Souffle
Après le concertexte donné par Jacques Bonnafé et Louis Sclavis dans le cadre de la dernière édition de Nancy Jazz Pulsations au mois d’octobre, une nouvelle confrontation de mots et de musiques pour nous réjouir ! C’était vendredi soir à la Fabrique, cette petite salle au charme indéniable qui jouxte le Théâtre de la Manufacture.
Sur scène, l’écrivain poète (et bien plus que ça) Enzo Cormann lit ses textes. Lire n’est pas le bon verbe, il vaudrait mieux dire qu’il boxe les mots, les percute et les bouscule. Sa diction nous fait parfois penser à celle d’un grand disparu, Claude Nougaro, qui lui aussi savait cogner les syllabes, surtout quand il évoquait ses quatre boules de cuir… Cormann n'est pas en reste quand il s'agit de faire chanter les lignes et les laisser glisser tout au long de ses propres improvisations, en amateur de jazz qu’il ne manque pas d’être. A ses côtés, un trio soudé et inspiré : Claude Tchamitchian à la contrebasse, Franck Tortiller au vibraphone et Jean-Marc Padovani aux saxophones. Autant dire un trio expérimenté... et chaleureux, à chaque instant.
Par delà les inspirations poétiques d’Enzo Cormann et l’interaction de ses phrases avec celle des musiciens, c’est une partie de l’histoire du jazz qui s’écrit devant nous : on rencontre Charlie Parker, Chet Baker, Eric Dolphy ou même Jack Kerouac dont la route a croisé celles de bien des artistes.
Près d’une heure et demie sur le fil des points de suspension (ou d’exclamation) de l’auteur et des échappées imaginatives de ses trois complices : le temps a passé trop vite, c'était celui d’un moment de grâce.
Dehors, il fait froid, le vent souffle, il pleut mais qu’importe. Ces illuminations poétiques ont balayé la grisaille.