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Plagiat

petit_diable.jpgJe n'écris jamais un texte, quel qu'il soit, sans une certaine appréhension. C'est idiot parce que j'ai identifié depuis longtemps la cause de cette inquiétude. Il me faut remonter à l'époque où j'étais en classe de troisième, au début des années 70, j'avais treize ou quatorze ans. Mon professeur de français était un type un peu particulier qui se pointait régulièrement en classe avec un taux d'alcoolémie légèrement supérieur aux normes en vigueur à ce moment-là. Lorsqu'il était à jeun, parfois, il lui arrivait de se comporter normalement et de tenter de nous faire travailler. Il y eut par exemple ce jour où nous eûmes à plancher sur une rédaction où il était question de raconter des souvenirs personnels d'une journée que nous aurions vécue à la campagne. Je me rappelle vaguement mon travail, j'avais été très appliqué, inventant complètement mon histoire, mais surtout soucieux de bien faire... sauf qu'à la remise des notes, ce fut la déconfiture totale : 5 sur 20 ! J'étais accusé d'avoir plagié la Comtesse de Ségur... J'ai tenté de me justifier, en vain, fourbissant quelques explications sincères, notamment celle par laquelle je tenais à préciser que - honte sur moi, m'sieur, je l'avoue ! - je n'avais jamais lu la moindre ligne de cette brave personne. Rien n'y fit. La gamelle ! Et l'humiliation lorsque le dit professeur commença à lire mon texte à voix haute en minaudant pour me ridiculiser. Mes camarades de classe, un peu gênés par le procédé, trouvaient mon histoire plutôt chouette et pas mal écrite, ce qui me fut d'un réconfort réel mais insuffisant, je l'avoue. Depuis, dès que je suis devant une page blanche (ou un écran d'ordinateur) avec un travail d'écriture à effectuer, je me retrouve durant quelques secondes dans ma salle de classe, face à ce type insupportable à l'haleine fétide qui cherche à me rabaisser devant les autres. Et, en bon petit diable que je suis resté, jamais je n'ai essayé de lire quoi que ce soit de cette Comtesse de Ségur.

Commentaires

  • Tu aurais très bien pu prendre les livres de la Comtesse de Ségur dans l'armoire de ta grande soeur.. mais c'était des histoires pour filles: les malheurs de Sophie, les petites filles modèles..
    Avec le recul il y avait un petit côté maso dans ses histoires, les filles se prenaient de belles corrections, et je ne crois pas que je passerai ces livres vraiment pas féministes à mes petites filles.
    Toutefois j'ai gardé un souvenir impérissable: Sophie se régalait de manger de la crème fraîche sur du pain chaud. Je n'en ai jamais mangé.. mais pour moi c'est resté comme l'expression d'une vraie volupté alimentaire!!

  • Moi, c'est surtout Gribouille qui m'a marqué...

  • C'est vrai, Gribouille... je l'ai lu et relu... Je ne me rappelais même plus que c'était de la Comtesse de Ségur!!
    Et plus tard j'y ai pensé souvent: on est tous un peu des gribouilles à nos heures!

  • Ce professeur buvait car il se trouvait bon à rien et il avait besoin de rabaisser quelqu'un (ce fut toi) pour essayer d'échapper à son sentiment de dévalorisation.
    C'est dommage pour La Comtesse de Ségur.

  • J'apprécie souvent vos textes, celui sur la linea del Sur par exemple , et celui-ci, sur le plagiat, particulièrement, car il rencontre les réflexions professionnelles et personnelles que j'ai souvent exprimées sur l'imitation, la transcription, l'adaptation...dans la vie culturelle et aussi forcément à l'école qui fut et demeure un des intérêts clés de ma vie .J'ai d'ailleurs écrit dans mon blog un texte sur transcription , imitation , adaptation qui va dans ce sens...
    Bonne continuation, au plaisir de vous relire.

  • remarque: je crois que Mme la comtesse de Ségur fut en fait une femme très libre et indépendante en son temps mais je me trompe peut-être....

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