cette chanson tirée de La Mélodie du Bonheur pour une interprétation a cappella avec comme seul instrument un discret kalimba, qu'elle nous emmène dans son pays avec un chant traditionnel coréen, tout devient beau, habité par la grâce. Oui, la grâce ! Il y a des artistes charismatiques, magnétiques et parmi eux, certains ont en plus cette faculté supplémentaire de rayonner et d'emporter avec eux leur public vers un ailleurs un peu magique. Youn Sun Nah est de ces êtres qui irradient leur entourage au point qu'au moment où les lumières se rallument, on se demande si l'on a vécu ces instants ou si on les a rêvés.

    C'est d'ailleurs ce que j'ai tenu à lui dire alors que, venue saluer son public, la chanteuse s'émerveillait devant ces enfants qui levaient le doigt pour lui poser des questions, avant de lui tendre de petites feuilles blanches pour emporter avec eux un autographe. 

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    Youn Sun Nah & Maître Chronique © Jacky Joannès

    Youn Sun Nah ose à peine croire aux compliments qu'on lui fait, c'est elle qui nous remercie alors qu'autour d'elle, les yeux brillent, encore illuminés par ces instants de bonheur, par cette cérémonie du chant durant laquelle elle aura démontré l'étendue de son talent, qui est immense. On reste fasciné par l'aisance avec laquelle elle aura pu faire appel à son registre vocal – du soupir au cri – et mener, non sans humour parfois, sa belle embarcation musicale.

    Et pour que la fête continue encore un peu...



    Découvrez Youn Sun Nah en live avec "My favorite things" sur Culturebox !

  • Renaissance

    cale_clapton.jpgAllez comprendre... Il m'arrive parfois d'être surpris par mes propres émotions musicales tant elles pourraient sembler irréductibles les unes aux autres. Moi le Coltranien quasi-obsessionnel, le rédacteur un peu maniaque (et, ce faisant, pas toujours aussi productif qu'il le souhaiterait) de Citizen Jazz, le mélomane non pratiquant en quête névrotique de sensations fortes et toujours prêt à se laisser embarquer vers des contrées dont il lui plaît d'ignorer par avance la géographie, je ne peux me résigner à me repaître uniquement de ces nourritures puissantes dont la digestion nécessite parfois qu'on les ingère non sans patience et précaution. Car je m'épanouis aussi – j'espère être pardonné ! – sur des chemins beaucoup mieux balisés, dont je connais par cœur le point de départ et l'itinéraire en général rectiligne.

    C'est l'un et l'autre.

    Je viens par exemple de consacrer beaucoup de temps à écouter la musique d'Olivier Greif, une œuvre hantée de mysticisme et sur laquelle semble planer en permanence une interrogation inquiète de la mort : Meeting Of The Waters, The Battle Of Agincourt, Sonate de Requiem, pour citer de récents achats dont je ne cesse de me féliciter (vous avez bien lu : acheter un disque.. quelle drôle d'idée !).

    Comme par un mouvement de balancier intérieur auquel je ne peux me soustraire, j'éprouve – quelque temps plus tard – une nécessité sereinement teintée de rock, de folk ou de blues. Une envie de revenir en arrière, à cette époque où je découvrais jour après jour de nouveaux disques sous la guidance méthodique et cultivée de mon frère. Le temps de l'adolescence, des émerveillements, d'une certaine volonté aussi d'ignorer les vicissitudes de notre monde vulgaire, partant de l'idée que le jour de l'affrontement avec la réalité viendrait bien assez vite. Une plongée dans l'innocence.

    Il y a dans cette alternance de temps forts et de moments musicalement sécurisés comme une exigence permanente d'un retour aux sources, celle d'une impérieuse renaissance sans laquelle la grisaille du quotidien serait trop envahissante, étouffante même.

    Une respiration vitale. Un luxe, certes, mais un précieux recours... So precious...

    Après Olivier Greif et son classicisme atonal et parfois sériel, après ses inspirations de feu et de glace, j'ouvre aujourd'hui en grand les fenêtres pour découvrir un paysage brûlant, mais de la caresse d'un soleil généreux. Je suis on The Road To Escondido, et je cherche la revitalisation par un simplissime « Danger », en compagnie – excellente au demeurant – de J.J. Cale et Eric Clapton (vous pouvez l'écouter un peu plus bas, ne vous en privez surtout pas).

    Danger
    She's out into the night
    Danger
    She's such a pretty sight
    She was treated so badly it seems
    Now she's looking full of dreams
    Danger
    She's out into the night

    Aucune fioriture, rien de vraiment neuf dans cette musique qui balance tranquillement, une invitation mélodieuse à la contemplation qui ne m'inspire aucun sentiment de culpabilité, parce que toutes les musiques se valent quand elles sont habitées par une âme généreuse...

    Bien qu'enregistré en 2006 – il est par ailleurs la dernière apparition de l'organiste Billy Preston – ce disque pourrait avoir été publié trente ans plus tôt et n'apportera probablement rien à l'histoire de la musique contemporaine.

    Qu'importe ! Les deux lascars expriment au mieux une certaine idée de l'épure. Si deux notes sont nécessaires, pas besoin d'en jouer trois. Si un chorus de guitare se laisse deviner parce qu'il a un petit air de déjà entendu, c'est tant mieux, on ne demande rien d'autre. On ne veut pas subir un effet de surprise : bien au contraire, on veut revivre ce qu'on a déjà vécu. Et bien que signé Cale – Clapton, ce disque doit énormément au premier qui compose la quasi totalité de ces songs et y imprime sa marque très particulière, celle d'un flegme faussement somnolent qui est devenu sa carte d'identité au gré des albums.

    J'aurais pu choisir d'autres exemples, ils ne manquent pas par ici. Il faudra d'ailleurs, puisqu'on évoque une certaine musique américaine, que je vous dise deux mots d'un disque quasi introuvable aujourd'hui et qui me procure des sensations identiques. Son auteur a eu l'extrême gentillesse de me le faire parvenir : Métropolitain, du guitariste Alain Bellaïche, très bien entouré à l'époque – celle des années 70 – de grands messieurs ayant pour nom Alain Renaud ou Nils Lofgren est en effet une petite perle où se croisent avec bonheur les influences de Crosby, Stills, Nash & Young, The Doobie Brothers ou encore mon Hot Tuna fétiche. Mais j'y reviendrai, parce que tout ceci mérite bien plus qu'une rapide conclusion à cette note un peu existentielle.

    En attendant... goûtez tranquillement la saveur de ce chouette « Danger » ! Et laissez-vous aller à ces quelques minutes d'un revitalisant carpe diem musical.

  • Chaîne de moral

    Je suis interpellé par une camarade blogueuse qui me demande de participer à une « chaîne de moral » : en d'autres termes, je dois citer ici trois choses qui me sapent le dit moral. Hou la la... je vais devoir être sélectif... parce qu'en plus de tout ce qui navre depuis 52 ans et quelques semaines (19149 jours très exactement), l'actualité nous livre des exemples pitoyables en nombre si important qu'il est même devenu inutile de se baisser pour les ramasser !

    Alors je m'y colle...

    Prends l'oreille et tire-toi. On ne pourra jamais rien y changer. Pendant qu'ils nous lancent de pressants appels à une rigueur qu'ils ne s'appliqueront jamais à eux-mêmes, nos prétendus « responsables » s'en mettent plein les poches et nous méprisent à grand renfort de mensonges et de conflits d'intérêts. Je rêve de ce jour où l'on pourra ajouter l'exemplarité en quatrième mot sur les frontispices de nos édifices (comme disait Catherine Ribeiro). Mais ce n'est qu'un rêve, voire une utopie.

    La culture avachie (ce que j'appelle la druckerisation). Combien de décennies faudra-t-il encore attendre avant que les médias ne se défassent de ces ternes apôtres du conformisme le plus courbé, toujours dans le sillage des pouvoirs en place ? Combien de temps avant qu'à la place de ces médiocrités ayant pignon sur écran, un peu de place - rien qu'un peu - soit enfin accordée aux créateurs, aux inventeurs, aux éveilleurs ? A ceux qui nous font regarder vers le haut et nous élèvent.

    L'alcoolisation massive des adolescents. C'est un truc qui non seulement me sape le moral, mais qui me fait vraiment peur. Il y a là une gigantesque bataille à mener, je crains toutefois que bien trop de parents ne soient malheureusement incapables de la gagner. Et après ?

    Fort heureusement, je terminerai sur les trois choses qui me remontent le moral..

    La découverte permanente. Musique, littérature, peinture, bref tout ce qui nous fait apprendre. Celle par exemple d'un nouveau disque réjouissant, inventif, qui va me surprendre et me faire vibrer : comme celui la Mop Meuchiine qui joue la musique de Robert Wyatt avec un incroyable talent. Ou, dans un tout autre genre et sublime néanmoins, un magnifique adagio composé par le regretté Olivier Greif qu'il faudra bien un jour reconnaître comme l'un des plus passionnants compositeurs du XXe siècle. Je lui consacrerai bientôt une note, qui fera suite à deux que je lui ai déjà consacrées.

    Les éclats de rire de ma petite-fille quand elle veut jouer à cache-cache avec moi derrière le canapé, au deuxième étage de la Maison Rose. Sans oublier sa vraie gourmandise quand elle rencontre un délicieux macaron.

    Le partage. Passer deux heures en compagnie d'un ami qui me raconte les souvenirs qu'il a accumulés durant les années 70, quand il avait créé un fanzine et fait de belles rencontres. Puis retranscrire cette conversation pour Citizen Jazz.

    Pour finir, je crois qu'une chaîne ne doit pas être rompue et qu'il me faut proposer à deux personnes de relever ce petit défi. Alors j'invite deux camarades blogueuses à continuer après moi : Françoise et Elisabeth.

    A vous de jouer mesdames !