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Entendu - Page 25

  • Jeune

    front.jpgLe petit monde de la télévision s'émeut au prétexte qu'un candidat de la Nouvelle Star a osé allumer une cigarette pour interpréter une chanson de Serge Gainsbourg et qu'un célèbre couturier y a été d'une présence très soulignée, à grands renforts de gros plans et de citations. Voilà un joli double exercice d'hypocrisie quand on sait que le plus grand mal qui puisse être fait à une génération naissante - beaucoup plus que cette cigarette symbolique qui aura bien peu d'effet sur les comportements juvéniles - est celui par lequel on brandit le conformisme le plus absolu comme étendard et qu'en matière de publicité, on atteint avec cette émission un niveau de saturation qui rendrait hermétique à toute réclame n'importe quel étudiant issu d'une école de commerce. Tout ceci sent tellement le renfermé que c'est avec le plus grand bonheur - il s'agit là d'une vraie respiration, en effet - qu'on se précipitera sur le dernier opus d'un vieux loup solitaire du rock, monsieur Neil Young ! A plus de 63 ans, le loner canadien semble ne pas devoir dévier un seul instant du chemin très singulier qu'il trace depuis plus de quarante ans maintenant. Sûr qu'avec son chant parfois approximatif, il n'aurait pas franchi la barrière d'un jury composé de bien étranges « experts » comme on peut en contempler du côté de chez nous... Fork In The Road, c'est du Neil Young pur jus, une musique carrée, électrique la plupart du temps, un son râpeux, des mélodies comme lui seul sait en inventer (j'emploie ce mot à dessein parce que je tiens Neil Young pour un inventeur), qui nous ramènent au meilleur de toute sa discographie. Et même si l'on ne peut qu'être d'accord avec lui pour dire que chanter une chanson ne changera pas le monde (« Just Singing A Song Won't Change The World »), on lui sait gré de débouler à intervalles rapprochés (Chrome Dreams, son précédent double album, remonte à dix-huit mois environ) avec cette musique qui lui appartient et qui fait l'effet, à chaque fois, d'une cure de jouvence. On n'oubliera pas, pour finir, de rappeler qu'avec ce disque, Neil Young s'engage résolument vers la voie de l'écologie. Une bifurcation essentielle pour l'avenir, voilà aussi le sens à donner à ce Fork In The Road.

  • Incertitude

    Alors, crise ou pas crise ? Si j'en crois certains éditorialistes matutinaux un peu bas du front, le rebond observé du côté de la Bourse depuis deux mois serait le signe d'un optimisme des marchés (j'adore cette manière d'expliquer l'économie, comme s'il y avait une sorte de main, planant au-dessus de nos pauvres petites têtes de bipèdes, prête à s'abattre ici ou là au gré des spéculations, et qui ne serait pas d'origine humaine) et donc un message d'espoir pour l'avenir. Et puis, en voilà d'autres qui nous expliquent que trop d'optimisme peut entraîner des déceptions (et ça, pas bon, pas bon du tout, parce qu'un actionnaire ne doit jamais être déçu ni même inquiet) tandis qu'un pessimisme exagéré serait facteur de retrait des cotations. Pffff... Et pan, dès le lendemain, c'est le drame : voilà que le CAC a pris un coup dans le nez et les théories de la veille passent à la trappe. Attention donc à la chute des cours... Bref, malgré quelques années passées à entendre des enseignants en économie sur les bancs de la fac, il y a... si longtemps, j'avoue mon incompréhension la plus totale.
    Tout ceci nous démontre néanmoins les dégâts causés dans les cerveaux des experts ayant le droit à la parole par l'idéologie thatcherienne ("il n'y a pas d'alternative à l'économie ultra-libérale et son cortège de démantèlements") et le manque total de lisibilité des temps à venir. Il reste quelques certitudes néanmoins : chaque jour, des usines ferment, d'autres vous proposent un avenir en Inde pour 69 € par mois ; la menace climatique semble bien là et pas vraiment prise en compte par tous les tenants d'une certaine croissance définie comme obligatoire ; les mafias contrôlent une part très importante de la finance mondiale et leurs métastases viennent se propager jusque dans notre quotidien.
    Allez, zou, j'ai la solution : je vais me préparer de ce pas une bonne petite tisane « matin calme », ça ne résoudra pas nos problèmes, mais au moins, ça m'évitera de dire des conneries ! Dire que pendant un moment, j'ai cru que la Bourse était un truc un peu virtuel... Pfff...

  • Dopant

    Interviewé ce matin sur France Inter, un technicien de la SNCF expliquait la recrudescence des accidents au mois d’avril par la consommation exagérée que les chevreuils font des fleurs de genêts. Ainsi nourris, nos charmants quadrupèdes sylvestres semblent se mettre à divaguer quelque peu et à chercher la confrontation avec les trains, une lutte dont ils sortent rarement vainqueurs toutefois. L’usager de la SNCF, quant à lui, s’en trouve pénalisé de quelques minutes d’un retard qu’il ne peut mettre au compte de je ne sais quelle inconséquence syndicale qui le « prend en otage ». Mais en fouinant sur la Toile, j’apprends aussi que l’infusion de ces fleurs jaunes possèderait quelques vertus, parmi lesquelles la facilitation de le respiration et le soutien du muscle cardiaque… Voilà qui devrait inspirer quelques uns de nos chers « sportifs » qui pourraient trouver là une belle occasion de diversifier leurs approvisionnements et, par la même, de moins contribuer à l’épanouissement financier de certaines filières obscures.

  • Poignant

    10143.jpgSalué par la critique comme un des événements musicaux de l'année 2009 - y compris par mes soins à l'occasion d'une chronique pour le magazine Citizen Jazz - le premier disque de l'Orchestre National de Jazz sous la direction de Daniel Yvinec donne une furieuse envie de se replonger dans la discographie de celui qu'il célèbre, le grand Robert Wyatt. Musicien inimitable, chanteur unique, passé des folies dadaïstes de la première époque du groupe Soft Machine à l'élaboration d'un univers intimiste et minimaliste après un dramatique accident qui le cloua sur un fauteuil roulant, Robert Wyatt continue de nous parler à l'oreille et de nous enchanter. Rock Bottom, son disque phare, est une pièce majeure de l'histoire de la musique du XXe siècle. En témoigne, par exemple, ces quelques minutes extraites de « Sea Song », une composition qui continue de vous prendre à la gorge et de vous submerger d'une forte dose d'émotion.
    podcast

  • Démesure

    Invité par France Inter a débattre sur le thème de l’évolution de la démocratie et son dévoiement au fil des années, un philosophe – dont j’ai malheureusement oublié le nom – nous rappelait deux chiffres qui traduisent la démesure que nous, humains, avons réussi à établir dans notre organisation économique mondiale. Il précisait également que ces données très évocatrices préexistaient à la crise subie par tous les Etats à l’automne dernier.

    - les 225 personnes les plus riches au monde possèdent une fortune équivalente à celle que se partagent les 2,5 milliards les plus pauvres ;
    - 2,5 % seulement des transactions financières à l'échelle planétaire s’appuient sur l’économie réelle (le reste n’étant que le fruit de la spéculation et donc d’une économie virtuelle).

    Ces chiffres ne sont pas nouveaux, j’en conviens, mais ils disent tellement de choses… Et ce ne sont là que deux exemples. Étonnant, non ?

  • Éperdu

    lost_on_the_way.jpgLe XXIe siècle sied très bien à Louis Sclavis. Parce que sa discographie - abondante désormais depuis la fin des années 70 - recèle de magnifiques moments dont les plus récents (L'Affrontement des Prétendants, Napoli's Walls, L'Imparfait des Langues et aujourd'hui Lost On The Way) constituent comme une suite qui frise la perfection. Avec ce nouveau disque qui évoque l'odyssée d'Ulysse, et pour lequel il renouvelle en partie son quintette (Maxime Delpierre et François Merville étant toujours présents), Louis Sclavis fait une fois encore éclater au grand jour une musique lyrique, inventive et nerveuse. Il y a ceci d'un peu magique chez lui qui est la patte des grands : on sait très vite à qui on a affaire, sans pour autant savoir où l'artiste veut nous emmener. Alors on se laisse guider, au gré des vents et on le laisse nous raconter une histoire dont on n'a pas envie de connaître la fin.

    « J'ai joué à me perdre pour sortir d'une route déjà tracée » confie le clarinettiste. Alors bien joué en effet et quant à moi, je me porte volontaire pour tomber autant de fois que nécessaire de Charybde en Scylla, tant il est bon, sinon d'être perdu dans l'inconnu, du moins de revenir comme éperdu du bonheur éprouvé à la rencontre d'un jazz contemporain dont la richesse nous laisse espérer qu'il aura encore bien des pages à tourner.

    podcast

    En écoute : quelques minutes de « De Charybde en Scylla », extrait de Lost On The Way (ECM 2098 1798497).

    Louis Sclavis (clarinettes, saxophone soprano), Matthieu Metzger (saxophones soprano et alto), Maxime Delpierre (guitare), Olivier Lété (basse), François Merville (batterie).

  • Pandémie

    Etrange cet appétit soudain qu’ont eu les principaux médias pour le mot pandémie avec cette histoire de la grippe ex-porcine, ex-mexicaine et aujourd’hui A H1 N1. Non qu’ils l’ait utilisé à mauvais escient (et encore... si l’on considère sa définition qui dit qu’il s’agit d’une épidémie qui s’étend à la quasi-totalité d’une population d’un ou de plusieurs continents, on reste loin du compte et c'est tant mieux), mais on ressentait une bizarre jubilation journalistique à distiller la peur avec ce mot trop rarement à l’ordre du jour semble-t-il. Car il y a eu dans le traitement de l’information une incroyable inversion de la chaîne éditoriale : on nous annonce d’abord la catastrophe mondiale (tous aux abris, Roselyne sur tous les fronts télévisés à distribuer masques et Tamiflu, elle a dû se ruiner en rose à lèvres durant ces derniers jours), les mesures de confinement, les morts par vagues, les annonces de notre futur renoncement à toute forme d’activité collective (chouette, on va m’interdire d’aller bosser si ça continue)… puis, quelques minutes plus tard, un spécialiste (en général un médecin) vient nuancer le propos en nous expliquant que, peut-être, ce virus n’est pas plus mortel que celui d’une grippe « classique ». Hier, le bilan quantitatif était sensiblement moins dramatique que celui qui était établi trois jours plus tôt. Aujourd’hui, la presse commence à s’interroger sur les raisons profondes de ce sensationnalisme irrationnel. Certes, le principe de précaution est louable mais dans ces conditions, quelles mesures de préservation de l’espèce humaine faudrait-il prendre pour lutter contre la mort tabagique (cent millions d’individus emportés par la cigarette au XXe siècle), la pollution atmosphérique, le SIDA, les guerres, la violence faite aux femmes, l’esclavage industriel, ou les calembours de Laurent Ruquier ? Pourquoi donc cette brutale focalisation sur une grippe dont la mortalité, fort heureusement, reste marginale et semble se soigner aussi bien qu’une autre (ce qui ne signifie pas qu’il s’agit d’une maladie bénigne, j’en conviens volontiers) ? Il y a pourtant tellement d'autres sujets qu’on aimerait voir plus souvent abordés dans les grandes messes de l’information…

  • Live

    Pendant que nos « chers » dirigeants continuent d'accabler Internet et de désigner le réseau à la vindicte populaire, confondant visiblement fièvre et thermomètre, et d'en faire un sujet de politique répressive alors qu'ils seraient bien avisés de se rendre compte qu'ils disposent là d'un formidable outil propre à devenir un instrument capital dans l'aménagement du territoire, me vient l'envie, tel un gamin, de me réjouir des bienfaits de l'immédiateté rendue possible par la vitesse de circulation des informations sur la Toile. En toute légalité et en m'appuyant sur un petit exemple, celui de mon vieux groupe fétiche, le Grateful Dead, dont la résurrection sous le nom de The Dead est quasi miraculeuse (j'en reparlerai, ailleurs, très bientôt). Voici donc six musiciens qui ont entamé une série de 22 concerts (le Dead Spring Tour 2009) depuis le 12 avril et jusqu'au 16 mai. Tout ceci se déroulant aux Etats-Unis exclusivement, il y a une petite frustration pour la poignée d'européens dont je fais partie qui savent qu'ils ont bien peu de chances de réaliser leur vieux rêve d'une scène hexagonale (la seule fois où j'étais à deux doigts de voir le Grateful Dead sur scène, le concert a été... annulé ! C'était en 1981...). Fort heureusement, Internet est là qui nous permet, 48 heures après, de télécharger pour une somme modique (entre 12 et 10 € selon le format choisi, Flac ou mp3 256) chaque concert - soit trois heures de musique - avec une qualité de son irréprochable. Autant dire que je vais me régaler dans les mois à venir...

  • Palpitation

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    Passage - 120 X 60 cm - Flow 2009

    Il faut parfois se méfier des coups de cœur, surtout lorsque, comme moi, on est porteur d'un pace maker ! Mais il est bon aussi, de temps à autre, de ne pas prendre le temps de la réflexion et de se laisser emporter par une impulsion, quitte ensuite à tourner et retourner dans sa tête toutes les idées qui s'agitent et vous pointent du doigt en vous désignant comme être humain déraisonnable. Mais comment comprendre alors ce phénomène par lequel, alors que vous êtes face à une toile, vous êtes saisi par une certitude : cette peinture est faite pour vous, vous savez d'ores et déjà où elle prendra place dans votre salon, l'hésitation n'est pas de mise ? J'ai été la victime de ce sortilège hier après-midi alors que j'entrais dans la galerie d'Arnaud Flow, en vieille ville à Nancy. C'est un jeune peintre dont j'avais déjà évoqué le travail voici quelques mois et dont le travail me fascine. Quant à ces personnages en mouvement, traversant une rue (de Paris ou d'ailleurs), cette scène résolument ancrée dans un quotidien urbain et contemporain, et puis... cette animation flottante jouée par un beau de coup de pinceau, lui aussi en mouvement et créant un flou dynamique et énigmatique : ils m'attendaient ! Durant quelques secondes, j'ai pensé à la pochette d'Abbey Road, le disque des Beatles, probablement en raison de la traversée d'une rue. Et puis, très vite, j'ai entendu la musique de Steve Reich, celle de City Life : le compositeur avait enregistré des bruits dans New York avant de créer son propre environnement en s'appuyant sur leur rythme. Voici donc cette association que je m'autorise, j'espère qu'elle suscitera l'approbation d'Arnaud.

  • Décourageant

    nouveaux_chemins_connaissance.jpgJ'écoutais hier dans ma voiture l'émission « Les nouveaux chemins de la connaissance », animée par Raphaël Enthoven sur France Culture (chacun ses perversions...), dont le principe était cette semaine de demander à des professeurs de philosophie de s'imposer à eux-mêmes les épreuves qu'ils infligent à leurs élèves dans le cadre du Baccalauréat. Le thème en était : « L'homme peut-il être inhumain ? ». Une émission supposée, je cite là les producteurs de l'émission « destinée à distiller des conseils méthodologiques et à montrer comment la philosophie ne fait en somme que reprendre et formaliser les questions que se pose tout un chacun ». Fichtre ! Diantre ! Je crois que je suis bien heureux de ne plus être un élève de terminale depuis des décennies parce que... au bout d'un bon quart d'heure, j'étais complètement perdu, l'animateur lui-même avait un peu de mal à suivre le fil de la pensée de son interlocutrice dont le raisonnement me semblait en décalage total avec l'idée qu'il s'agissait d'aider des jeunes de 18 ans à répondre clairement à cette question. J'espère pour nos futurs bacheliers que peu d'entre se sont coltinés ce pensum qui frisait parfois le hors-sujet. Et pour ce qui est de philosopher, je crois que je préfère m'en remettre à quelqu'un comme Michel Onfray, dont la pensée me paraît un tantinet moins sinueuse...

  • Cassea

    cassea.jpg
    Allez, c'est la reprise pour moi... Mais je vous épargnerai (rayez les mentions inutiles) : mes phrases longues, mes radotages, mes circonvolutions, mes prises de position façon vieux con, mes coups de coeur pour des artistes qui méritent un détour et un coup de main parce que snobés par la médiocratie médiatique la plupart du temps. Mais pour l'heure, un peu de calme s'impose, celui de ces jours de repos qui sont d'ores et déjà rangés au rayon des souvenirs. Avec pour le magnifier cette photo d'une plage un peu sauvage dans la Baie de Cassis et un enregistrement du bruit des vagues.

    podcast

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  • Séduisant

    seldom_seen_kid.jpgJe dois bien avouer que je n'ai pas suivi de très près l'actualité de la scène rock britannique depuis une vingtaine d'années... J'avais d'autres musiques à fouetter et ce que j'entendais de loin ne me donnait pas l'envie d'en savoir plus. On a toujours tort, cependant, de se couper complètement de cette sphère créative qui, en d'autres temps, était la source de bien des bonheurs et continue de bouillonner. Il faut juste prendre le temps de la débusquer derrière tout le fatras des idoles éphémères et insipides qui font le quotidien de ce qu'on appelle la "Brit Pop". Ignorant en cette matière donc, ce n'est pas sans un vrai plaisir que j'ai découvert un groupe de Manchester, dont l'existence remonte à une bonne dizaine d'années et propose son quatrième album. Mené par un certain Guy Harvey, dont la voix rocailleuse n'est pas sans rappeler parfois celle de Peter Gabriel, Elbow - un coude qu'il ne déteste pas lever avec ses amis - publie en effet The Seldom Seen Kid, un disque aux accents souvent nostalgiques, dont les textes intelligents, fort bien écrits et la production, sobre et sans esbroufe, ont valu au groupe de recevoir tout récemment le Mercury Prize. Cette récompense semble même survenir à un moment où les musiciens - signalons que la formation est inchangée depuis sa création - semblaient désespérer de rencontrer un jour le chemin du succès. Parmi ses références, Guy Harvey cite volontiers Leonard Cohen et Joni Mitchell, qui partagent avec lui une certaine inclination à la mélancolie : on le suit volontiers dans ses choix !
    On peut écouter à titre d'illustration "An audience with the Pope", qui nous raconte l'histoire d'un adolescent qui semble pris entre deux feux, ceux de la chair et ceux des recommandations de l'Eglise.

  • Déjoué

    onj_wyatt.jpgBien déjoué en effet, monsieur Yvinec ! Parce qu'il fallait oser, pour votre première exploration à la tête de l'Orchestre National de Jazz, vous attaquer à cette légende vivante qu'est Robert Wyatt. On ne reviendra pas ici sur l'histoire de ce musicien, batteur et chanteur du groupe Soft Machine, cloué sur un fauteuil roulant après une chute dramatique, qui s'est créé un univers totalement singulier et magique dominé par un disque éternel et sans équivalent, Rock Bottom, paru en 1974. Around Robert Wyatt, tel est le nom de ce disque de l'ONJ qui sortira prochainement chez Bee Jazz, ne tombe jamais dans les travers d'un hommage trop confit dans la dévotion et propose, sous la forme de chansons, des reprises souvent transfigurées, mais jamais trahies, du répertoire de Robert Wyatt. Le minimalisme de la source est ici revisité et souligné par des arrangements discrets et subtils signés Vincent Artaud et l'on savoure le chant d'invités tels que Rokia Traoré, Yael Naïm, Arno, Daniel Darc, Camille ou Irène Jacob. Daniel Yvinec a relevé avec humilité et élégance un très beau défi.


    En écoute, un extrait de « Alliance », chanté par Camille.

  • Gynécide

    On me pardonnera, je l'espère, une transition un peu brutale avec la tonalité de mes deux précédentes notes. Mais comment ne pas avoir envie de vomir ? Nul besoin d'être un fin linguiste pour deviner le sens du mot qui donne le titre à cette note et qui, s'il est assez rarement employé par nos contemporains, a au moins le mérite de la clarté. Car quel autre terme utiliser pour caractériser cette « loi de la famille » promulguée par le président afghan qui interdit aux femmes de sortir de leur habitation sans l'autorisation de leur mari et de leur refuser des relations sexuelles ? Certaines associations évoquent l'idée d'une légalisation du viol et disent clairement les choses telles qu'elles sont. Cette loi infâme démontre aussi l'inanité de tous les fanatismes religieux, quels qu'ils soient, et nous explique, s'il en était besoin, quelle partie de l'anatomie démange ceux qui en sont les acteurs. Je sais que ces quelques lignes ne changeront rien à ce crime organisé qui rabaisse la femme au niveau d'un animal domestique maltraité par son maître et vise à la faire psychiquement disparaître, mais il est bien difficile de se taire.

  • Editions

    stimulochronique.jpgHistoire n° 1 : On ne peut pas vivre seulement bercé par la mélopée des mauvaises nouvelles telles que les récitants quotidiens nous les psalmodient matin midi et soir. Ce serait trop terrible. Car voilà enfin une vraie bonne nouvelle (pour moi au moins) sous la forme d'une réponse positive donnée à l'une de mes vieilles requêtes. Depuis quelques années en effet, je rassemble des textes sur le thème de ma drôle de santé et son assistance cardiaque électronique, je plonge dans le maquis de mes souvenirs thrombosés, je dédramatise mes défaillances physiques. Et voilà qu'un éditeur accepte mon manuscrit. Sympa, non ?

    Histoire n° 2 : Aujourd'hui, le Président de la République convoque un ami d'une radio périphérique à l'Elysée pour une interview où la pugnacité du journaliste met à rude épreuve la patience de l'élu suprême, à force de questions incisives et parfois impertinentes. Une édition spéciale en quelque sorte. Enfin !

    L'une de ces histoires est fausse. Saurez-vous deviner laquelle ?

  • Euphorique

    marc_ducret.jpgVoilà un disque qui fait un bien fou ! Pendant que nos vieilles gloires rabâchent à n'en plus finir et pour un montant astronomique un répertoire usé jusqu'à la corde aux frais de la princesse (rendez-vous sur la note publiée hier pour en savoir plus), il est des artistes, certainement moins fortunés, qui empruntent des chemins de traverse - dont on ne sait pas forcément où ils vous emmèneront et c'est parfait ainsi ­- pour vous proposer une cure d'oxygénation totalement euphorisante. Le guitariste Marc Ducret est de ceux-là, dont Le Grand Ensemble réunit un orchestre de onze musiciens pour un album appelé Le Sens de la Marche. Une parfaite mise en place conjuguée à de nombreux espaces de liberté accordés aux solistes font de ce disque une impeccable réussite qui n'est pas sans évoquer par moments - mais je limiterai volontairement ici les références dans la mesure où Marc Ducret, musicien fouineur et expérimental, peut difficilement faire l'objet de parallèles - les échappées libertaires d'un groupe comme Henry Cow et de son guitariste Fred Frith, lui-même jamais à court d'une idée inouïe (au sens propre du terme). Cerise sur le gâteau, ce beau disque enregistré en public (« Parce que je suis trop malheureux en studio ») fin décembre 2007 au Delirium à Avignon est disponible pour une somme très raisonnable (15 € frais de port inclus) sur Internet, même si l'on aurait préféré le trouver dans les bacs de tous les disquaires.

    "Dans ce groupe, j'essaie de proposer une direction musicale tout en laissant chacun libre d'influer sur le son d'ensemble, de sorte que chaque musicien peut décider à tout moment du sens de la marche..."

    Pas de souci monsieur Ducret, dans cette histoire, nous marchons bien volontiers dans le même sens que vous !

    Marc Ducret : guitares, Bruno Chevillon : basse électrique, Eric Echampard : batterie, Antonin Rayon : piano, Fender Rhodes, clavinet, Paul Brousseau : claviers, samples, Tom Gareil : vibraphone, marimba, Matthieu Metzger : saxophones alto et soprano, Hugues Mayot : saxophones ténor et baryton, Yann Lecollaire : clarinettes, flûte, Pascal Gachet : trompette, bugle, trompette basse, Jean Lucas : trombone.

    En savoir plus sur Marc Ducret

    Commander Le Sens de la Marche


    En écoute : un court extrait de « Total Machine »

  • Fainéanti

    guignolsmet.jpgJ'apprends qu'un célèbre rocker opticien franco-belge sera la vedette du grand concert donné du côté de la Place de la Concorde dans le cadre des festivités du 14 juillet, intégralement financées sur le budget du Ministère de la Culture. Le montant du seul cachet de cette star en fin de course, qui s'élèvera ce soir-là - j'ai fait le calcul, pardonnez ma mesquinerie - à plus de dix années de mon salaire brut (sur lequel je paie des impôts... en France !), est par ailleurs très largement supérieur à ce que le chanteur lui-même réclame lorsqu'il n'est pas ainsi subventionné par ses amitiés présidentielles. Voilà qui finit par alléger considérablement le poids de la culpabilité que je développe depuis longtemps à l'idée d'être un salarié du secteur public. Parce que j'ai beau me persuader que je travaille correctement et que je ne vole pas l'argent que je gagne honnêtement, je ne peux pas faire comme si je n'entendais jamais ces voix brunes qui grondent sous l'effet d'une perverse stimulation politicienne et m'accusent d'être, ainsi que d'autres, un privilégié paresseux. Au point que j'ai même fini par inventer un mot : je serais selon ces braves gens bien dressés et de courte vue un « fainéanti ».

  • Âme

    visite_fanfare.jpgLa médiocre actualité politique m'a fait repenser à ce très beau film israélien qui s'appelle La visite de la fanfare, sorti il y a deux ou trois ans, et qui nous racontait cette étonnante histoire d'une petite fanfare de la police égyptienne venue en Israël pour participer à l'inauguration d'un centre culturel arabe. Manque de chance pour cette troupe, les aléas des transports perdent les musiciens dans une sorte de no man's land désertique avant qu'ils ne finissent par rencontrer quelques autochtones, partager un peu de leur quotidien et par trouver enfin leur chemin. Mais la raison de mon inquiétude ne se niche pas dans l'histoire elle-même - aussi belle soit-elle - mais dans un échange entre deux des personnages. Je me rappelle en effet cette question qu'un homme de rencontre pose au chef de la fanfare : « Mais à quoi peut bien servir une fanfare de la police ? », à laquelle ce dernier répond (je cite de mémoire) : «  Poser cette question, c'est comme se demander à quoi sert l'âme humaine ». Peut-être faudrait-il suggérer à certains, qui mettent stupidement en balance culture et utilité avec un mépris ostentatoire pour la première, notamment lorsqu'ils brocardent la présence d'une épreuve de littérature dans un concours administratif, de méditer cette belle réponse tant elle est d'une sagesse infinie. Et loin, très loin, de toute cette vulgarité érigée en étendard.

  • Bal(l)ade

    finally.jpgLes lorrains connaissent bien Valérie Graschaire (native de la ville de Metz) depuis un bon petit bout de temps maintenant. Ils ont pu découvrir l'étendue de son talent au sein de son quartet ainsi qu'à travers différentes expériences comme celle qui l'a amenée à devenir la chanteuse de l'Orchestre National de Jazz de Lorraine au cours des années 90 (avec lequel elle enregistrera l'album Angustia d'Amour en 1999) où à monter un répertoire dédié à Thelonious Monk avec la complicité du pianiste Pierre-Alain Goualch, un projet qui aboutit en 2000 à un album remarqué, Honky Monk Woman. La chanteuse est aujourd'hui (enfin) reconnue comme l'une des plus belles voix de la scène jazz française et ce n'est que justice. Aussi ce n'est pas sans une certaine émotion que Franck Agulhon, au détour d'une interview où il devait être question de sa propre actualité, tient à souligner qu'il se sent un peu comme le « papa » de Finally, un disque sorti chez Cristal Records à l'automne dernier et pour lequel ont été réunis les vieux amis, les complices de (presque) toujours que sont Diego Imbert (contrebasse) et Pierre-Alain Goualch une fois encore, auxquels viennent s'ajouter le lyrisme de Stéphane Belmondo au bugle et les inspirations de Peter Gabriel, Rémi Chaudagne, Eric Legnini ou Joni Mitchell. Papa dites-vous ? Car si Valérie Graschaire est à la ville madame Agulhon et la mère des enfants du batteur, on devine forcément le subtil dosage d'amour, de famille et d'amitié avec lequel a été tissée la belle toile chaleureuse de ce disque à la production épurée (il n'est jamais inutile de souligner la qualité de la prise de son qui fait la part belle aux instruments, presque exclusivement acoustiques, qui semblent ici venir nous jouer au creux de l'oreille) et qui met en valeur la voix chaude de Valérie Graschaire, nous prenant par la main pour une tranquille balade sur fond de ballades, dont les influences vont aussi bien puiser à la source du jazz qu'à celle d'une certaine pop music. Les reprises de « Mercy Street » (Peter Gabriel) et de « Both Sides Now » (Joni Mitchell) sont de belles réussites qui se mêlent naturellement à des compositions originales ou à de semi reprises, comme l'élégant « Nightfall » d'Eric Legnini sur lequel Valérie Graschaire a écrit ses propres paroles. Disque intimiste et apaisé, Finally est incontestablement un petit moment de grâce et une belle carte de visite supplémentaire pour la chanteuse. On aurait tort de s'en priver !

    Valérie Graschaire : voix,
 Pierre-Alain Goualch : piano et Fender Rhodes,
 Diego Imbert : contrebasse,
 Franck Agulhon : batterie,
 Stéphane Belmondo : bugle.


    En écoute : un extrait de « Mercy Street »

    Cristal Records - 2008

     

  • Pédagogie

    A chaque fois, c'est le même refrain ! Dès qu'un mouvement de contestation se dessine dans notre pays, nos chers élus nous font savoir que l'incompréhension qui règne entre le peuple et eux trouve son origine dans un manque d'explications de la part du gouvernement. « Nous devons expliquer mieux, faire preuve de pédagogie » ! Ah, la belle affaire, et voilà l'hymne obligé entonné par tous les lieutenants disponibles, comme un seul homme... En réalité, je ne comprends pas. Comment peut-on se donner les moyens d'expliquer plus quand on a table ouverte dans la plupart des auberges radiotélévisées où une batterie de serveurs zélés vous servent une soupe jamais trop épicée ? Pourquoi serait-on mieux compris alors que bon nombre de grands magazines ou quotidiens appartenant à des amis de longue date vous ouvrent grand leurs colonnes flatteuses ? Peut-on imaginer de meilleurs passeurs de la pédagogie gouvernementale que les très respectueux Jean-Pierre, Arlette ou je ne sais quel Etienne ? Et je ne parle même pas de la logorrhée d'un porte-parole omniprésent, omniscient, spécialiste de tout et même du reste, qui pérore à longueur de journées sur toutes les ondes accessibles, tant et si mal qu'il en vient même à provoquer des crises d'urticaire chez ses amis, ou prétendus tels... Nos hommes politiques entreront-ils un jour dans l'âge adulte ? Rêvons un peu...