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  • Stefano Di Battista - Woman's Land

    stefano di battista, woman's land, citizen jazzAvec ce septième disque, Stefano Di Battista affirme plus que jamais sa volonté d’offrir une musique habitée par le chant et un lyrisme qui puise son inspiration dans toutes les formes de ce qu’on appelle jazz, ici revisité au travers d’une belle balade au fil du XXè siècle, mais aussi dans sa version la plus contemporaine.
    En choisissant de travailler avec le journaliste musical italien Gino Castaldo, avec qui il rend aujourd’hui un hommage vibrant à la femme – loin de toutes les vulgarités ambiantes – il démontre, s’il en était encore besoin, que l’expressivité de son jeu se pare d’une noblesse que les années mettent toujours mieux en valeur.

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  • Y en a qui en ont

    Voilà quelques minutes - un petit quart d’heure en fait - qui font le plus grand bien, même si leur existence n’est due qu’au triste spectacle qu’offre au monde entier la politique éhontée de Berlusconi (et de tous ses clones de par le monde). Un assassinat en règle que nous serions bien mal avisés de railler, compte tenu de ce qui se passe du côté de chez nous et qui n’incite guère à l’optimisme.

    Imaginez : nous sommes au Teatro dell’Opera de Rome. On y interprète le Nabucco de Verdi, sous la direction de Riccardo Muti. A la fin du célébrissime chœur «Va Pensiero», la salle demande un bis ! Et voilà que le chef accepte, non sans avoir dénoncé le coupes sombres opérées dans le budget de la Culture en Italie, ce grand pays dont toute l’histoire s’est construite autour de la culture, et demandé au public d’entonner ce chant patriotique avec les choristes présents sur scène.

    « Si nous tuons la culture sur laquelle est fondée l’histoire de l’Italie, alors notre patrie sera vraiment belle et perdue ». Riccardo Muti dit l’essentiel en une seule phrase.

    On en vient à espérer que d’autres voix vont continuer à s’élever, en France notamment, pour dénoncer le carnage entrepris par les ayatollahs de la sphère économique, ces intégristes de l’ultra-libéralisme qui n’en finissent plus de mettre à genoux, parmi toutes leurs victimes expiatoires, la création et l’imagination.

    Sublimé par la beauté et la puissance de cet opéra, ce temps fort est un acte de résistance exemplaire qui vous donne la chair de poule.

    Exemple à suivre...

  • Sphère - Parhélie

    parhelie.pngFormé voici plus de quatre ans maintenant, le trio Sphère vient de publier avec Parhélie ce qui constitue en réalité son deuxième album, après Greenland Road, disque autoproduit paru en 2009. Sphère (on notera que cette dénomination n’apparaît pas sur le disque, publié sous la triple identité Kapsa-Reininger-Fleau) est la réunion attachante de trois jeunes musiciens dont la rencontre remonte à leurs années de formation au Centre des Musiques Didier Lockwood, et qui ont créé leur trio au bout de quelques mois. Le début d’un chemin qu’on souhaite le plus long possible.

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  • Majorettes

    pierrick pedron,omry,cheerleaders,franck agulhonL'impatience commence à grandir... Car on sait depuis belle lurette que le saxophoniste Pierrick Pédron va prochainement donner un successeur à son si bel Omry. L'enchantement sera-t-il aussi fort, cette fois ? Allez, je ne veux pas vendre la peau de l'ours mais je suis pleinement confiant. Il y a quelque temps déjà, Pierrick m'avait permis d'écouter quelques extraits de son nouveau disque : pas de doute, la belle aventure va continuer, tant ce que j'ai eu entre les oreilles me semble résolument indéfinissable et pourtant continuateur de l'expérience en cours.

    Pierrick Pédron a reconduit pour l'essentiel la même équipe que pour Omry : Laurent Coq (piano, Fender Rhodes et arrangements), Vincent Artaud (basse), Chris De Pauw (guitare), Fabrice Moreau et Franck Agulhon (batterie), avec cette fois l'entrée en piste de Ludovic Bource (orgue), ainsi que d'autres participants, plutôt nombreux à la fête : chanteuses, cuivres, percussions. Il y aura dans cette musique quelque chose qui s'apparentera à une fanfare un peu extraterrestre...

    Cheerleaders est annoncé pour la rentrée : d'ici là, vous pouvez vous faire une première idée de ce qui nous sera proposé en jetant un petit coup d'œil (et d'oreille, surtout), à une vidéo qui nous montre le groupe en studio.

    Et puisque les vacances approchent - comprenez par là que les publications sur mon blog se raréfieront peut-être un peu entre la mi-juillet et la mi-août, je vous offre un modeste cadeau de circonstance : le texte que j'avais écrit pour illustrer la photographie de Pierrick Pédron (signée Jacky Joannès) dans le cadre de notre exposition automnale Portraits Croisés.

    [ L’héritage du futur ] Il y a comme une évidence paresseuse à vouloir démontrer que son saxophone alto exhale des fragrances Parkeriennes et virtuoses. On sait maintenant que le monde composite de Pierrick Pédron – Omry – est hanté par bien d’autres esprits futuristes, qui savent invoquer tour à tour les scansions hypnotiques d’Oum Kalthoum et l’héritage électrique de Pink Floyd. Pierrick Pédron déjà figure parmi les grands...

    Post-scriptum : j'ai évoqué, pas plus tard qu'hier soir, la parution prochaine de Cheerleaders en compagnie de Franck Agulhon tout juste rentré d'une belle tournée en Asie avec Eric Legnini : il fallait voir la lumière briller dans ses yeux, du seul fait de parler de l'aventure Pédron et de se réjouir par avance de la joie d'avoir à partager bientôt ces moments qu'il semble avoir vécus comme un nouveau bonheur artistique. Un Franck Agulhon, venu le temps d'un soir, retrouver ses vieux amis (au premier rang desquels Jean-Marie Viguier) pour jouer la musique de Pat Metheny. Cet homme-là est non seulement un batteur de premier plan, il est aussi un être humain adorable, totalement préservé des méfaits que sa notoriété pourraient lui valoir : je le connais depuis une bonne quinzaine d'années et je le retrouve à chaque fois tel qu'en lui-même, savant cocktail de talent et de chaleur humaine.

     

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    Franck Agulhon pose pour © Jacky Joannès avant de célébrer Pat Metheny

  • Chaud devant !

    Je vous ai donné beaucoup (trop ?) à lire avec ma note consacrée au monumental Africa / Brass Sessions de John Coltrane. Aussi, ce n’est pas sans un certain plaisir mâtiné de la fierté du nigaud parvenu à délacer ses chaussures sans les entortiller en un nœud définitif, le soir en rentrant du boulot, que je vous propose un retour en arrière plus visuel qu’écrit sur une soirée festive à laquelle il m’a été donné d’assister tout récemment.

    electro deluxe, big band, new morningMais que les choses soient claires, afin qu’on ne me suspecte pas de partialité paternelle : si je me suis rendu lundi soir au New Morning pour voir (et écouter) le concert d’Electro Deluxe version Big Band, c’est bien à l’origine parce que, parmi les treize soufflants que le groupe s’était adjoints pour l’occasion, se trouvait un saxophoniste connu de certains sous l’identité de Madjazz Boy et qui, par ailleurs, doit assumer avec courage et ténacité depuis un peu plus de 26 ans le fait d’être mon fils. Cette relation père-fils étant ainsi déclarée, je me sens d’autant plus libre d’écrire ici, indépendamment de toute appréciation à caractère familial, le plaisir qui aura été le mien de vibrer durant plus de deux heures dans une moiteur souriante à une musique fiévreuse et ruisselant d’un groove bienfaisant. Quel bonheur en effet – malgré une température ambiante rien moins que tropicale – de pouvoir dire noir sur blanc (ou plutôt blanc sur noir) que cette soirée aura été une absolue réussite, un de ces moments dont on sait au moment précis où on les vit qu’ils sont là, pour toujours, inscrits quelque part dans notre mémoire pourtant si anarchique et chaque jour plus incertaine.

    Electro Deluxe jouait à guichets fermés dans un New Morning plein comme un œuf : son line-up de base (Gaël Cadoux aux claviers, Arnaud Renaville à la batterie, Jérémie Coke à la basse et Thomas Faure au saxophone mais aussi, et surtout pour ce qui nous concernait ce soir-là aux arrangements, totalement réécrits pour l’occasion – un super bravo, Thomas !) a bénéficié du renfort de cinq saxophonistes, quatre trompettistes et quatre trombonistes. Excusez du peu ! Dès les premières secondes de sa mise à feu, l’ensemble a fait parler la poudre, interprétant pour l’essentiel le dernier disque, Play, proposant un petit retour sur Stardown avec « Point G » ainsi que sur Hopeful pour une reprise charnue du « Stayin’ Alive » des Bee Gees. Le feu d’artifice était prêt, totalement dynamité par la présence survoltée du chanteur James Copley, qui n’a pas ménagé son talent ni sa transpiration pour communiquer au public une fièvre chargée d’un pulpeuse pulsion : ici, sur un tapis jazz et funk dont l’épaisseur cuivrée me rappelait parfois les belles heures du groupe Chicago (en particulier la période de son album V) planaient les ombres d’Otis Redding, de Stevie Wonder et de bien d’autres, bref de toute celle soul music qu’on aime, celle de la Motown, dont pas un seul instant l’âme ne fut confite dans un passé idéalisé par la nostalgie, mais bien au contraire en prise directe avec le ressenti de notre époque : en témoignait la présence de 20Syl, le rappeur d’Hocus Pocus, lors de la dernière partie du concert. Et pour que la fête soit encore plus belle, les deux chanteurs de Because Of Lily (qui avaient assuré une courte et néanmoins chaleureuse première partie) sont venus ajouter leurs voix à celles qui, déjà, nous donnaient beaucoup.

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    [Electro Deluxe Big Band au New Morning]

    Et ton fils dans tout ça ? Ecoutez… ça me gêne un peu d’en parler, parce qu’il était 1/13e du Big Band, pas plus. Mais je vous accorde volontiers qu’il aura eu le privilège de quelques minutes bien à lui lorsqu’il a entrepris l’ascension d’un petit chorus comme il en a le secret sur « Point G ». Et là, c’est toujours pareil, papa a le trac, papa sent son pacemaker qui envoie du courant, papa se sent un tout petit peu responsable d’avoir occasionné indirectement cette exhibition talentueuse, papa se dit qu’il aurait dû obliger son fils à aimer... les maths, la physique, la chimie, à devenir ingénieur ou je ne sais quoi… Un truc bien utile, sérieux avec un costume et une cravate, pas comme la musique et ses saltimbanques dépenaillés… Mais bon, papa quand même un peu fier surtout, hein, mais pas trop, non non, juste content d’être là au bon moment et de participer à la fête. Et puis, je sais pour avoir tendu l'oreille ici ou là que ce moment a été fort prisé du public.

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    [Pierre "Madjazz Boy" Desassis]

    Zut, c’est encore trop de lecture, alors pour me faire pardonner, je vous offre : quelques photos et une vidéo de mon crû, auxquelles j’ajoute un échantillon de petits témoignages filmés trouvés sur la Toile. J’espère qu’ils vous donneront une bonne idée de l’ambiance survoltée qui régnait en ce 20 juin 2011.

    Autant vous dire qu’avec cette bonne grosse dose de musique survitaminée, je n’ai pas un seul instant ressenti le besoin, vingt-quatre heures plus tard, de déambuler à la fraîche dans les rues de Nancy pour slalomer entre les canettes de bière et des passants titubants aux yeux rougis par l’alcool. Je ne sais plus comment on appelle ça. Ah oui, la fête de la musique…

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    [James Copley]

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    [Thomas Faure]


    Et pour quelques minutes de plus, un petit bouquet de vidéos...




  • Parhélie "live"

    Le trio Sphère (Jean Kapsa : piano, Antoine Reininger : contrebasse ; Maxime Fleau : batterie) vient de publier un bel album appelé Parhélie. Ce disque est d’ailleurs l’objet de la chronique que j’écris actuellement pour Citizen Jazz, un texte que vous pourrez (si vous le voulez, bien sûr, je ne peux pas vous y obliger…) lire prochainement en ligne sur le site du magazine. Tout m’indique que je vais proposer qu’il soit classé dans la catégorie « Élu » tant je suis sensible à l’alchimie très séduisante que ces trois jeunes musiciens (ils ont l’âge de mes enfants, eh oui…) ont su créer : un disque extrêmement mélodique, habité d’une retenue qui témoigne de leur grande maturité et sur lequel leurs improvisations sont toujours convaincantes, comme le fruit naturel de leur travail et de leur connivence. Le trio manifeste un bel équilibre qui, à n’en point douter, est implicitement évoqué dans le titre de son premier disque.

    Je n’évoquerai donc ici Parhélie qu’indirectement, après avoir pu assister dimanche soir à un concert de la formation au Théâtre du Petit Hébertot à Paris (Zacharie Abraham remplaçant Antoine Reininger, engagé ailleurs). Dans le cadre intime de cette salle chaleureuse, les trois musiciens ont largement confirmé le bien que peut inspirer leur disque. Surtout, il nous ont montré que cet équilibre dont le centre est variable mais constant – là est bien le sens de ce parhélie musical – s’appuie sur de belles énergies reposant sur des personnalités différentes : presque timide, Jean Kapsa porte un discours souvent méditatif, il sait ne pas jouer une note quand elle n’est pas nécessaire et nous épargne les grands effets de manche et les chevauchées acrobatiques sur son clavier. Maxime Fleau, de son côté, est plus l’homme de la tension, d'une expression progressive de la puissance de son jeu. Remplaçant du moment, Zacharie Abraham a su trouver sa place (on imagine volontiers que l’exercice consistant à s’insérer dans un espace occupé par un autre depuis trois ou quatre ans n’est pas des plus aisés), discrètement mais sans faille néanmoins.

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    Le trio Sphère au Théâtre du Petit Hébertot - Paris, le 29 mai 2011.

    La petite conversation que j’ai pu avoir avec les musiciens après le concert a fini de me convaincre : voilà des artistes humbles et sincères, dont les horizons musicaux ne sont pas finis et qui regardent devant eux. Sphère a proposé une composition inédite ; lors de l’interview, nous avons pu aussi parler de l’autre groupe dont ils sont les membres actifs, Festen, et d’un projet de second disque. Attention : Sphère et Festen sont deux entités bien distinctes, aux esthétiques différentes. Par son approche, le premier est typiquement jazz, quand le second est manifestement porté par une vibration qui lorgne avec bonheur du côté du rock. Mais ce sont les mêmes êtres humains qui interagissent, c’est le même sang qui coule dans les veines des deux formations.

    Des formations que je surveille de près, croyez-le bien, parce qu’elles annoncent une génération d’artistes qui connaissent l’histoire du jazz sur le bout des doigts (voire de la musique classique : pour la petite histoire, on soulignera que Maxime Fleau, avant d’être batteur, a suivi un cursus de clarinettiste) mais qui savent lui adjoindre d’autres chapitres, sans le moindre complexe. Inutile de dire que leur cocktail a tout pour me plaire…

    En écoute, quelques minutes du concert au Théâtre du Petit Hébertot, avec un extrait de "Sept lieues sous les mers".
    Jean Kapsa (piano), Zacharie Abraham (contrebasse), Maxime Fleau (batterie). La captation privilégie (involontairement) le son de la batterie, mais le son d'ensemble me paraît écoutable...

    podcast

    PS : l'illustration est un montage un peu rustique... Parisien d'un jour sans appareil photo, j'ai dû faire avec les moyens du bord : plusieurs clichés pris avec mon téléphone, avant un petit rafistolage informatique, histoire de présenter le trio d'un seul coup d'œil...

  • Essais de portraits...

    Une fois n’est pas coutume – et voilà que je me rends compte de ma trop longue absence bloguesque… enfin, quand je dis trop longue, je parle pour moi, pour vous, je ne sais pas – je vais vous donner plus à voir qu’à lire. Chers lecteurs, ayez suffisamment d’indulgence envers mon humble personne pour comprendre que le travail d’écriture que j’entreprends régulièrement pour Citizen Jazz devient à mes yeux prioritaire (ce que vous n’avez pas manqué de comprendre au fil des liens présents sur cet espace) et que se forme tout doucement un ensemble qui, à défaut d’être cohérent, se révèle plutôt chronophage… Car mes activités ici présentes seront prochainement (à la fin de l’année) complétées par le premier volume de la série de cinq livres en chantier du côté de par ici… Chroniques, blog, évocations plus personnelles… Autant de fragments, certainement vains, mais ô combien stimulants ! 

    Mais je tenais à souligner ici que la période récente aura été pour moi celle d’une magnifique série de concerts…

    Pensez-donc : en moins d’un mois, j’aurai pu assister à un concert du Bernica Octet venu présenter son nouveau disque Périple en Soundpainting / Bric-à-brac dont la chronique est à venir sur Citizen Jazz : François Jeanneau et sa bande de complices lorrains auront fait la démonstration de leur énergie communicative et d’une inventivité réjouissante que le recours à cette technique musico-gestuelle qu’est le soundpainting a bien mis en évidence. Et même si, après leur prestation, les musiciens recensaient une à une les imperfections de cette soirée (je ne suis pas certain de les avoir toutes détectées…), force est de constater que le public venu les encourager à la MJC Pichon de Nancy en est sorti plutôt souriant. Et j’en étais !

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    François Jeanneau (Bernica Octet)

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    Bernica Octet (Denis Moog)

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    Bernica Octet (Pierre Boepsflug)

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    Bernica Octet (Jean-Luc Déat)

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    Bernica Octet (Christian Mariotto)

    Quelque temps après, c’était le début du Marly Jazz Festival avec pour première soirée un concert de Stefano Di Battista venu, lui aussi, présenter son nouvel album, Woman’s Land (dont je suis en train d’écrire la chronique pour… qui vous savez). On oubliera vite la soporifique première partie pour mieux souligner la verve lyrique du saxophoniste italien, magnifiquement épaulé par ses acolytes au rang desquels il faut mentionner la présence de deux musiciens américains de haut vol : le batteur Jeff Ballard (par ailleurs membre du trio de Brad Meldhau) et le guitariste Jonathan Kreisberg dont le jeu se marie à la perfection au flux envoûtant et débordant de sève de celui de Di Battista. Retenez bien le nom de ce monsieur (qui a déjà plusieurs albums à son actif : prêtez une oreille attentive au tout dernier appelé Shadowless), qu’il m’a été donné d’apprécier avant le concert dans une démonstration inédite de guitare-trampoline… À chacun ses privilèges !

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    Stefano Di Battista

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    Jonathan Kreisberg

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    Un exercice de guitare-trampoline...

    Le surlendemain, voici le quartet du très grand Renaud Garcia-Fons : on sait peut-être que je lui voue une grande admiration, qu’il m’a déjà été donné d’évoquer ses disques ICI ou mais le plaisir de le voir sur scène est si rare que l’annonce de sa venue au Théâtre Gérard Philippe de Frouard m’a fait courir comme un lapin traqué par un chasseur à la rencontre vivante de sa musique qui transpire l’amour du sud et de la Méditerranée. Son quartet Linea del Sur a fait merveille : David Venitucci à l’accordéon, Kiko Ruiz à la guitare, Pascal Rollando aux percussions et, bien sûr, Renaud Garcia-Fons à la contrebasse), suscitant trois rappels de la part d’un public ayant rempli la salle. On ne sait ce qu’il faut le plus admirer : la virtuosité de l’ensemble ? l’extrême humilité avec laquelle le contrebassiste se présente sur scène ? la chaleur très communicative qui émane de ses mélodies ? Une seule certitude : cette soirée était lumineuse à force d’ensoleillement.

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    Renaud Garcia-Fons (Quartet Linea Del Sur)

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    Kiko Ruiz (Quartet Linea Del Sur)

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    David Venitucci (Quartet Linea Del Sur)

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    Pascal Rollando (Quartet Linea Del Sur)

    Comme si cette forte dose de musique ne suffisait pas, le lendemain m’emmenait une nouvelle fois à Marly pour un concert du trio d’Avishai Cohen. Sacrée affiche, une fois encore, et bravo aux organisateurs. Le contrebassiste a soulevé la salle, il ne fait qu’un avec son instrument et son chant ladino est toujours aussi émouvant. Un concert comme un seul souffle… À ses côtés, le fidèle Shai Maestro au piano et le jeune Amir Bresler à la batterie (un peu bavard parfois, mais reconnaissons-lui un vrai sens du spectacle). La réussite de cette soirée de clôture aura été d’autant plus éclatante que se produisait en première partie un passionnant combo parisien aux accents zorniens (et admirateur déclaré de John Hollenbeck) : dans sa formule originale (saxophone, vibraphone, tuba, batterie), et sous la houlette de son fondateur Julien Soro, le Big Four Quartet a bien réussi son coup, il ne fait pas de doute qu’on reparlera de ces musiciens très impliqués dans leur musique.

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    Big Four Quartet (Julien Soro)

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    Big Four Quartet (Stephan Caracci)

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    Avishai Cohen

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    Shai Maestro (Avishai Cohen Trio)

     

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    Amir Bresler (Avishai Cohen Trio)

    D’autres scènes vont venir, très vite : demain, ce sera Louis Sclavis avec une soirée qui associera sa formation Lost On The Way et l’Ebony 5tet  dans la belle salle de l’Arsenal de Metz ; dimanche soir, au Théâtre du Petit Hébertot (Paris), le concert du trio Sphère à l’occasion de la sortie de son premier (et très beau) disque Parhélie (chronique en cours pour… etc etc). Il ne faudra surtout pas manquer le Grand Bernica au Festival Music Action de Vandœuvre-lès-Nancy le 3 juin : plus de 80 artistes sur scène, ça mérite d'être vu ! Retour enfin à Paris le 20 juin pour voir Electro Deluxe Big Band au New Morning : mon Madjazzboy de fils sera de la fête, j’espère pouvoir en revenir avec quelques instantanés.

    À propos de photographies : je suis bien loin de maîtriser toutes les subtilités de mon petit NEX-5, surtout lorsque je lui adjoins un drôle de zoom surdimensionné… Celles que vous pouvez voir sur cette note sont à prendre pour ce qu’elles sont : des tentatives (plus ou moins réussies) de portraits, à travers lesquels j’aimerais que puisse au moins transparaître la foi de ces artistes en leur musique. Ce serait déjà un début de réussite, même si je connais bien mes limites. Ne s’appelle pas Jacky ou Hélène qui veut…

    NB : l’exercice de guitare trampoline a été capté avec les moyens du bord, l’appareil photo de mon vieil iPhone…

  • Chauffe Marcel !

    a la recherche du temps perdu, marcel proust, nina companeezTéléspectateur très intermittent et volontiers boycotteur de la plupart des chaînes ou programmes destinés à investir les cerveaux disponibles, j'ai pris le temps, néanmoins, de regarder la semaine dernière le long téléfilm en deux parties réalisé par Nina Companeez, qui avait choisi de s'attaquer à cet Himalaya de la littérature qu'est A la recherche du temps perdu de Marcel Proust. En proustophile récurrent, je ne pouvais manquer de m'intéresser à cette courageuse tentative, partant toutefois de l'idée que l'obstacle de la transposition en images d'une telle somme était absolument insurmontable.

    Dès la fin des deux premières heures, ma conviction était faite, malgré l'indéniable effort entrepris pour reconstituer un écrin au plus près de l'ambiance dans laquelle baignent les sept grands chapitres d'une œuvre publiée sur près de quinze années et dont les trois derniers ont été portés à la connaissance des lecteurs après la mort de l'écrivain.

    Oui, les décors et les costumes sont soignés ; oui, les acteurs sont un reflet assez fidèle des personnages qui parcourent La Recherche tout au long de ses milliers de pages. La plupart sont très bons, voire excellents – Didier Sandre campe un Baron de Charlus particulièrement saisissant - ; oui, l'histoire est racontée non sans une vraie rigueur, malgré la quasi éradication du premier volet : Du côté de chez Swann, qui n'est ici évoqué qu'au moyen de quelques flash-back vers la fin de la deuxième partie (difficile tout de même de ne pas caser quelque part l'épisode de la madeleine qui reste ici assez incompréhensible alors que placé au début de l'œuvre écrite, il nous éclaire très vite sur les tourments qui hantent le narrateur). Nina Companeez n'a eu d'autre choix que de nous offrir un sommaire détaillé de ce grand ensemble, prenant le risque parfois d'égarer le téléspectateur qui n'aurait pas de son côté entrepris une lecture de ce qui, qu'on le veuille ou non, restera comme l'une des œuvres majeures du XXe siècle.

    Or, malgré cette impression d'une réussite formelle, on doit bien s'avouer que la réalisatrice est passée à côté de son sujet. Nul reproche ici de ma part : il ne pouvait en être autrement car A la recherche du temps perdu est intransposable. Aucune version cinématographique ou télévisée ne pourra rendre compte du mystère que représente cette montagne dont les ressources semblent inépuisables au point que beaucoup conservent toujours à portée de main l'un ou l'autre de ses volumes.

    Beaucoup d'analyses ont été produites qui s'attachent à décrypter le travail de Marcel Proust et je ne me risquerai pas à une tentative d'étude. Mais je veux tout de même faire part ici des raisons pour lesquelles je suis parvenu à la conclusion qu'une telle adaptation est, et sera toujours, vaine.

    Jamais en effet un film ne pourra mettre en images l'incroyable musique des phrases de Marcel Proust. Parce qu'on ne lit pas son grand œuvre sans avoir au préalable pris quelques précautions. Une phrase de Proust est un monde à elle-seule, elle vous emmène loin dans les pensées de l'auteur et requiert toute votre attention. La moindre seconde de distraction vous sera fatale et vous serez impitoyablement éjecté de l'embarcation. Vous devrez remonter à bord et recommencer. D'une certaine façon, on peut dire que la lecture de Proust s'apparente à un travail de méditation. Il vous faut tenter de faire le vide en vous pour entrer dans ses méandres et mieux savourer la succession de réflexions et les innombrables analogies dont l'écrivain parsème ses états d'âme. Mais dès lors que vous aurez réussi à maîtriser la conduite de votre rafiot, vous recevrez en cadeau un incroyable voyage intérieur dont chaque étape, aussi courte soit-elle, évoquera forcément une sensation qu'il vous sera arrivé d'éprouver un jour ou l'autre. A la recherche du temps perdu fonctionne un peu comme le scanner de vos propres pensées : il semble bien que Proust ait tout analysé, tout décortiqué. Rien ne lui aura échappé de ce qui a pu vous habiter vous-même. On peut dire que si Nina Companeez a réussi à fabriquer une honorable bouteille de vin, elle n'est pas pour autant devenue viticultrice. Tout au plus aura-t-elle pu l'emplir d'un agréable sirop qui ne vous conduira pas à l'ivresse. Dommage ! Un contenant séduisant mais finalement bien peu de contenu. Disons-le une fois encore : à l'impossible nul n'est tenu et le visionnage de ces quatre heures, pour agréable qu'il soit, ne nous donne pas les clés de l'univers de Marcel Proust. Comme si, ayant pénétré dans le hall d'une grande demeure, vous étiez condamné à en observer les portes fermées tout autour de vous. C'est au téléspectateur, maintenant, de décider s'il a envie d'en savoir plus.

    On ne rappellera jamais assez l'incroyable causticité des visions de Marcel Proust et leur étonnante universalité qui en font la modernité. Bien des réflexions qu'il nous soumet pourraient s'appliquer à notre époque. Je relisais récemment A l'ombre des jeunes filles en fleur et je m'étonnais de la manière très réjouissante dont Proust considérait les parvenus et leur acculturation.

    Relisons-le : « Je fus frappé à quel point chez ce jeune homme et les autres très rares amis masculins de ces jeunes filles, la connaissance de tout ce qui était vêtements, manière de les porter, cigares, boissons anglaises, chevaux – et qu'il possédait jusque dans ses moindres détails avec une infaillibilité orgueilleuse qui atteignait à la silencieuse modestie du savant – s'était développée isolément sans être accompagnée de la moindre culture intellectuelle ». Cherchez bien autour de vous, vous aurez forcément, un jour ou l'autre, un personnage de cet acabit, prompt à vous faire éclater sa réussite à grands coups de grosses berlines allemandes et, pourtant, de conversation fort limitée. Encore mieux, quelques lignes plus loin : « Il n'avait aucune hésitation sur l'opportunité du smoking ou du pyjama, mais ne se doutait pas du cas où on peut ou non employer tel mot, même des règles les plus simples du français ». Tiens tiens... ça me rappelle quelque chose. Pas vous ? J'ai le souvenir très récent d'un chef d'état bataillant avec le subjonctif pour mieux faire oublier la catastrophique symphonie de ses phrases, ainsi baragouinées pour rester en phase avec son public.

    Marcel, tiens-toi bien, tu vas finir par être retiré de tous les programmes de littérature. D'ailleurs je ne sais même pas si cette discipline, peu génératrice de consommateurs dociles, est encore enseignée...

    Et sur ces bonne paroles, j'y retourne !

  • Une fête pour la neige

    Le Z Band sévit à nouveau. Chaque trimestre, notre bande de "jazzblogueurs" vous convie à un petit rendez-vous musical, histoire de partager ses passions du moment... Pour tous, un fil conducteur : aujourd'hui, c'est l'hiver et ses rigueurs qui ont incité ses honorables membres à vous proposer un disque, une formation... ou toute autre création à la seule condition qu'elle soit à même de faire fondre la neige.

    festen.jpgL'occasion pour moi de revenir, quelques jours seulement après une chronique écrite pour Citizen Jazz (par ailleurs relayée dimanche dans ce blog), sur Festen, un quartet stimulant qui ne se contente pas de revendiquer un amour vrai pour le rock, mais va beaucoup plus loin parce que les jeunes musiciens qui le composent savent habiter leur propos de leurs autres passions, au premier rang desquelles on trouve bien sûr le jazz. Leur premier album éponyme, récemment publié, témoigne d'une belle maturité et attire l'attention par un vrai soin porté tant à l'écriture de mélodies qui accrochent très vite l'oreille qu'à la mise en oeuvre d'un projet intrinsèquement collectif.
    Voilà donc une formation qui, comme son nom l'indique, fait la fête à la musique ! Nul doute qu'en l'écoutant, vous constaterez que la neige fond et que le soleil revient...

    On m'aura pardonné, j'imagine, d'avoir choisi de "remettre une couche" au sujet de Festen. Normal puisqu'il est ici question de neige. Puisqu'on vous dit qu'elle va fondre... Et pour vous donner un avant-goût, une petite captation au Golden Jazz Trophy d'Arras en 2010, où le groupe a reçu une juste récompense...

    "Fairbanks" - Festen live at Golden Jazz Trophy (Arras, 2010)
    Damien Fleau (saxophone soprano), Jean Kapsa (piano), Oliver Degabriele (contrebasse), Maxime Fleau (batterie).


    On n'oublie pas les amis : les autres textes du Z Band

    Jazz'O'Centre
    Ursus Minor, funk la neige !

    Jazzques
    Carlos Villoslada

    Jazz à Paris
    Dolphy - Varese - Coltrane - Stockhausen (par Frédéric Maintenant)

    Jazz Frisson
    Manon, viens danser le ska

    Belette & Jazz
    Soleil d'hiver

    Ptilou's Blog
    Benzine & Soo Bin Park au Jazzycolors 2010 

  • Répliques

    Triangle.jpg

    Il y a dans cette photographie une vraie inclination nostalgique… Je regardais ce matin chez moi les deux premiers albums du groupe Triangle, dont la réédition au format vinyl replica est une incontestable réussite esthétique. Même si leur restitution sonore est bien celle d’un CD (dont l’étiquette est elle-même la réplique de celle des 33 tours originaux), la présentation de ces objets – voilà une dimension du disque, valable également pour le livre, qu’il ne faudrait pas oublier : celle de l’objet qu’on veut tenir entre les mains, pour le toucher, le humer, bref le respirer ! Ne jamais passer à côté du caractère sensuel d’une production soignée et durable – passe par la miniaturisation très soignée des albums tels qu’ils furent publiés initialement : le support est cartonné comme aux bons vieux jours, le disque est glissé dans un pochette en papier, il arbore lui-même la couleur noire du LP et tout ce qui se trouve reproduit correspond fidèlement, mot pour mot, à ce qu’on pouvait lire au début des années 70. Malgré le recours à nos lunettes de quinquagénaires, bien des textes en sont devenus illisibles tant les caractères imprimés sont microscopiques ! Au point qu’il a fallu glisser dans le cartonnage un livret supplémentaire dont la lecture est moins périlleuse pour nos yeux fatigués. Aucune importance, puisqu’on est sous le charme…

    Inutile de finasser : je doute que nos enfants numériques soient très sensibles à ce retour vers un passé musical à forte concentration pétrolifère peu soucieuse de développement durable… Mais comment ne pas ressentir une vraie émotion en retrouvant ces compagnons d’adolescence ? Il suffit de prendre les disques en main pour se laisser envahir par un cortège de souvenirs émouvants : les longues heures passées auprès d’un électrophone arborant fièrement son bras articulé, notre tête collée contre le haut-parleur recouvert d’une feutrine rouge, le bruit de la pointe de saphir ou de diamant venant se poser sur la galette noire en produisant un ploc, juste avant les irremplaçables prolégomènes grésillants qui annoncent l’imminence des premières notes…

    Étrangement, je parcourais tout récemment les bacs d’un disquaire lorrain et, à ma grande surprise, je me suis retrouvé nez à disques avec un mur… de LP, tout beaux, tout neufs. Attention, je n’évoque pas ici des vieilleries recyclées comme celles qui font l’objet premier de cette note, mais de nouveaux enregistrements ! Oui, il s’agissait bien de nouveaux albums… Beaucoup plus séduisants, avouons-le, que leurs voisins tristement nichés dans un boîtier cristal sans âme. Il faut bien le dire : on ne voyait qu’eux ! Enfin, j’exagère : disons plutôt que je n’ai vu qu’eux…  Mais je ne suis pas la seule victime de ce phénomène... Prenez par exemple un type comme le grand Neil Young : s’il publie un nouveau CD, il en proposera aussi une version vinyle, dont il vantera tous les avantages, ce dont personne ne cherchera à le blâmer, parce qu’un véritable consensus s’est dégagé depuis belle lurette sur la qualité du son des 33 tours, dont la reproduction analogique ne sera, semble-t-il, jamais égalée par l’échantillonnage et l’écrêtage de leurs homologues numériques.

    Autre cas de figure qui interroge la connexion entre passé et présent : Charlélie Couture publie un nouveau disque, Fort Rêveur, dont le conditionnement s’apparente à celui d’un LP à l’ancienne. Avec, comme nous le rappelle son argument publicitaire : les textes des chansons, un poster, …

    Il y a des jours, comme ça, où je me sens moins seul au beau milieu de mes souvenirs…

  • Nancy Jazz Pulsations 2010

    cj_youn_sun_nah.jpgLe pari était pourtant loin d’être gagné vu le contexte économique. Les Lorrains, plus encore que les Français dans leur ensemble, ont le moral en berne et sont rarement au mieux de leur forme lorsque l’automne, qui n’est autre ici qu’un hiver mal déguisé, commence à glacer les esprits... On pouvait donc se poser la question : sauraient-ils se distraire – au sens le plus strict du mot – de leurs inquiétudes, pointer le bout du nez hors les murs et participer à cette fête de la musique ?

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  • Equilibre du monde

    Je me suis trouvé l'autre jour - c'était à La Douera, juste après le beau concert du trio malien de Moriba Koïta évoqué la semaine dernière - face aux œuvres d'un peintre dont j'ignorais jusqu'au nom. J'imagine que Patrick Royer me pardonnera cette lacune, sachant que l'omniscience n'est pas exactement ce qui me caractérise. Cependant, mon dilettantisme accorde suffisamment d'espace à ce que je considérerais volontiers comme une capacité revendiquée et non réfléchie à me laisser submerger par une émotion. Impossible dans ces moments étranges de mettre des mots sur l'échange dont je suis alors comme un récepteur, d'abord passif, avant que le temps qui passe me laisse comprendre qu'une résonance vécue par instinct n'est autre que la matérialisation d'une rencontre inéluctable. Allez savoir pourquoi, en pleine contemplation d'un tableau comme World Balance, j'ai subodoré un décrochage assez imminent et un rapatriement de la toile vers son berceau. Chez moi, bien sûr...

    world_balance.jpg
    World Balance, de Patrick Royer

    A l'heure présente, je n'ai même pas envie (ni besoin) de trouver une explication à ce phénomène. Je sais que l'artiste a voulu nous dire quelque chose, je sais également que mes passages répétés devant cette surface acrylique à la rigueur vacillante font naître en moi les premières histoires que m'inspirent ces alignements de lignes habitées de pointillés et ce que je veux voir pour l'instant comme un fossé central - de la pénombre à la lumière - qui semble les éloigner. Y aura-t-il une séparation ? Ou plutôt une réunion naturelle entre ces univers visiblement opposés ? Quant à l'appartenance de World Balance à une série d'œuvres d'inspiration tribale, elle est pour moi une ouverture à la fois vers le passé et vers l'avenir.

    Des questions avant tout, et surtout pas de réponse. Que serait la vie si nous avions toujours des réponses ? Le début de la fin, probablement... Pas pour moi, merci !

  • Place Stanislas

    Vous commencez à me connaître, n'est-ce pas ? Toujours le premier à miauler sous les effets d'une douleur diffuse et néanmoins perverse dès que l'automne avance, à me morfondre en états d'âmes pseudo-dépressifs à la première pluie, à couiner pitoyablement quand la grisaille perdure. Et jamais en peine pour établir la liste chaque jour plus longue des tares météorologiques dont  souffre la Lorraine depuis la nuit des temps. Enfin, la nuit des temps, finalement, je n'en sais rien, je parle ici de la nuit de mes temps. C'est-à-dire un bon paquet d'années maintenant, beaucoup plus qu'il ne m'en reste à vivre, assurément...

    Alors, puisqu'on parle de nuit, je voudrais corriger ici le tir, histoire de vous démontrer que je ne suis pas seulement un pourfendeur grimaçant des froidures orientales. Mais aussi, parfois, un béat truffe en l'air qui sait quand il le veut se réjouir d'un instant habité de magie. Gardez vos ricanements pour vous, je revendique ici haut et fort mon droit le plus absolu à une certaine part de romantisme. Non mais...

    J'ai traversé vendredi soir la Place Stanislas. Notez bien que c'est une chose qui m'arrive assez souvent. Sauf que... La nuit était déjà tombée depuis un petit moment, une pluie glaciale avait laissé sur les pavés autant de pièges qu'il est donné à un être humain de faire des pas. Et pourtant, il y avait quelque chose de très particulier, un peu hors du temps, qui flottait dans l'air ambiant, car j'ai vu ça !

    place_stanislas.jpg

    En toute sincérité, je dois reconnaître qu'il faudrait être un fieffé pisse-froid pour ne pas admirer la magie du spectacle. Les façades illuminées, les réverbères diffusant une lumière tamisée et projetant sur la place leurs flammèches en forme d'étoiles, rejetant derrière elles une bien mystérieuse pénombre, les reflets sur le sol devenu miroir... Il y avait subitement comme la projection in vivo d'un film dont chacun d'entre nous était l'acteur, volontaire ou pas.

    Tiens, ce vélo qui semble glisser sous les coups de pédale d'un homme-ombre : où va-t-il ? Et plus loin, ce couple qui avance bras dessus bras dessous, vers quel refuge romantique peut-il se diriger ? On scrute derrière les fenêtres les clients installés sur la banquette de velours rouge d'un café où l'on doit certainement servir un capuccino bien chaud, surmonté d'une montagne de crème Chantilly. Et là, juste à côté, une vieille dame, assise seule, sirote un verre de vin blanc en grignotant deux ou trois bretzels un peu durs sous la dent. Tournant encore la tête, on devine les derniers signes d'une activité dans les bureaux de l'Hôtel de Ville. Et là, juste à côté, le Grand Hôtel de la Reine, majestueux, dont la bâtisse fait face à celle de l'Opéra, comme si tous deux voulaient aussi engager une conversation mémorielle.

    C'est bête, n'est-ce pas ? Le temps de prendre quelques photographies, je me suis raconté ces petites histoires, j'avais envie de me dire que la vie est aussi faite de ces pépites fugaces, ces fragments essentiels qui nous nourrissent et nous font avancer, le cœur un peu plus léger.

  • Ailleurs

    Ailleurs, vraiment ? Oui, peut-être, parce qu'on peut en effet se laisser gagner par un profond dépaysement, dès les premières notes jouées par Moriba Koïta au n'goni. L'Afrique, notre mère à tous, nous enveloppe et nous emporte, suscitant dans l'imagination des enfants que nous sommes restés des images brûlées de chaleur, vibrant de puissants appels à un partage des émotions essentielles. Mais sommes-nous bien ailleurs ou plutôt ici-même, profondément, au cœur des méandres de notre complexité, celle de l'âme humaine et de sa mémoire éternelle, quand la musique vient chavirer d'un ondoiement recueilli le public venu à La Douëra pour écouter le trio du musicien malien ?

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    Moriba Koïta (n'goni), Moussa Diabaté (balafon), Maryam Sonntoura (chant)

    Revenons quelques instants sur le n'goni, que j'avoue avoir découvert à cette occasion. Il s'agit d'un instrument traditionnel appartenant à la famille des luths, dont le bois est recouvert d'une peau de vache. Ses quatre cordes en nylon sont fixées sur un chevalet en calebasse. Auparavant, elles étaient en crin de cheval mais, comme nous l'a malicieusement rappelé Moriba Koïta, on n'a pas toujours un cheval avec soi quand on casse une corde... Par un raccourci un peu trop rapide, on pourra dire que le n'goni est une sorte d'ancêtre du banjo. Voilà pour la précision instrumentale.

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    Aux côtés de Moriba Koïta, Moussa Diabaté joue du balafon (un xylophone à vingt et une lames) et de la guitare acoustique. Maryam Sonntourra (dite Kadiaba) chante et danse, dans une imploration particulièrement saisissante. Le trio devient alors hypnotique, il ne reste plus qu'à fermer les yeux, à se laisser bercer au gré de la pulsion douce et sensuellement chaloupée qui en émane. A toucher du bout des rêves l'idée d'une humanité qui serait une et indivisible, et dont tous les regards seraient braqués vers le meilleur. Un rêve, oui certainement... mais auquel on veut croire, tout de même. Des enfants, je vous le répète, nous sommes toujours des enfants.

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    Maryam Sonntoura & Marie Ossagantsia

    C'est à l'initiative de Marie Ossagantsia que le trio a pu venir nous inoculer sa musique si pacifique et je ne surprendrai personne – en tout cas parmi ceux d'entre vous qui la connaissent – en vous disant que la chanteuse a, forcément, partagé la scène avec ses invités, le temps de deux ou trois compositions enivrantes. Il faut voir les deux femmes, magnifiques, engager un dialogue habité, s'encourager par d'irrésistibles sourires (décidément, c'est le maître mot en ce qui la concerne, voir à ce sujet une note récente...) et nous conquérir tous par la transmission d'un amour puissant. Et s'il est vrai qu'on ne vient pas ici, par un jour d'automne désespérément gris et sans espoir de lumière, pour offrir la moindre résistance à nos émotions, il est encore plus vrai que cette musique paraît très propice à l'abandon, au lâcher prise.

    A vous les artistes, merci.

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    Moriba Koïta, Marie Ossagantsia, Maryam Sonntoura, Moussa Diabaté

  • Sourires

    jeannette dalia curta,marie ossagantsia

    Jeannette Curta & Marie Ossagantsia © Maître Chronique

    Parfois, une photographie vaut tous les discours... Hier soir, Jeannette Dalia Curta se produisait à Villers-lès-Nancy avec ses musiciens dans le cadre du Festival Vand'Influences. Une soirée entre jazz, soul, funk, chanson, bossa nova ou influences directes de sa terre d'origine, la Roumanie. Juste après le concert, elle retrouvait sa complice Marie Ossagantsia – dont il a déjà été question ici et qui faisait partie des 57 « Portraits Croisés » mis en scène dans le cadre de l'exposition réalisée avec mon pote Jacky Joannès au mois d'octobre. Ces deux-là se connaissent bien et l'on en viendrait à appeler de nos vœux une prestation à deux voix. On devine déjà que le grand gagnant de ce duo de charme serait le sourire !

  • IMA bien plu

    Allons allons, les pleurnicheries automnales ne sauraient tenir lieu de fil conducteur à mon petit laboratoire textuel... La tentation est grande pourtant : tenez, pas plus tard qu'hier soir, j'ai détruit mon parapluie. Un gros coup de vent, le machin fabriqué chez les Chinois se retourne violemment et se désintègre, sans le moindre cri de souffrance. Je pense toutefois avoir battu mon record personnel en maintenant en vie l'objet protecteur durant plus de six mois. D'habitude, c'est deux ou trois, rarement plus... Eh bien vous savez quoi ? Ça m'a fait marrer ! Je me suis dit que la prochaine fois, je choisirais un robuste modèle made in Aurillac en non pas en RPC, comme disent les marchands avides. Certes, la chose me coûtera quelques brouzoufs de plus, mais j'aurai ma conscience pour moi.

    Pourquoi est-ce que je vous dis tout ça, au fait ? Ah oui : hier soir donc, plutôt que de me morfondre en lamentations pluvio-lorraines (je compte bien cependant m'adonner régulièrement à cette activité maniaco-dépressive dans les semaines à venir), j'ai bravé la pluie battante pour rallier la petite salle du Quai Son où, un lundi sur deux environ, se tiennent les lundis de l'IMA, sous la houlette de Jean-Marie Viguier. Je ne vous en dis pas plus sur ce sympathique rendez-vous nancéien et néanmoins musical, sachant que j'ai dans mes cartons un petit entretien avec le monsieur pour Citizen Jazz.

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    Jean-Marie Viguier © Jacky Joannès

    Le Quai Son – qui tire son nom de son implantation Quai Claude Le Lorrain et de sa nette tendance à émettre des sons – est une petite salle, avec un bar, quelques tables et chaises. Au fond, une scène. Voilà, c'est aussi simple que ça, mais on pourra ajouter que le lieu est plutôt accueillant, avec sa lumière tamisée, son public à effectif variable mêlant musiciens et autres habitués qui finissent par former un petit club. Hier soir, l'invité était le saxophoniste Vincent Thékal entouré de ses trois complices belges : Laurent Melnyk à la guitare, Michel Vrydag à la basse (et aux compositions), Kris Duerinckx à la batterie.

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    Vincent Thékal © Jacky Joannès

    Voilà un combo tout en énergie savante dont le jazz élaboré n'a jamais manqué un seul instant de cette composante essentielle qu'on pourrait baptiser la vi(e)vacité. On me pardonnera ce quasi néologisme qui me semble un bon raccourci du ressenti à l'écoute du répertoire de Vincent Thékal. Les compositions originales du groupe sont entrecoupées de quelques reprises parmi lesquelles celles de Wayne Shorter sont en bonne place (« Juju », « Speak No Evil »), ce dont on ne saurait se plaindre. Une heure et demie dans une ambiance presque cosy, à écouter une musique vivante : franchement, que voulez-vous demander de plus en ces heures grises ?

    On attend le prochain rendez-vous...

  • Sixun Live 2009

    sixun-live-in-marciac.jpgEn 2008, après dix années de silence de la part du groupe, mis à profit par ses musiciens pour s’accomplir dans d’autres expériences, Sixun était revenu sur le devant de la scène avec Palabre, un disque tonique et ensoleillé qui affirmait plus que jamais sa volonté de produire une musique désireuse d’ouvrir les fenêtres du jazz à tous les courants d’air du jazz. Publié au printemps 2010, Sixun 2009 Live In Marciac...

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  • Je vais vous montrer qui c'est Raoul

    Je déambulais l'autre jour au deuxième étage du Musée des Beaux Arts de Lyon, cette ville qui est en train de devenir petit à petit une terre d'adoption, avant, pourquoi pas, un ancrage de plus longue durée... Ce n'était pas ma première visite à ce lieu élégant, puisque j'avais déjà eu l'occasion de me laisser dériver au milieu de toute la série de toiles léguées par Jacqueline Delubac. J'avais en mémoire une œuvre de Raoul Dufy appelée "L'Atelier aux raisins", dont le charme avait eu sur moi un fort pouvoir de séduction.

    Je ne connais pas grand chose en matière de peinture. Je suis et resterai un profane existentiel : ma seule et vraie joie, lorsque j'arpente les salles d'un musée, c'est la contemplation intuitive, la truffe en l'air. Je me plante brutalement devant un tableau qui semble me parler plus qu'un autre, un peu comme un idiot béat, j'avance pour scruter tel ou tel détail, je recule, non sans pester contre cet autre crétin qui, entre temps, se sera glissé dans mon champ de vision. Et qui a toujours de grosses fesses, allez comprendre... Nulle tentation encyclopédique de ma part, je fonctionne à l'instinct, sachant parfaitement que mon ignorance laisse sur le bas côté des tas de choses passionnantes mais... pas le temps d'être au four et au moulin. Déjà que la musique me fait comprendre à quel point je ne connais qu'une misérable goutte de son océan... Je ne parle même pas de tous les bouquins que je ne lirai jamais et qui développent chez moi une pénible boulimie inquiète m'obligeant à en lire cinq ou six simultanément, sans être jamais certain d'en finir aucun...

    cargo_noir.jpg

    Avec la peinture, j'entretiens donc des relations amicales et très détendues finalement. Alors quand je suis tombé en arrêt devant une autre toile de ce cher Raoul, j'étais bien, sans chercher à comprendre les raisons profondes de mon bien-être d'un instant. C'était "Le Cargo Noir", peint en 1952, soit un an avant la mort du peintre, à l'âge de 76 ans. Ne me demandez pas d'explications techniques, je ne suis pas le bon client pour ça. Mais ces petites scènes faussement naïves et comme juxtaposées au gré de l'inspiration inventive et colorée de Raoul Dufy font couler dans mes veines un peu du sang frais qui fait tellement défaut à notre quotidien si gris.

    C'est aussi simple que ça...

  • Keystoned

    Week-end de la Toussaint, un ciel de plomb coiffe la ville de Lyon. Pluie, nuages, pluie, nuages... Rien de bien réjouissant au-dessus de nos têtes, mais c'est ailleurs qu'il faut chercher le soleil. Celui de la musique par exemple. Alors direction La Clef de Voûte, ce petit caveau niché sur les pentes du quartier de la Croix-Rousse... On se presse autour des quelque soixante sièges qui attendent le public venu nombreux, on se tasse au besoin pour applaudir une bande de jeunes musiciens réunis sous l'appellation très opportune de Keystone Big Band.

    keystone_big_band.jpg

    Ceux-là vont nous proposer leur relecture souriante de Count Basie, Duke Ellington, ou de compositions originales concoctées par François Théberge qui fut le professeur de bon nombre d'entre eux. Et n'en déplaise à un éminent jazzologue hexagonal qui leur reproche un académisme préoccupant (sic) ainsi qu'un intérêt trop marqué pour la note au détriment de la musique, force est de constater que les deux sets proposés par ce big band ont sévèrement réchauffé l'atmosphère et insufflé au public une sacrée dose d'énergie bienfaisante. Sous la houlette de Frédéric Nardin (piano) et Jon Boutelier (saxophone ténor), ces jeunes artificiers n'ont pas cherché midi à quatorze heures en partageant tout simplement leur plaisir d'être là. Les thèmes s'enchaînent, chacun y va d'un chorus pétulant, les sourires circulent entre les pupitres et c'est très bien ainsi. Le Keystone Big Band allie le classicisme d'un répertoire patrimonial à la fougue de sa jeunesse : le cocktail est savoureux, inutile donc de rallier le camp des esprits chagrins...

    Allez, c'est le moment d'en reprendre une petite gorgée... A votre santé ! Vous avez même le droit d'en abuser...

    Un court extrait du concert du Keystone Big Band à la Clef de Voûte (Lyon), le lundi 1er novembre 2010. Ses dix-sept musiciens interprètent "Suburban Beauty" de Duke Ellington.