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Musiques buissonnières - Page 24

  • Mop Meuchiine

    mop meuchiine.jpgLa musique de Robert Wyatt constituerait-elle à elle seule un univers qu’on peut explorer indéfiniment ? On serait tenté de le croire, surtout de ce côté-ci de la Manche, où les hommages se succèdent avec un légitime respect mêlé de beaucoup d’imagination et d’originalité. Wyatt est bien vivant et pourtant, on le célèbre à intervalles réguliers, on lui érige de belles statues musicales comme on le ferait d’un génie disparu.

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  • Colère

    Parfois, il vaut mieux s'effacer devant celles ou ceux qui, en quelques phrases bien senties, disent mieux que vous ce que vous ressentez. C'est exactement ce que je me propose de faire aujourd'hui. Où l'on voit que le racisme hautain de la racaille en costume ne suscite même pas un un début de réaction de la part d'une interlocutrice qui, pourtant, nous l'avait servie sur un plateau, celui d'une télévision dite de service public. Beurk !

  • Magique

    Nancy Jazz Pulsations, c'est fini. L'édition 2010 s'est terminée en apothéose avec une soirée de clôture tonitruante, sous les coups de boutoir de Marcus Miller et sa basse virtuose pour une relecture haute en couleurs de Tutu, ce disque de Miles Davis dont il avait été le compositeur, l'arrangeur et le producteur en 1986. J'aurai l'occasion de revenir sur ce festival dans un prochain article pour Citizen Jazz, afin de souligner quelques moments forts, comme le concert d'Avishai Cohen, ou la soirée réunissant le trio Thomas Savy et le quartet de Diego Imbert. Sans oublier, bien sûr, le grand Dave Holland au Chapiteau de la Pépinière.

    Et puis, délicieuse cerise sur ce savoureux gâteau musical, la prestation enchantée de Youn Sun Nah, une chanteuse coréenne envoûtante dont la complicité intimiste avec le guitariste Ulf Wakenius a suscité une adhésion méritée du public venu remplir La Fabrique, cette petite salle qu'on imaginerait volontiers devenir, ici, un lieu dédié au jazz. Ce lieu qui fait cruellement défaut à la ville de Nancy.

    ysn&mc_3_101015.jpgYoun Sun Nah © Jacky Joannès

    Le public est attentif lorsque Ulf Wakenius entre seul en scène pour nous proposer un petit échauffement (a warm up), seul à la guitare, avant l'arrivée de sa complice chanteuse. Dans la salle, un groupe d'enfants – toute une classe de sixième – ouvre de grands yeux, c'est le premier concert auquel ils assistent. Ils écouteront religieusement pendant près d'une heure et demie, captivés par le spectacle qui s'offre à eux. Très vite, Youn Sun Nah fait son apparition, arborant un sourire absolument désarmant. Elle nous dit quelques mots, nous explique dans un murmure combien elle est heureuse de se trouver là. Et c'est parti pour l'enchantement : qu'elle chante ses propres compositions ou des thèmes de bossa nova de João Gilberto ou Egberto Gismonti, qu'elle reprenne à son compte « Avec le temps » de Léo Ferré ou « My Favorite Things » (dont la version transfigurée de John Coltrane fêtera ses 50 ans après-demain), cette chanson tirée de La Mélodie du Bonheur pour une interprétation a cappella avec comme seul instrument un discret kalimba, qu'elle nous emmène dans son pays avec un chant traditionnel coréen, tout devient beau, habité par la grâce. Oui, la grâce ! Il y a des artistes charismatiques, magnétiques et parmi eux, certains ont en plus cette faculté supplémentaire de rayonner et d'emporter avec eux leur public vers un ailleurs un peu magique. Youn Sun Nah est de ces êtres qui irradient leur entourage au point qu'au moment où les lumières se rallument, on se demande si l'on a vécu ces instants ou si on les a rêvés.

    C'est d'ailleurs ce que j'ai tenu à lui dire alors que, venue saluer son public, la chanteuse s'émerveillait devant ces enfants qui levaient le doigt pour lui poser des questions, avant de lui tendre de petites feuilles blanches pour emporter avec eux un autographe. 

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    Youn Sun Nah & Maître Chronique © Jacky Joannès

    Youn Sun Nah ose à peine croire aux compliments qu'on lui fait, c'est elle qui nous remercie alors qu'autour d'elle, les yeux brillent, encore illuminés par ces instants de bonheur, par cette cérémonie du chant durant laquelle elle aura démontré l'étendue de son talent, qui est immense. On reste fasciné par l'aisance avec laquelle elle aura pu faire appel à son registre vocal – du soupir au cri – et mener, non sans humour parfois, sa belle embarcation musicale.

    Et pour que la fête continue encore un peu...



    Découvrez Youn Sun Nah en live avec "My favorite things" sur Culturebox !

  • L'œil et la main...

    Portraits-Croisés.jpg

    Cette fois, c'est la dernière ligne droite ! Encore un tout petit travail de rédaction - mais pas un portrait - et j'aurai mis un terme à mes petites activités musico-littéraires sur lesquelles je planche depuis la fin du mois de mai... Voilà une expérience qui m'aura comblé au-delà de toutes mes espérances, quels qu'en soient le résultat et l'accueil que réservera le public à deux visions complémentaires de ces musiciens qui seront à l'honneur pendant plus de deux semaines à la Médiathèque de Laxou.

    Moins simple qu'elle n'y paraît, la petite histoire qu'on a envie de raconter en quelques lignes est le fruit d'une méthode que je me suis appliquée de manière assez rigoureuse : une fois les artistes sélectionnés d'un commun accord avec mon complice Jacky Joannès, j'ai toujours procédé de la même façon. Essayer de faire le vide pendant de longues minutes, puis penser silencieusement au musicien et noter immédiatement les premiers mots qui me venaient à l'esprit. Et tenter de me débrouiller avec tout ça pour raconter quelque chose, qui ne soit ni biographie ni chronique... Non, autre chose que j'aurais bien du mal à définir. Une tentative un peu littéraire, dirais-je...

    Tout le reste se sera apparenté à un travail que je qualifierai volontiers d'artisanal. Car une fois la forme dégrossie, il a fallu polir avec patience pour parvenir à un résultat que je n'oserais qualifier de satisfaisant mais dont la musique des mots se trouvait en harmonie avec ce que m'inspirait chacun des artistes.

    Dans quelques jours, de toute façon, ce travail ne m'appartiendra plus.

    PS : merci à Elise pour les menues retouches apportées à ce self made visuel !

  • Monsieur Xavier !

    L'un des meilleurs antidotes à la puanteur du monde qui nous entoure, au comportement nauséabond et à la veulerie de ceux qui s'en disent les acteurs essentiels, est peut-être de se tourner vers des personnes desquelles émane un fort rayonnement, une lumière bienfaisante. Ils vous laissent espérer que tout n'est peut-être pas perdu... et vous irradient !

    Il est vrai aussi que la rupture née de la fin de mon travail d'écriture pour l'exposition « Portraits Croisés » n'est pas sans conséquence sur mon propre fonctionnement... Je me sens comme en état d'apesanteur, un peu prostré, à la recherche d'un prochain projet vers lequel je pourrai me tourner pour y engloutir mes forces. The exhibition blues, peut-être... C'est ainsi... Pendant que d'autres nous recommandent de travailler plus pour que, eux et leurs alliés de la finance paresseuse, gagnent plus, je lis dans les temps à venir, plus que jamais, la nécessité de dessiner les contours d'une vie moins utilitaire, plus orientée vers l'irrationnel, au centre de laquelle se trouve, bien sûr, la musique (mais pas seulement).

    Tenter de résister à la tentation consumériste, concéder à la pression quotidienne le minimum d'une dépense souvent peu utile, marquer le pas et réfléchir. Rester lucide. Défier les nuisibles d'un grand bras d'honneur salutaire... Ne pas leur concéder le moindre neurone disponible...

    Revenons donc à une action totalement bénévole, dédiée à la musique et n'ayant pour seul objectif que la propagation vers le plus grand nombre des bienfaits d'une passion partagée par deux amis. « Portraits Croisés » mettra assez largement en scène une soirée retentissante dans l'histoire de Nancy Jazz Pulsations : celle du 11 octobre 1975, qui vit réunis sous le Chapiteau de la Pépinière des noms prestigieux : pensez donc, Dizzy Gillespie, Oscar Peterson, Milt Jackson, Joe Pass et des meilleurs... Une dizaine de monstres sacrés, un « all stars » réuni sous la houlette d'un imprésario fantasque et amateur de bonne chère, Norman Granz. Cette mise en scène sera par ailleurs illustrée d'une manière surprenante, qu'il m'est impossible de révéler pour l'instant, mais dont je suis certain qu'elle devrait étonner celles et ceux qui viendront faire un petit tour du côté de la Médiathèque de Laxou entre le 6 et le 23 octobre. Je précise ici que ce coup de projecteur braqué sur l'édition 1975 de NJP ne constitue qu'une sorte d'enclave, nichée au milieu d'une cinquantaine de portraits individuels mettant en scène des musiciens s'étant produits sur les différentes scènes du festival depuis ses débuts, en 1973.

    Je dois donc peaufiner cet événement dans l'événement en rédigeant un ultime texte de présentation d'une soirée haute en couleurs dont le contenu m'aura été largement inspiré par ma rencontre avec un grand monsieur, Xavier Brocker. Cet septuagénaire éternel adolescent est une figure historique du festival, puisqu'il en fut le premier directeur artistique (en 1973 puis en 1975), à une époque où l'organisation d'une telle manifestation revêtait un caractère beaucoup plus artisanal et d'où l'improvisation n'était pas exclue, qu'à notre époque qui voit la mise en place d'une véritable machinerie et l'implication d'un grand nombre de personnes et de partenaires issus du monde économique.

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    Xavier Brocker © Maître Chronique - Septembre 2010

    Dans l'intimité bruyante d'un bar du centre ville, j'ai ouvert mon magnétophone et laissé ce grand bonhomme me raconter avec une inénarrable faconde et une grande fraîcheur ses aventures plutôt cocasses et les difficultés rencontrées quand il s'est agi pour lui de mettre tout ce petit monde face au public pour interpréter un numéro de musique bien rôdé, jusqu'aux enchaînements de chorus parfaitement huilés par de nombreuses heures de scène. Dix musiciens « professionnels » jusqu'au bout des instruments, attendant l'arrivée de leur imprésario, et refusant de se produire tant que ce dernier, avec lequel et personne d'autre ils avaient signé un contrat d'engagement, ne leur aurait pas donné le top départ. Pas de chance, Norman Granz avait choisi ce soir-là de s'installer à l'une des meilleures tables de l'époque, jusqu'à en oublier l'heure fatidique. Il fallut le débusquer, lui faire comprendre qu'il ne pouvait rester là et que le spectacle devait commencer. Pas commode, le type s’exécuta mais compromit par les mauvaises relations qui s'installèrent alors la soirée du jeudi suivant, dont les têtes d'affiche s'appelaient Count Basie et Ella Fitzgerald. Excusez du peu... Toute cette histoire aurait pu finir en procès si la Ville de Nancy, impliquée dans le financement du festival, n'avait pas eu la bonne idée d'en rester là, tant le risque d'une mauvaise surprise financière était élevé, n'oubliant pas que les Américains, procéduriers et implacables en affaires, avaient mis toutes leurs chances de leur côté.

    J'entends la voix de Xavier Brocker me raconter cette histoire ! Et poursuivre sur d'autres aventures, celles du saxophoniste Archie Shepp, qui, après avoir revendu le billet d'avion fourni par NJP afin d'en acheter un second lui permettant un petit crochet par... Rome ! avait confondu cette année-là Nancy et Massy-Palaiseau ! Et s'apercevant de sa méprise, demandant au chauffeur de taxi de le conduire au plus vite, lui et ses musiciens, soit deux voitures, de la région parisienne jusqu'en Lorraine, aux frais du festival bien entendu. Je revois mon interlocuteur me laisser deviner à quel point lui-même se sentit ce soir-là très mal, à la seule idée de présenter une facture exorbitante à l'organisation de Nancy Jazz Pulsations. « Une annus horribilis ! »... et le risque pour lui d'être complètement discrédité vis-à-vis de ses petits camarades...

    Trente-cinq ans plus tard, Xavier Brocker vit toujours la musique avec la même passion, il ne résiste que très difficilement au plaisir d'une « causerie » où il aura toujours des milliers de petites histoires essentielles à nous raconter, à chaque fois il voudra illustrer son propos par une série d'écoutes à vocation pédagogique. Dans un vrai souffle, celui de l'enthousiasme et d'une jeunesse intacte.

    Je lui dédie bien volontiers mon travail en cours, tout en sachant que je ne suis probablement pas digne de son talent ni même de la force qui l'habite toujours. J'aimerais seulement être animé de la même fraîcheur d'âme que lui, ce serait déjà beaucoup...

  • Résistance

    depression_van_gogh.jpgRentrée en Lorraine. C'est déjà l'automne. Le ciel est gris, le mercure a d'ores et déjà effectué son grand plongeon, comme pour nous punir de quelques journées un peu plus chaudes que la moyenne au début du mois de juillet. J'en viens chaque jour à me dire que je ne terminerai pas ma vie ici. Trop terne, trop livide, pas assez de lumière...

    L'été n'aura pas été sinistre que du point de vue météorologique. La sphère politique me laisse dans un état d'inquiétude et d'hébétude. Il paraît qu'à la tête du pays se trouvent des "responsables". Ah bon ? Mais comment ont-ils pu en arriver là ? Comment peut-on à ce point s'enivrer de pouvoir au point de manipuler cyniquement la stigmatisation et le mensonge ? Pour la première fois depuis bien longtemps - depuis toujours ? - je me sens honteux d'être Français. Et qu'on ne vienne pas me faire le coup des pays où la situation est encore pire ! Je sais qu'ils existent, mais est-ce vraiment une raison pour accepter cette vicieuse dérive ? NON ! Je ne peux pas m'y résoudre.

    Mais une voix vient sans cesse me parler, qui me dit, surtout, de ne pas baisser les bras. Elle me suggère de me souvenir que quelles que soient les errances des décennies passées,  les trahisons, les manquements aux promesses, il nous reste tout de même une dernière arme à ne pas laisser rangée au placard : notre bulletin de vote. Celui-là est prêt et connaît ses ennemis !

    Je serai assez peu présent sur ce blog durant les semaines à venir. Non par manque d'intérêt ou je ne sais quel phénomène d'usure, mais parce que mes activités "périphériques" se bousculent un peu au portillon et que l'heure des choix - temporaires - est venue.

    Il me reste en effet à mettre la dernière touche aux textes que je rédige pour l'exposition "Portraits Croisés" où une cinquantaine de musiciens seront à la fois mis en images par mon ami Jacky Joannès et en phrases par ma pomme. A découvrir du 6 au 23 octobre à la Médiathèque de Laxou. Et pour ceux qui ne pourront venir faire un petit tour par là, nous préparons un petit livre numérique dont il vous sera possible de commander un exemplaire numéroté et dédicacé. Il sera disponible à la fin de l'année.

    Je dois également donner la priorité à Citizen Jazz, auquel j'ai consacré du temps l'année passée, mais pas autant que je ne l'aurais souhaité. La pile de chroniques (un chouette bouquin, de bien beaux disques) ne cesse de s'élever sur la petite tablette de mon Chalet Suisse et sa vision me plonge à chaque fois dans un abime de culpabilité vis-à-vis de ma rédactrice en chef à qui je promets souvent une publication rapide et qui doit bien constater que mes travaux sont toujours en retard...

    Tiens, il y a justement sur Citizen Jazz un texte écrit par Guillaume de Chassy. Ce musicien exprime parfaitement ce que je ressens en ce moment. Je vous laisse le découvrir. C'est un appel à la vigilance et à la résistance qu'il faut lire, non seulement parce qu'il est bien écrit, mais parce qu'il résume de manière lumineuse la difficulté pour l'art et la culture d'exister dans un monde dominé par l'argent et la rentabilité. Je choisis ici mon camp, celui de l'Être, contre celui, méprisable et vulgaire, du paraître.

    Par la même occasion, profitez-en pour picorer quelques autres lectures sur le site du magazine ! Et à très bientôt...

  • Demain

    Il est possible que la période estivale – bientôt les vacances, allez savoir pourquoi j'y pense des mois à l'avance et qu'une fois venues elles me mettent dans un étrange état d'inquiétude – favorise le relâchement, relatif toutefois, de ce blog. Non par une volonté d'inactivité de ma part, mais plutôt parce qu'il m'est impossible d'être ici et là en même temps.

    N'étant finalement qu'un bipède humanoïde banal, je me sens partagé entre le désir ludique d'alimenter régulièrement ces pages et la nécessité joyeuse de mener à bien un objectif que je me suis assigné depuis quelques mois : finir d'écrire, puis peaufiner durant l'été la bonne cinquantaine de mini portraits que je dois rédiger pour l'exposition « Portraits Croisés » qui m'associe à mon pote photographe Jacky Joannès. Pour chacun des instantanés – toujours très beaux, mon complice ayant conservé par delà les années un regard d'enfant en perpétuel état d'émerveillement face aux artistes – quelques lignes qui raconteront une petite histoire. J'espère réussir dans cette entreprise et contribuer à donner un peu de bonheur à celles et ceux qui viendront voir notre travail à la Médiathèque de Laxou du 6 au 23 octobre prochains. De toute façon, je n'ai plus le choix, cette exposition a fait l'objet d'une annonce officielle dans le dossier de presse du trente-septième Nancy Jazz Pulsations. Ah oui, j'avais oublié de vous préciser que les portrai(tor)turés sont des musiciens, pour la plupart captés lors de NJP depuis plus de trois décennies. Étrange aussi d'observer, que dis-je, de ressentir que cette « matérialisation » de ce qui n'était jusque là qu'un projet vient injecter perfidement dans mes veines sa petite dose de stress... Une douce torture, cependant, un exercice de double admiration. Et une manière de dire merci aux musiciens.

    En écrivant ces lignes, en évoquant l'idée d'un remerciement, je repense instantanément à la soirée du 25 juin, lorsque dans le cadre du festival Vand'Jazz, le Bernica Octet dirigé par François Jeanneau avait partagé la scène du Centre Culturel André Malraux de Vandœuvre-lès-Nancy avec le chouette saxophoniste anglo-américain Will Vinson. Juste avant le concert, j'étais attablé avec un homme charmant, le guitariste Denis Moog. Le vin rosé était frais et bienvenu, les macarons délicieux et la conversation très chaleureuse.

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    Denis Moog avec le Bernica Octet au Festival Vand'Jazz © Jacky Joannès

    Chacun de nous deux s'est livré à son propre exercice de reconnaissance : mélomane et rien d'autre, je me devais d'expliquer à celui qui allait monter sur scène quelques minutes plus tard que l'écriture d'un texte ou d'une chronique consacrée à un disque ou un concert est la seule arme dont je dispose aujourd'hui pour rendre une part très infime de ce que les musiciens m'ont apporté depuis l'enfance. Lui, de son côté, exprimait une passion intacte et communicative.

    Incapable d'extraire quelque note que ce soit – même celle de l'horrible flûte à bec des années collège – et totalement inhibé par le génie de mes idoles, je n'ai jamais eu le courage d'imposer à la musique sa plus cuisante défaite, celle qui aurait été occasionnée par ma contribution à la diffusion d'un art majeur dans la sphère familiale sous la forme de l'erreur grossière consistant à tenter vainement de produire le moindre son en public. J'ai cessé toute activité de ce genre en 1963 – j'avais cinq ans – lorsque mon institutrice, probablement dure d'oreille et sous le charme de ma précocité scolaire, avait trouvé bienfaisante l'idée de m'exhiber d'une classe à l'autre, jouant mécaniquement « L'hymne à la joie » ou « Les enfants du Pirée ». Même mon pauvre Mélodica, cadeau ultérieurement trouvé un soir de Noël au pied d'un sapin, n'a jamais voulu que je lui fasse l'injure de lui extorquer quoi que ce soit d'autre que le clic ou le clac produit par l'ouverture et la fermeture du bouton pression de son étui en plastique vert. Je suis un amusicien, le a étant ici, on l'a compris, privatif.

    Oh je n'ai pas dit toute cela à Denis Moog, c'est là une digression postérieure qui traduit mon état d'esprit permanent. Je me suis contenté de lui faire part de mon souci d'écrire au plus juste les émotions et les vibrations que me procure la musique et de ne pas perdre inutilement mon temps à émettre des jugements négatifs. J'écris dans le seul but de partager le plaisir.

    Après m'avoir fait part de celui qui est le sien à travailler aux côtés de ce septuagénaire flamboyant et toujours inventif qu'est François Jeanneau, mon partenaire de bavardage a tenu à souligner l'importance que peuvent revêtir les récepteurs que nous, simples mélomanes, sommes, en ce sens que nous venons enrichir et donner tout son sens au travail d'émetteur qui est celui des musiciens.

    J'ai envie de le croire, j'ai besoin de savoir qu'à ma modeste place, je peux apporter une pierre – un caillou me suffirait, d'ailleurs – à ce magnifique édifice qui a pour nom musique. Et je veux bien poursuivre dès que possible ce dialogue impromptu avec lui. S'il dit vrai – je lui fais totale confiance sur ce point comme sur les autres – alors je peux continuer et me dire que chaque jour doit être celui d'une possible découverte, d'une nouvelle émotion, d'une absence de calcul dans le partage des instants d'éveil. La meilleure façon pour moi de me tenir debout et de ne pas me résigner tristement à seulement contempler le spectacle de la médiocrité du quotidien. Tomorrow will be another day...

  • Renaissance

    cale_clapton.jpgAllez comprendre... Il m'arrive parfois d'être surpris par mes propres émotions musicales tant elles pourraient sembler irréductibles les unes aux autres. Moi le Coltranien quasi-obsessionnel, le rédacteur un peu maniaque (et, ce faisant, pas toujours aussi productif qu'il le souhaiterait) de Citizen Jazz, le mélomane non pratiquant en quête névrotique de sensations fortes et toujours prêt à se laisser embarquer vers des contrées dont il lui plaît d'ignorer par avance la géographie, je ne peux me résigner à me repaître uniquement de ces nourritures puissantes dont la digestion nécessite parfois qu'on les ingère non sans patience et précaution. Car je m'épanouis aussi – j'espère être pardonné ! – sur des chemins beaucoup mieux balisés, dont je connais par cœur le point de départ et l'itinéraire en général rectiligne.

    C'est l'un et l'autre.

    Je viens par exemple de consacrer beaucoup de temps à écouter la musique d'Olivier Greif, une œuvre hantée de mysticisme et sur laquelle semble planer en permanence une interrogation inquiète de la mort : Meeting Of The Waters, The Battle Of Agincourt, Sonate de Requiem, pour citer de récents achats dont je ne cesse de me féliciter (vous avez bien lu : acheter un disque.. quelle drôle d'idée !).

    Comme par un mouvement de balancier intérieur auquel je ne peux me soustraire, j'éprouve – quelque temps plus tard – une nécessité sereinement teintée de rock, de folk ou de blues. Une envie de revenir en arrière, à cette époque où je découvrais jour après jour de nouveaux disques sous la guidance méthodique et cultivée de mon frère. Le temps de l'adolescence, des émerveillements, d'une certaine volonté aussi d'ignorer les vicissitudes de notre monde vulgaire, partant de l'idée que le jour de l'affrontement avec la réalité viendrait bien assez vite. Une plongée dans l'innocence.

    Il y a dans cette alternance de temps forts et de moments musicalement sécurisés comme une exigence permanente d'un retour aux sources, celle d'une impérieuse renaissance sans laquelle la grisaille du quotidien serait trop envahissante, étouffante même.

    Une respiration vitale. Un luxe, certes, mais un précieux recours... So precious...

    Après Olivier Greif et son classicisme atonal et parfois sériel, après ses inspirations de feu et de glace, j'ouvre aujourd'hui en grand les fenêtres pour découvrir un paysage brûlant, mais de la caresse d'un soleil généreux. Je suis on The Road To Escondido, et je cherche la revitalisation par un simplissime « Danger », en compagnie – excellente au demeurant – de J.J. Cale et Eric Clapton (vous pouvez l'écouter un peu plus bas, ne vous en privez surtout pas).

    Danger
    She's out into the night
    Danger
    She's such a pretty sight
    She was treated so badly it seems
    Now she's looking full of dreams
    Danger
    She's out into the night

    Aucune fioriture, rien de vraiment neuf dans cette musique qui balance tranquillement, une invitation mélodieuse à la contemplation qui ne m'inspire aucun sentiment de culpabilité, parce que toutes les musiques se valent quand elles sont habitées par une âme généreuse...

    Bien qu'enregistré en 2006 – il est par ailleurs la dernière apparition de l'organiste Billy Preston – ce disque pourrait avoir été publié trente ans plus tôt et n'apportera probablement rien à l'histoire de la musique contemporaine.

    Qu'importe ! Les deux lascars expriment au mieux une certaine idée de l'épure. Si deux notes sont nécessaires, pas besoin d'en jouer trois. Si un chorus de guitare se laisse deviner parce qu'il a un petit air de déjà entendu, c'est tant mieux, on ne demande rien d'autre. On ne veut pas subir un effet de surprise : bien au contraire, on veut revivre ce qu'on a déjà vécu. Et bien que signé Cale – Clapton, ce disque doit énormément au premier qui compose la quasi totalité de ces songs et y imprime sa marque très particulière, celle d'un flegme faussement somnolent qui est devenu sa carte d'identité au gré des albums.

    J'aurais pu choisir d'autres exemples, ils ne manquent pas par ici. Il faudra d'ailleurs, puisqu'on évoque une certaine musique américaine, que je vous dise deux mots d'un disque quasi introuvable aujourd'hui et qui me procure des sensations identiques. Son auteur a eu l'extrême gentillesse de me le faire parvenir : Métropolitain, du guitariste Alain Bellaïche, très bien entouré à l'époque – celle des années 70 – de grands messieurs ayant pour nom Alain Renaud ou Nils Lofgren est en effet une petite perle où se croisent avec bonheur les influences de Crosby, Stills, Nash & Young, The Doobie Brothers ou encore mon Hot Tuna fétiche. Mais j'y reviendrai, parce que tout ceci mérite bien plus qu'une rapide conclusion à cette note un peu existentielle.

    En attendant... goûtez tranquillement la saveur de ce chouette « Danger » ! Et laissez-vous aller à ces quelques minutes d'un revitalisant carpe diem musical.

  • Rideau

    Terzieff_Laurent.jpgL'état de décomposition avancée dans lequel se trouvent aujourd'hui le pouvoir politique hexagonal et son cortège de vulgarités quotidiennes ne fait que rendre plus éclatante et magique l'élégance presque surnaturelle qui caractérisait Laurent Terzieff. Ce très grand acteur nous a quittés, il venait d'avoir 75 ans.

    Cette voix, cette allure de vieil adolescent, cette beauté torturée, cette fièvre dans le regard, cette intelligence...

    Qu'ajouter de plus ?

    Je ne fais pas partie des heureux privilégiés qui auront eu la chance de l'admirer sur scène. Toutefois, une anecdote – une "presque rencontre" éphémère et mystérieuse – me relie à lui.

    C'était il y a deux ans, au mois de juillet 2008. J'étais attablé pour déjeuner du côté de Saint-Germain des Prés. Brusquement, comme surgi de nulle part, il est apparu – grave et silencieux – du fond de la salle où il s'était installé lui aussi, pour s'évanouir aussitôt sur le Boulevard, dans une démarche à la fois hésitante et vaporeuse. Comme s'il flottait à quelques centimètres au-dessus du sol... Cette image d'un homme loup solitaire est restée gravée dans ma mémoire. J'ignore si elle correspond vraiment à celui qu'il était, mais elle le pare d'une aura qui était très certainement la sienne, celle de son immense talent.

  • Dédicace

    Premier retour, en quelques lignes, sur une soirée musicale passée tout récemment au Centre Culturel André Malraux de Vandœuvre-lès-Nancy. C'était vendredi dernier et la programmation du festival Vand'Jazz réservait la première de ses deux soirées à un concert, lui-même en deux parties : tout d'abord le bouillonnant Bernica Octet, sous la direction de l'éternel adolescent et néanmoins septuagénaire François Jeanneau, puis l'élégant quartet du saxophoniste anglais Will Vinson.

    Juste avant quelques gourmandes agapes en prélude aux concerts, j'ai tenu à honorer une promesse faite à François Jeanneau : lui apporter mes trois 45 tours du groupe Triangle (dont il était l'un des membres éminents) achetés voici près de quarante ans. Sur le premier : « Peut-être demain » et « Blow Your Cool » ; sur le second : « Viens avec nous » et « La confusion » ; sur le troisième enfin : « Les contes du vieil homme » et « Les brumes de Chatou ».

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    Photo François Jeanneau & MC © Jacky Joannès

    Il se trouve que mon ami Jacky Joannès, toujours là quand il faut – the right man in the right place – était en embuscade, l'objectif rivé à la rétine et a fixé pour l'éternité (enfin, bon, là, j'exagère un peu tout de même...) ce moment que François Jeanneau a parfaitement résumé sur sa dédicace : « Après tout ce temps ».

    Et si on écoutait Triangle, pour fêter ça ?

  • Chaîne de moral

    Je suis interpellé par une camarade blogueuse qui me demande de participer à une « chaîne de moral » : en d'autres termes, je dois citer ici trois choses qui me sapent le dit moral. Hou la la... je vais devoir être sélectif... parce qu'en plus de tout ce qui navre depuis 52 ans et quelques semaines (19149 jours très exactement), l'actualité nous livre des exemples pitoyables en nombre si important qu'il est même devenu inutile de se baisser pour les ramasser !

    Alors je m'y colle...

    Prends l'oreille et tire-toi. On ne pourra jamais rien y changer. Pendant qu'ils nous lancent de pressants appels à une rigueur qu'ils ne s'appliqueront jamais à eux-mêmes, nos prétendus « responsables » s'en mettent plein les poches et nous méprisent à grand renfort de mensonges et de conflits d'intérêts. Je rêve de ce jour où l'on pourra ajouter l'exemplarité en quatrième mot sur les frontispices de nos édifices (comme disait Catherine Ribeiro). Mais ce n'est qu'un rêve, voire une utopie.

    La culture avachie (ce que j'appelle la druckerisation). Combien de décennies faudra-t-il encore attendre avant que les médias ne se défassent de ces ternes apôtres du conformisme le plus courbé, toujours dans le sillage des pouvoirs en place ? Combien de temps avant qu'à la place de ces médiocrités ayant pignon sur écran, un peu de place - rien qu'un peu - soit enfin accordée aux créateurs, aux inventeurs, aux éveilleurs ? A ceux qui nous font regarder vers le haut et nous élèvent.

    L'alcoolisation massive des adolescents. C'est un truc qui non seulement me sape le moral, mais qui me fait vraiment peur. Il y a là une gigantesque bataille à mener, je crains toutefois que bien trop de parents ne soient malheureusement incapables de la gagner. Et après ?

    Fort heureusement, je terminerai sur les trois choses qui me remontent le moral..

    La découverte permanente. Musique, littérature, peinture, bref tout ce qui nous fait apprendre. Celle par exemple d'un nouveau disque réjouissant, inventif, qui va me surprendre et me faire vibrer : comme celui la Mop Meuchiine qui joue la musique de Robert Wyatt avec un incroyable talent. Ou, dans un tout autre genre et sublime néanmoins, un magnifique adagio composé par le regretté Olivier Greif qu'il faudra bien un jour reconnaître comme l'un des plus passionnants compositeurs du XXe siècle. Je lui consacrerai bientôt une note, qui fera suite à deux que je lui ai déjà consacrées.

    Les éclats de rire de ma petite-fille quand elle veut jouer à cache-cache avec moi derrière le canapé, au deuxième étage de la Maison Rose. Sans oublier sa vraie gourmandise quand elle rencontre un délicieux macaron.

    Le partage. Passer deux heures en compagnie d'un ami qui me raconte les souvenirs qu'il a accumulés durant les années 70, quand il avait créé un fanzine et fait de belles rencontres. Puis retranscrire cette conversation pour Citizen Jazz.

    Pour finir, je crois qu'une chaîne ne doit pas être rompue et qu'il me faut proposer à deux personnes de relever ce petit défi. Alors j'invite deux camarades blogueuses à continuer après moi : Françoise et Elisabeth.

    A vous de jouer mesdames !

  • Portal & Terrasson

    Vidéo Jazz. C'est le onzième rendez-vous du collectif de blogueurs appelé le "Z Band". Ses membres étant un tantinet débordés actuellement par leurs occupations respectives, le travail d'écriture d'un article sur un thème choisi de manière concertée est reporté au mois de septembre. Mais il était hors de question de manquer notre rendez-vous trimestriel : nous avons par conséquent décidé de chercher, chacun de notre côté, une vidéo. Voilà, pas plus compliqué que ça !!!

    Je vous propose par conséquent de retrouver dans ce cadre un duo hautement sensible composé de deux musiciens que j'affectionne tout particulièrement, tant pour la brûlure de leur jeu que pour leur sens de l'écoute réciproque. Je n'évoque même pas leur maîtrise instrumentale, elle va de soi, elle est au-delà.

    Nous sommes au mois d'août 2007, au festival Jazz In Marciac. Jacky Terrasson (piano) et Michel Portal (clarinette basse), interprètent avec un feu intérieur qui force l'admiration une composition de ce dernier, "Max mon Amour", dont on peut trouver une magnifique version sur son très beau disque Musiques de Cinémas déjouées avec des amis jazzmen en 1995. Souvenons-nous aussi que ce thème illustrait à l'origine le film réalisé par Nagisa Oshima en 1986, avec Charlotte Rampling en premier rôle (ainsi qu'un chimpanzé dont elle tombait amoureuse, si mes souvenirs sont exacts).

    Cette note est aussi l'occasion pour moi de prendre date : il faut absolument que je prenne plus de temps pour évoquer Michel Portal, un très grand monsieur ! Un de mes artistes compagnons de vie...

    Z Band

    Un peu maigrichon cette fois, les contributions étant peu nombreuses... Elles n'en méritent pas moins le détour !

    - Ptilou : Portal, Collignon, Bojan Z au Duc des Lombards
    - Jazz Frisson : Souvenirs de Rio
    - Mysterio Jazz : Casuarina

  • Atem

    atem.jpgJe dois recevoir très prochainement chez moi – à des fins d'interview pour Citizen Jazz – une personnalité bien connue des amateurs lorrains (et pas seulement d'ailleurs) des musiques dites « de traverses ». Gérard Nguyen, puisque c'est de lui qu'il s'agit, va en effet soulever de plaisir beaucoup de gens en publiant aux éditions Camion Blanc une sélection d'articles publiés durant la seconde moitié des années 70 dans le magazine qu'il avait alors porté à bout de bras : Atem. Ce journal incomparable – 16 numéros édités entre 1975 et 1979 – fut en effet une formidable aventure humaine que nous sommes nombreux à avoir vécu non sans fièvre, guettant la prochaine édition, nous arrachant les yeux parfois (au début) sur une mise en page dense et aride. Ah, que de beaux noms ont pu être convoqués au sommaire de ce réjouissant et singulier Atem ! Il suffit de regarder la couverture du livre qui paraît aujourd'hui pour s'en convaincre : Kevin Ayers, Tim Buckley, Can, Kevin Coyne, Nick Drake, Brian Eno, Faust, Robert Fripp, Philip Glass, Peter Hammill, Hatfield & The North, Heldon, Henry Cow, Hugh Hopper, Magma, John Martyn, Nico, Steve Reich, The Residents, Suicide, This Heat, Tom Waits, Robert Wyatt, etc. Un casting de rêve qui associe des artistes issus de sphères différentes : rock, jazz, musique contemporaine ou expérimentale, … mais ayant en commun une démarche artistique hors normes et intrinsèquement créative. Plus de 560 pages d'articles et d'interviews qu'on n'a pas fini de lire et de relire. Une sorte de livre de chevet, un compagnon de vie.

    Il est amusant aussi de se rendre compte que la parution d'Atem – qui fut aussi un label de disques tout aussi inventif et sans équivalent, dont les têtes de pont s'appelaient notamment Univers Zéro ou Présent – fait remonter à la surface de vieux souvenirs, très agréables.

    L'époque de l'Université par exemple, lorsqu'à peine mon dernier cours de la journée terminé, je ralliais au plus vite le magasin de disques où le même Gérard Nguyen, l'œil malicieux, une Camel filtre au bec et toutes platines Marantz dehors, nous faisait partager ses passions de l'époque, celles justement dont on va pouvoir relire les textes qui en étaient nés.

    Je me souviens... de ce soir d'octobre 1976 où, après une attente interminable – la publication du disque annoncé étant sans cesse reportée – les premières mesures de « De Futura » de Magma avaient retenti avec une sombre solennité. Jannick Top et Christian Vander tentaient une éphémère association dont la deuxième face de l'album Üdü Wüdü – avec une pochette provisoire et de belles fautes d'orthographe – se présentait comme le fidèle reflet. Une attaque de Kobaïa, rue Gambetta !

    Je me souviens aussi, quelques mois plutôt, de ce soir où j'avais embarqué (avec l'accord du patron, évidemment) plusieurs numéros du magazine pour le faire connaître à Jean-Bernard Hébey, alors animateur à RTL, qui avait posé sa bulle à Nancy pour une semaine, et dont l'émission quotidienne était une source assez éclectique de découvertes musicales en début de soirée.

    Atem ! Les anciens vont se réjouir de cette résurgence, les plus jeunes vont sans nul doute avoir du mal à ne pas admettre qu'on tenait là une pépite, que certains conservent aujourd'hui précieusement comme un trésor caché.

    Cerise sur le gâteau, il est question que les textes non sélectionnés pour le livre puissent être réunis en un blog.

    Pour moi, c'est d'accord, sans la moindre réserve !

  • Pom Pom... Pidou !

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    Passé le temps des premières heures et de la foule des curieux qui s'agglutinait en interminables files d'attente, voici enfin venu le moment de profiter dans d'excellentes conditions d'une réussite à souligner, celle du Centre Pompidou de Metz. Son architecte élégante et aérienne - bois et verre, tentures blanches - vous saute aux yeux à votre sortie de la gare. Parce qu'en outre, ce chouette musée a la bonne idée de n'être situé qu'à quelques pas de cette dernière, à laquelle il est relié par une passerelle, tel un cordon ombilical.

    "L'édifice se présente comme une vaste structure de plan hexagonal, traversée par trois galeries. Il se développe autour d'une flèche centrale qui culmine à 77 mètres, clin d'oeil à la date de création du Centre Pompidou : 1977... L'ensemble évoque un vaste chapiteau, entouré d'un parvis et d'un jardin. A l'intérieur, l'ambiance générale est claire, avec sa toiture en bois blond, ses murs et structures peints en blanc et ses sols en béton surfacé gris perle. La toiture, le traitement de la relation intérieur-extérieur et les trois galeries d'exposition sont le résultat de partis pris architecturaux très novateurs."

    Ce n'est pas moi qui le dis, ce sont les responsables du Centre eux-mêmes et force est de reconnaître que leur propos entre en correspondance exacte avec ce que vous ressentez en déambulant, tranquillement, l'oeil admiratif, tout au long d'un parcours riche d'oeuvres magnifiques (j'aurai personnellement un petit faible pour "Les disques dans la ville" de Fernand Léger et pour la série Jazz d'Henri Matisse, mais la liste de mes contemplations béates est bien plus longue en réalité...).

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    Mais on goûtera aussi les jeux de miroirs futés, qui vous laissent deviner ce que votre visite va vous faire découvrir. En levant la tête, vous voyez aussi vos congénères qui deviennent fourmis curieuses, évoluant par petites grappes, comme collées au plafond. Les plus perspicaces d'entre vous sauront d'ailleurs débusquer l'auteur de ces quelques lignes sur la première photographie illustrant cette note.

    Ah, et puis... Un mot tout de même sur cette galerie un peu magique, au troisième étage : elle s'ouvre en une vaste fenêtre découpée comme autant de tableaux vivants et offre une vue panoramique sur la ville. Comme par enchantement, ses composantes architecturales s'éloignent de vous au fur et à mesure que vous vous en approchez. C'est splendide.

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    Je ne voudrais pas abuser de la prose laudative. Néanmoins, je vous incite fortement à faire le déplacement du côté de la Lorraine. Il y a de belles choses à y découvrir...

  • Inventif

    claudia_solal.jpgFaut pas croire... Je lis, le plus attentivement possible, la prose de mes petits camarades de Citizen Jazz. Et souvent, je me dis que j'ai bien raison !

    Mais avant d'aller plus loin, autorisez-moi un petit conseil : sur votre table (de travail, de salon, de cuisine... qu'importe), peut-être aurez-vous laissé par mégarde une ou deux productions en vogue auxquelles on accole assez étrangement un label jazz, quand il ne s'agit tout au plus que de variétés anglo-saxonnes, dont on peut goûter les charmes, pourquoi pas, mais qui, soyons sérieux, sortent bien rarement du cadre douillet et convenu de la chansonnette. Il paraît que ça trouve son public... Alors, s'il vous plaît, d'un grand revers de la main, vous balayez les Norah Jones, les Katie Melua, les Melody Gardot, les Lisa je ne sais plus quoi... Autant de chanteuses à la mode qui risquent fort de vous assoupir si vous êtes éveillé et certainement pas de vous réveiller si vous somnolez. Un peu d'ivresse ne vous nuira pas, allez donc chercher un peu plus loin les pépites... Le jeu en vaut la chandelle.

    Tenez, l'autre jour encore, notre magazine chéri a mis en ligne la chronique du disque du Claudia Solal Spoonbox, Room Service. Un texte écrit par Franpi Barriaux - à ce sujet, il commence à m'énerver sérieusement celui-là ! J'aimerais bien savoir comment il s'y prend pour glisser mille et une petites inventions poétiques au détour de ses phrases avec un naturel qui frise parfois l'insolence... En tant qu'artisan laborieux de la prose, en écriveur bricoleur, je déclare ici ma plus véhémente jalousie vis-à-vis du monsieur. Franpi, essaie de temps en temps de te fendre d'une phrase ordinaire, histoire de nous laisser croire qu'on arrivera, nous aussi, à dire les choses avec ce brin de folie qui fait toujours du bien. Et toc, voilà, c'est dit ! - qui nous alerte sur les nombreuses qualités d'un disque enregistré avec la complicité de quelques chouettes musiciens, dont Benjamin Moussay, jamais à court d'une invention sonore et d'une enluminure inattendue. Fille du grand Martial Solal, Claudia nous invite dans son univers tout à fait singulier, où les textes (en anglais) nous racontent une Angleterre d'autrefois, peuplée de personnages malicieux, et se conjuguent avec une musique à la fois savante et joyeuse. Parfois - en particulier sur le long et captivant « The Winter Of Our Discontent - on pense à Henry Cow et à sa chanteuse Dagmar Krause sur l'album In Praise Of Learning. Ce qui est un compliment. Il se passe toujours quelque chose sur Room Service : chaque minute, pour ne pas dire chaque seconde, nous réserve une surprise, une trouvaille qui nous enchante. Un peu comme si nous nous trouvions glissés à l'intérieur d'un cabinet de curiosités, dont les mystères et les objets bizarroïdes se dévoilent petit à petit.

    Je vous laisse en compagnie de Claudia Solal, pour découvrir son petit laboratoire artistique, et vous inviter à entrer dans la magie de son univers. Elle interprète ici « Room Service ».

    Claudia Solal (chant), Benjamin Moussay (claviers), Jean-Charles Richard (saxophone), Joe Quitzke (batterie), Régis Huby (violon).

    Et puis, tiens, tant qu'on y est. Suivez aussi les précieux conseils qu'on peut lire chez Belette & Jazz : on y trouve une belle présentation d'un disque formidable, un pari risqué puisqu'il s'agit d'une aventure en solitaire du contrebassiste Claude Tchatmichian : Another Childhood est une réussite flagrante, passionnante de bout en bout. Ce qui ne nous étonne guère quand on connaît le talent du bonhomme. On en redemande !!!

  • Contrebasses

    J'écris actuellement une brève trilogie pour Citizen Jazz, histoire de relater quelques instants captés sur scène en Lorraine. Un chouette concert de Los Hombres au Quai Son à Nancy sous la houlette de Jean-Marie Viguier, une démonstration de Sound Painting menée par le toujours jeune François Jeanneau (cf. une précédente note) et pour finir, le concert rendu de la dernière soirée du Marly Jazz Festival, dont l'invité était Sébastien Texier venu présenter son trio, augmenté d'un « papa Henri » volubile.

    Ce n'est pas faire injure au talent du fiston clarinettiste - saxophoniste (il n'en manque pas, loin s'en faut) que de souligner à quel point le dialogue bondissant entrepris entre deux contrebasses, celle d'Henri Texier et du fiévreux Claude Tchamitchian, fut le grand moment de cette dernière page d'une édition 2010 de qualité.

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    Entre la soie mélodique des pizzicati du premier et les attaques nerveuses, presque coupantes, du second à l'archet, on était bien en compagnie de ces frères d'armes dont on devine que les déclarations n'étaient pas celles d'une guerre sans merci mais d'une défense sans concession d'un art majeur. A suivre donc, très bientôt...

  • Sound Painting

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    Il me faudra encore beaucoup d'expériences comme celle que j'ai vécue vendredi dernier pour entrevoir le potentiel d'un curieux langage inventé dans les années 80 par Walter Thomson et qu'on appelle le sound painting.

    Mais avec ses quelque 800 gestes - il s'agit en effet d'une sorte d'alphabet visuel - le sound painting est une discipline propice aux imaginations fertiles et débridées. Au gré de son inspiration, le chef d'orchestre peut ainsi donner à ses musiciens, mais aussi à des danseurs, de mystérieux ordres visuels parfaitement codifiés, provoquant la réaction et l'invention spontanée des instrumentistes. Au milieu des phrases ainsi créées peuvent aussi se glisser des séquences écrites, comme autant d'instants où la musique semble reprendre son souffle.

    François Jeanneau était à la médiathèque de Vandœuvre-lès-Nancy, avec quelques musiciens dont trois membres de son excellent Bernica Octet, que je vous invite par ailleurs à découvrir. Sa démonstration ludique, suivie d'une courte séance de réponse aux questions avant un exercice collectif associant le public, fut un petit moment de plénitude malicieuse.

  • Motown

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    Voilà qui fait vraiment du bien... Deux ans presque jour pour jour après leur dernière visite dans la petite salle du Quai Son à Nancy, le fougueux aréopage du Motown Project investissait à nouveau les lieux hier soir !

    Motown Project - une telle identité ne laisse aucun doute sur le répertoire qui sera proposé - c'est la promesse, largement tenue, d'une fête joyeuse et de la célébration d'une musique sans la moindre ride, frappée au sceau de l'énergie la plus communicative qui soit. Une éternelle jeunesse, impeccablement servie par un combo soudé et pourvoyeur d'ondes positives.

    Il n'aura pas fallu attendre bien longtemps pour que la température monte très très fort. En réalité, il n'y a pas eu la moindre attente du tout avec, d'emblée, l'enchaînement vitaminé de « Time » et « Got To Give It Up »... Ah, Marvin Gaye quand tu nous tiens... Ce dernier sera d'ailleurs l'une des sources d'inspirations premières de ce concert gorgé de salutaires vibrations : on le retrouvera un peu plus tard avec l'incontournable « What's Going On », « I Heard It Through The Grapevine » ou le brûlant « Sexual Healing » en guise de rappel, avant, pour que l'histoire ne s'arrête pas, un retour sur « Got To Give It Up ».

    Stevie Wonder, lui aussi, sera plusieurs fois à l'honneur : comment en effet ne pas interpréter le mythique « Supersition » pour célébrer ce torrent artistique que fut la Motown ? Comment ne pas puiser par ailleurs à deux reprises dans ce qui est à considérer, tous styles confondus, comme l'un des albums majeurs du XXe siècle, Songs In The Key Of Life ?

    The Temptations, Jimmy Ruffin, Aretha Franklin, The Jackson Five, Martha & The Vandellas, James Brown, The Supremes... Tous sont là, avec nous, éternels invités d'une fête qu'on goûte entre amis. On savoure chaque minute, conscient cependant que le temps, déjà, passe bien trop vite.

    Les neuf musiciens sont de toute évidence heureux d'être sur scène : la charismatique Marie Ossagantsia et son alter ego Martial Bourgon au chant assurent le spectacle, soutenus par une rythmique d'acier : Jérôme Arrighi, ici malicieusement présenté comme le « dictateur artistique », à la basse et Guillaume Bachmann, batteur chanteur qui ne se privera pas de nous offrir un joyeux numéro de duettistes à lui tout seul... Du côté de la section de cuivres, on souffle une revigorante tempête tropicale : Julien Hornberger à la trompette ; Matthieu Durmarque, au saxophone ténor, qui gardera son meilleur pour la fin avec un envoûtant chorus sur « Sexual Healing » ; Pierre Desassis (oui oui, je sais, je parle encore de mon fils, désolé...), qui dynamite constamment l'espace au saxophone alto ou se permet d'enflammer « I Wish » en quatre minutes explosives au saxophone soprano, des instants qui vous scotchent à votre chaise, pour peu que vous ayez eu la chance de trouver une place assise (c'est le petit extrait sonore que je propose ici, dans une captation brute de décoffrage mais qui, finalement, restitue plutôt bien l'ambiance de la soirée). On n'oubliera pas, évidemment, les deux enlumineurs que sont les deux Stéphane : Berti (guitare) et Cormorèche (claviers).

    On voudrait que le temps s'arrête, rester là, au milieu du public qui est venu en nombre. Durant plus de deux heures, toutes les vicissitudes du quotidien se sont envolées, balayées par le souffle vital de cette « Motown » sans égale.

    Merci !

    podcast

    En écoute : "I Wish" de Stevie Wonder par le Motown Project au Quai Son - Nancy, le mercredi 19 mai 2010.

    Marie Ossagantsia & Martial Bourgon (chant), Stéphane Cormorèche (claviers), Julien Hornberger (trompette), Matthieu Durmarque (saxophone ténor), Pierre Desassis (saxophones alto & soprano), Stéphane Berti (guitare), Jérome Arrighi (basse), Guillaume Bachmann (batterie, chant).

  • Couchant

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    Pour bien commencer la semaine... L'actualité est grise, pour ne pas dire sombre... Alors je vous propose cette image - un classique parmi les classiques, mais pourquoi chercher ailleurs après tout ? - apaisée. Sans commentaire superflu.

    Le soleil était amical ce week-end du côté de Mesnil-Val.

  • Rock Progressif

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    Ah... ça sent la nostalgie, c'est bien ce que vous pensez, n'est-ce pas ? On pourrait le croire en effet au terme « rock progressif » qui fleure bon les seventies... En réalité, ces quelques lignes sont nées spontanément d'une actualité réjouissante : celle de la publication à la fin du mois d'avril aux Editions Le Mot et le Reste d'un excellent bouquin éponyme sous la plume d'un jeunot - né en 1973, Aymeric Leroy n'était même pas une idée dans l'esprit de ses parents lorsque King Crimson posa en 1969 la pierre fondatrice d'un mouvement musical foisonnant avec la publication de In The Court Of The Crimson King - qui s'est fait connaître tant par sa contribution au magazine Big Bang que par son expertise sans équivalent pour tout ce qui concerne l'École de Canterbury, née dans le sillage du groupe Soft Machine. Au point qu'il lui a consacré un site Internet particulièrement précieux nommé Calyx. Aymeric Leroy est par ailleurs l'auteur, chez le même éditeur, d'un excellent bouquin sur Pink Floyd.

    La définition du rock progressif n'est pas aussi simple qu'il pourrait y paraître au premier abord. Aymeric Leroy multiplie les arguments, réfute certaines thèses et n'oublie pas de souligner l'influence de certains artistes qui, sans qu'on puisse leur apposer l'étiquette du rock progressif, ont néanmoins contribué à l'évolution du rock vers, je cite l'auteur : « une émancipation du carcan couplet / refrain excessivement limitatif de la pop, s'exprimant en premier lieu dans un rééquilibrage des rôles entre voix et instruments au bénéfice des seconds ». Ces artisans d'un « proto-prog » se nomment Beatles, Cream, Jimi Hendrix, Procol Harum, Moody Blues ou bien encore The Who.

    Et plutôt que de se livrer à un fastidieux passage en revue exhaustif de toute la production discographique composant l'univers du rock progressif, Aymeric Leroy choisit une présentation chronologique découpée en grandes époques - une quinzaine depuis la fin des années 60 jusqu'à nos jours - assorties parfois de quelques incursions vers des pays non anglophones comme l'Allemagne, la France, l'Italie ou l'Espagne.

    Avec un tel angle d'attaque, on mesure beaucoup plus aisément le rôle respectif de chacun des grands acteurs de cette saga, une épopée souvent raillée par les tenants d'un rock pur et dur ou certains intégristes d'un jazz confisqué, confits dans une désagréable condescendance - un comble pour cette musique tellement empreinte de liberté et d'invention. Sans nier pour autant le fait que, bien que faisant depuis quelques années l'objet d'un revival, le rock progressif appartient tout de même pour l'essentiel au passé, même si ses grands noms continuent de résonner fort dans l'esprit de beaucoup de gens : King Crimson, Yes, Genesis, Emerson Lake & Palmer pour citer quatre têtes d'affiches - présentes d'ailleurs en première page de couverture - parmi un casting particulièrement fourni.

    Et encore... ce passé rejoint parfois le présent, s'y mêle, les époques se croisent et donnent naissance à d'autres expressions souvent très heureuses : en témoigne le dernier disque de Pierrick Pédron, Omry, qui doit beaucoup à l'amour que le saxophoniste porte aux grands noms du rock progressif, comme Pink Floyd.

    A titre personnel, c'est avec un vrai bonheur que je parcours ces quelque 450 pages denses et érudites, mais constamment passionnantes. D'une certaine façon, ce Rock Progressif est le bouquin que j'appelais de mes vœux depuis longtemps et je sais gré à Aymeric Leroy d'avoir comblé un vide et su fixer par l'écrit une aventure que je considère comme constitutive de mon propre parcours de mélomane boulimique. Et, j'en suis certain, je ne serai pas le seul dans ce cas.

    Cerise sur la gâteau, la connaissance encyclopédique d'Aymeric Leroy sur ce sujet est servie par une écriture de qualité : son style soutenu, élégant et dépourvu de toute boursouflure, constitue un écrin particulièrement adapté à l'univers du rock progressif dans ce qu'il a de plus inventif.

    Un seul conseil de ma part : si vous êtes amoureux du rock progressif, vous ne pourrez échapper à ce livre qui vous ravira ; si vous avez un intérêt pour l'histoire de la musique au XXe siècle, vous seriez coupables de l'ignorer.