Naturel
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Chaque soir ou presque, au moment où je ferme les volets de la Maison Rose, j’observe un phénomène étrange dans les bureaux d’un architecte qui se trouvent juste de l’autre côté de la rue. Le monsieur téléphone. Jusque là, rien d’anormal, tout va bien. Mais si j’ai tout loisir de le voir, c’est parce qu’il parle en arpentant sans cesse les quelques mètres carrés de la pièce dans laquelle il travaille. Trois pas vers la fenêtre, demi-tour arrière puis direction le mur d’en face. Et on recommence, demi-tour direction la fenêtre, avec parfois une pause de quelques secondes pour vérifier que sa voiture est bien là. Et ainsi de suite… Je ne sais combien de temps cet exercice semi-sportif dure parce qu’on comprendra que je ne reste pas là à observer ce professionnel en action, mais il est quotidien et appliqué. Voilà une réponse cinglante à la sédentarité de nos activités et un bon moyen de résister à l’embonpoint qui en est le corollaire. On pourrait cependant préciser à ce voisin qu’il est possible, aussi, de s’asseoir pour téléphoner, même avec un portable.
Très beau moment de cinéma que ce film aux intonations autobiographiques de Sylvie Verheyde. La jeune Stella, 13 ans, fille de cafetiers du XIIIe arrondissement, débarque dans un collège du XVIe. Nous sommes dans la deuxième moitié des années 70. On la voit aborder cet univers qui n’est pas le sien, écartelée entre un quotidien où les clients de ses parents dressent un portrait de l’humanité qui oscille entre dureté et tendresse et une mini-société, celle composée par ses camarades de classe et ses professeurs, où la dureté est tout autant de mise. Entre ces deux mondes, la gamine balance, il s’agit pour elle de trouver sa place et d’essayer de prendre son envol afin d’exister. Allez, on chipotera juste en notant quelques anachronismes mineurs : les faits montrent qu’il s’agit de l’année scolaire 1975-76 et l’on est étonné, par exemple, d’entendre des chansons qui n’existeraient que deux ou trois ans plus tard ; idem pour cette devanture d’un libraire où l’on aperçoit un bouquin de Douglas Kennedy, dont les premières œuvres furent publiées une quinzaine d’années plus tard. Mais bon, ce ne sont que des détails. Et puis il y a l’impayable Christophe Bourseiller, le prof de français qui sait faire preuve de patience et valoriser Stella. A chacune de ses rares apparitions au cinéma, il me rappelle son rôle dans «Un éléphant ça trompe énormément» d’Yves Robert, ce Lucien qui était amoureux de Daniel Delorme. Il empoignait fermement le sein de cette femme mûre pour lui déclarer sa flamme et lui expliquait doctement le caractère inéluctable de leur relation amoureuse à venir. Impayable !
Le problème de beaucoup de films français, et en particulier les comédies, ce sont les nombreuses invraisemblances, mêmes mineures, qui rendent les situations peu, voire pas crédibles du tout et ôtent toute la force et leur côté grinçant d’un propos a priori intéressant. Prenons par exemple le dernier film de Pierre Jolivet : l’idée de départ est loin d’être stupide puisqu’avec La très très grande entreprise, le réalisateur veut nous raconter l’histoire de trois personnages qui cherchent à pénétrer une entreprise, une véritable forteresse, afin de trouver sur place les preuves supplémentaires de la volonté de ses dirigeants de ne pas tenir compte des questions d’environnement et d’avoir préféré le provisionnement d’un compte à des fins de dédommagement plutôt que d’éviter une pollution et ses conséquences économiques et leurs victimes. Ceci dans le but d’obtenir pour eux-mêmes le versement d’une somme bien supérieure à celle qu’ils ont pu obtenir dans un premier temps à l’issue d’un procès. Très bien. Mais pourquoi les dirigeants de cette entreprise (la PDG, la DRH, le directeur financier…) sont-ils caricaturaux à ce point et psychologiquement aussi déséquilibrés, tous gagnés par une hystérie incompatible avec leurs fonctions ? Parmi les petits détails inutilement incohérents, pourquoi, aux côtés de ces pieds nickelés qui veulent obtenir réparation (Rochdy Zem, Marie Gillain, Jean-Paul Rouve, Adrien Jolivet, tous très bons par ailleurs), un prétendu «spécialiste informatique» tient-il absolument à savoir si l’ordinateur sur lequel est branché une clé USB dont il s’agit de recopier les données est un PC ou un Mac, alors que n’importe quel novice vous dira que ce détail n’a absolument aucune importance ? Dommage, ces petits riens gâchent le plaisir et nous rappellent que «Ma Petite Entreprise», du même Pierre Jolivet, était beaucoup plus consistante.
Les préparatifs de la commémoration du 11 novembre, vendredi dernier… Cette cérémonie, nécessaire et utile même si trop ostentatoire de par la débauche de précautions prises pour préserver les officiels du moindre danger à des kilomètres à la ronde (Verdun et ses environs étaient hier en quasi état de siège), me rappelle mes années d'adolescence où, en mémoire des victimes, je m'échinais à escalader plusieurs fois de suite à vélo - un vieux vélo bleu pesant 26 kilos, cadeau de mon beau-frère - les trois côtes principales menant à l'ossuaire de Douaumont. Je gravissais ces pentes une fois, deux fois, trois fois, en plein été, dans le silence de la forêt, à peine troublé par le bruit du frottement des pneus sur le goudron, en danseuse, jusqu'à l'évanouissement ou un début de syncope. Personne n'en savait rien, j'ignorais même les dangers que je courais compte tenu d'un muscle cardiaque dont je ne connaissais pas encore le vice caché, mais j'avais été aux limites de mes forces, me disant qu'il s'agissait là d'un hommage minimal et juste.
La vie moderne, drôle de titre pour ce film magnifique signé Raymond Depardon. Avec beaucoup de tendresse, le réalisateur vient braquer sa caméra patiente sur quelques paysans des Cévennes, de Haute-Loire ou bien de Haute-Saône. Ce sont tous des «taiseux», dont il est bien difficile d’extirper de longues phrases. Leurs regards sont leurs mots. Qu’ils soient âgés et solitaires, plus jeunes et vivant en couple, tous nous racontent leur passion pour cette vie qui va s’éteindre dans un avenir proche. Un témoignage émouvant et indispensable sur un monde finissant.
Sont bizarres les lyonnais, non ? Je me baladais tranquillement l’autre jour dans les rues de la capitale des Gaules lorsque j’ai aperçu cet homme qui tentait un drôle d’équilibre au bord du trottoir. Il est resté dans cette posture pendant un bon bout de temps, je n’ai pas osé lui demander si tout allait bien pour lui…
La météorologie lorraine, plutôt rébarbative selon mes critères de quinquagénaire chaque jour plus frileux, ne doit pas me faire perdre de vue le fait qu’en tant qu’habitant de la belle ville de Nancy, j’ai la chance – quasi quotidienne – de fouler du pied l’un des lieux que les globe-trotters de tout poil reconnaissent unanimement comme magnifique. La Place Stanislas est même, j’en suis certain, l’une des plus belles au monde. Je n’ai pas besoin d’être un voyageur impénitent pour le vérifier : je le sais, un point c’est tout. Et mon récent week-end à Lyon, ville dont il est évident qu’elle possède un cachet unique et un fort pouvoir d’attraction, ne me fera pas changer d’avis : d’accord, la Place des Terreaux mérite une visite, mais tout de même, soyons impartiaux et reconnaissons sans barguigner que notre place royale possède une majesté à laquelle nous sommes, ici, très sensibles. C’est elle la plus belle. Belle et coquette, devrais-je dire : parce qu’à peine avais-je le dos tourné pour me diriger vers le Rhône que ce haut lieu touristique en profitait pour se déguiser malicieusement en jardin potager. Aussi suis-je heureux de vous présenter une nouvelle variété de légume : le chou farceur.
J’entends chaque matin sur France Inter, peu avant 6h30, une rubrique intitulée «Le Point Route». Ou comment on nous informe sur les difficultés à attendre ici ou là sur les routes de France. En réalité, je m’aperçois qu’il s’agit avant tout de recenser les accidents impliquant des camions : deux d’entre eux se sont heurtés violemment sur l’autoroute ; puis c’est un autre qui s’est couché au sol, probablement parce qu’il ne roulait pas assez vite ; ou ce troisième, dont les 32000 litres de fuel sont en train de partir en fumée. C’est la même chose tous les jours, ces accidents surviennent avec une précision digne de l’horlogerie suisse. Alors, mentalement, un peu comme un stratège militaire chargé de coordonner une action d’envergure, je me représente une carte de France sur laquelle je place les différents incidents au moyen de petites vignettes. Et je me dis qu’il faudra bientôt que je m’en procure une nouvelle car celle que j’utilise est bien surchargée…