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Vu - Page 6

  • Magique

    Nancy Jazz Pulsations, c'est fini. L'édition 2010 s'est terminée en apothéose avec une soirée de clôture tonitruante, sous les coups de boutoir de Marcus Miller et sa basse virtuose pour une relecture haute en couleurs de Tutu, ce disque de Miles Davis dont il avait été le compositeur, l'arrangeur et le producteur en 1986. J'aurai l'occasion de revenir sur ce festival dans un prochain article pour Citizen Jazz, afin de souligner quelques moments forts, comme le concert d'Avishai Cohen, ou la soirée réunissant le trio Thomas Savy et le quartet de Diego Imbert. Sans oublier, bien sûr, le grand Dave Holland au Chapiteau de la Pépinière.

    Et puis, délicieuse cerise sur ce savoureux gâteau musical, la prestation enchantée de Youn Sun Nah, une chanteuse coréenne envoûtante dont la complicité intimiste avec le guitariste Ulf Wakenius a suscité une adhésion méritée du public venu remplir La Fabrique, cette petite salle qu'on imaginerait volontiers devenir, ici, un lieu dédié au jazz. Ce lieu qui fait cruellement défaut à la ville de Nancy.

    ysn&mc_3_101015.jpgYoun Sun Nah © Jacky Joannès

    Le public est attentif lorsque Ulf Wakenius entre seul en scène pour nous proposer un petit échauffement (a warm up), seul à la guitare, avant l'arrivée de sa complice chanteuse. Dans la salle, un groupe d'enfants – toute une classe de sixième – ouvre de grands yeux, c'est le premier concert auquel ils assistent. Ils écouteront religieusement pendant près d'une heure et demie, captivés par le spectacle qui s'offre à eux. Très vite, Youn Sun Nah fait son apparition, arborant un sourire absolument désarmant. Elle nous dit quelques mots, nous explique dans un murmure combien elle est heureuse de se trouver là. Et c'est parti pour l'enchantement : qu'elle chante ses propres compositions ou des thèmes de bossa nova de João Gilberto ou Egberto Gismonti, qu'elle reprenne à son compte « Avec le temps » de Léo Ferré ou « My Favorite Things » (dont la version transfigurée de John Coltrane fêtera ses 50 ans après-demain), cette chanson tirée de La Mélodie du Bonheur pour une interprétation a cappella avec comme seul instrument un discret kalimba, qu'elle nous emmène dans son pays avec un chant traditionnel coréen, tout devient beau, habité par la grâce. Oui, la grâce ! Il y a des artistes charismatiques, magnétiques et parmi eux, certains ont en plus cette faculté supplémentaire de rayonner et d'emporter avec eux leur public vers un ailleurs un peu magique. Youn Sun Nah est de ces êtres qui irradient leur entourage au point qu'au moment où les lumières se rallument, on se demande si l'on a vécu ces instants ou si on les a rêvés.

    C'est d'ailleurs ce que j'ai tenu à lui dire alors que, venue saluer son public, la chanteuse s'émerveillait devant ces enfants qui levaient le doigt pour lui poser des questions, avant de lui tendre de petites feuilles blanches pour emporter avec eux un autographe. 

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    Youn Sun Nah & Maître Chronique © Jacky Joannès

    Youn Sun Nah ose à peine croire aux compliments qu'on lui fait, c'est elle qui nous remercie alors qu'autour d'elle, les yeux brillent, encore illuminés par ces instants de bonheur, par cette cérémonie du chant durant laquelle elle aura démontré l'étendue de son talent, qui est immense. On reste fasciné par l'aisance avec laquelle elle aura pu faire appel à son registre vocal – du soupir au cri – et mener, non sans humour parfois, sa belle embarcation musicale.

    Et pour que la fête continue encore un peu...



    Découvrez Youn Sun Nah en live avec "My favorite things" sur Culturebox !

  • Portal & Terrasson

    Vidéo Jazz. C'est le onzième rendez-vous du collectif de blogueurs appelé le "Z Band". Ses membres étant un tantinet débordés actuellement par leurs occupations respectives, le travail d'écriture d'un article sur un thème choisi de manière concertée est reporté au mois de septembre. Mais il était hors de question de manquer notre rendez-vous trimestriel : nous avons par conséquent décidé de chercher, chacun de notre côté, une vidéo. Voilà, pas plus compliqué que ça !!!

    Je vous propose par conséquent de retrouver dans ce cadre un duo hautement sensible composé de deux musiciens que j'affectionne tout particulièrement, tant pour la brûlure de leur jeu que pour leur sens de l'écoute réciproque. Je n'évoque même pas leur maîtrise instrumentale, elle va de soi, elle est au-delà.

    Nous sommes au mois d'août 2007, au festival Jazz In Marciac. Jacky Terrasson (piano) et Michel Portal (clarinette basse), interprètent avec un feu intérieur qui force l'admiration une composition de ce dernier, "Max mon Amour", dont on peut trouver une magnifique version sur son très beau disque Musiques de Cinémas déjouées avec des amis jazzmen en 1995. Souvenons-nous aussi que ce thème illustrait à l'origine le film réalisé par Nagisa Oshima en 1986, avec Charlotte Rampling en premier rôle (ainsi qu'un chimpanzé dont elle tombait amoureuse, si mes souvenirs sont exacts).

    Cette note est aussi l'occasion pour moi de prendre date : il faut absolument que je prenne plus de temps pour évoquer Michel Portal, un très grand monsieur ! Un de mes artistes compagnons de vie...

    Z Band

    Un peu maigrichon cette fois, les contributions étant peu nombreuses... Elles n'en méritent pas moins le détour !

    - Ptilou : Portal, Collignon, Bojan Z au Duc des Lombards
    - Jazz Frisson : Souvenirs de Rio
    - Mysterio Jazz : Casuarina

  • Pom Pom... Pidou !

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    Passé le temps des premières heures et de la foule des curieux qui s'agglutinait en interminables files d'attente, voici enfin venu le moment de profiter dans d'excellentes conditions d'une réussite à souligner, celle du Centre Pompidou de Metz. Son architecte élégante et aérienne - bois et verre, tentures blanches - vous saute aux yeux à votre sortie de la gare. Parce qu'en outre, ce chouette musée a la bonne idée de n'être situé qu'à quelques pas de cette dernière, à laquelle il est relié par une passerelle, tel un cordon ombilical.

    "L'édifice se présente comme une vaste structure de plan hexagonal, traversée par trois galeries. Il se développe autour d'une flèche centrale qui culmine à 77 mètres, clin d'oeil à la date de création du Centre Pompidou : 1977... L'ensemble évoque un vaste chapiteau, entouré d'un parvis et d'un jardin. A l'intérieur, l'ambiance générale est claire, avec sa toiture en bois blond, ses murs et structures peints en blanc et ses sols en béton surfacé gris perle. La toiture, le traitement de la relation intérieur-extérieur et les trois galeries d'exposition sont le résultat de partis pris architecturaux très novateurs."

    Ce n'est pas moi qui le dis, ce sont les responsables du Centre eux-mêmes et force est de reconnaître que leur propos entre en correspondance exacte avec ce que vous ressentez en déambulant, tranquillement, l'oeil admiratif, tout au long d'un parcours riche d'oeuvres magnifiques (j'aurai personnellement un petit faible pour "Les disques dans la ville" de Fernand Léger et pour la série Jazz d'Henri Matisse, mais la liste de mes contemplations béates est bien plus longue en réalité...).

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    Mais on goûtera aussi les jeux de miroirs futés, qui vous laissent deviner ce que votre visite va vous faire découvrir. En levant la tête, vous voyez aussi vos congénères qui deviennent fourmis curieuses, évoluant par petites grappes, comme collées au plafond. Les plus perspicaces d'entre vous sauront d'ailleurs débusquer l'auteur de ces quelques lignes sur la première photographie illustrant cette note.

    Ah, et puis... Un mot tout de même sur cette galerie un peu magique, au troisième étage : elle s'ouvre en une vaste fenêtre découpée comme autant de tableaux vivants et offre une vue panoramique sur la ville. Comme par enchantement, ses composantes architecturales s'éloignent de vous au fur et à mesure que vous vous en approchez. C'est splendide.

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    Je ne voudrais pas abuser de la prose laudative. Néanmoins, je vous incite fortement à faire le déplacement du côté de la Lorraine. Il y a de belles choses à y découvrir...

  • Contrebasses

    J'écris actuellement une brève trilogie pour Citizen Jazz, histoire de relater quelques instants captés sur scène en Lorraine. Un chouette concert de Los Hombres au Quai Son à Nancy sous la houlette de Jean-Marie Viguier, une démonstration de Sound Painting menée par le toujours jeune François Jeanneau (cf. une précédente note) et pour finir, le concert rendu de la dernière soirée du Marly Jazz Festival, dont l'invité était Sébastien Texier venu présenter son trio, augmenté d'un « papa Henri » volubile.

    Ce n'est pas faire injure au talent du fiston clarinettiste - saxophoniste (il n'en manque pas, loin s'en faut) que de souligner à quel point le dialogue bondissant entrepris entre deux contrebasses, celle d'Henri Texier et du fiévreux Claude Tchamitchian, fut le grand moment de cette dernière page d'une édition 2010 de qualité.

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    Entre la soie mélodique des pizzicati du premier et les attaques nerveuses, presque coupantes, du second à l'archet, on était bien en compagnie de ces frères d'armes dont on devine que les déclarations n'étaient pas celles d'une guerre sans merci mais d'une défense sans concession d'un art majeur. A suivre donc, très bientôt...

  • Motown

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    Voilà qui fait vraiment du bien... Deux ans presque jour pour jour après leur dernière visite dans la petite salle du Quai Son à Nancy, le fougueux aréopage du Motown Project investissait à nouveau les lieux hier soir !

    Motown Project - une telle identité ne laisse aucun doute sur le répertoire qui sera proposé - c'est la promesse, largement tenue, d'une fête joyeuse et de la célébration d'une musique sans la moindre ride, frappée au sceau de l'énergie la plus communicative qui soit. Une éternelle jeunesse, impeccablement servie par un combo soudé et pourvoyeur d'ondes positives.

    Il n'aura pas fallu attendre bien longtemps pour que la température monte très très fort. En réalité, il n'y a pas eu la moindre attente du tout avec, d'emblée, l'enchaînement vitaminé de « Time » et « Got To Give It Up »... Ah, Marvin Gaye quand tu nous tiens... Ce dernier sera d'ailleurs l'une des sources d'inspirations premières de ce concert gorgé de salutaires vibrations : on le retrouvera un peu plus tard avec l'incontournable « What's Going On », « I Heard It Through The Grapevine » ou le brûlant « Sexual Healing » en guise de rappel, avant, pour que l'histoire ne s'arrête pas, un retour sur « Got To Give It Up ».

    Stevie Wonder, lui aussi, sera plusieurs fois à l'honneur : comment en effet ne pas interpréter le mythique « Supersition » pour célébrer ce torrent artistique que fut la Motown ? Comment ne pas puiser par ailleurs à deux reprises dans ce qui est à considérer, tous styles confondus, comme l'un des albums majeurs du XXe siècle, Songs In The Key Of Life ?

    The Temptations, Jimmy Ruffin, Aretha Franklin, The Jackson Five, Martha & The Vandellas, James Brown, The Supremes... Tous sont là, avec nous, éternels invités d'une fête qu'on goûte entre amis. On savoure chaque minute, conscient cependant que le temps, déjà, passe bien trop vite.

    Les neuf musiciens sont de toute évidence heureux d'être sur scène : la charismatique Marie Ossagantsia et son alter ego Martial Bourgon au chant assurent le spectacle, soutenus par une rythmique d'acier : Jérôme Arrighi, ici malicieusement présenté comme le « dictateur artistique », à la basse et Guillaume Bachmann, batteur chanteur qui ne se privera pas de nous offrir un joyeux numéro de duettistes à lui tout seul... Du côté de la section de cuivres, on souffle une revigorante tempête tropicale : Julien Hornberger à la trompette ; Matthieu Durmarque, au saxophone ténor, qui gardera son meilleur pour la fin avec un envoûtant chorus sur « Sexual Healing » ; Pierre Desassis (oui oui, je sais, je parle encore de mon fils, désolé...), qui dynamite constamment l'espace au saxophone alto ou se permet d'enflammer « I Wish » en quatre minutes explosives au saxophone soprano, des instants qui vous scotchent à votre chaise, pour peu que vous ayez eu la chance de trouver une place assise (c'est le petit extrait sonore que je propose ici, dans une captation brute de décoffrage mais qui, finalement, restitue plutôt bien l'ambiance de la soirée). On n'oubliera pas, évidemment, les deux enlumineurs que sont les deux Stéphane : Berti (guitare) et Cormorèche (claviers).

    On voudrait que le temps s'arrête, rester là, au milieu du public qui est venu en nombre. Durant plus de deux heures, toutes les vicissitudes du quotidien se sont envolées, balayées par le souffle vital de cette « Motown » sans égale.

    Merci !

    podcast

    En écoute : "I Wish" de Stevie Wonder par le Motown Project au Quai Son - Nancy, le mercredi 19 mai 2010.

    Marie Ossagantsia & Martial Bourgon (chant), Stéphane Cormorèche (claviers), Julien Hornberger (trompette), Matthieu Durmarque (saxophone ténor), Pierre Desassis (saxophones alto & soprano), Stéphane Berti (guitare), Jérome Arrighi (basse), Guillaume Bachmann (batterie, chant).

  • Couchant

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    Pour bien commencer la semaine... L'actualité est grise, pour ne pas dire sombre... Alors je vous propose cette image - un classique parmi les classiques, mais pourquoi chercher ailleurs après tout ? - apaisée. Sans commentaire superflu.

    Le soleil était amical ce week-end du côté de Mesnil-Val.

  • Re(con)naissant

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    Et un de plus sur la pile ! Ou plutôt quatre, pour être précis... Il y a tout de même quelque chose qui s'apparente chez moi à un sortilège. Je vous épargnerai toutefois la narration des innombrables épisodes qui lient ma vie de mélomane à la musique du Grateful Dead. Eh oui... encore eux ! Mais comment expliquer ce drôle d'appel auquel je résiste très difficilement dès lors que l'annonce d'un nouveau disque est portée à ma connaissance ? Voilà bientôt quarante ans que ça dure et même si la formation originelle n'existe plus depuis quinze ans - Jerry Garcia, âme du groupe, ayant quitté ce monde au mois d'août 1995 - les Dead Heads voient régulièrement leur soif de musique étanchée par la publication d'un nouveau disque : cette fois, c'est le concert du 7 juillet 1989 au Stade John F. Kennedy de Philadelphie qui est à l'honneur. Trois CD, trois heures de musique et, cerise sur le gâteau, l'équivalent en images ramassé sur un seul DVD. Le titre du mini-coffret est extrait des paroles de « Standing On The Moon », l'une des compositions de Built To Last, disque studio que le Grateful Dead venait de publier et qui serait d'ailleurs son dernier : Crimson, White & Indigo nous présente les six musiciens en excellente forme, malgré la fournaise dans laquelle ils évoluent et le mini short absolument ridicule arboré par Bob Weir, le second et indispensable guitariste.

    Une question de forme en effet : trois ans auparavant, Jerry Garcia s'était mis en très grand danger après un coma diabétique qui lui avait valu un long et pénible séjour à l'hôpital. Peu nombreux étaient alors ceux qui auraient parié sur son retour ! Mais le Captain Trips, grand consommateur de substances illicites et très nocives, avait beaucoup appris de cet accident : « Quand j'étais à l'hôpital avec des tubes branchés un peu partout, je pensais aux millions de choses que j'aurais pu faire au lieu d'être allongé sur un lit ». Il disait vrai : l'année suivante, le Grateful Dead enregistrait In The Dark, l'un de ses meilleurs disques et se payait même le luxe d'un hit single avec « Touch Of Grey ». Un phénomène peu courant chez un groupe capable de battre tous les records d'affluence depuis la fin des années 60 lors de ses concerts - on citera pour mémoire le concert de Watkins Glen de 1973 et ses 600.000 spectateurs - mais modeste vendeur de disques. Et si le successeur de cet album, ce Built To Last dont il est question un peu plus haut, n'atteignait pas en 1989 les mêmes sommets, il soulignait toutefois la vivacité retrouvée du Grateful Dead.

    L'écoute du disque est particulièrement révélatrice : les musiciens prennent un plaisir absolu à jouer et les chorus de guitare de Jerry Garcia sont incisifs comme aux plus beaux jours (il suffit pour s'en convaincre d'écouter dès le début son lumineux solo sur « Iko Iko »). Débarrassé des afféteries et gadgets synthétiques qui polluaient parfois son jeu à la fin des années 70 jusqu'au début des années 80 (comme tant d'artistes et de groupes, le Grateful Dead avait subi, mais de manière assez périphérique toutefois, le désastre musical de cette époque), notre homme impulse au groupe toute l'énergie de sa propre renaissance. Crimson, White & Indigo s'écoute dans la plus grande des fluidités, les minutes coulent en toute sérénité, chaque musicien apportant une couleur très personnelle à un ensemble parfaitement identifiable.

    Car le Grateful Dead, au-delà de son inspiration blues et rock voire country, de ses longues envolées improvisées nées de la « grande époque psychédélique » du côté de San Francisco, possède une vraie identité sonore qu'il est finalement assez compliqué de définir. Lançons quelques pistes cependant : il y a la voix fragile empreinte de mélancolie de Jerry Garcia posée sur les notes cristallines de sa guitare, il y a la présence plus impétueuse de Bob Weir le rockeur qui tisse une toile rythmique continue derrière les sinuosités de son leader qui n'a jamais caché son admiration pour des musiciens de jazz comme Django Reinhardt ou... John Coltrane ; mais le Grateful Dead, c'est aussi une assise percussive marquée par une grande souplesse, celle du jeu tout en nuances des batteurs (Bill Kreutzmann et Mickey Hart) qui jamais ne cognent vraiment, mais agissent plutôt comme des illustrateurs polyphoniques. On n'oubliera surtout pas Phil Lesh, bassiste faussement discret et personnalité majeure du groupe : ses attaques veloutées sont aussi l'une des composantes génétiques du sang qui coule dans les veines de cette musique.

    Côté claviers, la situation aura toujours été plus précaire dans l'histoire du groupe. Et mortifère surtout... Car il faut se souvenir que le Grateful Dead était né sous l'impulsion de Ron Mc Kernan, pianiste, harmoniciste, chanteur et bluesman habité qui n'avait pas survécu à une cirrhose du foie née de ses excès répétés : décédé en 1973, celui qu'on surnommait Pig Pen avait trouvé en Keith Godchaux un successeur avant tout pianiste et, il faut bien le reconnaître, plus transparent. Un tournant majeur dans l'histoire du groupe, qui se voyait amputé de fait d'une bonne part de sa fibre blues. Mais la mort accidentelle de Godchaux en 1980 avait fait entrer dans la danse un nouveau venu, Brent Mydland - présent sur ce concert de 1989 - musicien beaucoup plus fougueux, d'une présence tonifiante qui lui avait valu d'être particulièrement apprécié de Jerry Garcia, ce dernier lui vouant un véritable attachement. Mydland remettait l'orgue Hammond à l'honneur et sa voix écorchée donnait au Grateful Dead une nouvelle assise, plus proche de son empreinte sonore initiale. Il savait aussi manifester une forte présence sur scène : en témoigne ici sa prestation fiévreuse sur « Blow Away », l'une de ses compositions. Mydland harangue le public, l'emporte avec lui dans une danse frénétique sous le regard bienveillant et les coups d'oeil complices de Jerry Garcia.

    D'une certaine manière, Crimson White & Indigo se situe au cœur d'une courte période, plutôt faste, qui viendra se fracasser quelques mois plus tard sur la disparition de Brent Mydland, entré en dépression après des déboires conjuguaux, et qui finira par mourir d'une overdose. On dit que jamais Jerry Garcia ne s'est remis de cette nouvelle tragédie et que la douleur aura contribué à une nouvelle plongée dans la drogue qui finira par l'emporter lui-même en 1995.

    Crimson White & Indigo ne laisse pourtant rien paraître de l'histoire à venir du Grateful Dead, bien au contraire ! Son répertoire, qui se compose comme à l'accoutumée d'originaux du groupe (« Hell In A Bucket », « Ramble On Rose », « Loser », « Let It Grow », « Box Of Rain », « Scarlet Begonias », « The Other One », ...) mais aussi de reprises de Bob Dylan (« Stuck Inside Of Mobile With The Memphis Blues Again » ou « Knockin' On Heaven's Door » qui clôt magnifiquement le concert) ou de classiques comme « Little Red Rooster » ou « Turn On Your Lovelight », fait jaillir toute la lumière née d'une amitié et d'une complicité qui possèdent finalement peu d'équivalents dans l'histoire du rock.

    Et l'on n'en finira pas de revenir vers ces artistes qui, avant tout, ont su insuffler une très forte dose d'humanité à leur art.

    The Grateful Dead : Jerry Garcia (guitare, chant), Bow Weir (guitare, chant), Phil Lesh (basse, chant), Brent Mydland (claviers, chant), Bill Kreutzmann & Mickey Hart (batterie, percussions).

  • Disparition

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    C'est la fin d'une histoire... Ou le commencement d'une autre, peut-être. Créée à Strasbourg au XVIIe siècle à l'instigation de Frédéric Guillaume Schmuck, l'imprimerie Berger-Levrault avait dû choisir l'exil vers Nancy en 1871 lorsque l'Alsace avait été annexée par l'Empire Germanique. L'entreprise avait par la suite pris une part très importante dans la vie locale et s'était souvent trouvée associée aux travaux des grands artistes de l'Ecole de Nancy, comme Emile Gallé, Victor Prouvé ou encore le moins connu Camille Martin, très tôt disparu, auquel une exposition est actuellement consacrée au Musée de l'Ecole de Nancy.

    Sous les coups de boutoir d'une économie en folie, Berger-Levrault avait cédé sa branche graphique en 2000, pour continuer son chemin en diversifiant ses activités, notamment l'édition de logiciels...

    Mais je ne vais pas vous écrire son histoire... seulement vous proposer un petit coup d'oeil, non dénué d'une pointe de nostalgie.

    On voit ici tout ce qui reste des premiers locaux de Berger-Levrault : un vaste projet immobilier est en cours à Nancy et va se déployer sur l'ensemble de l'îlot où l'imprimeur s'était implanté autrefois. Seule la façade principale du bâtiment originel, Rue des Glacis, sera préservée.

    Elle sera un peu comme un masque qui cachera le visage de ce nouvel ensemble, dont l'esthétique générale sera beaucoup plus... bétonnée et dénuée du moindre soupçon de fantaisie.

  • Accords perdus

    J'ai expliqué voici pas mal de temps pourquoi le premier mai était un jour redoutable pour moi. Il y a notamment quelque part cette petite note qui rappelle un événement pas banal qui fut une sorte de déclencheur de ma relative phobie pour ce jour de relâche... Il y en aura prochainement d'autres qui évoqueront ce jour assez maudit chez moi, mais là n'est pas le sujet...

    Alors, aujourd'hui : repos !

    Mais je ne suis pas un ingrat et vous laisse durant près d'une heure et demie en très bonne compagnie, celle de la grande Carla Bley (composition, direction, piano) et ses Lost Chords, ici enregistrés lors d'un récent concert à la Salle Pleyel : Steve Swallow (basse), Andy Sheppard (saxophone), Paolo Fresu (trompette), Billy Drummond (batterie). Une formation que j'avais eu la chance de voir sur scène dans la très belle salle de La Comète à Chalons en Champagne. C'était le 10 mai 2007. Je m'étais fait l'écho de ce beau concert dans un article de Citizen Jazz appelé : Carla et les chics types.

    Alors, place à la belle musique de la grande Carla ! La seule...

  • Mu(e)sée

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    Une fois n'est pas coutume, j'aimerais faire un peu de « réclame » pour un lieu historique de la ville de Nancy, devant lequel je passe chaque jour sans cesser de m'émerveiller. Le Musée Lorrain, dont la façade principale rayonne dans la Grande Rue, au cœur de la ville vieille, est l'objet d'un vaste programme de rénovation aujourd'hui très visible. Hier et aujourd'hui en effet, les derniers échafaudages ont été démontés et la mue de ce bâtiment du XVIe siècle est spectaculaire. C'est magnifique, tout simplement. On en viendrait désormais à souhaiter que les automobiles soient enfin bannies de cette rue tellement chargée d'histoire, pour garantir au mieux la pérennité d'une mue si lumineuse.

    Et si vous ne connaissez pas Nancy, je vous suggère une flânerie qui commencerait du côté de la Porte de la Craffe pour vous mener Place Stanislas, en empruntant d'abord la Grande Rue, puis la Place de la Carrière, sans oublier la discrète Rue des Petites Écuries et ses passages surélevés reliant les habitations aux terrasses en bordure du Parc de la Pépinière. Arrêtez-vous enfin sur notre place royale, contemplez.

    Et n'oubliez pas votre appareil photo...

  • Gonflé

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    Pas besoin de traverser l'Atlantique et de poursuivre son chemin d'est en ouest sur le continent nord-américain pour découvrir la Silicone Vallée. Ici, nous sommes en France, du côté de la Promenade des Anglais. Même pas 900 kilomètres depuis la Lorraine.

    La chirurgie esthétique fait vraiment des merveilles...

  • Petiot

    Au printemps 1977, le groupe Univers Zéro enregistrait son premier album. Sa musique souvent sombre vous taquinait les tympans en vous laissant deviner qu'un nouveau chemin, mystérieux, tortueux, mais passionnant surtout, était en cours d'élaboration, sous l'impulsion de ses deux principaux compositeurs, le batteur Daniel Denis et le guitariste Roger Trigaux. On trouvait par exemple sur l'album une magnifique composition de ce dernier, intitulée "Dr Petiot".

    Et plutôt que de ressasser l'histoire macabre de ce médecin accusé de vingt-sept assassinats (lui-même en revendiquant... soixante-trois !), revenons sans attendre et pour une dizaine de minutes à un concert donné récemment par Présent (groupe formé par Roger Trigaux après son départ d'Univers Zéro). Quelques jours après une prestation mémorable au festival RIO, qui vit la réunification des deux groupes le temps d'un somptueux final, Présent jouait à Bourgoin Jallieu et redonnait vie à cette musique assez incroyable.

    Non non non... Vous ne m'avez pas entendu dire que l'on peut y voir et écouter mon fils au saxophone soprano... Vous ne l'avez même pas lu...

    Présent Live @ Bourgoin Jallieu (Les Abattoirs) - 25/09/2009
    Roger Trigaux (direction, guitare), Reginald Trigaux (guitare), Dave Kerman (batterie), Pierre Chevalier (claviers), Keith Macksoud (basse), Mathieu Safatly (violoncelle), Pierre Desassis (saxophone soprano).
    Vidéo : Robert Guillerault
    Son : Udi Koomran

  • Elvin

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    Hommage au grand Elvin Jones, que je n'aurai jamais vu sur scène, malheureusement. Pourtant, il s'en est fallu de peu, voici une dizaine d'années : le batteur historique de John Coltrane était à l'affiche des Nancy Jazz Pulsations en 2000. Manque de chance, Elvin Jones fut victime d'un accident au genou qui rendit ce rendez-vous impossible...

    Elvin Jones devait nous quitter pour toujours le 18 mai 2004, à l'âge de 76 ans.

    J'ai croisé son chemin cet après-midi, lors d'une longue balade du côté de Juan les Pins, où de nombreux musiciens de jazz ont laissé les empreintes de leurs mains après un passage lors du festival d'Antibes Juan les Pins, où i était venu en 1996 avec sa Jazz Machine. Mais on se souviendra aussi de l'été 1965 : Coltrane, encore et toujours et l'une des rares interprétations live de A Love Supreme.

    En 2000, Stefano Di Battista invitait le batteur a le rejoindre le temps d'un disque splendide et lui dédiait de "Elvin's Song" qui donne la chair de poule... Impressionné par le talent du saxophoniste, Elvin Jones devait lui retourner la "politesse" et l'associer à une série de concerts avec sa propre formation.

    Laissons la parole à ces grands messieurs...

    Stefano Di Battista (saxophone soprano), Elvin Jones (batterie), Rosario Bonaccorso (contrebasse), Jacky Terrasson (piano).

  • Cyclique

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    J'ai la drôle de manie de photographier les vélos. Mais à une condition : qu'ils ne soient pas chevauchés par un humain, dont je considère la présence comme très inesthétique et mal venue. J'apprécie les bicyclettes sans leurs maîtres, déposées ici ou là dans la rue avec ou sans antivol, voire quand elle sont abandonnées... et si elles sont un peu vieillottes, elles auront ma préférence.

    On voit ici un bel attelage un tantinet suranné, que j'avais « capté » voici quelques années - c'était en 2007 je crois - sur cette petite place absolument irrésistible qu'on peut dénicher à Paris du côté de la rue de Furstemberg, dans le quartier de Saint-Germain des Prés. Tiens, pendant que j'y suis, profitez donc de votre flânerie pour rendre une petite visite au Musée National Eugène Delacroix, dont l'entrée n'est située qu'à quelques mètres de mon véhicule d'un jour.

    Souvent, j'associe un souvenir à une photographie, mais pas forcément celui qui correspond au moment où j'ai appuyé sur le déclencheur. Ce souvenir peut remonter à la surface bien plus tard, lorsque je feuillette mes albums. Ce vieux vélo, la petite place... aussitôt je remonte le temps et me retrouve au début des années 80. A cette époque, je m'étais rendu à Paris avec mon directeur pour participer à une réunion dont j'ai oublié la teneur et le lieu précis. Qu'importe... Je me rappelle notre arrivée devant l'entrée du Ministère de l'Education Nationale : n'arborant pas la tenue correcte, mon chef avait ouvert le coffre de sa voiture dont il avait extirpé veste, chemise, pantalon et cravate avant de se déshabiller tranquillement - et voilà notre bonhomme en caleçon et t-shirt à même le trottoir, offrant une belle bedaine et un spectacle peu banal au fonctionnaire de police qui montait la garde. Mais surtout, dans un autre recoin de ma mémoire est stocké le souvenir du voyage retour : au volant de sa voiture, mon replet mannequin du matin - par ailleurs un homme charmant que le travail ne passionnait plus et qui préférait de très très loin parler de cinéma, de littérature et mettait un point d'honneur à me vanter les mérites de Télérama - avait décidé de me présenter une petite place dont il ne cessait de me vanter le charme discret depuis de longues semaines.

    Comme il avait raison le bougre ! Sa conviction fut très vite la mienne et je tombai instantanément sous le charme. Il m'arrive fréquemment, depuis, de faire un petit crochet commémoratif vers la rue de Furstemberg, lors de mes balades parisiennes. Je musarde quelques instants, j'en fais le tour une fois ou deux, je ronchonne contre les voitures qui l'encombrent... Je suis alors dans ma posture préférée : la truffe en l'air, humant tranquillement l'air si doux d'un univers où se mêlent nostalgie et les petits bonheurs de l'instant présent.

  • Arcs-en-ciel

    Je dois lutter à tout prix contre une tentation nostalgique qui, à défaut d'un contrôle conscient de ma part, pourrait vite m'arracher à la nécessité de lutter, jour après jour, pour construire un lendemain qui me verra debout. Facile à dire...

    Voici en quelques lignes l'exemple d'une digression nostalgique qui vient malicieusement polluer mon quotidien. J'emploie cet adverbe à dessein parce qu'il faut bien l'avouer, ces échappées vers un passé lointain et idéalisé ne sont pas désagréables. C'est tout le contraire : elles s'apparentent à un douillet refuge qu'on gagne volontiers lorsque la grisaille du quotidien pointe sur vous un doigt menaçant et vous paralyse.

    J'écoutais ce matin un disque d'un saxophoniste anglais ayant posé ses valises du côté de New York voici une bonne dizaine d'années, Will Vinson. J'en profite pour dire ici que je consacrerai prochainement un peu de mon temps pour évoquer ce talentueux saxophoniste dans un article destiné à Citizen Jazz, avec très probablement une interview à la clé.

    Avant de quitter la maison, j'ai jeté un petit coup d'oeil à la pochette de l'un de ses disques, Promises, publié en 2008 (j'en profite tout de même pour dire que son nouveau CD live, The World (Through My Shoes), vient de voir le jour...) et je n'ai pu m'interdire de tracer une grande ligne droite entre ce que j'avais sous les yeux :

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    et un autre disque, le lumineux Europe '72 du Grateful Dead (eh oui, encore ce groupe qui n'a pas fini de me hanter...) qui m'avait tellement fait rêver lorsque j'étais adolescent et grâce auquel j'avais fini par élaborer un subtil stratagème pour acquérir dans les meilleures conditions de... discrétion ce triple album qui, à l'échelle de mon budget d'adolescent, valait une petite fortune. A l'occasion, allez faire un petit tour par ici, car je raconte cette drôle d'histoire que j'ai d'ores et déjà sélectionnée, dans une version légèrement remaniée, pour un projet de bouquin qui traîne quelque part dans un coin de mon cerveau... et qui verra le jour !

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    On voit bien que ces deux visuels ne sont pas totalement étrangers l'un à l'autre. Il y a l'arc-en-ciel qui semble ouvrir une vaste porte vers un univers un peu irréel, celui de la création, très probablement. Et le fond blanc, pour mieux en souligner les couleurs. Et forcément, Promises appelle automatiquement en mon for intérieur la vision intérieure de Europe '72. Impossible d'échapper à ce rappel !

    J'ai donc marché pour me rendre au travail en écoutant Promises, les délicats entrelacs du saxophone de Will Vinson et de la guitare de Lage Lund. Avec, bien nichés dans un des tiroirs de mon armoire aux souvenirs, les arpèges cristallins d'une autre guitare, celle de Jerry Garcia dans « China Cat Sunflower » ou « Tennessee Jed » sur la scène du Lyceum de Londres ou de l'Olympia de Paris.

  • Magnolia

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    Photo © Maître Chronique - 6 avril 2010

    Histoire de ne pas plomber l'ambiance de ce blog en alignant des notes à la tonalité un peu trop souvent désespérée, je choisis aujourd'hui de lever les yeux au ciel et de contempler... Je me suis arrêté hier soir en effet devant un tableau vivant comme seule la nature est capable d'en créer. Après tout, l'inspiration florale est bien celle qui animait les peintres de l'École de Nancy... alors quoi de plus normal donc que de vous livrer ici, en toute simplicité, une composition dont la beauté n'a d'égale que son caractère éphémère ?

    Je ne sais pas résister au charme d'un magnolia en fleurs. Mais attention : cette éclosion, qui marque l'avénement du printemps, est de si courte durée qu'il nous faut dévorer des yeux son spectacle incomparable, s'en repaître goulûment tout en sachant qu'au moindre coup de vent, il s'évanouira, abandonnant au sol un triste parterre de pétales piétinés par l'indifférence des humains pressés.

    Cueille le jour.

    Cette fleur est aussi, à sa façon, ma madeleine de Proust : elle me ramène près de quarante ans en arrière - c'était en août 1972 - lorsqu'après avoir acheté dans un magasin parisien (Gibert Jeune ?) un disque enchanté du Grateful Dead appelé American Beauty, je m'allongeais à plat ventre sur le lit pneumatique que ma soeur avait installé pour moi et me calais la tête entre les deux hauts-parleurs de son électrophone, afin d'écouter comme dans un drôle de casque géant et ouvert cette galette qui m'avait coûté plusieurs mois d'argent de poche.

  • Sunday Night Blues

    Quand quelques idées s'entrechoquent, au soir d'un dimanche pluvieux...

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    Dans quelques jours débutera à Nancy une fête foraine annuelle d'un mois. La foire, comme on dit par ici... Les camions et leurs manèges ont fait leur entrée dès lundi matin dans la ville, provoquant de beaux bouchons et, ce faisant, la colère de l'homo automobilus en route vers son labeur et de fait coincé dans sa maisonnette sur roues. Quant à moi, plus piéton que jamais, j'observais ce matin les véhicules dans lesquels s'exhibent la plupart des forains : en règle générale, de très très grosses cylindrées allemandes, véritables attentats écologiques qui m'y feront regarder à deux fois avant que j'engage le moindre centime d'euro - ce qui ne m'est pas arrivé depuis des lustres - dans l'une ou l'autre de ces attractions bruyantes et kitsch qui, tout au plus, me permettront de repartir chez moi l'estomac retourné ou les bras chargés d'un affreux lot de consolation fabriqué dans la dictature eldorado chérie de nos ayatollahs néo-conservateurs, hypocritement baptisée RPC sur les étiquettes introuvables de la plupart des produits qu'on essaie de nous fourguer à tout bout de magasin*.

    Ah, puisqu'on parle des ayatollahs du libéralisme échevelé (privatisons les bénéfices, mutualisons les dettes), je pense à cette récente émission vue sur l'excellent site Arrêt sur Images qui avait pour sujet d'étude le directeur du journal l'Express, le sémillant et omniprésent Christophe Barbier, toujours ceint de son écharpe rouge, éditorialiste bien fourni en ronds de serviette sur de nombreux plateaux de télévision consentants. Ce journaliste, dont l'inspiration idéologique pourrait être qualifiée de thatchero-zemmourienne, aime s'adonner sur son blog à quelques saillies provocatrices, qu'il justifie au nom de je ne sais quel besoin de débat, qu'il faudrait impérativement lancer. Soit. Il s'attaquait l'autre jour à la question des obèses montrés du doigt par les compagnies aériennes qui menacent de surtaxer les sièges passagers de ces encombrants bipèdes. Soit encore, cette question est intéressante, car elle traite potentiellement de plusieurs sujets sensibles : la discrimination d'une part, les raisons de la croissance exponentielle de l'obésité dans les sociétés occidentales selon le modèle américain d'autre part, pour ne citer que les plus prégnantes. Mais, comme l'aurait dit Rossini, ce vil Barbier préfère choisir un angle plus pernicieux en opposant ceux dont l'obésité serait d'origine génétique et les autres, qui auraient grossi par manque de volonté. Il faudra que ce professionnel de la parole m'explique la méthode qu'il va employer pour séparer les uns des autres et comment il pourra extraire le phénomène de l'obésité galopante de son contexte social, lui même résultant d'un système économique (dont il reste le défenseur) à la dérive. En réalité, ce « bougisme » médiatique un brin stérile n'est probablement rien d'autre qu'une flatulence intellectuelle - une parmi tant d'autres - ayant pignon sur écran depuis quelque temps, mais qui nous interpelle fortement quant à son pouvoir de nuisance dans les esprits. Et doit nous inciter à la plus extrême vigilance.

    chorale_cathedrale.jpgEsprit es-tu là ? Certains pensent que l'art possède des vertus rédemptrices pour l'homme. Je fais partie de ceux-là et lorsque le quotidien devient lourd à porter, la musique m'est d'un précieux secours. Hier soir, une chorale chantait le Requiem de Gabriel Fauré en la cathédrale de Nancy. Adultes et enfants dans un même élan : de quoi vous enchanter et vous laisser croire qu'il existe encore une porte de sortie à ce maelström dans lequel nous sommes englués, nous les humains. Et une incitation très forte à mettre le doigt là où ça fait du bien en partageant avec vous quelques oeuvres fortes. Comme celles que crée avec un talent fou le clarinettiste saxophoniste Louis Sclavis, auquel je pense à la minute présente parce qu'une collègue blogueuse qui l'a vu sur scène tout récemment est encore, semble-t-il, sous le charme puissant de sa musique. On la comprend ! L'abondante discographie du bonhomme depuis 25 ans témoigne de sa créativité sans pareille, dans une ascension régulière et dont ses quatre derniers disques, d'une stupéfiante beauté, sont à chaque fois autant de promesses avérées pour l'avenir : « L'Affrontement des prétendants » (2001), « Napoli's Walls » (2003), « L'Imparfait des Langues » (2007) et « Lost On The Way » (2009). Ces petites merveilles, toutes publiées sur le label ECM, inventent un jazz contemporain, en éveil permanent.

    L'éveil, vous dis-je !

    * Cette phrase compte 731 caractères, mais je suis capable de faire beaucoup mieux... ou pire, c'est vous qui voyez !

  • Printanier

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    Et si nous restions en accord avec la saison en parlant, encore et toujours, de musique... Après tout, voilà qui nous permet de prendre un peu de hauteur après les épuisants et plutôt vulgaires épisodes de la vie politicienne de la période récente. Que nos amis politologues et autres éditorialistes cessent donc de s'épuiser (et de nous épuiser par la même occasion) en ressassant jusqu'à la saturation la moindre phrase prononcée par nos, comment dit-on déjà ? Ah oui, nos responsables... pour en tirer de hasardeuses conclusions (ce qui les différencie des responsables en question qui, eux, s'acharnent dans un insupportable tic de langage à tirer les conséquences, une stupidité puisque les conséquences ont cet avantage précieux de se tirer toutes seules)... Je me propose de leur résumer l'avant, le pendant et l'après campagne électorale en une phrase simple : l'actuel locataire de l'Elysée est le président de la République de l'UMP. Ni plus, ni moins. Je l'avais déjà écrit ici-même il y a belle lurette, autant le rappeler car rien ne change. Tout est dans cette phrase et basta !

    Avant-hier donc, le collectif du Z Band célébrait le printemps en vous soumettant une composition ou un titre qui saluait le renouveau et, surtout, remisait l'hiver au plus vite dans son grenier glacé. Aujourd'hui, pour parachever ce tableau de l'éclosion, j'aimerais revenir rapidement sur un moment de musique aux touchantes imperfections nées de la mise en place à l'arraché d'un concert - qui s'apparentait plutôt à une jam session - réunissant quatre musiciens se connaissant bien, au moins pour trois d'entre eux. Nous étions à Nancy, le 15 mars 2010, dans la petite salle du Quai Son, que les autochtones connaissent fort bien depuis longtemps et notamment lorsqu'elle s'appelait le Barnum.

    Ah, les lundis du Barnum !!! J'en connais quelques uns qui s'y sont illustrés un sacré nombre de fois, fourbissant leurs instruments, se lançant de joyeux défis à coups de standards fiévreux. Mon Mad Jazz Boy de fils n'avait pas 18 ans quand il zébrait l'atmosphère alors très enfumée de la salle des flammèches cuivrées de son saxophone (ténor, alto ou soprano). Il y croisait chaque semaine le bec avec quelques potes musiciens qui, tous, faisaient fi de conditions parfois précaires et savaient réchauffer l'ambiance jusqu'à des heures tardives.

    Ce lundi 15 mars, trois de ces acharnés du boeuf, auprès desquels est convié un quatrième larron et talentueux batteur, se sont donné rendez-vous pour une réunion qui ressemble avant tout aux retrouvailles de vieux amis. Le public, peut-être moins nombreux qu'à l'époque haute en couleurs relatée plus haut, est tout de même venu, souvent pour s'accouder au bar et écouter en sirotant. Cédric Hanriot (claviers), Mathieu Loigerot (contrebasse), Gauthier Garrigue (batterie) et... Pierre Desassis (saxophone alto), l'invité de dernière minute, revisitent quelques thèmes bien connus, comme « Take The Coltrane », « Nardis » ou « Cantaloupe Island ». On devine qu'une ou deux répétitions auraient pu très facilement propulser la musique vers de plus hautes sphères mais qu'importe ! La fraîcheur est là, une vraie vibration s'installe, les thèmes laissent la place aux fantaisies des solistes et on ne s'ennuie pas.

    C'est tout ce qu'on demande après tout : être là et partager des instants suffisamment fiévreux pour qu'on puisse quitter les lieux, sans nostalgie, mais en pensant aux heures passées qui sont restées gravées dans nos mémoires.

    Un bon début de printemps, une envie de musique, le besoin d'autres concerts...

    podcast

    En écoute : quelques minutes du concert, le temps d'un chouette chorus de Mad Jazz Boy au saxophone alto.

    Cédric Hanriot (claviers), Mathieu Loigerot (contrebasse), Gauthier Garrigue (batterie), Pierre Desassis (saxophone alto). Nancy, le Quai Son, lundi 15 mars 2010.

    Crédits :
    Photo : Jacky Joannès - Captation : Maître Chronique (Yamaha Pocketrak 2G)

  • Mémoires

    La ville de Nancy se dotera prochainement d'un Centre des Mémoires, regroupant les archives départementales, trop à l'étroit désormais dans leur site actuel, ainsi qu'un espace culturel pouvant accueillir des expositions, des animations et d'autres formes de diffusion de témoignages historiques. Cerise sur la gâteau, un parc public arboré lui sera associé, ajoutant à la ville une nouvelle zone de vie qui manquait probablement à sa partie nord : voilà une excellente nouvelle pour les habitants du quartier - dont je suis - qui voient d'un bon oeil cette implantation future d'une activité utile, porteuse des richesses de notre mémoire collective.

    En visitant le site de l'ancienne école normale - à l'abandon depuis une vingtaine d'années et livrée à l'imagination des squatteurs - qui fera l'objet d'une requalification pour donner naissance à ce projet dont l'aboutissement nécessitera plusieurs années, j'ai pu observer comme un raccourci de notre société en contemplant les façades des bâtiments et en me glissant à l'intérieur de quelques salles ouvertes à tous les vents.

    J'ai vu, j'ai même admiré, de véritables œuvres d'art projetées à la bombe à peinture sur des murs en décomposition. Acharnement de quelques uns à ne pas se résigner à la médiocrité. Malgré l'âpreté du quotidien, ces peintres anonymes créent le beau, sans espoir de reconnaissance toutefois. Sans même se dire qu'en d'autres circonstances, un émir ou un milliardaire russe pourrait débourser 100 millions de dollars pour confisquer leur travail et faire un pari financier en spéculant sur la valeur relative d'une toile ou d'une sculpture. Dehors, dans l'humidité poisseuse de l'hiver lorrain et les émulsions verdâtres d'un salpêtre omniprésent, ou dans des salles encombrées de détritus et de gravats, ces peintures s'offrent, avant leur prochaine disparition. Art éphémère et désespéré où l'imagination est reine.

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    Mais j'ai vu aussi, ou plutôt j'ai lu, ici et là comme autant d'invectives cyniques, la revendication d'une inculture, affichée non sans une certaine fierté, qui m'en a rappelé une autre, celle qui se répand jusque dans les sphères les plus proches des cercles décisionnaires. Et qui regarde vers le bas, animée d'un mépris qui ne laisse guère de place à quelque forme de dialogue que ce soit.

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  • Pulsations

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    Allons allons... Il ne faudrait pas croire que je me désintéresse de mon blog... C'est très loin d'être le cas et juste une question de temps, et rien d'autre. Si vous en voulez une preuve supplémentaire, cliquez donc sur l'image ci-dessus, celle qui est reliée à la dernière newsletter du festival Nancy Jazz Pulsations. En cherchant bien, vous finirez pas me trouver et vous pourrez vérifier que je reste assez scotché à mon clavier à des fins d'écriture. Pour Citizen Jazz principalement, je l'admets, mais après tout, ça change quoi au fond ?

    Par ailleurs, et ceci n'a rien à voir avec ce qui précède, je tiens à dire ici haut et fort que je hais l'hiver. Surtout quand il est lorrain. Et surtout quand cet abruti ose se pointer en avance de plusieurs jours sur son entrée en fonction officielle.

    Ce qui me fait penser qu'il faut absolument que je vous raconte comment un fournisseur d'électricité, public pas encore privé mais qui le sera bientôt comme son cousin gazier (Suez vs Veolia), se constitue une belle trésorerie avec notre argent, sans nous demander la permission, comme de bien entendu...

    A très bientôt donc !