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Oui, je sais. Pas une note depuis trois semaines. Je réinvente peut-être la jachère, après tout. Un peu de silence pour qu'ensuite, les phrases repoussent mieux. Mais le monde a d'autres soucis que la régularité de publication du côté de chez mes notes, n'est-ce pas ?
L'actualité, ici et là, est tragique comme d'habitude. Partout en fait. Pas de quoi faire le malin et embrayer sur quelques parenthèses digressives comme au bon vieux temps...
Cela dit, je vous dois un minimum d'informations qui vous montreront que l'écriture reste au centre de mes activités. Pour Citizen Jazz d'abord, parce que tout de même, je me suis fendu d'une bonne trentaine de chroniques depuis le mois de septembre, ce qui constitue une progression assez significative par comparaison avec mon travail de l'année précédente, même si je conçois qu'une intensification reste plausible. Mais pas tout de suite, parce que sur le feu de mes occupations artisanales, il y a une cinquantaine de mini portraits de musiciens qu'il me faut écrire en prévision d'une exposition dont je vous reparlerai en temps utile. Mine de rien, ça prend du temps toutes ces bêtises.
Ah, puisqu'on parle de bêtises... J'ai vu une affiche umpiste totalement stupide dans la rue. C'est la campagne électorale et nos élus et ceux qui veulent le devenir paient souvent très cher pour que des agences de communication leur troussent des slogans très creux censés happer les électeurs vers les profondeurs du néant de leurs programmes*. Mon affiche donc. On peut y lire : la France change, la Lorraine doit changer aussi. Je précise ici que la même affiche est déclinée en autant de versions que notre beau pays compte de régions. Pourquoi se gêner : on est jacobin ou on n'est rien... Une première lecture de cet impératif politique m'a fait comprendre que la Lorraine n'était pas située en France. Relisez bien : la France change, la Lorraine doit changer aussi. Vous pouvez retourner la chose dans tous les sens, comme dirait mon cheval, y a pas à tortiller ! C'est surtout le aussi qui me gêne un peu aux entournures dans cette phrase cucul la praline. Nous voilà à nouveau exclus, nous les lorrains. Ou peut-être bien que les Germains nous ont remis le grappin dessus, allez savoir. Et puis de toutes façons, je m'en moque un peu car je ne suis pas certain de vouloir changer comme les vrais français : faut-il vraiment qu'on nous décline des versions lorraines des Brice, Eric et autre Frédéric, pour ne citer que les plus rigolos ?
Allez, je retourne à mes portraits. Mais je reviens très vite, c'est promis, on parlera de musique et de plein d'autres sujets passionnants, comme la campagne de publicité sur le Grand Emprunt dont on murmure qu'elle aurait coûté 973.000 €, ce qui m'inquiète un peu tout de même... J'espère que le reste de la somme sera mieux utilisé.
Ah, pendant que j'y suis : faut quand même que je vous dise deux mots du dernier disque de Jacques Higelin, qui est un vrai petit bonheur. Le Jacquot de Pantin file tout droit vers ses 70 printemps et reste frais comme un gardon. Je vous recommande vivement sa vision apocalyptique du mois d'août et des hordes d'estivants déshydratés du côté de Gourdon, Alpes Maritimes. C'est le gardon de Gourdon, en quelque sorte, même si le disque a été enregistré pas très loin d'ici, à Sainte-Marie-aux-Mines. Un régal et une classe pas possible, ce type ! Le disque s'appelle Coup de Foudre et il fait un bien fou. C'est un enchantement qui sonne comme un enfantement, je crois que ces mots conviennent très bien. Et soit dit en passant, il est une réponse cinglante à tous ceux qui vous expliquent qu'ils chantent en anglais parce que rock et français se marient mal. Tu parles, Charles : écoutez "Hôtel Terminus" par exemple, et dites-moi si ça ne fonctionne pas !
Faudrait qu'il écrive des slogans pour les politiciens, le père Higelin : au moins, on prendrait du plaisir à lire les affiches dans la rue !
* Désolé pour la longueur de la phrase. C'est la faute à Marcel, que je relis en ce moment...
Assez amusante cette remarque entendue ce matin sur France Inter. On s'était déplacé jusqu'à Nancy - une sorte de Sibérie mal dégrossie pour certains parisiens, si j'en crois la remarque glissée subrepticement par le journaliste qui animait le journal du matin et qui supposait qu'en d'autres lieux « plus chics » (sic) les commentaires eussent été différents - lorsqu'une lycéenne nous expliqua que le débat sur l'identité nationale s'était terminée en « eau de poisson » (re-sic). Voilà qui fera plaisir à nos édiles, heureux de constater que même aux yeux de la jeunesse, ce dossier un peu gluant aura pu être lavé de toutes ses impuretés.
Je me permets toutefois de vous laisser à vos réflexions (n'hésitez pas à échanger si vous le souhaitez) car je dois partir à la recherche d'une queue de boudin.
La ville de Nancy se dotera prochainement d'un Centre des Mémoires, regroupant les archives départementales, trop à l'étroit désormais dans leur site actuel, ainsi qu'un espace culturel pouvant accueillir des expositions, des animations et d'autres formes de diffusion de témoignages historiques. Cerise sur la gâteau, un parc public arboré lui sera associé, ajoutant à la ville une nouvelle zone de vie qui manquait probablement à sa partie nord : voilà une excellente nouvelle pour les habitants du quartier - dont je suis - qui voient d'un bon oeil cette implantation future d'une activité utile, porteuse des richesses de notre mémoire collective.
En visitant le site de l'ancienne école normale - à l'abandon depuis une vingtaine d'années et livrée à l'imagination des squatteurs - qui fera l'objet d'une requalification pour donner naissance à ce projet dont l'aboutissement nécessitera plusieurs années, j'ai pu observer comme un raccourci de notre société en contemplant les façades des bâtiments et en me glissant à l'intérieur de quelques salles ouvertes à tous les vents.
J'ai vu, j'ai même admiré, de véritables œuvres d'art projetées à la bombe à peinture sur des murs en décomposition. Acharnement de quelques uns à ne pas se résigner à la médiocrité. Malgré l'âpreté du quotidien, ces peintres anonymes créent le beau, sans espoir de reconnaissance toutefois. Sans même se dire qu'en d'autres circonstances, un émir ou un milliardaire russe pourrait débourser 100 millions de dollars pour confisquer leur travail et faire un pari financier en spéculant sur la valeur relative d'une toile ou d'une sculpture. Dehors, dans l'humidité poisseuse de l'hiver lorrain et les émulsions verdâtres d'un salpêtre omniprésent, ou dans des salles encombrées de détritus et de gravats, ces peintures s'offrent, avant leur prochaine disparition. Art éphémère et désespéré où l'imagination est reine.
Mais j'ai vu aussi, ou plutôt j'ai lu, ici et là comme autant d'invectives cyniques, la revendication d'une inculture, affichée non sans une certaine fierté, qui m'en a rappelé une autre, celle qui se répand jusque dans les sphères les plus proches des cercles décisionnaires. Et qui regarde vers le bas, animée d'un mépris qui ne laisse guère de place à quelque forme de dialogue que ce soit.
Dans une chronique à paraître très prochainement sur Citizen Jazz*, j'évoque la relation familiale qui me semble unir la musique de Sébastien Texier à celle de son père, le contrebassiste Henri Texier. J'ai eu l'occasion de m'entretenir dernièrement avec ce dernier sur ce sujet après un concert donné par le trio africain constitué, outre Henri Texier, de Louis Sclavis (saxophone soprano et clarinettes) et d'Aldo Romano (batterie). Nous étions à Chalons-en-Champagne, près du bar de la très belle salle de la Comète. Une conversation instructive qui montre que cet apparentement ne semble pas si marquant pour le contrebassiste, lui qui vit ces choses-là de l'intérieur.
« Je ne me rends pas bien compte, je sais que Sébastien et moi, on a beaucoup de points en commun sur le plan musical, à part le fait d'avoir les mêmes gènes. Mais depuis toujours, ses goûts musicaux, je les ai appréciés aussi et peut-être que ce sont toute une quantité de strates qui se sont accumulées. Franchement, j'entends toutes ses mélodies, elles me conviennent, certaines me plaisent beaucoup. Cela dit, je ne sens pas une filiation particulière, mais je suis d'accord, je suis complètement d'accord avec ce qu'il a fait dans cet album, avec ou sans moi, lui et ses potes. Je n'ai pas mis mon grain de sel et je me suis senti parfaitement à l'aise. Mais bon, je ne suis pas trop bien placé pour donner un avis... Sébastien, il a grandi là-dedans, il n'a pas grandi avec Johnny Hallyday, il a grandi avec nous ! De plus, il a trouvé un vocabulaire, un idiome, c'est une espèce de quête, de tissage. Il y a des brins, des motifs, qui font leur propre étoffe. »
En bonus, une petite carte postale sonore sous la forme des premières minutes du concert de Romano Sclavis Texier à Chalons-en-Champagne avec un extrait de "Daoulagad" (Henri Texier). Un concert sur lequel nous reviendrons plus en détail dans un prochain article pourCitizen Jazz.
* Consacré au dernier disque du trio de Sébastien Texier, Don't Forget You're An Animal.
Quand le violoncelliste Vincent Segal - dont la carte de visite est assez impressionnante si l'on en juge par la diversité de ses collaborations et expériences : l'Ensemble Intercontemporain, Cesaria Evora, Elvis Costello, Sting, Piers Faccini, Matthieu Chedid, Marianne Faithfull, sans oublier le duo Bumcello formé avec le percussionniste Cyril Atef - rencontre le musicien compositeur Malien Ballaké Sissoko, joueur de kora, on pressent que le mariage des cordes sera magnifique. Un pressentiment totalement vérifié par les faits... Trois sessions d'enregistrement à Bamako au mois de mai 2009 ont donné naissance à Chamber Music, un disque de plénitude publié sur le label No Format !. La conversation entre les deux instruments est de toute beauté, si harmonieuse et intemporelle qu'elle semble attirer vers elle comme par magie d'autres musiciens, comme par exemple Demba Camara au karignan.
Un disque qui exprime une certaine vérité, celle de l'âme. Une chronique est à venir sur Citizen Jazz.
En écoute, un extrait de "Ma-Ma FC" : Ballaké Sissoko (kora), Vincent Segal (violoncelle), Demba Camara (karignan).
Agulhon, Imbert, Legnini, Pédron. Bingo ! Il est toujours très agréable de braver simultanément la nuit, l'hiver lorrain et les brumes spinaliennes pour s'apercevoir que quatre musiciens de jazz peuvent faire "théâtre comble" dans une ville de taille moyenne et recevoir un accueil enthousiaste de la part d'un public par ailleurs reconnaissant du travail effectué depuis la veille par ces artistes pour partager leur passion de la musique avec quelques stagiaires. Soit une bonne douzaine d'élèves présents sur scène le temps de jouer deux compositions répétées avec leurs enseignants d'un week-end.
Réunis pour la première fois - on espère avoir assisté au début d'une nouvelle histoire - Franck Agulhon, Diego Imbert, Eric Legnini et Pierrick Pédron ont ensuite distillé un répertoire tonique puisant aux sources de quelques standards ("I Can't Get Started", "Lover" ou "I Hear A Rhapsody") mais aussi de compositions originales ("Waltz For A King" et "Tune Z" pour Pierrick Pédron, "Guet Apens" pour Diego Imbert ou "Big Boogaloo" pour Eric Legnini).
Lyrisme, complicité, joie de faire rayonner un art maîtrisé mais toujours en mouvement : merci à eux quatre ! Cette soirée du 16 janvier à Epinal était sans le moindre doute à mettre au compte des moments qui vous regonflent d'une énergie salutaire.
De gauche à droite : Eric Legnini (piano), Diego Imbert (contrebasse), Pierrick Pédron (saxophone alto), Franck Agulhon (batterie).
En écoute : les trois premières minutes du concert et un extrait de "Waltz For A King" (Pierrick Pédron).
C'est un luxe finalement... On peut toujours trouver des raisons de râler, en bons français que nous sommes : "ILS" n'ont pas déneigé, "ILS" nous abandonnent, "ILS" ceci, "ILS" cela. Comme le disait ce matin à la radio un conducteur chargé de nettoyer une portion de 50 kilomètres d'autoroute avec son chargement de 6 tonnes de sel et de saumure, les automobilistes pensent qu'il n'a pas neigé lorsqu'ils trouvent leur route dégagée au petit matin, mais dès qu'une autre voie est encore recouverte d'un épais manteau blanc, ils se persuadent que personne ne fait jamais rien pour eux... Nous avons construit une société de l'urgence et de l'immédiateté qui s'affranchit de la réalité des saisons, alors doit-on s'étonner que, parfois, son mécanisme se grippe sous l'effet de quelques flocons "épais et collants" ?
C'est l'hiver, en somme... Il fait froid (plus froid qu'en été), il neige, le vent souffle (dans ma jeunesse, on l'appelait la bise). Etrange comme la ville est presque silencieuse au petit matin. On goûte sa chance de n'avoir pas besoin de se rendre à son travail en voiture ou par quelque transport en commun que ce soit. De poser les pieds bien à plat dans la poudreuse qui n'a pas encore subi les assauts des pelletées de sel qui vont la salir et la transformer en bouillie. D'écouter le petit crissement de la chaussure lorsqu'elle s'enfonce dans l'épaisseur ouatée. Dans les oreilles, un vieux disque de Chicago, le numéro VII, ajoute sa propre touche à un tableau vivant qui devient intemporel, comme si le paysage s'arrêtait.
On a aussi une pensée pour d'autres humains, très loin de nous, du côté des Grandes Antilles. Haïti, une fois encore, s'offre en martyr au reste du monde. Il y avait eu l'ouragan Jeanne voici maintenant un peu plus de cinq ans. Auujourd'hui, la terre a tremblé et les morts vont se compter par milliers.
Allez, pour une fois... Je m'autorise un petit clin d'œil en direction d'un disque, Soul Game, enregistré par la chanteuse Sophie Darly, qu'il m'est assez difficile d'évoquer dans les colonnes internautiques de Citizen Jazz. Je m'y serais volontiers attelé, mais la rédaction d'une chronique aurait manifesté de ma part une curieuse façon d'être juge et... génétiquement partie. Mais ici, dans cet espace sur lequel j'exerce une autorité sans partage - j'évoque ici mon blog, ah, ce plaisir d'une petite dictature personnelle, d'un royaume virtuel sur lequel on fait régner un ordre absolu ! - pourquoi, après tout, me refuserais-je le droit de partager le plaisir qu'on peut avoir à écouter son Mad Jazz Boy de fils exercer son talent de saxophoniste au service d'une musicienne ? Le talent, justement, il n'en manque pas le bougre, d'ailleurs, à l'alto comme au ténor, mais je m'en tiendrai là en matière de compliments pour éviter les railleries... Le pôpa et son p'tit garçon, j'entends d'ici les ricanements... Rien de tout cela donc, allez plutôt faire un petit tour sur le My Space de Sophie Darly. Vous pourrez y écouter de larges extraits de son disque (Hé, vous savez quoi ? Même que sur le premier titre en écoute, « Land Of Thousand Boys », on entend vachement bien le saxoph... ah, juste, j'ai oublié que je ne devais pas en parler) qui balance tranquillement entre blues et jazz et vous offrira un joli moment de musique. Icing cherry on the cake, vous pourrez même acheter le CD ou, si vous en préférez la version dématérialisée, le télécharger on ne peut plus légalement sur la plate-forme d'iTunes. C'est chouette, non ? D'habitude, j'aime pas trop la pub, mais là, allez savoir pourquoi, elle m'est sympathique...
Voilà une réédition particulièrement réussie ! Dans leur collection Quarto, les éditions Gallimard publient un réjouissant volume regroupant les cinq romans écrits par Dashiell Hammett : Moisson rouge, Sang maudit, Le Faucon maltais, La Clé de verre, L'Introuvable. Une très belle occasion de se (re)plonger dans l'univers d'un écrivain qui a su faire franchir un cap essentiel au roman policier : celui de l'entrée en littérature et de l'avénement du « roman noir ».
Ecrits entre les années 1929 et 1934 (date à partir de laquelle cessera son activité d'écrivain), ces livres marquaient en effet une rupture avec un genre aux règles assez mécaniques plutôt dominé par une certaine école anglaise, celle des John Dickson Carr, Edgar Wallace ou encore Agatha Christie, « qui n'est vraiment à l'aise que parmi les manoirs anglais, avec leurs compagnies de maîtres d'hôtels, leurs mœurs de province, leurs histoires de gros sous », comme le souligne Jacques Cabau en introduction de cette somme de plus de mille pages.
Ancien détective privé de la célèbre agence Pinkerton, Hammett savait très bien de quoi il retournait en matière de crime et allait immerger ses récits dans des univers beaucoup plus sombres, très ancrés dans une réalité ou règnent violence, corruption et immoralité. Raymond Chandler rappelle ainsi que « Hammett a délogé le meutre des palais vénitiens pour le balancer dans la rue ; non pas que le crime doive y traîner indéfiniment mais il était bienvenu de se défaire le plus possible des chichis bourgeois d'Emily Post ». Tout est dit en une phrase !
Dashiell Hammett se considérait à l'époque comme l'une des rares personnes qui prenaient le roman policier au sérieux : on ne pourra que se réjouir de cette publication qui bénéficie d'une nouvelle traduction, la précédente étant trop marquée par le recours à un argot démodé qui privait probablement le lecteur d'une approche plus intemporelle que méritent largement ces romans.
Une manière aussi, de souligner le rôle essentiel des traducteurs, rarement mis en avant et qui, pourtant, contribuent pleinement à l'épanouissement des textes au-delà de leurs frontières originelles. Pierre Bondil et Natalie Beunat auraient mérité de voir leurs noms en première de couverture, juste au-dessous de celui de l'écrivain américain. Cerise sur le gâteau, le prix est plus que raisonnable (27 €) et pourrait vous inciter à un achat qu'à coup sûr, vous ne regretterez pas.
Il y a les listes de fin d'année, les meilleurs disques, les meilleurs bouquins, les meilleurs films, ... tous ces petits palmarès rétrospectifs qu'on établit pour fixer le temps passé. Ces menus recensements auxquels il faudrait certainement ajouter le florilège des stupidités énoncées ou entreprises par ceux qu'on appelle nos responsables... Les charters, les Auvergnats, les annonces quotidiennes, les trahisons, les mensonges, la cupidité, la convoitise, la violence, la fuite en avant vers un avenir trouble, la misère, la guerre, les pillages, les tours s'élevant à 810 mètres de haut, ...
Il y a tout ça...
Le jour ne s'est pas encore levé, j'ai juste envie de partager un peu de lumière. Que cette année puisse être pour chacun d'entre nous celle des instants qu'on capte, des rencontres fugitives, des regards qui se croisent, des petits mots qu'on échange, de la curiosité renouvelée. D'une certaine forme d'intelligence, celle du cœur.
Au début du mois de mars 1991, Kenny Barron (piano) et Stan Getz (saxophone ténor) investissaient le Café Montmartre de Copenhague pour une série de quatre concerts en vue de l'enregistrement d'un double album, People Time, qui sera publié en 1992.
C'est au cours de l'année précédente, alors qu'ils jouaient en quartet, que les deux musiciens eurent l'idée de ce duo enchanté, habité par la grâce. Malgré la maladie qui va l'emporter trois mois plus tard, malgré l'épuisement dans lequel le laisse désormais chacune de ses interventions, Stan Getz assume pleinement son rôle et tutoie, un peu à l'avance, les anges qu'il ne tardera pas à charmer quelque temps plus tard, là-haut dans le ciel étoilé des artistes. Kenny Barron, quant à lui, rayonne à chaque instant et offre au saxophoniste un écrin incomparable, pour une somptueuse visite de grands standards tels que : « Stablemates », « There Is No Greater Love », « I Wish You Love », « Bouncing With Bud », « Like Someone In Love » ou l'éponyme « People Time » de Benny Carter. On vise ici l'éternité, les deux artistes n'ayant de toutes façons plus rien à prouver à qui que ce soit. Objectif atteint, tant la musique jouée, ou plutôt vécue, durant ces quatre soirées, est empreinte d'une magie qui laisse sans voix, chaque note semblant comme suspendue au-dessus de nous dans un air pur dont la respiration vous rend plus léger qu'une plume.
Et voici qu'en cette fin d'année 2009 nous est proposée l'intégrale des quatre concerts, soit un coffret de sept disques pour une somme de sept heures de musique. Cet enregistrement intégral, People Time - The Complete Recordings, à prix plus que raisonnable, est à classer d'emblée parmi les « must have » d'une discothèque sélective. Kenny Barron et Stan Getz transforment en or massif ces mélodies cent fois jouées et nous emportent vers le meilleur, exempt de toute faute de goût et de toute vulgarité pesante. Le quatrième concert, celui du 6 mars, ne comportera qu'un seul set, tant Stan Getz était au plus mal ce soir-là. Les deux hommes se produiront une dernière fois quelques jours plus tard à Paris, avant que le saxophoniste ne rentre aux Etats-Unis pour une séance de chimiothérapie qu'il envisageait avec optimisme. En vain, le crabe serait le plus fort.
Ce disque testament nous prouve à quel point la force vitale et l'urgence qui habitaient ces duettistes vibraient dans chacune des notes jouées. C'est là le miracle de People Time.
Jeunes pousses. Voici la quatrième publication du « Z Band » pour l'année 2009, et la neuvième depuis la naissance de ce collectif né en 2007, dont le cercle s'élargit petit à petit. C'est une excellente nouvelle... Pour coïncider avec l'hiver, nous avons curieusement choisi un thème qu'on aurait plutôt imaginé voir éclore au printemps, celui des « jeunes pousses », en d'autres termes des artistes prometteurs que chacun d'entre nous espère voir grandir dans les années à venir. Ici, il sera question d'une formation culottée, totalement décomplexée, dont la musique savante et débordante de vitalité créative se paie le luxe d'avoir été repérée par le grand John Zorn, au point que le saxophoniste new-yorkais leur a ouvert les portes de son label, Tzadik. Réunis en 2007 sous la direction de son jeune contrebassiste compositeur Maxime Delporte (trente-trois ans, né à Johannesburg et devenu toulousain quelque neuf ans plus tard), les six de Stabat Akish constituent une révélation dont il est certain qu'elle ne peut laisser indifférent. Je vous propose de partir à leur découverte, sous la forme d'une petite revue de presse à ma façon.
Je remercie dès à présent Jean-Luc Karcher qui a bien voulu mettre à ma disposition quelques unes des très belles photographies qu'il a prises durant le concert de Stabat Akish à Nancy.
L'histoire qui me lie à Stabat Akish est un peu bercée par le hasard : on a beau être à l'affût de toute nouveauté, guetter les musiciens qui inventent, chercher ailleurs ce qu'on ne trouve pas ici, il arrive parfois qu'on passe à côté de ce qui, pourtant, relève de l'évidence. Malgré l'abondance des informations qui peuvent submerger le chroniqueur lambda d'un chouette magazine comme Citizen Jazz, malgré la régularité du flux des nouvelles que nous déverse notre rédactrice en chef et qui est comme notre pain quotidien, on réussit à ne pas capter l'écho d'une musique qui aurait dû vous interpeller tant son propos est enthousiasmant. Oserai-je confesser que j'ai accompli l'exploit de ne pas lire la chouette prose d'un collègue rédacteur qui, voici quelques mois, disait tout le bien qu'il pensait de Stabat Akish ? Il ne m'en voudra pas, j'en suis certain, de le citer, lui qui écrivait : « Le groupe possède une puissance de feu rythmique ahurissante autour de laquelle se construit une mélodie urbaine faite de phrases courtes et de cassures permettant - dans un chaos tout à fait travaillé - d'irradier le propos d'autres influences, servi en cela par des musiciens tirant tous dans le même sens, pour tendre si possible vers un groove chauffé à blanc. » Franchement, je pense qu'une telle phrase suffit à vous donner une idée assez précise de ce qui vit dans cette musique tourmentée, imprévisible et qui ne se dépare jamais d'une bonne dose d'humour. Je vous invite d'ailleurs à lire l'intégralité de cette chronique rédigée à l'occasion du premier (et pour l'instant unique) disque de cette bande d'agités de la portée que sont les six musiciens qui forment Stabat Akish. C'est ICI, pour en savoir plus.
Ce camarade de chronique, le normand Franpi pour ne pas le citer, avait récidivé sur son blog et formulé de bien belles choses au sujet de Stabat Akish. Eh bien, oui, celles-là également m'ont étrangement échappé. Pourtant, tout était écrit pour que n'importe quel « truffe en l'air » dans mon genre se précipite pour en écouter plus ! Quand un amoureux du jazz écrit : « Les influences de Stabat Akish sont multiples, foutraques, mais avant tout urbaines, lorgnant tant vers un rock sautillant et psychotrope que vers un jazz puissant et versatile ou vers les complexités d'écritures d'une musique contemporaine qui ne serait pas déconnecté de son temps. Le propos peu sembler parfois malicieux, il est surtout ardent, s'offrant parfois au gré des surenchères des deux saxophonistes et de Guillaume Amiel, vibraphoniste remarquable, des moments de pur groove. », en temps normal, j'y vais, je fonce tête baissée ! Parce qu'on est habité par la certitude que quelque chose se passe, qui doit nous mettre en émoi. Tiens, puisqu'on en est aux recommandations de bonnes lectures, allez donc voir ce qui s'écrit chez Franpi dont j'adore les « photos qui n'ont rien à voir » !
Du côté des « grands » quotidiens, on a parlé de Stabat Akih aussi. Libération y est allé de sa contribution enthousiaste à l'occasion d'un article consacré aux Nancy Jazz Pulsations : « Difficile à définir car fortement irrigué, l'univers zapping aux multiples dynamiques de Stabat Akish se peuple autant des ombres du rock progressif 70's façon King Crimson que des compositeurs russes de la fin du XIXe siècle, tel Prokofiev. Si la référence à Zappa est inévitable, à cause d'un penchant non dissimulé pour «l'absurde et l'aléatoire à la manière des Monty Python», comme le précise Maxime Delporte, contrebassiste et leader du groupe, «il y a aussi des références à Charles Mingus, aux musiques de films et à la bande dessinée».
Pas mal, non ? Eh bien, malgré cette épaisse et gourmande couche de compliments, j'ai trop longtemps ignoré la joyeuse bande des toulousains de Stabat Akish.
Par conséquent, en ce mardi 13 octobre 2009, alors que Nancy Jazz Pulsations battait son plein et que je savourais à l'avance le bonheur d'un concert d'Univers Zéro, j'ignorais le plaisir qui me gagnerait en première partie de leur belle et intemporelle prestation. Je ne savais pas que le drapeau de Stabat Akish claquerait au vent comme il le fit durant une heure. Ah le beau concert ! Quel cadeau ! Vous pouvez lire maintenant le court texte que cette prestation m'inspira et qui constitue l'un des quatorze comptes-rendus écrits pour Citizen Jazz. A n'en pas douter, c'était l'un des temps très forts de la trente-sixième édition du festival.
« Il ne faut que quelques secondes pour comprendre pourquoi Stabat Akish, jeune groupe toulousain, a séduit le grand John Zorn au point que ce dernier leur ouvre les portes de son label Tzadik. Voici en effet une formation dont la musique vous cingle instantanément la figure tant elle est survoltée, virtuose et d'une complexité rythmique qui laisse d'autant plus pantois qu'elle est servie par de splendides arrangements. Une heure de musique qui passe comme si les minutes duraient quelques secondes... Entièrement composé par son leader, le contrebassiste Maxime Delporte, le répertoire est tiré de l'album Stabat Akish, à l'exception d'un inédit (« La serrure »). Splendide terrain de jeu où s'épanouissent le tourbillonnant Guillaume Amiel (vibraphone, marimba), Marc Maffiolo (saxophones ténor et basse), Ferdinand Doumerc (saxophones, flûte), Rémi Leclerc (claviers) et Stéphane Gratteau (batterie). Cerise sur le gâteau, ce petit monde très sympathique ne manque pas d'humour : on le débusque aussi bien à la lecture de certains titres (« La vache kiwi », « Dynamite cassoulet ») que dans leur nouvelle et temporaire dénomination à l'occasion de ce concert à Nancy : « Blaster Center » se trouve ainsi rebaptisé... « Stabat Akish Lorraine ». On ne saurait mieux dire pendant les NJP et c'est avec une vraie gourmandise qu'on déguste un final en forme de sound painting sous la conduite de Marc Maffiolo. Belle révélation, qui devrait occuper une place de premier plan sur la scène musicale d'avant-garde. C'est tout le mal qu'on souhaite à ce groupe profondément original ».
Vous savez quoi ? J'étais à peine rentré chez moi après ce concert qu'en quelques clics, j'avais commandé sur Internet le disque de Stabat Akish qu'un facteur bienveillant déposa dans ma boîte aux lettres quelques jours plus tard. Et là, dès les premières secondes de « La baie des anchois », j'ai pu sans peine retrouver tout ce qui m'avait transporté la semaine précédente : la générosité des compositions, la précision maniaque des arrangements, les syncopes et les ruptures incessantes, comme autant de rebondissements du scénario d'un film d'aventures un brin déjanté, voire d'un dessin animé un peu fou. Ces types-là peuvent se permettre de mobiliser une belle culture musicale sans jamais faire montre de la moindre cuistrerie. Parce que si leurs connaissances sont impressionnantes - on pourra relire plus haut quelques exemples de leurs influences - elles sont chez eux parfaitement assimilées et donnent naissance à un assemblage très prometteur. On n'en voudrait presque à Maxime Delporte et ses camarades de nous proposer quarante minutes de musique seulement ! Le disque de Stabat Akish est court, mais d'une densité de chaque instant qui vous happe. Surtout, il possède cette précieuse qualité de ne se découvrir réellement qu'au fil des écoutes, ce qui est la marque de l'élégance des grands artistes. Il y a de l'invention dans l'air chez Stabat Akish et c'est tant mieux ! Dans chaque composition se nichent mille trouvailles qui sont autant de propositions d'aller voir un peu plus loin, qu'il est possible de développer ou de combiner en autant de nouveaux petits univers autonomes. Stabat Akish, d'une certaine façon, ressemble à une stimulante séance de remue-méninges.
Voilà par conséquent une jeune pousse dont on surveillera attentivement la croissance en espérant que ses bourgeons seront les plus nombreux possibles. Allez, c'est dit : plus tard, quand je serai grand, je serai jardinier !
On peut commander le disque de Stabat Akish ICI par exemple ou bien directement sur le site de Tzadik.
En écoute, "La Baie des Anchois", qui ouvre l'album.
Visiter un marché de Noël - un vrai, pas une machinerie comme on en voit un peu partout avec de la bimbeloterie pseudo-artisanale fabriquée en RPC* - en Allemagne, c'est bien. Mais pratiquer l'exercice par un froid polaire (aux environs de -15°) et une bise cinglante malgré un franc soleil, c'est assez franchement redoutable ! On a beau avoir englouti la traditionnelle saucisse dans son morceau de pain, copieusement badigeonné de moutarde douce, on souffre, on souffre... Il reste alors un remède particulièrement efficace et réconfortant. Je n'ai pas besoin d'en dire plus, mis à part le fait que nos commerçants hexagonaux pourraient venir faire un petit tour par là et s'inspirer de la politique tarifaire pratiquée outre Rhin.... Je dis ça en passant.
* Nouvelle dénomination utilisée par la clique mercantile qui, s'apercevant que le cochon de consommateur faisait parfois la grimace à la lecture de la mention "Made in China", pense maintenant qu'il ne comprendra pas la signification de ce sigle traduisant l'existence d'une République Populaire de Chine.
Allons allons... Il ne faudrait pas croire que je me désintéresse de mon blog... C'est très loin d'être le cas et juste une question de temps, et rien d'autre. Si vous en voulez une preuve supplémentaire, cliquez donc sur l'image ci-dessus, celle qui est reliée à la dernière newsletter du festival Nancy Jazz Pulsations. En cherchant bien, vous finirez pas me trouver et vous pourrez vérifier que je reste assez scotché à mon clavier à des fins d'écriture. Pour Citizen Jazz principalement, je l'admets, mais après tout, ça change quoi au fond ?
Par ailleurs, et ceci n'a rien à voir avec ce qui précède, je tiens à dire ici haut et fort que je hais l'hiver. Surtout quand il est lorrain. Et surtout quand cet abruti ose se pointer en avance de plusieurs jours sur son entrée en fonction officielle.
Ce qui me fait penser qu'il faut absolument que je vous raconte comment un fournisseur d'électricité, public pas encore privé mais qui le sera bientôt comme son cousin gazier (Suez vs Veolia), se constitue une belle trésorerie avec notre argent, sans nous demander la permission, comme de bien entendu...
Le temps d'un long week-end, prolongé jusqu'au début de la semaine suivante, la ville de Lyon se mettait en lumières. La foule se presse, les déambulations sont souvent épuisantes, c'est la fête à la saucisse et à la bière... Au détour d'une rue, il y a cette place - dont j'ai oublié le nom, que les Gones me pardonnent - qui célèbre l'Italie et son cinéma, plus particulièrement celui de Federico Fellini. De quoi me remettre en mémoire un récent séjour à Rome... et de donner l'envie d'y retourner très vite !
15 novembre, 4 décembre... Près de trois semaines se sont écoulées depuis ma dernière note... Voilà bien longtemps qu'une telle traversée du silence n'avait pas marqué mon blog de son empreinte. Même si je ne me sens plus astreint aujourd'hui à une périodicité régulière, je peux constater que les paramètres favorisant l'inactivité de cet espace sont multiples : une période de travail assez harassante qui n'est pas encore terminée, d'autres travaux d'écriture assez prenants comme un très (trop ?) long compte-rendu des quatorze concerts auxquels j'ai pu assister dans le cadre du Nancy Jazz Pulsations ainsi que quelques chroniques de disques, pour mon Citizen Jazz chéri.
Ah, tiens, puisque j'évoque ce magazine : allez donc voir son nouveau visage, il est tout beau, il ressemble à un news magazine, avec sa une en trois colonnes. Vraiment, je tiens ici à féliciter les fées qui se sont penchées sur ce nouvel habillage qui donne tout à la fois envie de le lire et de prendre encore plus de temps pour le nourrir. Le nouveau "look" du site ne cède pas aux sirènes des modes actuelles, ce qui lui évitera peut-être de vieillir prématurément, mais il s'inscrit toutefois dans une vraie modernité. C'est une bonne nouvelle pour la musique, qui en a bien besoin, en ces temps de couvre-feu et de restrictions budgétaires qui vont bientôt finir par étrangler toutes les sources de jaillissement de la culture dans notre pays. Nous ne serons jamais assez nombreux pour travailler aux côtés des artistes, qui restent, quoiqu'en disent les comptables à oeillères, les meilleurs alliés de l'épanouissement individuel et collectif. C'est bien là un acte citoyen, un vrai engagement.
J'ai à mes côtés une pile de disques dont je dois parler et qui sont autant d'heures de travail dont je me réjouis à l'avance, même si pour l'heure je rencontre des difficultés à organiser l'agenda de mes soirées. Pierre De Bethmann, Sébastien Texier, Carla Bley, John Coltrane, Belmondo Quintet, Xing-Sa, Soft Machine, Oxyd... voilà quelques exemples des travaux en cours, sans oublier un bouquin consacré à Miles Davis par Franck Médioni qui, comme il l'avait déjà fait il y a deux ou trois ans à propos de Coltrane, a réuni 80 témoignages de musiciens pour parler du trompettiste.
Et puis... Ce silence un peu prolongé est aussi la traduction chez moi d'un état de consternation. Je ne reviendrai pas ici sur les soubresauts électoralistes de l'actualité politique hexagonale, sur toutes les errances médiatiques à base de "pas vu pas pris", sur la lepénisation des esprits qui rampe, qui rampe, sur le tout à l'ego des candidats à une très hypothétique alternance. J'ai juste un peu honte d'être français en ce moment, et souvent, ça me laisse sans voix...
Chouette, les Octave Doctors sont de retour ! Et croyez-moi, ça fait du bien ? Comment, vous ne les connaissez pas ? Ces mystérieux habitants d'une planète pacifique et invisible aux yeux des humains appelée Gong qui étaient venus faire un tour du côté de chez nous à l'époque où ils espéraient très fortement que la Terre pourrait elle aussi délivrer un message de paix. C'était à la fin des années 60... avant que, plus tard, ils ne décident de rentrer chez eux, un brin désappointés. Mais les voici qui reviennent, enfin, pour nous faire une généreuse offre de services en ce moment décisif dans l'histoire de notre planète si malade. Bon, soyons honnêtes : ce n'est pas moi qui le dis, mais eux !
Le plus réjouissant dans ce come back, c'est que l'équipe est presque au complet, celle de la grande époque, qui avait engendré la trilogie Radio Gnome Invisible. On dirait même que ce petit monde est en pleine forme : Deavid Allen, l'âme du groupe ; Steve Hillage, plus flamboyant que jamais à la guitare ; Mike Howlett à la basse ; Miquette Giraudy aux claviers ; Gilli Smith, désormais septuagénaire mais toujours à la voix et au « soupir spatial ». Sans oublier un invîté de luxe en la personne de Didier Malherbe qui vient à nouveau souffler avec ses vieux complices. Quant à Chris Taylor à la batterie, il ne m'en voudra pas, je pense, d'imaginer que si Pierre Moerlen n'avait pas été gagné par la stupide idée de mourir beaucoup trop tôt, il serait lui aussi de cette fête appelée 2032. Parce qu'il s'agit bien d'une véritable fête, pas du tout passéiste mais au contraire parfaitement ancrée dans notre époque. Et le rock aux envolées psychédélicosmiques de Gong sait se parer aujourd'hui de quelques belles couleurs du temps, ici électro, là hip hop comme dans « How To Stay Alive », tout en conservant son identité un peu folle, celle d'une imagination qui reste débordante et débridée.
On ne boudera pas son plaisir en écoutant, comme aux plus belles heures, Steve Hillage nous délivrer de magnifiques soli de guitare, pleins de rage et d'effervescence spatiale. On savourera les vocalises inimitables de Gilli Smith et l'on sera certain d'avoir trouvé le philtre de la jeunesse éternelle en compagnie d'un Daevid Allen dont la voix faussement fragile semble préservée lorsqu'elle glisse sur les nappes synthétiques déroulées par Miquette Giraudy. Voici donc un retour chez les terriens que l'on n'espérait même pas et qui nous réjouit au plus haut point. Des concerts sont annoncés, il serait bête de refuser une rencontre avec ces sacrés extra-terrestres que sont les habitants de la planète Gong.
On peut acheter l'album à un prix très raisonnable par ici...
En écoute, un extrait de "How To Stay Alive", lui-même extrait de 2032 !
Daevid Allen : voix, guitare, Steve Hillage : guitare, Gilli Smith : voix et soupir spatial, Miquette Giraudy : synthétiseurs, Mike Howlett : basse, Chris Taylor : batterie, Theo Travis : saxophone & flute, Didier Malherbe : doudouk, saxophone soprano, flûte, Yuji Katsui : violon électrique.
Voici un autre petit souvenir visuel de mon récent voyage à Rome. Nous sommes ici dans la Curie - enfin, ce qu'il en reste - au beau milieu du Forum antique. Pour mémoire et sans vous assommer d'un cours d'histoire, la Curie était le bâtiment dans lequel se réunissait le Sénat romain. Et l'on voit ici sur la photographie l'empereur Vespasien qui, selon notre guide du moment, arbore, je la cite « un sourire en coin ». Ce cher Vespasien, à qui l'on attribue l'expression : « L'argent n'a pas d'odeur », au prétexte qu'il avait inventé une taxe sur la collecte d'urine parce que celle-ci constituait à l'époque un excellent fixateur pour les peintures.
Qu'on me permette alors d'élever une taquine protestation : selon moi, c'est plutôt d'un sourire en petit coin que Vespasien nous gratifie ici...
Je ne me risquerai pas à l'exercice périlleux par lequel je chercherais à résumer en quelques lignes cinq longues et studieuses journées passées à la découverte de Rome, sous ses aspects les plus essentiels (j'emploi cet adjectif à dessein, dans son acception philosophique) : historique, artistique et religieux. La tentation serait grande, en effet, d'un inventaire des splendeurs qui se sont offertes aux yeux des membres du groupe dont je faisais partie, sous la conduite de différents guides, tous de très haut vol. Et du coup, je n'ajouterais rien de particulier à ce que beaucoup savent déjà et qu'on peut lire dans une myriade d'excellents bouquins ou de sites Internet fort bien documentés, tel ce Rome Passion, qu'on pourra recommander à celui qui voudrait aborder les rivages magiques de la ville éternelle. Ce qui me paraît en revanche plus digne d'être partagé avec mes lecteurs est ce sentiment très particulier qui étreint petit à petit au fur et à mesure de vos découvertes. J'ai tenté de donner un nom à cet état intérieur qui vous mène à l'introspection et à une approche de la vie qui, en quelques jours, vous éloigne de vos contingences matérielles (avant un retour à la vie réelle et son désagréable cortège automnal, pluie glacée et feuilles tombées, tristes mines de mes concitoyens). Impossible description, ou plutôt vaine tentative d'évocation de l'indicible... Et j'aurais tant aimé vous rapporter quelques témoignages sonores incomparables, comme le chant de ces quatre jeunes Italiens, dimanche au Panthéon. Pas eu le réflexe de pointer mon petit magnétophone sur leurs poignantes polyphonies d'inspiration grégorienne... Il me reste cependants quelques témoignages photographiques qui, je l'espère, seront pour vous la traduction des ces instants uniques. Ici par exemple, nous sommes dans le cloître de la Basilique Saint Jean de Latran : le soleil commence sa course lente vers le soir et illumine les torsades de pierre. La lumière est douce, on voudrait s'arrêter là un long moment...
Chaque année, il semble qu'une fois l'automne venu, la belle ville de Rome compte de nouveaux et très nombreux habitants. On dit en effet qu'à la fin du mois de novembre, les pigeons - je ne parle pas ici des touristes qui s'agglutinent ici et là pour acheter des souvenirs made in China d'un goût très douteux comme ils le feraient dans n'importe quelle autre capitale - s'installent un peu partout et décorent les rues et les voitures de leurs fientes gluantes et acides. Un vrai fléau... Mais un peu plus tôt - c'était le cas la semaine dernière lorsque je me suis rendu dans cette cité tellement chargée d'histoire - d'autres oiseaux viennent planer par dizaines de milliers à la cime des arbres pour y trouver leur nourriture. Les étourneaux assiègent Rome et décrivent dans son ciel encore bleu d'incroyables figures géométriques mouvantes. Un incessant ballet aérien qui nous démontre que nous sommes bien à la découverte de la ville étournelle...