Euphorique
Voilà un disque qui fait un bien fou ! Pendant que nos vieilles gloires rabâchent à n'en plus finir et pour un montant astronomique un répertoire usé jusqu'à la corde aux frais de la princesse (rendez-vous sur la note publiée hier pour en savoir plus), il est des artistes, certainement moins fortunés, qui empruntent des chemins de traverse - dont on ne sait pas forcément où ils vous emmèneront et c'est parfait ainsi - pour vous proposer une cure d'oxygénation totalement euphorisante. Le guitariste Marc Ducret est de ceux-là, dont Le Grand Ensemble réunit un orchestre de onze musiciens pour un album appelé Le Sens de la Marche. Une parfaite mise en place conjuguée à de nombreux espaces de liberté accordés aux solistes font de ce disque une impeccable réussite qui n'est pas sans évoquer par moments - mais je limiterai volontairement ici les références dans la mesure où Marc Ducret, musicien fouineur et expérimental, peut difficilement faire l'objet de parallèles - les échappées libertaires d'un groupe comme Henry Cow et de son guitariste Fred Frith, lui-même jamais à court d'une idée inouïe (au sens propre du terme). Cerise sur le gâteau, ce beau disque enregistré en public (« Parce que je suis trop malheureux en studio ») fin décembre 2007 au Delirium à Avignon est disponible pour une somme très raisonnable (15 € frais de port inclus) sur Internet, même si l'on aurait préféré le trouver dans les bacs de tous les disquaires.
"Dans ce groupe, j'essaie de proposer une direction musicale tout en laissant chacun libre d'influer sur le son d'ensemble, de sorte que chaque musicien peut décider à tout moment du sens de la marche..."
Pas de souci monsieur Ducret, dans cette histoire, nous marchons bien volontiers dans le même sens que vous !
Marc Ducret : guitares, Bruno Chevillon : basse électrique, Eric Echampard : batterie, Antonin Rayon : piano, Fender Rhodes, clavinet, Paul Brousseau : claviers, samples, Tom Gareil : vibraphone, marimba, Matthieu Metzger : saxophones alto et soprano, Hugues Mayot : saxophones ténor et baryton, Yann Lecollaire : clarinettes, flûte, Pascal Gachet : trompette, bugle, trompette basse, Jean Lucas : trombone.
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En écoute : un court extrait de « Total Machine »
Commentaires
Owwhaao!
très très bien en effet!
Je voyais Ducret plus systématiquement bruitiste et furieux.
Là ça me plait bien bien!
Merci pour la découverte et pour la rectification du préjugé!
Techniquement je ne dis pas... mais musicalement c'est pas du tout mon truc!! mais il en faut pour tous les goûts..
J'aime bien son opus "la théorie du pilier"
Je l'ai vu au moins deux fois sur scène (avec Sclavis et Pifarely).
Un musicien agréable !
@ Doudourou : tant mieux si cette note t'a été source de (er)découverte.
@ Sister : un jour, peut-être... C'est comme la musculation, au début, on a un peu mal, ensuite, bien des choses deviennent naturelles. L'essentiel étant de ne pas se laisser enfermer par ce qu'on connaît déjà.
@Ptilou : Sclavis, Pifarély... EN voilà d'autres défricheurs !
Idem Sister et même peut-être pire car je n'ai pas pu aller au bout du morceau. Et ce n'est pas une coalition... Mais que ce soit pour la musique ou la peinture, je refuse de faire un effort "intellectuel" ou autre. Chez moi, c'est épidermique : ou j'aime ou je n'aime pas, point. Cela doit être une détente, une pause, un répit. C'est sûrement pour ça que j'ai horreur de la musculation !
@Zia : "Cela doit être une détente, une pause, un répit."
Voilà fort bien résumé ce qui nous différencie. Il y a une phrase que j'aime beaucoup à propos de la musique : "La musique est vitale, sinon elle est insignifiante".
Quant à l'effort intellectuel, c'est une idée qui m'est totalement étrangère pour tout ce qui concerne le domaine artistique. Ce n'est pas parce qu'un artiste propose quelque chose qu'on ne connaît pas que son travail demande un effort. Au contraire, c'est la plus grande des stimulations sensorielles.
Aimer, ne pas aimer, finalement, ça n'a rien à voir. Toujours cette vieille histoire de connaître, plutôt que reconnaître. Rester en éveil pour ne pas s'endormir.
MC : mais je suis ouverte à toute sorte de choses et mes sens sont en éveil permanent, notamment grâce aux voyages à l'étranger que j'ai effectués, qui m'ont ouverte à d'autres cultures, d'autres musiques, d'autres gastronomies. Je n'ai vraiment pas l'impression de m'endormir. Je suis curieuse de beaucoup de choses : la preuve, c'est qu'à chaque fois que tu nous proposes un morceau d'un artiste que je ne connais pas, je l'écoute et je me fais ma propre opinion. Parfois j'aime et j'approfondi le sujet et parfois je n'aime pas. Voilà.
Moi à mon âge je n'aurai plus le temps de tout connaître... alors je choisis, forcément! et en matière de nouveauté je préfère approfondir ce qui m'a plu d'emblée.
J'ai écouté aussi mais là j'avoue que je ne me régale pas ... je suis comme Sister. Je suis désolée. Bonne soirée.
Voilà une série de commentaires qui me fournit des éléments d'ordre statistique. Leur résumé est le suivant :
- les garçons aiment "Le Sens de la Marche" ;
- les filles n'aiment pas "Le Sens de la Marche".
Reste à savoir si mon échantillon est représentatif...
Je vais faire mentir les statistiques: je n'aime pas non plus ce que j'entends. Pas plus que je n'ai aimé Sclavis quand je l'ai vu à La Comète (avec Matthieu Metzger et Lost in the Way, d'ailleurs). J'ai été rassuré quand j'ai lu que Sclavis se définissait plus comme un "créateur de bruits" que comme un musicien de jazz. Ce qui ne l'empêche pas d'être un excellent musicien quand il en a envie.
@Quiet Man : les statistiques ont leur limites, c'est évident.
Quant à ce tu dis au sujet de Sclavis, je m'autorise à m'inscrire en faux entre ce que tu ressens (tu n'as pas aimé) et ce que tu définis.
Sclavis est un musicien tout court, et la définition du jazz est infiniment plus complexe qu'un simple rangement dans les petites boîtes toutes faites (bruit, musique, mélodie, etc etc).
On a parfaitement le droit d'aimer ou de ne pas aimer, c'est évident, mais il ne faut jamais oublier, avant de porter un jugement, que bien des arts requièrent une initiation, pas à pas, avant qu'on puisse vraiment s'accorder le droit de dire ce qui est et ce qui n'est pas.
Je me rappelle mon aversion, autrefois, pour certaines formes de peintures. Et puis je me suis demandé pourquoi elles fascinaient tant de gens. J'ai donc lu, cherché à comprendre, appris l'histoire de cette école... j'ai écouté des spécialistes me raconter leur propre expérience. Et j'ai compris, petit à petit, que je comportais exactement comme ceux qui, en leur temps, parlaient de "musique de sauvages" ou "musique de nègres" face aux concerts de Louis Armstrong. Je n'aime pas tout ce que je vois, mais j'ai fait au mieux pour aiguiser mon regard.
Il y a 30 ans, la musique de Louis Sclavis telle que tu l'as entendue m'aurait été insupportable. Aujourd'hui, je trouve sa démarche fascinante.
Mais je ne définis rien et ne juge rien. Je reprends simplement ce que j'ai lu dans une interview de Louis Sclavis (même si je n'ai pas les mots exacts en mémoire). À titre personnel, je dis simplement "je n'ai pas aimé" et une initiation n'y changera rien. J'entends des tondeuses à gazon et des marteaux-piqueurs à longueur d'année, je n'aurai pas pour autant envie de les entendre sur ma chaîne hi-fi. En revanche, quand Louis Sclavis et Matthew Metzger se sont joints pour un moment, laissant de côté leurs acolytes, ça m'a beaucoup plu. Mais quelle que soit leur technique, je n'apprécie pas le jeu des trois autres musiciens à côté de qui beaucoup de hard-rockeurs passeraient pour des animateurs de thés dansants pour troisième âge.
Moi, j'ai été formé à la Papa's School of Oreilles alors j'aime...tout en concevant le coté froid ou déroutant (à la première écoute) pour les non-amateurs du genre ! L'écriture est incroyable, tout autant que les interpètes (j'en connais dans le groupe, je sais donc de quoi je parle !)
et Quiet Man, les hard rockers SONT des animateurs de thés dansants pour troisième âge. :-)
Salut MJB. On est au moins d'accord sur les hard rockers. Par ailleurs, il n'est pas question de dénigrer Louis Sclavis ni de contester son talent (et encore moins son honnêteté intellectuelle). Mais autant il peut arriver que quelque chose qui me plaît à la première écoute me laisse ensuite très vite indifférent (exemple: tous les albums studio de Bruce Springsteen depuis très longtemps), autant le contraire est plus que rare. Dernier exemple que j'ai en mémoire: Kevin Coyne en 1973. Il est par ailleurs des musiques qui me plaisent en concert mais qui passeraient mal dans mon salon. Par exemple: Steve Reich à la Comète, ou un certain concert à Trier, Germany, en juillet 2006.
Ah, Kevin Coyne ! Quel personnage !!!