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  • Marche attaque !

    Et soudain, le wagon dans lequel j'étais assis l'autre jour fut envahi - je ne trouve pas d'autre mot - par une horde verdâtre dûment décorée d'autocollants assénant à qui voulait bien les lire son amour du mariage. Enfin, soyons clairs, pas le mariage pour tous, hein, le leur, le seul, le vrai à ces gens si bien élevés. Pas nécessairement un mariage d'amour, parfois même conçu comme un arrangement entre gens du même milieu, sans brassage et avec de beaux enfants uniformes en bermuda. Une institution qui bien souvent se fracasse les certitudes sur quelques statistiques défavorables et le ballet des cocus de tout poil, mais chut, faut pas le dire… Monsieur, parfois, a la main un peu leste sur la croupe domestique et s'octroie quand le besoin se fait trop pressant quelques extras non déclarés officiellement (comme une sorte d'exil conjugal, pour reprendre un mot en vogue). Madame s'accommode ou se console de son côté, c'est la vie et rien d'autre, n'est-ce pas ? Un groupe très bavard, donc, et parlant trop fort, aux allures d'enfants de troupe lepenoïde, sûr de son fait, armé d’un sourire glacial d'où suinte un rictus ostentatoire et tranquillement condescendant. Mais si caricatural qu’à un certain moment, je me suis cru transporté dans une bande dessinée de Marcel Gotlib. Même pas, dommage, au moins là, j’aurais ri un peu.

    Nous sommes dans un train de la banlieue ouest de Paris, quelque part entre Marly-le-Roi et La Celle Saint Cloud. J’ai hâte d’arriver Gare Saint Lazare car l’ambiance est franchement fétide, ça sent le renfermé…

    Tiens, on voit même se pavaner un prêtre bodybuildé au teint hâlé qui roule des mécaniques et, je n’en doute pas, prêchait quelques minutes auparavant son très mécanique « aimez-vous les uns les autres » devant un parterre d’ouailles superstitieuses latinisantes au portefeuille matelassé. Fière soutane, épaules altières, monsieur jubile au cœur de son aréopage bien blanc de peau. Teint clairs, yeux bleus, une belle et grande famille… Drôles de paroissiens !

    Ça piaille dans tous les coins, les stratégies s'élaborent sur les banquettes. C'est sûr, des millions de Français, de vrais Français, vont montrer à leur pays déliquescent de quel bois de croix ils se chauffent. On spécule sur les alliances à venir au coin de la rue, on balaie d'un revers de la veste de velours côtelé les minauderies de la dirigeante d'extrême droite : les gens (bas) du Front seront bien là, fidèles au rendez-vous, pour bouter ces sous humains hors du cercle étriqué de leur imagination. Ils seront avec nous, ça ne fait pas le moindre doute…

    Et tout à coup, plus personne : en moins de temps qu'il n'en faut pour engloutir une hostie, la troupe s'est évaporée, organisant bruyamment la suite de son chemin de crôa sur le quai de la gare de La Celle Saint Cloud. Pour retrouver ses amis bleu marine qui les attendent, si j'ai bien compris, du côté de la Porte Maillot.

    Mon voisin de banquette - qui veut absolument nous faire part de sa soixantaine décomplexée ayant tout compris depuis longtemps - explique que cette pauvre histoire n'est en réalité qu'une conjonction d'intérêts. Entre politique car le Front jubile et trouve là un os à ronger avec son lot de recrues potentielles, et la caste des avocats qui vont s'en mettre plein les poches avec tous ces divorces qui ne manqueront pas de s’abattre sur ces braves gens qui tiennent tant à cette union officielle ! « Vous n'êtes pas avocat, au moins ? » Je le laisse pérorer tandis qu'il ajoute que ses amis homos, eux, ne veulent pas se marier. Vivement Saint Lazare…

    C’est assez étonnant quand on y pense : savoir qu’une foule veut manifester, non pas pour revendiquer un droit, mais pour s’opposer à ce que d’autres puissent bénéficier de ceux dont ils jouissent, eux… Mais que croient-ils donc, ces pèlerins d’un autre âge ? Que des millions de français sont déjà dans les starting blocks, la langue pendue, bave aux lèvres, prêts à devenir homos à la minute même où le mariage pour tous sera promulgué, provoquant ainsi l’extinction inéluctable de leur si belle race ? Alors qu’il ne s’agit en réalité que d’accorder ce qui, finalement, est le plus légitime des droits, celui à l’indifférence, à quelques uns d’entre nous. Oui, l’indifférence, à prendre aussi dans le sens où les droits doivent être indifférenciés.

    Que d'efforts additionnés pour marquer sa détestation de l'autre, son drôle d'amour qui conjugue la division dans un temps passé, volontiers pétainiste et prêt pour s'affirmer aux yeux des médias - on soulignera cette contradiction - à des alliances politiques contre nature. Moi-même j'ai un peu hésité avant d’écrire ces quelques lignes, parce que je n'aime guère laisser transpirer un ressentiment, mais quand je pense à la phrase prononcée par Barack Obama lors de sa cérémonie d'investiture : « Our journey is not complete until our gay brothers and sisters are treated like anyone else under the law », je ne peux m'empêcher de penser que toute cette agitation rétrograde est vaine, stupide et fielleuse. Encore une guerre de retard, une de plus… Tout cela me donne la nausée, et c’est dans ces moments-là que j’ai un peu honte d’être Français.

    africanjazzroots.jpgJe vais reprendre des forces en écoutant les African Jazz Roots de Simon Goubert et Ablaye Sissoko, au risque d’aggraver mon cas aux yeux de ces marcheurs sans amour au cœur qui vont certainement trouver beaucoup à redire à cet autre mariage qu’ils jugeront contre nature, celui de musiques occidentales et africaines. Tant pis pour eux s’ils sont aveugles au point de ne pas être saisis d’admiration devant la beauté de cette union et le métissage sublimé qui en résulte. Ils se consoleront avec la médiatocratie frelatée de la nightclubbeuse rancie qui leur sert temporairement d’égérie et les ridiculise aux yeux de tous. On a les génies qu’on mérite, après tout…

  • La bande à Ludo

    J'étais à Paris vendredi. Un coup de chance car le trompettiste Ludovic Louis avait rameuté sa bande du côté du China pour un concert dont l'imprégnation soul music n'aura échappé à personne. L'occasion aussi d'applaudir mon fils qui était de la partie, armé de son saxophone alto. Un bon moment, chaleureux (chaud également car la salle était bondée, notamment en raison de la présence de caméras de télévision), une réponse haute en couleurs à la France sinistre annoncée deux jours plus tard dans les rues de la capitale, pour ruisseler sa détestation de l'alterité. Ici, il ne s'agissait que de générosité et d'un métissage dont le pouls était bien celui d'un mariage épanoui. Merci aux musiciens, donc, de nous avoir offert ces instants d'humanité.

    En guise de souvenir, une dizaine de minutes extraites de ce concert avec "Brown Sugar", une composition du chanteur pianiste guitariste d'Angelo (sur son premier album éponyme). On pardonnera aux bavards impénitents qu'on entend parler d'être un peu bruyants, après tout, ce petit tumulte fait partie du jeu.

    Les musiciens :

    Ludovic Louis (trompette), Stefan Filey (chant), Pierre Desassis (saxophone alto), Vincent Bidal (clavier), Haïlé Jno-Baptiste (guitare), Stéphane Castry (basse), Christofer Gourdin (batterie).

  • Les élucubrations d’Antoine

    herve-wayne-shorter.jpgJe ne voudrais pas laisser filer ce dernier jour de l’année sans avoir adressé un petit clin d’œil à un pianiste dont la récente production discographique (mais pas seulement, on le comprendra assez vite) aura été la source d’un vrai ravissement. Et j'aimerais par avance présenter mes excuses à Antoine Hervé qui pourrait m’en vouloir d’avoir travesti son travail de grande qualité sous une expression un peu narquoise qui a donné son titre à cette note. Qu’on se le dise, c’est l’imagination du musicien qui se trouve ici habillée en élucubrations, à prendre peut-être dans leur sens secondaire d'un « ouvrage composé à force de veilles et de travail ».

    Je ne m’appesantirai pas ici sur la biographie du monsieur qui, plus qu’un pianiste, est un éminent compositeur arrangeur, féru d’improvisation : elle est très éloquente et nous montre à la fois l’étendue de ses collaborations, incluant la direction de l’Orchestre National de Jazz à la fin des années 80, aux côtés des plus grands noms du jazz tels Quincy Jones, Chet Baker, Carla Bley, Gil Evans... et beaucoup d’autres, et de ses sources d’inspiration qui vont bien au-delà du jazz et passent par le rock, la musique classique, les musiques du monde... On pourrait définir Antoine Hervé comme un amoureux gourmand de toutes les musiques. Son approche de l’art en est presque gastronomique (je ne serais pas surpris d’apprendre qu’il est aussi un fin gourmet).

    La gourmandise, donc, est l’ingrédient principal des Leçons de Jazz auxquelles Antoine Hervé s’adonne depuis quelques années (elles sont à considérer un peu comme les sœurs jumelles des leçons de son camarade Jean-François Zygel, dans le domaine de la musique classique), pour le grand bonheur d’un public aux anges. Jamais pontifiant, toujours passionné, Hervé décortique, raconte des histoires, se met à la portée (le mot est bien choisi) des mélomanes non pratiquants et prend un plaisir non dissimulé à nous enseigner ce jazz qui le fait vibrer depuis l’adolescence. Cerise sur le gâteau, l’humour affleure dans chacune de ses leçons (ainsi lorsqu’il imite sa femme qui marche pour expliquer ce qu’est une walking bass ou lorsqu’il s’arrache les cheveux devant l’architecture mystérieuse d’un saxophone soprano) et, mine de rien, on ressort de ces heures aux vertus très pédagogiques avec l’idée qu’on a vraiment appris quelque chose, habité du besoin, très pressant, de se précipiter sur les disques des musiciens qu’Antoine Hervé vient de célébrer. Effet garanti ! On rêverait d’un enseignement de la musique à l’école qui soit aussi contagieux : avec un tel professeur, bien des choses seraient transformées dans les esprits de nos enfants...

    Chance pour nous, plusieurs de ces belles leçons ont fait l’objet d’une publication sous la forme de DVD. Les quatre premiers volumes mettent à l’honneur Antonio Carlos Jobim, Oscar Peterson, Wayne Shorter et Keith Jarrett. Leur réalisation est d’une grande sobriété qui privilégie la complicité avec celui qui s’installe au poste de conférencier : Antoine Hervé raconte, explique, joue (accompagné par exemple des frères Moutin ou du saxophoniste Jean-Charles Richard) ; le clavier du piano apparaît en haut de l’écran dès qu’il entre en action, pour agrémenter le propos d’une animation du meilleur effet. Si l’on est musicien, on pourra décortiquer les doigtés ; si on ne l’est pas, on pourra se laisser aller à admirer la grâce d’une gymnastique enchantée. C’est selon.

    J’ignore à l’heure actuelle si d’autres leçons verront le jour sous cette forme mais en attendant un cinquième volume, je ne saurais que trop conseiller la fréquentation de ces heures enrichissantes et, pour dire les choses plus simplement, très jubilatoires. Elles s’adressent au public le plus large, connaisseur ou pas, elles sont un moment de partage qui ne se refuse pas.

    coupdemaitre.jpgDans sa leçon consacrée à Wayne Shorter, Antoine Hervé nous explique que le saxophoniste est un créateur d’univers, un artiste qui veut inventer sa propre musique. Eh bien, je me demande si ce désir d’innovation n’est pas le sang qui coule dans les veines du PMT QuarKtet qui vient de publier un disque absolument ébouriffant. Il figure d’ailleurs dans la (longue) liste de mes disques de l’année 2012 et je dois confesser que si j’avais eu le courage de compresser mon Top 22 en un Top 5, l’album ferait partie de cette quinte ultime. Sans la moindre hésitation, je lui décerne un « Coup de Maître », amplement mérité tant son écoute répétée depuis deux mois est une source inépuisable de plaisirs multipliés qui jamais ne se départissent de leur mystère originel. Aux côtés d’Antoine Hervé, on retrouve l’exaltant Jean-Charles Richard au saxophone (qui a lui-même reçu un « Maître d’Honneur »), Philippe Garcia à la batterie (tiens, voilà qui me ramène pas mal d’années en arrière et au Collectif Mu, trop vite disparu) et Véronique Wilmart à... l’acousmatique. Acousmatique, kesako ? Tiens, il faudrait que le professeur Hervé nous explique tout cela, il ferait ça beaucoup mieux que moi. Disons, pour faire très court, qu’il s’agit ici de recourir à des matières sonores qui vont être comme sculptées et transformées, dans une démarche qui est celle de la musique dite concrète.

    pmt_quarktet.jpgVéronique Wilmart co-signe avec Antoine Hervé toutes les compositions de ce disque magnifique et je suis certain que le pianiste ne m’en voudra pas de souligner à quel point sa comparse nourrit le disque de toute sa science de l’invention et de la perturbation atmosphérique (en ce sens que ses trouvailles sonores viennent tranquillement bousculer l’agencement d’un jazz déjà riche de toutes ses couleurs). Elle est la pourvoyeuse des climats, ceux sur lesquels les autres musiciens peuvent parvenir encore mieux à un épanouissement complet (Jean-Charles Richard est une fois de plus exemplaire, il n’est pas hasardeux de penser que bien souvent, Wayne Shorter le guette du coin de l’anche avec beaucoup de bienveillance). Impossible de « caser » cette musique dans une catégorie bien précise : il y a du jazz, forcément, mais ici on confinera à la musique sérielle, là à une séquence plus électro, avec une dose de minimalisme improvisé. Parfois on se croirait dans un film urbain et un peu frénétique (« Les triplettes de Barbès ») et pour tout dire, ces variations énigmatiques dessinent un monde très singulier, avec ce petit air de jamais entendu qui attire instantanément. 

    PMT QuarKtet est un disque riche, troublant, magnétique, une de ces pépites que, loin de vouloir garder pour soi en Harpagon des galettes, on voudrait faire connaître au plus vite. Assez indéfinissable certes (d’où peut-être, ici, ma difficulté à le transcrire correctement en mots), mais passionnant du début à la fin. A découvrir d’urgence, merci monsieur Antoine !

  • Nancy Jazz Pulsations 2012

    cj_njp_2012.jpgLa 39e édition du festival aura été, selon Patrick Kader son directeur, plutôt réussie, malgré une météo hostile qui a fortement contrarié la tenue de « Pépinière en fête », soumise à de multiples annulations en raison de la pluie. Un malheureux dimanche après-midi entier ouvert au public dans le parc du même nom, celui-là même qui abrite le légendaire Chapiteau. Malgré, aussi, un creux de fréquentation au début de la deuxième semaine. Problème d’ordre économique ? De programmation ? Difficile de répondre, il faudra analyser plus finement le phénomène dans les semaines à venir, mais les organisateurs de NJP ont le sourire en évoquant les 40 ans que le festival fêtera en 2013, du 9 au 19 octobre, avec pour fil rouge la Nouvelle-Orléans. A cette occasion, cette manifestation « qui se veut populaire mais pas populiste » devra probablement recevoir un soutien plus fort des collectivités locales, pour pouvoir accueillir de belles têtes d’affiche mais aussi pour aller dans le sens d’une modération des tarifs.

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  • cE2 - Polars

    cover.jpgCe disque est comme le journal de bord d’un temps qui appartient au passé : il faut imaginer l’ambiance d’une salle de cinéma à l’ancienne, avec ses ouvreuses et leurs paniers de friandises à l’entracte. En première partie, un court-métrage qu’on a regardé d’un œil distrait parce qu’on n’est pas venu pour ça. Quelques bandes-annonces pour patienter, deux ou trois réclames... On attend le film, pas toujours en couleur, un policier avec ses personnages dont on sait d’avance que l’histoire peut les mener à un destin tragique. Des histoires au parfum d’années 60, juste avant la marchandisation industrielle d’un art qui n’en est plus toujours un, avec ses grandes gueules et ses codes d’honneur qui n’ont peut-être existé que dans l’imagination de leurs inventeurs.

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  • Elliott au pays de Paulette

    cj_elliott_murphy.jpgIl y a quelque chose d’assez surréaliste dans la soirée qui s’annonce. Pensez donc : Elliott Murphy, un des plus grands songwriters américains, ami personnel de Bruce Springsteen, féru de littérature, lui-même écrivain poète, admiré de Lou Reed ou Elvis Costello, vient faire la fête à une légendaire mamie du rock, Paulette Marchal, qui souffle ses 89 bougies dans son cher village, à 25 kilomètres de Nancy. Contraste étonnant entre le parcours d’un artiste new-yorkais sur la brèche depuis près de 40 ans – Aquashow, prélude à une discographie très abondante – et cette bourgade rurale tapie dans la campagne lorraine, portant le nom étonnant de Pagney-derrière-Barine.

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  • Quarantaines

    J’ai bien conscience de radoter. En fouinant dans mes archives, je retrouverai certainement un texte qui dit à peu près la même chose que ce qui est à lire plus bas. Qu’importe, après tout, on connaît bien des peintres ou des musiciens qui, cent fois, ont remis leur ouvrage sur le métier, déclinant à l’infini un motif dont ils n’envisageaient jamais la fin. Je m’accorde ce droit…

    Qu’elle soit ou non ce qu’elle était, la nostalgie n’est jamais bonne conseillère… On ne peut pas, chaque jour, mâchouiller comme un vieux chewing-gum insipide son passé, avec une pointe de mélancolie, en essayant de se persuader que c’était mieux avant ; pas plus qu’il n’est bon de figer sa propre histoire au temps de l’enfance ou de l’adolescence, en s’octroyant une éternelle jeunesse dont on sait qu’elle s’enfuit et vous échappe d’autant plus que vous vous échinez à lui courir après. La roue tourne pour chacun de nous et, finalement, c’est déjà une sacrée chance, quand tant d’autres auraient aimé la voir s’activer un peu plus longtemps ou même simplement disposer du privilège exorbitant du retour sur soi. Se retourner, oui, pour savoir d’où l’on vient, pour comprendre, c’est bien. Mais attention à la chute ! Mieux vaut garder un œil sur le prochain virage, c’est plus prudent.

    musique, grateful deadC’est en contemplant le spectacle figé des centaines de disques méthodiquement rangés à l’ombre d’un deuxième étage sous les toits que je me suis laissé gagner par ces pensées presque nocturnes. Chers disques, sources de tant de rêves en musique, objets de convoitise parfois, générateurs d’impatiences et d’obsessions égotistes… Ils sont là, aujourd’hui silencieux, inactifs pour la plupart, les plus anciens ayant depuis longtemps franchi le cap de la quarantaine. Je passe devant les rayonnages et les piles qui s’entassent, faute d’une rigueur dans le travail de classement parce qu’on verra plus tard… Je scrute les amoncellements et les déséquilibres verticaux. Puis, plutôt que de m’apitoyer sur cette savante mise en désordre, j’essaie d’exercer ma mémoire en tentant d’identifier les tranches des 33 tours ou des CD, je cherche à me rappeler où et quand je les ai achetés. Alors c’est la grande plongée dans l’océan trouble des images qui défilent, le télescopage des souvenirs aux contours flous parfois.

    Un magasin de disques, tout en longueur dans une rue déjà piétonne. Le temps des achats compulsifs après des semaines de patience, passées à entasser les précieux francs et la ruée vers l’or noir et ses deux sillons enchantés. Un disque, parfois deux. Jamais assumé, entré par effraction au domicile après une courte pause derrière un arbre cachette. À chaque fois c'est la même chose, l'achat devient une faute à avouer. Une émission de télévision où des musiciens tout habillés de blanc sont habités d'une urgence mystique, avec un guitariste qui tient son drôle d'instrument à double manche, vite il faut acheter le disque, pochette jaune et oiseaux de feu. François Cevert vient de mourir, le coureur automobile aux yeux verts allait trop vite, lui aussi. Et ce bon vieux magnétophone à cassette dont on colle le micro au plus près du téléviseur pour garder au chaud, son propre chaud, vingt-six minutes inédites qui périront dans le grand bûcher de l'obsolescence programmée. Cette fois, le guitariste est assis, il a l'air sérieux, caché derrière ses lunettes et sa petite barbe. Le roi n'est plus cramoisi mais il va vite, lui aussi, il termine par un feu d'artifice sans étoiles. Plus tard, il y aura un chanteur avec de drôles de déguisements. Et très vite, les prix qui grimpent en flèche pour cause de crise du pétrole sculptée à grands coups de stratégie géopolitique par les grands irresponsables de ce monde. De nouveaux codes tarifaires ont fait leur apparition : on passe de C à A, entre temps il y a eu B. Dur pour les mélomanes sans le sou, en quelques mois, l’augmentation est forte, plus de trente pour cent. Les soirées de lecture le dos collé au mur, casque stéréophonique sur la tête, isolé dans un drôle de monde schizophrénique où les yeux voient une histoire pendant que les oreilles en écoutent une autre. Les Rougon Macquart en pleine lutte contre le Grateful Dead ou le rock progressif des anglais de Yes à la conquête de Proust, en quelque sorte. Le fracas percussif d'un batteur aux yeux exorbités qui veut nous embarquer sur sa planète, habitée de drôles d'esprits pas vraiment recommandables et qu’on n’extirpera de son Panthéon que bien des décennies plus tard. Coup de pied au cul tardif mais salutaire... Des concerts, presque toujours imaginaires, parfois réels aussi, pour une virée en bus scolaire à la découverte de Pink Floyd en pleine promotion de Dark Side Of The Moon. Un peu plus tard, les Who et leur frénésie gesticulatoire, la guitare fracassée ; un concert de Neil Young, à Paris, Porte de Pantin, like a hurricane. Sandwiches au camembert made in Lorraine face aux drôles de cigarettes des autochtones et leurs yeux un peu trop rouges. Des magazines dont on lit tout, avidement, ne voulant laisser à personne le soin d’en tourner les pages tant que la dernière n’aura pas été dévorée. Les posters en page centrale, qui viennent orner les murs défraîchis de la chambre refuge. Les alignements de vinyles qui finissent par occuper une bonne moitié de l’armoire aux vêtements, avec classement alphabétique et numérotation à la main de chaque disque et mention manuscrite du jour et lieu de son achat. Les débuts d’une accumulation un peu vaine qui repousse au loin toute velléité de dénombrement. Premiers déstockages, un peu plus tard, on revend des disques qu'on rejette de façon péremptoire, persuadé de détenir enfin une vérité qui n’a jamais existé. À peines partis, les voici qui hurlent leur absence, l'armoire les cherche, c'est justement ceux-là qu'il faut écouter aujourd'hui. Un jour, bientôt, leur mise à la retraite sera programmée, poussés dehors par un sale gamin à la tête de miroir sans charme, qui se prétend le meilleur, indestructible et tout le tralala. Il y a de l’eugénisme hi-fi dans l’air, une idolâtrie de la pureté dont les plus ignares aiment tant se vanter, exhibant leur matériel pour le tester devant nous à grands coups de rock FM décaféiné. Il est beau mon son, il est beau ! Tant pis, à force de crier sa musique, John Coltrane a pu entrer dans ma danse, tout de même, il va mener le bal pour très longtemps, son sourire ne s'éteindra plus. My Favorite Things. Fin du flash.

    Mais à quoi bon faire revivre toutes ces vieilleries ? Quelque chose d’un peu vertigineux me submerge à l’idée qu’une grande majorité de ces trésors enfouis ne feront probablement plus l’objet de la moindre exhumation. Manque de temps, vie trop courte, besoin de nouvelles aventures, de découvertes, nécessité de la connaissance dont on ne peut étancher la soif. Course en avant… Une autre forme de quarantaine pour elles, ces petites galettes bavardes, un exil forcé vers la nuit du temps qui passe très vite.

    Cette mise au point personnelle, cet instant d’arrêt devant ces heures d’histoire enrayonnées tant bien que mal, cette recherche de la musique perdue, n'est pas sans avantages : elle permet de mesurer le tri radical qui s'est opéré dans les souvenirs. Un peu à la manière du son numérique qui écrête hautes et basses fréquences, au point parfois de rendre certains détails inaudibles, le temps scalpe notre mémoire pour préserver les repères, les points de rupture et les grandes embardées qui nous ont façonnés. On garde le noyau dur, le cœur nourricier. Tout est là pourtant, devant nous, il suffit de compter mais seuls quelques rescapés font encore la une de notre actualité, tous les autres ont été repoussés plus loin dans la pagination du journal, en plus petits caractères. Il sera toujours possible d’y revenir, ou peut-être pas…

    Ne pas trop regarder derrière soi, donc. Penser à demain, à ces musiques qui s'inventent ou qui n'existent pas encore. Les plus belles probablement, celles dont on ne sait pas où elles nous emmènent. Aucune importance puisque la confiance est là. La toile est vierge, ils vont tous venir la peindre, un par un, pour nous ; et puis, ils recommenceront, inventeront de nouvelles couleurs, nous raconteront d'autres histoires inédites. Toujours la même quête…

    Pour finir, un peu de place à la musique avec un exemple de repère personnel. C'est en pensant à la tournée européenne du Grateful Dead en 1972 que ces éclairs ont zébré mon musée invisible. Cette épopée printanière m'est revenue à l'esprit parce que je caressais tout récemment l'espoir de l'écouter dans son intégralité. Vingt-deux concerts, soixante-six CD, soixante-dix heures de musique exhumées depuis peu. Des dollars à n'en plus finir, beaucoup trop... Une sorte de Graal pour un type comme moi. Vous pouvez penser que ce désir un peu démesuré contredit toutes mes imprécations anostalgiques ! Pas si sûr… Jerry Garcia et ses acolytes, soit le groupe de l'émancipation. Quand, à quatorze ans, un peu à l'étroit dans l'univers du rock et son cadrage trop resserré, on veut ouvrir les fenêtres en grand, apercevoir de grands espaces et devenir l'acteur de ses propres découvertes. Le groupe qui a tout déclenché, la curiosité, la boulimie vinylique, la gourmandise du son, l'admiration sans bornes pour les musiciens-magiciens, le besoin de connaître chaque jour un peu plus. Aucune nostalgie dans ce retour en arrière de quarante ans donc, juste le témoignage d'une dette contractée, dont je ne suis pas certain de pouvoir régler un jour les dernières traites.

    En attendant, je vois une autre pile, très bien rangée celle-là, juste devant moi. De nouveaux disques à écouter, encore des chroniques à écrire… Le vrai privilège. La course en avant…

    26 mai 1972 - Londres, le Lyceum. Le Grateful Dead interprète "China Cat Sunflower / I Know You Rider". Onze minutes et quelques secondes. Probablement l'un des passages que j'aurai le plus écoutés depuis quarante ans... On le retrouve ici, joliment enrubanné...

  • Un ami s'en va...

    C’était il y a deux ans, presque jour pour jour, le 10 septembre 2010. Pour parachever la rédaction d’un des textes de l’exposition Portraits Croisés que je devais réaliser avec mon ami Jacky Joannès, j’avais demandé à Xavier Brocker – qui avait fini par devenir lui aussi un ami à force de passions partagées – de m’accorder un entretien. Je voulais qu’il me raconte en détail l’édition 1975 de Nancy Jazz Pulsations, dont il était à l’époque le directeur artistique. 45 minutes passionnées, beaucoup d’anecdotes, une verve inimitable et un incroyable talent pour faire vivre des instants pas comme les autres, à l’époque où les responsables du festival avaient décidé de programmer le JATP (Jazz At The Philarmonic) et son cortège de stars, comme Dizzy Gillespie, sous l’égide du fantasque Norman Granz. Vous pourrez, un peu plus bas, écouter cette passionnante conversation, si vous le souhaitez. 

    Xavier vient de nous quitter, trahi par son cœur qu’il avait gros comme ça. C’est un personnage, un vrai, qui s’en va. Il laisse un vide énorme autour de lui tant ses amis étaient nombreux. Il avait 73 ans.

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    Xavier Brocker © Maître Chronique - Septembre 2010

    Xavier était tombé dans le jazz à l’adolescence, contractant un heureux virus dont, jamais, personne n’aurait pu le vacciner. C’était en 1954, après un concert de Sidney Bechet à la Salle Poirel de Nancy. S’il lui arrivait de jouer du piano ou de la clarinette, il était d’abord une encyclopédie vivante, un boulimique de la connaissance, toujours soucieux de transmettre sa passion au plus grand nombre. Il fut l’un des membres fondateurs de Nancy Jazz Pulsations et son premier directeur artistique. Journaliste à l’Est Républicain, il était aussi l’auteur du Roman vrai du jazz en Lorraine. Retraité hyperactif, on pouvait souvent le retrouver en animateur de conférences passionnées illustrées par des écoutes dont il raffolait, aussi bien pour les jeunes que pour les adultes et qu’il appelait des causeries ; il consacrait aussi une partie de son temps à l’animation d’émissions de radio, dédiées au jazz, forcément. Il avait également pris une part prépondérante à l’élaboration du CD 50 ans de jazz en Lorraine, publié sur le label Etonnants Messieurs Durand. Xavier était un être curieux, toujours prêt à se frotter à de nouvelles découvertes. Il était un grand monsieur, un gourmand de la vie, la musique et le jazz en étaient pour lui le sel vital.

    Xavier était un grand seigneur. Alors que j’étais très honoré d’avoir été, à plusieurs reprises, l’invité de son émission, lui se sentait redevable. En témoignage de son amitié, il m’avait fait un somptueux cadeau, en m’offrant l’enregistrement original et intégral de la première création de Nancy Jazz Pulsations en 1973 : la « Stanislas Percussive Gavotte », interprétée par un big band réuni par le trompettiste Ivan Jullien et qui comptait parmi ses membres : Eddie Louis, Jon Surman, André Ceccarelli, Bernard Lubat ou encore Daniel Humair. Je garde précieusement cette bande magnétique, ce trésor, qu’un ami doit prochainement numériser. Il va de soi que chacun d’entre vous pourra bientôt l’écouter ici. C’est ce que voulait Xavier, il voulait partager. Ses désirs seront des ordres.

    Il y a quelques jours encore, c’était vendredi dernier, j’avais appelé Xavier, à sa demande. Il voulait m’inviter une fois de plus au micro de « Jazz Galaxies », l’émission hebdomadaire qu’il animait sur une radio locale à Nancy. Lui, tout comme moi, aimait ces petits rendez-vous et leur rituel (je sais, parce qu’il me le disait à chaque fois, qu’il appréciait beaucoup notre complicité ; ayant moi-même pendant plusieurs années animé une émission consacrée au jazz, il savait que j’avais du répondant, il appréciait la tonalité de ce qui devenait une conversation souriante mais à chaque fois exploratrice de nouveautés) : il venait à la maison une heure avant le début de l’émission, je lui préparais un café et nous discutions du programme. Je lui soumettais ensuite une liste de disques qu’il acceptait en toute confiance ; de son côté, il extirpait de son sac un vieux 33 tours ou un CD qu’il avait pioché dans sa volumineuse discothèque (la dernière fois, c’était un disque que lui avait offert Didier Lockwood). Enfin venait l’élaboration du conducteur et son minutage faussement précis, qu’il était de toutes façons incapable de respecter, en bavard impénitent qu’il était, dès lors que le voyant rouge s’allumait. Il goûtait, vraiment, le plaisir de dire le jazz et son amour infini pour cette musique. Il faut l’avoir vu au moins une fois savourer ses propres réflexions pour comprendre la saveur si particulière de son propos. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle notre dernière émission – c’était le 16 juillet – consacrée à Nancy Jazz Pulsations 2012, n’avait pu nous permettre de diffuser toute la musique programmée quelque temps plus tôt ; il voulait un second épisode, absolument. Malgré sa voix très affaiblie, son enthousiasme au téléphone était intact : il se réjouissait de notre nouveau duo et, toujours curieux, il m’avait demandé de revenir avec, dans mon sac, le disque d’Electro Deluxe Big Band que nous avions écouté six semaines auparavant et qu’il avait beaucoup aimé. Je le vois encore, pestant à l’idée qu’un tel groupe, si chaleureux et fédérateur, ne pût être vite à l’affiche du festival.

    Notre rendez-vous était fixé au 24 septembre à 10 heures. Un peu inquiet de la fatigue que j’avais détectée chez lui, je lui avais recommandé la prudence, lui demandant de prendre soin de lui, avant tout...

    Cette émission n’aura pas lieu, je garde son programme pour moi, avec le cœur serré. Xavier, reviens ! Je n’arrive pas à croire que tu viens de faire le grand saut.

    Je sais que tous ses amis, tous ceux qui le connaissaient le pleurent aujourd’hui. Peut-être que leur peine sera un peu adoucie à l’écoute de sa voix : je vous offre, en sa mémoire, cette causerie qu’il m’avait accordée en toute amitié et dont le souvenir ne s'effacera jamais. 

    Salut l’ami !



    En écoute, l'entretien que Xavier m'avait accordé le 10 septembre 2010 (durée : 44'51). Un enregistrement sans coupures ni montage, avec tous les bruits de fond en provenance de la brasserie où nous nous étions installés.

  • Musique Action

    Retour en images – ou plutôt en photographies – sur la dernière édition du Festival Musique Action qui s’est tenu au mois de mai, du côté de Vandœuvre-lès-Nancy. Mon emploi du temps étant difficilement compatible avec une présence assidue lors de cet événement pas comme les autres, je n’ai pu être là qu’un seul soir, mais c’est l’ami Jacky Joannès qui s’y est collé. Et il a très bien fait ! Toujours bien placé, il nous livre une série de beaux instantanés dont il a le secret. Merci à lui, donc, en attendant notre deuxième exposition commune, qui se tiendra à l’automne 2013. 

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  • Electro Deluxe Big Band - Live in Paris

    electro deluxe, live in paris, citizen jazzElectro Deluxe a soufflé dignement ses dix bougies le 18 octobre 2011 devant un Alhambra archicomble. Souffler : tel est bien le mot, puisqu’à cette occasion, le groupe s’est étoffé d’un Big Band complice, renouvelant en cela une première expérience réussie quelques mois plus tôt au New Morning à Paris. Ce double CD – qui inclut six vidéos en noir en blanc reflétant fidèlement l’ambiance festive qui régnait ce soir-là – constitue un témoignage précieux d’une soirée de musique dont la force est bien celle de l’énergie vitale de ses influences. Elles aussi soufflent très fort sur le feu de la musique.

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  • Renaud Garcia-Fons - Solo (The Marcevol Concert)

    RGF-SOLO.jpgCe disque est l’histoire de toute une vie en musique ; celui, aussi, d’un coup de foudre que le jeune Renaud Garcia-Fons, alors âgé de seize ans, eut pour la contrebasse, une passion si forte que l’homme semble aujourd’hui ne faire plus qu’un avec elle, devenue prolongement de son âme. Un instrument auquel il n’a eu de cesse, depuis ce choc originel, de donner une voix soliste, y compris dans ses expériences en groupe, et d’en exploiter toutes les possibilités. Pour lui, la contrebasse allait devenir un instrument universel, autant lyrique que rythmique, « à la croisée de toutes les techniques de jeu des instruments à cordes ».

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  • C’est graphe, docteur ?

    Atelier_6b.jpgPour une fois, il ne sera pas ici question de musique... Encore que l’atelier d’écriture auquel j’ai eu la chance de participer du mois de janvier jusqu’à samedi dernier (six séances de quatre heures) résonne dans ma tête d’une vraie musique des mots : pas seulement les miens, mais aussi ceux de mes camarades qui, tous, ont accepté de plancher sur les exercices proposés par l’attentif et bienveillant Frédéric Vossier. Alors, en guise de clin d’œil à Colette, Laurent, Didier, Léo, Marie-Laure et quelques autres, je vous livre ici un texte qui n’a d’autre prétention que d’être ce qu’il est : un exercice.

    Écrit lors de l’ultime séance, il est la réponse à une consigne donnée par notre tortionnaire préféré qui avait introduit la séance par une explication relative à différents procédés d’écriture autour des idées de monologue ou de soliloque. Après nous êtres vu imposer l'un d'entre eux par tirage au sort (ainsi, je devais d’abord écrire un soliloque où un personnage : s'interroge ou se parle ou laisse la parole se dévider, en situation apparente de dialogue), nous avons pu écrire ensuite en utilisant celui de notre choix dans la liste établie en début d'atelier. Ici, c’est un monologue de type « récit de vie » (qui, aux dires de Frédéric après lecture à voix haute, a plutôt tourné en soliloque mais qu’importe, après tout, l’essentiel, c’est de le savoir).

    Au sujet de ces lignes écrites en vingt minutes, je dois préciser qu’elles prennent appui sur un fait réel (une chute dans la rue). Toutes les sensations, tous les souvenirs et les évocations sont reproduits telles qu’ils m’ont traversé l’esprit durant un délai très court (deux ou trois minutes, pas plus). En relisant ce travail, je me suis rendu compte que d’autres pensées m’avaient gagné pendant cet épisode, mais celles-ci n’ont pas refait surface durant mon court temps d’écriture. Ce que pouvez lire ici (si vous le souhaitez, bien sûr) est reproduit à l’identique, sans ajout ni suppression. Et encore une fois, mille pardons pour les maladresses, j’ai joué la carte de la transparence.

    Avec un grand salut amical non seulement à Frédéric mais aussi à mes camarades qui ont osé offrir leurs textes au groupe. Ce sont des moments d’échanges irremplaçables, des heures riches de partage, d’émotion, d’humour et d’imagination. Je leur en suis infiniment redevable. Merci à eux et au Théâtre de la Manufacture de Nancy qui organisait cet atelier.

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    Le trottoir était humide hier soir. Les pavés me guettaient du coin de l’œil. Un œil torve et menaçant. Je marchais vite, comme d’habitude. Perdu dans mes pensées, les écouteurs de mon baladeur vissés aux oreilles.

    La musique, c’est une compagne, depuis l’enfance. Pas une seule infidélité en plus de cinquante ans d’un concubinage qu’elle n’a pas choisi. Oui, c’est moi qui ai choisi la musique, pas l’inverse. On appelle ça une relation asymétrique, parce que j’en sais plus sur la musique qu’elle n’en sait sur moi. Et fort heureusement pour mon entourage, la musique n’a pas voulu de moi. Oh, j’ai bien entamé autrefois une brillante carrière d’harmoniciste... mais j’ai tout arrêté, épuisé par les tournées harassantes dans les deux salles de classe de mon école où l’on m’exhibait comme un singe savant. J’ai mis un terme à tout cela, j’avais cinq ans. Il faut savoir arrêter.

    La musique, donc, dans les oreilles.

    Les pavés glissants, sous mes pieds.

    J’avance au rythme oppressant de « De Futura », un vieux truc bien sombre des années soixante-dix, quand Jannick Top faisait gronder sa basse dans Magma.

    Et puis la chute...

    Et merde !

    Le beau vol plané, sous le regard torve des pavés et l’œil éteint de mes concitoyens qui hésitent entre l’éclat de rire – ça fait toujours rire un type qui se casse la gueule en glissant sur une peau de banane, sauf que là c’était un pavé – et la commisération bonne conscience.

    Ah, bordel ! J’ai ruiné mon jean... Fait chier, je l’ai acheté hier et pas en solde. Même qu’au téléphone, j’avais taquiné mon fils en lui disant que son vieux père portait des pantalons taille trente-huit, comme lui, et qu’on verrait bien dans vingt-sept ans s’il en serait toujours capable.

    Quatre-vingt-quinze euros le pantalon... Un gros trou au genou. Et le genou en sang. Saloperie d’anticoagulants, je vais encore en mettre partout pendant trois heures.

    Et tous ces cons qui me regardent comme si j’étais un ivrogne...

    J’ai glissé, comme un con, sur ces cons de pavés luisants, devant des cons. Oui, vous aussi vous êtes des cons, pas besoin de vous pour me relever. Vous voyez bien que je me relève, non ?

    J’ai mal au genou.

    Je boîte un peu.

    Pas grave, ça va passer.

    Je pense à ma mère. Il lui est arrivé la même chose, ou presque. Sauf qu’elle ne s’en est pas tirée. D’abord un clou pour lui rafistoler la hanche et puis une prothèse. Et puis rien. Un mouroir en guise de centre de rééducation. Plus d’argent, plus de soins, plus d’hôpital. Ouste, dehors... Ad patres.

    Mais moi, je me suis relevé. Y a toujours « De Futura » qui fait hurler ses sirènes. Faut que je change de disque, là c’est trop, je vais choisir autre chose, un truc plus doux. Tiens, la contrebasse de Renaud Garcia-Fons. Ça glisse tout seul, en plus c’est une musique pleine de soleil. Je suis sûr qu’il ne risque pas de glisser sur ces saloperies de pavés mouillés.

    N’empêche. J’ai l’air con avec mon pantalon troué. J’essaie de colmater la brèche comme je peux. Et ça continue à pisser rouge en dessous.

    Plus personne pour me regarder. J’ai réparé comme j’ai pu. C’est bon, j’avance, maintenant.

    J’avance en boitillant.

  • Souffle

    Après le concertexte donné par Jacques Bonnafé et Louis Sclavis dans le cadre de la dernière édition de Nancy Jazz Pulsations au mois d’octobre, une nouvelle confrontation de mots et de musiques pour nous réjouir ! C’était vendredi soir à la Fabrique, cette petite salle au charme indéniable qui jouxte le Théâtre de la Manufacture.

    Sur scène, l’écrivain poète (et bien plus que ça) Enzo Cormann lit ses textes. Lire n’est pas le bon verbe, il vaudrait mieux dire qu’il boxe les mots, les percute et les bouscule. Sa diction nous fait parfois penser à celle d’un grand disparu, Claude Nougaro, qui lui aussi savait cogner les syllabes, surtout quand il évoquait ses quatre boules de cuir… Cormann n'est pas en reste quand il s'agit de faire chanter les lignes et les laisser glisser tout au long de ses propres improvisations, en amateur de jazz qu’il ne manque pas d’être. A ses côtés, un trio soudé et inspiré : Claude Tchamitchian à la contrebasse, Franck Tortiller au vibraphone et Jean-Marc Padovani aux saxophones. Autant dire un trio expérimenté... et chaleureux, à chaque instant.

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    Par delà les inspirations poétiques d’Enzo Cormann et l’interaction de ses phrases avec celle des musiciens, c’est une partie de l’histoire du jazz qui s’écrit devant nous : on rencontre Charlie Parker, Chet Baker, Eric Dolphy ou même Jack Kerouac dont la route a croisé celles de bien des artistes.

    Près d’une heure et demie sur le fil des points de suspension (ou d’exclamation) de l’auteur et des échappées imaginatives de ses trois complices : le temps a passé trop vite, c'était celui d’un moment de grâce.

    Dehors, il fait froid, le vent souffle, il pleut mais qu’importe. Ces illuminations poétiques ont balayé la grisaille.

  • Nancy Jazz Pulsations Acte II

    nancy jazz pulsations, nancy jazz pulsations jazzDans ce deuxième épisode, on voit se côtoyer des musiciens escortés d’une légende qui peut soit engendrer la déception (Billy Cobham), soit élever la musique vers des sphères méditatives (Charles Lloyd), alors que d’autres vont faire parler leur lumière propre (Stéphane Belmondo, Manuel Rocheman, Mulatu Astatke). D’autres enfin paraissent un peu désuets (China Moses), voire totalement incongrus (Raphael Gualazzi). Mais en définitive, dix jours de de bonnes vibrations à haute dose.

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  • Pulsations visuelles

    Nancy Jazz Pulsations, Jacky Joannès, citizen jazzPour une fois, laissons nos yeux et rien qu'eux partir en promenade rétrospective du côté des scènes automnales de l'édition 2011 de Nancy Jazz Pulsations. L'ami Jacky Joannès a faufilé ses objectifs au plus près de la musique vivante pour nous proposer une petite sélection sous la forme d'une diaporama d'une bonne quarantaine de photographies. Citizen Jazz lui a bien volontiers ouvert ses portes, et c'est un ravissement, même si l'on ne connaît pas sur le bout des doigts la biographie de chacun des artistes qui sont mis en scène. Il suffit de regarder et d'imaginer... ou de se souvenir !

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  • Nancy Jazz Pulsations Acte I

    cj_henri_texier.jpgNJP 2011, c’est fini ! Au-delà d’un bilan qui atteste de la vitalité du festival malgré des nuances qu’on doit apporter (si la fréquentation globale, tous lieux et concerts confondus, est en progression, le cru 2011 aura été moins faste au Chapiteau de la Pépinière que son prédécesseur dont on s’aperçoit a posteriori qu’il était exceptionnel), Nancy Jazz Pulsations demeure pour Nancy et la région Lorraine un événement automnal de premier plan.

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  • Sans limites

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    Allez hop, un bon vieux virage à 180 degrés ! Après le prairie rock de l'attachant Indio Saravanja ; après le southern rock du regretté Duane Allman, je vous emmène pour un petit tour chez un jeune tromboniste Hélvète dont on parle de plus en plus et qui semble n'avoir pas froid à la coulisse...

    Attention toutefois : je préfère annoncer ici qu'avec Samuel Blaser, nous ne sommes pas forcément en terrain balisé et qu'il faut accepter d'être un peu dérangé dans son confort auditif si l'on veut participer aux joutes exploratoires qu'il nous propose. De façon un peu simpliste, on le range dans la catégorie des musiciens dits d'avant-garde. Mais ces étiquettes sont irritantes parce que toujours réductrices. Et traduisent très mal la jubilation qu'on peut éprouver à s'embarquer sur un terrain parfois escarpé mais ô combien fertile !

    C'est le doux prix à payer : celui de l'inconnu et de cette incertitude roborative sans laquelle une création ne serait qu'une répétition. À certains moments, on veut reconnaître, à d'autres on cherche à connaître. Et pour ne rien vous cacher, ce n'est qu'après trois voire quatre écoutes attentives que ce disque a fini par me dévoiler ses atours. Parce que la musique - comme toute forme d'art - est aussi une affaire d'initiation. Au prétexte que je ne parle pas le Japonais, devrais-je en conclure qu'un quotidien de Tokyo ne dit rien d'intéressant ? J'aurais plutôt tendance à opter pour un apprentissage de la langue...

    Samuel Blaser est un musicien actif. Pour ma part, j'avais pu noter la singularité du tromboniste lorsqu'il avait rejoint le Quartet de Bruno Tocanne et ses 4 New Dreams. Plus récemment, son Consort In Motion écrivait un palimpseste audacieux de la musique de Monteverdi, dans un projet auquel était associé le batteur Paul Motian, toujours avide de nouvelles expériences du haut de ses 80 ans.

    Avec Boundless le bien nommé - une traduction possible serait sans limites - Samuel Blaser met en lumière à la fois ses qualités d'improvisateur et de fédérateur. Il faut dire qu'en faisant appel au guitariste Marc Ducret, il trouve un partenaire dont le moins qu'on puisse dire est que le bonhomme a du répondant ! Deux animateurs inventeurs, deux agitateurs artificiers toujours à l'affût, sans cesse prêts à rebondir sur l'idée de l'autre, à la creuser, la décortiquer et la maintenir en vie coûte que coûte. Je profite de la publication de ce disque pour rappeler à quel point Ducret est une personnalité essentielle de la scène actuelle : pour vous en convaincre, refaites un petit tour du côté de son trop éphémère Sens de la Marche ou de ses récents Tower, volumes 1 et 2. Sacré personnage qui va même ici glisser quelques motifs que ne renierait pas un Robert Fripp.

    Le disque est structuré autour d'une suite en quatre parties enregistrées live : à peine le thème rapidement esquissé que la musique s'envole pour une stimulante conversation à quatre voix libres et complices. Quatre parce qu'aux côtés de Blaser et Ducret officient le contrebassiste Banz Oester et le batteur Gerald Cleaver. Ces deux-là sont partie prenante de la fête et ne laisseraient pour rien au monde le débat se dérouler sans eux. Le terme de conversation n'est pas écrit par hasard : il me semble traduire assez fidèlement l'esprit qui règne sur ce disque. Les idées fusent, chacun les reprenant à son compte dans une cause collective : au final, le motif dessiné est réjouissant, imprévisible, foutraque et stimulant.

    Je ne m'y connais pas assez en trombone pour formuler un avis circonstancié sur le jeu de Samuel Blaser. Tout au plus puis-je souligner sa vivacité et ses qualités exploratoires de l'instrument. Ainsi que sa faculté - très appréciable au demeurant - de retrait dès lors qu'il s'agit de permettre aux trois autres de dérouler le fil de leur histoire. Oui, Samuel Blaser a aussi l'intelligence de savoir ne pas jouer pour mieux écouter et rebondir.

    Publié sur le label Suisse Hat Hut, Boundless est séduisant par l'addition de petits trésors d'invention qu'il aligne devant nous, sans complexe et dans un désir d'aller voir ailleurs si nous y sommes.

    Et nous y sommes bien en effet, tout ragaillardis par cette bonne friction que le Quartet nous a accordée. Quant à savoir si Boundless relève de l'avant-garde, de l'après-garde ou de je ne sais quoi, j'aurais tendance à dire que je m'en moque comme de l'an 40. L'essentiel est là, dans la profusion des énergies et le désir de regarder devant soi.

    Sans limites, vous dis-je !

  • Jazz

    njp_2011.jpgIl y a comme un réflexe de type pavlovien chez les plus vieux des jazzeux du côté de Nancy : « Nancy Jazz Pulsations, c’est plus un festival de jazz, c’est plus comme avant », nous disent-ils en glorifiant un passé qui, peut-être, n'a jamais existé que depuis qu'il est passé. Je peux comprendre le désappointement des anciens lorsqu’ils voient fleurir en haut de l’affiche des noms comme ceux de Renan Luce, Zaza Fournier ou Arnaud Fleurent-Didier. Je m’associe également à leur peine quand, venus applaudir les grands Charles Lloyd et Chucho Valdés, on leur inflige la purge Raphael Gualazzi, indigeste saucisse prise entre ces deux goûteuses tranches de pain.

    Mais enfin, n’est-ce pas là une vision un peu étriquée d’une manifestation qui a dû non seulement s’adapter aux contraintes de l’économie contemporaine (permettez-moi de vous dire ici qu'elles sont assez draconiennes) mais aussi élargir sa palette, non pas au détriment d’une programmation typiquement jazz mais en multipliant les scènes et les genres ? En 1973, que je sache, point d’Autre Canal, ni même de Hublot ou de Magic Mirrors. Et beaucoup moins de concerts au total ! De vieilles voix complices me sussurent même parfois que déjà, au bon vieux temps, on déplorait la présence trop marquée des concerts de blues. La nostalgie serait-elle toujours ce qu'elle n'a jamais cessé d'être ?

    Par conséquent, j’aimerais souligner ici que durant la dizaine de jours de la trente-huitième édition du festival, les plus puristes auront tout de même pu se mettre sous la dent (qu’ils ont parfois dure) : Henri Texier, Francesco Bearzatti, Vincent Segal et Ballaké Sissoko, Tigran Hamasyan, Youn Sun Nah, Manuel Rocheman, Charles Lloyd, Chcuho Valdés, Dan Berglund, Mulatu Astatke, Billy Cobham, Stefano Bollani, Stéphane Belmondo, Louis Sclavis et Jacques Bonnafé… sans parler d’une multitude d’apéros jazz un peu partout dans la ville. Ceci, indépendamment bien sûr, de l'adhésion qu'aura pu susciter chaque concert auprès du public.

    Pas si mal tout de même. Ce n’est là qu’un exemple de sélection, mais elle me paraît remettre un peu les choses en place. Et suggérer de renoncer à un gémissement un peu trop automatique. Pour le reste, il n'est interdit à personne de participer à un travail de réflexion sur l'évolution de ce qui est un temps fort de la vie cuturelle en Lorraine.

  • Ballet

    La satisfaction de quitter l’Opéra de Nancy sans m’être ennuyé une seule seconde !

    Bien qu’abonné au programme annuel de la salle, je confesse volontiers une certaine tendance à l’endormissement systématique lorsque j’assiste à un opéra. Ma dernière performance remonte à quelques mois, quand je me suis longuement assoupi pendant une représentation d’Orlando Furioso de Vivaldi. Je n’en ai ni vu ni entendu grand-chose et j’ai ce privilège que d’aucuns m’envient : celui de payer pour dormir.

    Mais résumer mes relations avec l’art dit lyrique à la seule mesure de mon sommeil serait injuste, parce que je passe aussi d’excellents moments en ce lieu un brin suranné, dont les fauteuils au confort sommaire ont du être créés à une époque où l’homme ne devait pas mesurer plus d’un mètre cinquante et ne pas être équipé d’une paire de genoux dont il n’est pas possible de confier la garde au vestiaire. Je me souviens d’un opéra vidéo dont le titre était Tomorrow In A Year qui, s’il avait partagé la salle, était une proposition novatrice à tendance technoïde, preuve d’une volonté affirmée de la part des programmateurs de garder un œil attentif sur des créations contemporaines dont la réputation contrastée peut mettre en danger l’équilibre financier de leur année.

    Témoignons donc aussi du plaisir ressenti à l’issue d’une soirée qui unissait les forces du CCN Ballet de Lorraine et de l’Orchestre Symphonique et Lyrique de Nancy, avec la participation du chœur de l’Opéra National de Lorraine. Au programme, Igor Stravinski et ses Noces suivies du Sacre du Printemps.

    Peu de couleurs pour l’œil qui de toutes façons a déjà suffisamment à voir, un travail de mise en scène et une chorégraphie qui privilégient le noir et le blanc, voire la couleur chair. Le chœur des Noces est puissant, les danseurs et les danseuses se livrent à une course tournoyante, le temps passe à la vitesse de l’éclair. Le souffle des œuvres de Stravinski ! A peine se souvient-on d’un entracte plus long que prévu parce qu’un musicien, remplaçant de dernière minute, file tout droit de Luxembourg pour assurer la continuité du spectacle. On n’oublie même une certaine mollesse de la direction d’orchestre qui, peut-être, aurait besoin d’un peu plus de muscle.

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    A la sortie, j’entends quelqu’un dire : « Ce n’est pas classique classique ». Tu l’as dit mon ami, et ce n’est pas ce bon Igor qui te dira le contraire. Il pourra te raconter la soirée du 29 mai 1913 au Théâtre des Champs Elysées !!!

  • Clef de voûte

    C’était le 5 juillet dernier, au festival Jazz à Vienne, dans le cadre majestueux du théâtre antique de la ville. La soirée était entièrement consacrée aux big bands et la première partie proposait un concert d’une jeune formation : The Amazing Keystone Big Band. Une petite vingtaine de musiciens partageant leur vie entre Lyon et Paris, que Citizen Jazz a déjà remarqués après leur passage au Méridien le 9 mai.

    J’ai vu le groupe l’année dernière dans un club de Lyon appelé La Clef de Voûte, qui est un peu leur bercail, leur lieu fétiche. Vous avez compris : Keystone, Clef de Voûte !

    Je n’étais pas à Vienne. Mais j’aurais bien aimé… D’abord parce que – comme vous pourrez le vérifier sur la vidéo – il faisait un temps magnifique et que le soleil exerce sur moi une attraction plutôt forte, en bon Lorrain que je suis ; aussi parce que je ne connais pas ce lieu chargé de beaucoup d’histoire et très majestueux. Une troisième raison n’a fait qu’ajouter à mes regrets, sur laquelle je ne m’étendrai pas mais que les plus attentifs parmi vous auront tôt fait de comprendre. Cerise sur le gâteau, cette bande de jeunes loups talentueux et fougueux avait choisi de multiplier les énergies en faisant appel à quelques guests prestigieux comme l’organiste Rhoda Scott ou le vibraphoniste Michel Hausser.

    Voici une petite séance de rattrapage de ce concert que j’ai pu visionner quelque temps plus tard dans son intégralité : The Amazing Keystone Big Band interprète « Joshua », une composition de Miles Davis. L’image est un tantinet déformée mais comme dit l’autre, qu’importe le flacon… Et si vraiment cet étirement vous gêne, eh bien c’est tout simple : fermez les yeux et ouvrez vos oreilles !