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  • Plagiat

    petit_diable.jpgJe n'écris jamais un texte, quel qu'il soit, sans une certaine appréhension. C'est idiot parce que j'ai identifié depuis longtemps la cause de cette inquiétude. Il me faut remonter à l'époque où j'étais en classe de troisième, au début des années 70, j'avais treize ou quatorze ans. Mon professeur de français était un type un peu particulier qui se pointait régulièrement en classe avec un taux d'alcoolémie légèrement supérieur aux normes en vigueur à ce moment-là. Lorsqu'il était à jeun, parfois, il lui arrivait de se comporter normalement et de tenter de nous faire travailler. Il y eut par exemple ce jour où nous eûmes à plancher sur une rédaction où il était question de raconter des souvenirs personnels d'une journée que nous aurions vécue à la campagne. Je me rappelle vaguement mon travail, j'avais été très appliqué, inventant complètement mon histoire, mais surtout soucieux de bien faire... sauf qu'à la remise des notes, ce fut la déconfiture totale : 5 sur 20 ! J'étais accusé d'avoir plagié la Comtesse de Ségur... J'ai tenté de me justifier, en vain, fourbissant quelques explications sincères, notamment celle par laquelle je tenais à préciser que - honte sur moi, m'sieur, je l'avoue ! - je n'avais jamais lu la moindre ligne de cette brave personne. Rien n'y fit. La gamelle ! Et l'humiliation lorsque le dit professeur commença à lire mon texte à voix haute en minaudant pour me ridiculiser. Mes camarades de classe, un peu gênés par le procédé, trouvaient mon histoire plutôt chouette et pas mal écrite, ce qui me fut d'un réconfort réel mais insuffisant, je l'avoue. Depuis, dès que je suis devant une page blanche (ou un écran d'ordinateur) avec un travail d'écriture à effectuer, je me retrouve durant quelques secondes dans ma salle de classe, face à ce type insupportable à l'haleine fétide qui cherche à me rabaisser devant les autres. Et, en bon petit diable que je suis resté, jamais je n'ai essayé de lire quoi que ce soit de cette Comtesse de Ségur.

  • Respiration

    en_campagne.jpgElle s'appelle Aurélie, il s'appelle Julien. Armés d'un micro qu'ils plantent énergiquement sous le nez de villageois d'abord médusés et plutôt mutiques, ils déboulent dans les recoins les plus enfouis de la campagne française dans le but de faire parler les gens. Des gens qu'ils aiment, à n'en pas douter. A force d'empathie, d'humour et de gentillesse, ils parviennent assez vite à briser la glace et à se faufiler dans leurs intérieurs, au sens propre comme au sens figuré. Ce qui nous vaut de vrais beaux moments de télévision, ici sur France 5. Dans une récente émission dont la cible était le petit village de Vassieux en Vercors (qui fut complètement décimé par la barbarie nazie), on pouvait se délecter de l'histoire de cet homme âgé de 84 ans, admiré par sa fille de... 18 ans et qui, après quelques hésitations devant la contemplation de photos jaunies, nous raconte comment sa nounou lui apprit « à devenir un homme » et s'amuse du mot déniaiser que son interlocutrice veut lui faire prononcer. Il y a aussi ce type un peu égaré, vivant sur ses maigres économies, le temps de devenir un musher et de réaliser enfin ses rêves. Ou ce tchécoslovaque - il tient à cette dénomination - qui retrouve dans le Vercors les paysages de son enfance. Et que dire de ces deux frères agriculteurs qui s'interrogent sur leur avenir et savent que le salaire de leurs femmes est, plus qu'un complément, une nécessité vitale ? En campagne, tel est le nom de cette série de dix émissions, mérite vraiment qu'on s'y attarde tant l'attention et l'écoute de ses instigateurs fait souffler un air vraiment rafraîchissant sur un paysage audiovisuel qui sent bien trop souvent le renfermé. On respire vraiment et ça fait du bien.

  • Euphorique

    marc_ducret.jpgVoilà un disque qui fait un bien fou ! Pendant que nos vieilles gloires rabâchent à n'en plus finir et pour un montant astronomique un répertoire usé jusqu'à la corde aux frais de la princesse (rendez-vous sur la note publiée hier pour en savoir plus), il est des artistes, certainement moins fortunés, qui empruntent des chemins de traverse - dont on ne sait pas forcément où ils vous emmèneront et c'est parfait ainsi ­- pour vous proposer une cure d'oxygénation totalement euphorisante. Le guitariste Marc Ducret est de ceux-là, dont Le Grand Ensemble réunit un orchestre de onze musiciens pour un album appelé Le Sens de la Marche. Une parfaite mise en place conjuguée à de nombreux espaces de liberté accordés aux solistes font de ce disque une impeccable réussite qui n'est pas sans évoquer par moments - mais je limiterai volontairement ici les références dans la mesure où Marc Ducret, musicien fouineur et expérimental, peut difficilement faire l'objet de parallèles - les échappées libertaires d'un groupe comme Henry Cow et de son guitariste Fred Frith, lui-même jamais à court d'une idée inouïe (au sens propre du terme). Cerise sur le gâteau, ce beau disque enregistré en public (« Parce que je suis trop malheureux en studio ») fin décembre 2007 au Delirium à Avignon est disponible pour une somme très raisonnable (15 € frais de port inclus) sur Internet, même si l'on aurait préféré le trouver dans les bacs de tous les disquaires.

    "Dans ce groupe, j'essaie de proposer une direction musicale tout en laissant chacun libre d'influer sur le son d'ensemble, de sorte que chaque musicien peut décider à tout moment du sens de la marche..."

    Pas de souci monsieur Ducret, dans cette histoire, nous marchons bien volontiers dans le même sens que vous !

    Marc Ducret : guitares, Bruno Chevillon : basse électrique, Eric Echampard : batterie, Antonin Rayon : piano, Fender Rhodes, clavinet, Paul Brousseau : claviers, samples, Tom Gareil : vibraphone, marimba, Matthieu Metzger : saxophones alto et soprano, Hugues Mayot : saxophones ténor et baryton, Yann Lecollaire : clarinettes, flûte, Pascal Gachet : trompette, bugle, trompette basse, Jean Lucas : trombone.

    En savoir plus sur Marc Ducret

    Commander Le Sens de la Marche


    En écoute : un court extrait de « Total Machine »

  • Fainéanti

    guignolsmet.jpgJ'apprends qu'un célèbre rocker opticien franco-belge sera la vedette du grand concert donné du côté de la Place de la Concorde dans le cadre des festivités du 14 juillet, intégralement financées sur le budget du Ministère de la Culture. Le montant du seul cachet de cette star en fin de course, qui s'élèvera ce soir-là - j'ai fait le calcul, pardonnez ma mesquinerie - à plus de dix années de mon salaire brut (sur lequel je paie des impôts... en France !), est par ailleurs très largement supérieur à ce que le chanteur lui-même réclame lorsqu'il n'est pas ainsi subventionné par ses amitiés présidentielles. Voilà qui finit par alléger considérablement le poids de la culpabilité que je développe depuis longtemps à l'idée d'être un salarié du secteur public. Parce que j'ai beau me persuader que je travaille correctement et que je ne vole pas l'argent que je gagne honnêtement, je ne peux pas faire comme si je n'entendais jamais ces voix brunes qui grondent sous l'effet d'une perverse stimulation politicienne et m'accusent d'être, ainsi que d'autres, un privilégié paresseux. Au point que j'ai même fini par inventer un mot : je serais selon ces braves gens bien dressés et de courte vue un « fainéanti ».

  • Mains

    mains.jpg

    Faut-il vraiment ajouter un commentaire à cette photo qui montre la main de ma petite-fille Lucie posée sur la mienne ? Elle me semble symbolique à bien des égards : on y voit la protection de l'adulte, mais aussi la lumière qui pourrait être celle de la connaissance et de la transmission de nos propres vies. A nous grandes personnes de préserver l'âme des enfants et de leur laisser le temps de grandir en harmonie.
  • Giboulorage

    [zibuloraz] n. m. Phénomène climatique se caractérisant par une étrange accumulation de précipitations, dont la consistance est variable, celles-ci variant de la pluie glaçante à la neige à peine fondue en passant par la grêle, portées par des vents violents et accompagnées d'orage. Lorsqu'il survient en journée, le giboulorage plonge en outre les paysages dans une nuit noire, évoquant par ses jeux de lumière une éclipse totale du soleil. Parfaitement connu des lorrains qui maîtrisent la partition de tous les désagréments météorologiques, le giboulorage est ressenti chez eux comme la forme la plus aboutie des punitions post-hivernales : croyant à l'arrivée du printemps, ces habitants du nord est de la France s'aperçoivent qu'il n'en est rien mais s'aperçoivent qu'ils goûtent à l'avance aux plaisirs de la dégradation du temps telle qu'ils la vivront après les longues périodes - d'une demi-journée en moyenne - de temps chaud et ensoleillé en été.

  • Âme

    visite_fanfare.jpgLa médiocre actualité politique m'a fait repenser à ce très beau film israélien qui s'appelle La visite de la fanfare, sorti il y a deux ou trois ans, et qui nous racontait cette étonnante histoire d'une petite fanfare de la police égyptienne venue en Israël pour participer à l'inauguration d'un centre culturel arabe. Manque de chance pour cette troupe, les aléas des transports perdent les musiciens dans une sorte de no man's land désertique avant qu'ils ne finissent par rencontrer quelques autochtones, partager un peu de leur quotidien et par trouver enfin leur chemin. Mais la raison de mon inquiétude ne se niche pas dans l'histoire elle-même - aussi belle soit-elle - mais dans un échange entre deux des personnages. Je me rappelle en effet cette question qu'un homme de rencontre pose au chef de la fanfare : « Mais à quoi peut bien servir une fanfare de la police ? », à laquelle ce dernier répond (je cite de mémoire) : «  Poser cette question, c'est comme se demander à quoi sert l'âme humaine ». Peut-être faudrait-il suggérer à certains, qui mettent stupidement en balance culture et utilité avec un mépris ostentatoire pour la première, notamment lorsqu'ils brocardent la présence d'une épreuve de littérature dans un concours administratif, de méditer cette belle réponse tant elle est d'une sagesse infinie. Et loin, très loin, de toute cette vulgarité érigée en étendard.

  • Transformation

    essais.gifDisons-le haut et fort, ces Essais transformés par le travail de titan d'un éminent linguiste sont une lecture hautement recommandable - et particulièrement enrichissante. La traduction en français moderne de l'œuvre de Montaigne par le philologue André Lanly est en effet un bonheur de lecture presque inépuisable. Sans jamais trahir le texte originel - le plus souvent, ce sont des mots ou des expressions qui sont ici remplacés par leur équivalent contemporain avec une volonté d'explication jamais ennuyeuse -  cet universitaire qui exerça durant vingt ans à Nancy a réussi une adaptation qui nous rend parfaitement lisible cette somme d'un abord moins direct dans son texte originel et qui nous est proposée dans une version intégrale. On se surprend à empoigner ce gros pavé (1300 pages disponibles depuis peu dans la collection Quarto de Gallimard) pendant quelques minutes, on lit un texte, quatre ou cinq pages, et on revient, un peu plus tard. Un tel chef d'œuvre, proposé à moins de 30 €, voilà un placement sans risque à très haute valeur ajoutée, excellent remède anti crise.

    « Ce ne sont pas mes actes que je décris, c'est moi, c'est mon essence. J'estime qu'il faut être prudent pour juger de soi et tout aussi scrupuleux pour en porter un témoignage soit bas, soit haut, indifféremment. S'il me semblait que je suis bon et sage, ou près de cela, je l'entonnerais à tue-tête. Dire moins de soi que la vérité, c'est de la sottise, non de la modestie. Se payer moins qu'on ne vaut, c'est de la faiblesse et de la pusillanimité, selon Aristote. Aucune vertu ne se fait valoir par le faux, et la vérité n'est jamais matière d'erreur. Dire de soi plus que la vérité, ce n'est pas toujours de la présomption, c'est encore souvent de la sottise. Être satisfait de ce que l'on est et s'y complaire outre mesure, tomber de là dans un amour de soi immodéré est, à mon avis, la substance de ce vice [de la présomption]. Le suprême remède pour le guérir, c'est de faire tout le contraire de ce que prescrivent ceux qui, en défendant de parler de soi, défendent par conséquent d'appliquer sa pensée à soi. L'orgueil réside dans la pensée. La langue ne peut y avoir qu'une bien légère part. » Les Essais, Livre II, chapitre VI

  • (Litté)Ratures

    Je suis convaincu que la langue française évolue, qu'elle doit évoluer, notamment en s'enrichissant de l'histoire de tous les mots venus d'autres langues, même lorsqu'une nouvelle intégration suscite l'irritation des plus puristes d'entre nous au prétexte qu'elle a son équivalent dans un autre mot ou que le terme incriminé est employé à mauvais escient. Je suis même prêt à admettre l'éradication de l'imparfait du subjonctif, considéré comme désuet et renvoyé à ses turpitudes euphoniques (encore que ce temps nous valait quelques bonheurs : « Cette vérité, il fallait vraiment que je la susse un jour ou l'autre »). Il faut aussi que je comprenne la raréfaction du passé simple, qui pourrait, un jour prochain appartenir... au passé, tout simplement ! Mais lorsque je lis, à la page 447 du second volume de la trilogie Millénium : « En 1996, il devint personnage officiel dans le sens qu'il fut nommé adjoint-chef à la brigade des étrangers », là, je dis : pouce ! Surtout qu'il me serait très facile de multiplier les exemples de ce type tout au long des quelque 1700 pages de cette œuvre pas inoubliable. Certes, on devine que ces trois romans policiers - dont les intrigues en valent bien d'autres et qui ont le mérite de se dérouler en Suède, ce qui nous change un peu de l'ordinaire, même si leur lecture provoque le besoin irrépressible de se replonger dans la prose d'un John Harvey par exemple - ont été écrits avec un stylo ou un clavier accouplé à un marteau-piqueur, on peut également imaginer que les traducteurs, pris par le temps et les contraintes économiques, n'ont pas disposé des moyens nécessaires au peaufinage de leur boulot. Mais on frise là un français qui s'apparente plus à la traduction automatique de la notice de montage d'un meuble fabriqué en Chine sous la commande d'un chef d'entreprise suédois (encore !) habitant la Suisse que d'une littérature digne de ce nom.

  • Bal(l)ade

    finally.jpgLes lorrains connaissent bien Valérie Graschaire (native de la ville de Metz) depuis un bon petit bout de temps maintenant. Ils ont pu découvrir l'étendue de son talent au sein de son quartet ainsi qu'à travers différentes expériences comme celle qui l'a amenée à devenir la chanteuse de l'Orchestre National de Jazz de Lorraine au cours des années 90 (avec lequel elle enregistrera l'album Angustia d'Amour en 1999) où à monter un répertoire dédié à Thelonious Monk avec la complicité du pianiste Pierre-Alain Goualch, un projet qui aboutit en 2000 à un album remarqué, Honky Monk Woman. La chanteuse est aujourd'hui (enfin) reconnue comme l'une des plus belles voix de la scène jazz française et ce n'est que justice. Aussi ce n'est pas sans une certaine émotion que Franck Agulhon, au détour d'une interview où il devait être question de sa propre actualité, tient à souligner qu'il se sent un peu comme le « papa » de Finally, un disque sorti chez Cristal Records à l'automne dernier et pour lequel ont été réunis les vieux amis, les complices de (presque) toujours que sont Diego Imbert (contrebasse) et Pierre-Alain Goualch une fois encore, auxquels viennent s'ajouter le lyrisme de Stéphane Belmondo au bugle et les inspirations de Peter Gabriel, Rémi Chaudagne, Eric Legnini ou Joni Mitchell. Papa dites-vous ? Car si Valérie Graschaire est à la ville madame Agulhon et la mère des enfants du batteur, on devine forcément le subtil dosage d'amour, de famille et d'amitié avec lequel a été tissée la belle toile chaleureuse de ce disque à la production épurée (il n'est jamais inutile de souligner la qualité de la prise de son qui fait la part belle aux instruments, presque exclusivement acoustiques, qui semblent ici venir nous jouer au creux de l'oreille) et qui met en valeur la voix chaude de Valérie Graschaire, nous prenant par la main pour une tranquille balade sur fond de ballades, dont les influences vont aussi bien puiser à la source du jazz qu'à celle d'une certaine pop music. Les reprises de « Mercy Street » (Peter Gabriel) et de « Both Sides Now » (Joni Mitchell) sont de belles réussites qui se mêlent naturellement à des compositions originales ou à de semi reprises, comme l'élégant « Nightfall » d'Eric Legnini sur lequel Valérie Graschaire a écrit ses propres paroles. Disque intimiste et apaisé, Finally est incontestablement un petit moment de grâce et une belle carte de visite supplémentaire pour la chanteuse. On aurait tort de s'en priver !

    Valérie Graschaire : voix,
 Pierre-Alain Goualch : piano et Fender Rhodes,
 Diego Imbert : contrebasse,
 Franck Agulhon : batterie,
 Stéphane Belmondo : bugle.


    En écoute : un extrait de « Mercy Street »

    Cristal Records - 2008

     

  • Pédagogie

    A chaque fois, c'est le même refrain ! Dès qu'un mouvement de contestation se dessine dans notre pays, nos chers élus nous font savoir que l'incompréhension qui règne entre le peuple et eux trouve son origine dans un manque d'explications de la part du gouvernement. « Nous devons expliquer mieux, faire preuve de pédagogie » ! Ah, la belle affaire, et voilà l'hymne obligé entonné par tous les lieutenants disponibles, comme un seul homme... En réalité, je ne comprends pas. Comment peut-on se donner les moyens d'expliquer plus quand on a table ouverte dans la plupart des auberges radiotélévisées où une batterie de serveurs zélés vous servent une soupe jamais trop épicée ? Pourquoi serait-on mieux compris alors que bon nombre de grands magazines ou quotidiens appartenant à des amis de longue date vous ouvrent grand leurs colonnes flatteuses ? Peut-on imaginer de meilleurs passeurs de la pédagogie gouvernementale que les très respectueux Jean-Pierre, Arlette ou je ne sais quel Etienne ? Et je ne parle même pas de la logorrhée d'un porte-parole omniprésent, omniscient, spécialiste de tout et même du reste, qui pérore à longueur de journées sur toutes les ondes accessibles, tant et si mal qu'il en vient même à provoquer des crises d'urticaire chez ses amis, ou prétendus tels... Nos hommes politiques entreront-ils un jour dans l'âge adulte ? Rêvons un peu...

  • Lumineux

    L'herbe n'est pas toujours plus verte ailleurs. Je me faisais cette réflexion hier, vers 14h03, au moment où je descendais l'escalier qui sépare mon bureau d'une salle de réunion, un étage plus bas. Parvenu à mi-étage, voici le spectacle qui s'est offert à mes yeux :

    gruber.jpg
    Rien moins qu'un vitrail signé Jacques Gruber - avoir la possibilité de l'admirer chaque jour est un vrai privilège - mais dont le reflet était en outre projeté au mur par un beau soleil printanier (on voit ici que je sais reconnaître à la Lorraine sa faculté d'être soumise aux outrages du beau temps quelques jours par an). Cette peinture éphémère était splendide, j'ai pris le temps de la contempler avant qu'elle ne s'efface.
  • Mini

    Le complot cosmique fomenté contre ma personne - je l'évoque à chaque fois qu'une de ses manifestations tangibles peut vous être rapportée - continue et cette fois, je sais que le diable s'habille en Mini. Ou plutôt qu'il roule en Mini. Laissez-moi vous raconter : la semaine dernière, alors que je rentrais chez moi à pied (ma Navette Spatiale japonaise étant au repos dans son hangar intergalactique au rez-de-chaussée de la Maison Rose la plupart du temps), j'ai dû brutalement effectuer un grand bond en arrière (geste qu'on pourra qualifier d'anti-maoïste) au moment où je traversais la rue sur un passage piéton, parce qu'une voiture - une Mini - énergiquement pilotée par une femme du style bobo - friquée - branchée - lunettes de soleil même par temps gris - je conduis façon sport parce que la carrosserie de ma bagnole est ornée de deux bandes blanches façon R8 Gordini - a bien failli m'écraser... Je dois être invisible : la dame est passée sans me voir, sans même faire un petit signe pour s'excuser. Après tout, rien d'étrange jusque là, c'est la vie quotidienne des urbains piétons. Mais là où mon affaire se corse, bien que vécue en Lorraine, c'est que moins de cinq minutes plus tard, une autre voiture s'est échinée à m'écraser. Je suis moins qu'invisible, je ne dois pas exister. Mais là n'est pas la source de mon angoisse... Non, le problème, c'est qu'il s'agissait d'une autre Mini énergiquement pilotée par une femme du style bobo - friquée - branchée - lunettes de soleil même par temps gris - je conduis façon sport parce que la carrosserie de ma bagnole est ornée de deux bandes blanches façon R8 Gordini. Pas la même que l'autre, hein, non non... une deuxième tueuse à quatre roues, bien décidée à me faire passer de vie à trépas. Il va de soi que je ne suis pas dupe : ils sont là, ils me guettent, ils veulent m'éliminer...

  • Light

    Je vous dois une explication. Lorsqu'au mois d'août, notre fille nous apprit qu'elle attendait un bébé, j'ai aussitôt pris la décision de tenir quotidiennement un petit carnet de bord - où je m'autoriserais à parler de tout et n'importe quoi - un espace d'écriture dont la marque de fabrique serait celle d'une certaine concision par comparaison avec le blog que j'ai initié voici quatre ans maintenant. Histoire de semer sur mon chemin quelques petits cailloux qui permettraient, plus tard, à mes petits-enfants, de savoir un peu mieux qui était leur grand-père. Ce jour-là donc, le 8 août 2008, ayant déjà couché sur le papier d'un petit carnet quelques notes depuis cinq jours, fut celui de la naissance de ce « Maître Chronique Light ». Cette appellation est un jeu de mots, bien sûr : parce qu'en anglais, light signifie léger mais aussi lumière. En latin, la lumière se dit lux et parmi ses déclinaisons en français, il y a le prénom Lucie. Allez savoir pourquoi j'ai été convaincu depuis ce jour du mois d'août que je serais grand-père d'une petite-fille ? Je n'ai jamais eu le moindre doute à ce sujet...
    Lucie est née dimanche après-midi, ce fut pour elle et sa maman un moment un peu pénible mais toutes deux ont pu hier soir profiter - enfin ! - d'un vrai moment de tendresse et de douceur auquel nous avons pu assister derrière une vitre. Ces instants magiques, ces sourires chargés de larmes, ressemblaient à s'y méprendre à une (re)naissance. J'attendais que le bébé se porte bien pour vous annoncer sa venue. Voilà qui est fait ! Et pour répondre à la question qu'on m'a déjà posée : je continue ce blog, même après la naissance de ce petit trésor.
    Welcome Lucie, j'attends le moment de pouvoir te faire un très très gros bisou, un vrai. Et tu sais que je compte sur toi pour ramasser avec moi les feuilles sur la terrasse en bois, nous en avons parlé toi et moi depuis quelque temps déjà.

  • Métaphore

    Le débat économique qui oppose chaque vendredi matin sur France Inter les journaliste Dominique Seux (tendance néo-libérale) et Bernard Maris (plutôt keynesien, dont je vous recommande la lecture des « Antimanuels d'économie ») sont toujours des moments intéressants et intelligemment animés. Bien entendu, les points de vue des deux protagonistes semblent à jamais irréconciliables, mais on guette à chaque fois la petite phrase qui fait mouche. A ce jeu, Bernard Maris est de très loin le plus doué, en témoigne sa métaphore au sujet de la réunion du G20 à Londres, temple du libéralisme le plus échevelé jusqu'à une époque très récente, le G20 donc, ce grand raout de nos dirigeants mondiaux, supposé être le point de départ d'une remise en ordre de la finance mondiale, notamment parce qu'il doit s'attaquer au cancer des paradis fiscaux. « Une réunion du G20 qui se tient à Londres, c'est un peu comme une réunion d'alcooliques anonymes dans un bar à vins ».

  • Salut

    bashung.jpgLorsque j'avais acheté Bleu Pétrole au début de l'année dernière, je savais comme beaucoup d'autres qu'il serait le dernier disque d'Alain Bashung. A cette époque, on parlait déjà d'un concert au mois d'octobre dans le cadre du Nancy Jazz Pulsations, en se demandant s'il pourrait avoir lieu. Bashung est venu pourtant, très affaibli déjà, rassemblant ses dernières forces pour ce public qu'il aimait tant. Créateur d'un univers totalement singulier, mélange flottant chargé d'un onirisme énigmatique, inventeur d'une écriture qu'il fallait apprendre à décrypter, cet artiste vient de faire le grand saut vers cet inconnu où, je n'en doute pas un seul instant, sa voix chaude adoucira la peine de ceux qui l'attendaient là-haut depuis quelque temps. Quant à ceux, comme nous, qui restent, ils reviendront vers lui comme on se tourne vers un ami de longue date.

  • John Remembered

    john mclaughlin,mahavishnu orchestra,shakti

    Je me suis plongé voici quelque temps, c'était au cours de l'automne dernier, dans la discographie très fournie d’un grand monsieur : John McLaughlin, dont la carte de visite, qui s'apparenterait plutôt à un who's who de la musique jouée depuis plus de quarante ans de par le monde, parle d’elle-même. Connu d’abord pour sa participation à l’aventure de Miles Davis - en particulier sur ces albums majeurs que sont In a Silent Way et Bitches Bew - à la fin des années 60, mais aussi à celle du Lifetime du batteur Tony Williams, ce guitariste virtuose a mis sur pieds une formation aujourd’hui presque mythique (en fait, ce qualificatif est idiot, je m'en rends compte, je veux dire par là que ce groupe, en particulier sa première mouture, celles des années 1970 à 1973, continue de me fasciner et que le quintette que McLaughlin avait formé avec Jan Hammer aux claviers, Jerry Goodman au violon, Rick Laird à la basse et Billy Cobham à la batterie semble toujours autant illuminé par la grâce), le Mahavishnu Orchestra, dont l’irradiation maximale (et la nôtre surtout) s’est produite entre les années 1971 et 1976, avant que son fondateur choisisse de s'éloigner d'un gourou un peu envahissant pour se tourner vers d'autres horizons, tout aussi propices à la méditation. Sa grande période créative suivante fut celle de l’ouverture vers la musique indienne : la naissance de Shakti au cours de la seconde moitié des années 70 en est un témoignage vibrant et unique, revivifié bien plus tard sous le nom de Remember Shakti. Une expérience unique que je vous invite très vivement à découvrir. Apprenez à plonger dans ces heures de musique qui semblent jouées en un continuum féerique, dans un étirement rythmique et hypnotique qui en dit long sur les trésors de vie intérieure qui l'habitent, pour mieux nous les offrir, aux antipodes de nos habitudes occidentales qui, elles, semblent courir après un temps frappé au sceau de l'urgence. Avec Shakti, la musique s'installe, elle s'expose en circonvolutions magiques et la confrontation de John McLaughlin avec ses pairs indiens est la source de vrais moments de grâce, où l'âme semble guider les doigts des musiciens. Il faudrait aussi parler de ce guitar trio parfois houleux mais extrêmement lumineux – une virtuosité à six mains qui fut l'objet de pas mal de critiques pas vraiment justifiées et qui nous laissa un disque splendide : Friday Night In San Francisco – avec Al Di Meola et Paco De Lucia, sans oublier l’hommage à John Coltrane que John McLaughlin rendit en 1973 en compagnie d'un Carlos Santana (Love Devotion Surrender) qui venait de publier ce qui reste peut-être son meilleur disque, Caravanserai, puis beaucoup plus tard en 1995 avec After the Rain, ni la belle collection d’albums en compagnie des plus grands (Trilok Gurtu, Elvin Jones, Dennis Chambers, Joey De Francesco, ...). Âgé aujourd’hui de 67 ans, John McLaughlin le Capricorne (voilà ce qui nous relie, en fait, lui et moi) est toujours sur la brèche : en témoigne 4th Dimension, sa formation actuelle où officie Hadrien Féraud, un jeune bassiste français qui fêtera cette année ses 25 ans et Floating Point, le dernier disque du groupe. Homme d’une élégance toute britannique, John McLaughlin m’a en outre fait un jour un très beau cadeau. Remontons un peu le cours du temps et arrêtons le calendrier des souvenirs au lundi 6 juillet 1992… Nous sommes dans les Vosges, plus précisément en la jolie petite ville de Vittel qui organisait en ces temps reculés, chaque été, un festival de guitare (aujourd’hui disparu, faute d’argent, de public et de soutien des collectivités locales... ce qui, à l'heure de la récession mondiale que nous connaissons, paraît nous renvoyer à une époque proche de l'Antiquité, il n'est que de voir les municipalités qui se pressent aujourd'hui pour fermer les robinets à toute dépense risquant de se voir apposer le label culturel, débarrassons-nous vite de tous ces saltimbanques si nous ne voulons pas creuser la dette, creuser la dette, creuser la dette... mais au fait, l'abime ne se trouverait-il pas au tréfonds du cerveau de certains de nos élus ?) où se côtoyaient quelques têtes d’affiches internationales et d’autres, moins en tête et plus locales. On y a vu Carlos Santana, Larry Corryel, Mike Stern… et beaucoup d’autres au rang desquels John McLaughlin et son trio de l’époque (Trilok Gurtu aux percussions, Dominique Di Piazza à la basse). En cette fin d’après-midi, j'arpentais les deux ou trois rues qui forment le centre de la ville (allez vous y promener un jour et promettez-moi de vous livrer à un exercice très instructif : comptez le nombre de salons de coiffure... Vous verrez, vous serez étonnés) et c’est en m'approchant du Palais des Congrès, lieu du Festival, que j’aperçus une silhouette qui m’était très familière : Mister John McLaughlin himself, tout juste sorti de l’exercice obligé de la balance des instruments. Ni une ni deux, je pris mon courage à deux mains – parce que je suis un faux extraverti et un vrai timide – et entrepris de l’aborder pour lui dire, en toute simplicité, combien sa musique avait été importante pour moi. Je me mis à lui parler avec une fièvre enfantine de ce Mahavishnu Orchestra en compagnie duquel j’avais passé beaucoup d’heures de musique. Ah, ce beau groupe sur lequel John McLaughlin régnait, tout habillé de blanc et qui jouait un drôle de rock mâtiné de jazz, urgent, virtuose, cérébral, voire mystique. On lui reprochait de jouer trop vite, de manquer d'âme, de vouloir gagner chaque année la course des 24 Heures du Manche (en particulier dans un magazine spécialisé aujourd'hui dirigé par le comique de service d'une émission de télé-crochet où défilent des créatures très souvent pathétiques, preuve que la roue tourne impitoyablement pour tout le monde, y compris pour ceux qui tentaient de nous faire croire à l'époque qu'ils étaient des êtres révoltés et combatifs). Balivernes, balivernes, on ne critique pas le Mahavishnu par ici : ce groupe brûlait sur scène comme sur disque, on retenait son souffle en écoutant sa musique. Tiens, j’ai même un souvenir très précis : le samedi 6 octobre 1973 (allez savoir pourquoi j’ai retenu cette date, peut-être parce que le même jour, un héros du sport français, le jeune automobiliste François Cevert, venait de se tuer pendant les essais d’un grand prix de Formule 1 de Watkins Glen à l’âge de 29 ans), la télévision (qui comptait trois chaînes exclusivement de service public – certes un peu contrôlé façon Voix de la France – à cette époque, ne l’oublions pas en notre ère de prolifération hertzienne, en voie de mise au pas toutefois) diffusait comme chaque semaine, pendant l’après-midi, un concert de rock dans le cadre d’une émission dont j’ai oublié le nom (Pop 2, peut-être. Oui, c'est ça : même que le présentateur commençait toujours par : « Salut, c'est Pop 2 ! » et vous savez quoi ? Eh bien ce type, c'est l'oncle d'un chanteur qui, lui aussi est membre du jury de cette émission dont je parle un peu plus haut. Notre monde médiatique est bien plus que petit, il est rétréci. Qu'on me rende mes idoles et qu'on expulse ces imposteurs ! Besson, au boulot !). Ce jour-là, j’ai fait connaissance avec le Mahavishnu Orchestra : autour de John McLaughlin, armé d'une somptueuse guitare à double manche et tout de blanc vêtu, officiaient des musiciens dont je ne tardai pas à apprendre qu’ils étaient de grands messieurs de la musique et qui avaient pour nom, je le rappelle au risque de me répéter parce que tel est mon plaisir, Jan Hammer, Billy Cobham, Rick Laird et Jerry Goodman : jazz électrique, musique complexe, d’une intensité stupéfiante. Je découvrais un nouvel univers, moi qui venait de gravir la paisible montagne du Grateful Dead (grâce au concours très particulier de mon gentil Arbre à Disques) et qui m’initiais depuis quelques mois à ce mouvement qu’on appelle le rock progressif (Pink Floyd, Yes, King Crimson, Genesis) ou la musique dite de l’École de Canterbury (Soft Machine, Matching Mole, Caravan, Hatfield & The North, ...). Une heure de concert à tomber de joie, suivie d’une virée en ville, à grands pas comme d'habitude, pour dénicher l’album chez mon disquaire favori. Patatras ! Rien dans les bacs ! Birds of Fire ? Connais pas mon bon monsieur… Impatience et rage, il me le fallait, en plus, pour une fois, j'avais mis de côté assez de sous pour me payer un disque (eh oui, les jeunes : je parle d'un temps où l'on achetait les disques, étonnant, non ?)… ce qui fut fait quelques jours plus tard (le 19, restons précis, je ne me rappelle plus l'heure exacte, vous m'en voyez désolé), à mon grand soulagement… Il est vrai qu’à cette époque, dans une petite ville de la Meuse, si jolie soit-elle et traversée par le fleuve, il fallait beaucoup plus qu’un clic (légal bien sûr) pour se procurer certains trésors… On attendait, parce qu’on ne pouvait pas faire autrement, on questionnait son commerçant, on lui montrait un article paru dans Best ou Rock’n’Folk, parfois notre vendeuse favorite notait la référence sur son cahier et nous promettait d’en parler au représentant lors de sa prochaine visite. Aujourd’hui… clic, clic et clic… et deux jours plus tard, l’objet est glissé dans votre boîte aux lettres (enfin, ça dépend du facteur tout de même : y a les méthodiques qui passent le carton sans dégât, d'autres qui massacrent un peu l'emballage en prenant un air dégagé, d'autres enfin qui renoncent et vous laissent un petit mot vous expliquant qu'ils reviendront demain, toujours en votre absence puisqu'à la même heure. Charge à vous d'aller, le lendemain, récupérer votre bien au bureau de Poste le plus proche. Conclusion : le disque est resté plus longtemps dans les entrepôts de La Poste qu'il n'a mis de temps à voyager, nous vivons une époque moderne). Tant qu’il y aura des objets, bien sûr…

    Nostalgique, moi ? Tu parles… Bon, j’en étais où… Ah oui, ma rencontre avec John McLaughlin, ces petites choses que j’avais envie de lui dire, ma seule façon de le remercier, de lui expliquer combien sa musique avait pu m’aider et continuait d’être présente dans mon quotidien. « Je voulais vous dire que Mahavishnu, c’est un groupe que j’ai écouté pendant tout le reste de mon adolescence, j’ai même révisé mon baccalauréat en écoutant Visions of the Emerald Beyond en 1975, ce disque avec Jean-Luc Ponty au violon qui engage des duels somptueux avec vous avant que les chœurs ne chantent « Let me fulfill life ! ». Je voulais vous dire merci, tout simplement, pour tout ce que vous avez fait ». Tout sourire, d’une simplicité désarmante et dans un français impeccable (on n'est pas marié à une pianiste hexagonale pour rien), John McLaughlin eut alors cette réplique que je n’ai pas oublié : « Mais vous avez toujours l’air d’un adolescent ! ». Venant de lui, svelte et d'allure juvénile, j’ai cru deviner qu’il s’agissait d’une gentillesse, j’avais 34 ans à l’époque (c'est bizarre de me dire ça, encore un peu et j'aurais eu l'âge d'être mon propre fils... C'est idiot ce que je dis ? Oui ? Tant pis), alors j’ai savouré mon plaisir et quelques heures plus tard, pendant le concert de son trio, je n’ai pas pu éviter de repenser à ces quelques mots, avec beaucoup d'émotion. Une légende vivante m’avait adressé la parole sans être entouré de dix gardes du corps, il n’avait même pas paru incommodé par mon intrusion…

    Dès le lendemain, gagné par la même urgence qu’en ce soir du 6 octobre 1973 où je m’étais mis en quête de Birds of Fire, je filai chez mon disquaire pour me procurer Qué Alegria, deuxième disque que le trio venait d’enregistrer. Sans imaginer forcément que de longues années plus tard, je l’aurais toujours en mains, avec le même plaisir et que je penserais à ces instants comme s’ils s’étaient déroulés quelques jours plus tôt.

    Le temps ne compte pas, de toutes façons, et les souvenirs sont souvent nos meilleurs amis.

  • Simplicité

    Cette semaine, j'ai passé mal de temps à parler avec des musiciens : soit au téléphone, mercredi soir et hier matin avec le saxophoniste Pierrick Pédron, pour les besoins d'une chronique (celle de son nouveau disque, Omry ; faites-moi penser à vous en parler plus longuement demain, car je pense pouvoir vous donner envie de l'écouter), soit de vive voix hier après-midi dans le cadre de l'interview de Franck Agulhon, batteur implanté depuis près de vingt ans à quelques kilomètres de Nancy. Voilà deux artistes de premier plan, très en vue sur la scène jazz européenne, qui sont d'une simplicité désarmante et qui acceptent de consacrer un peu de leur temps à parler de leur musique. Ils ne le font pas parce qu'il s'agit pour eux d'entrer dans une logique de promotion commerciale, non... ils échangent, vibrent et sont de formidables émetteurs. Quant au travail qui est le mien, c'est celui d'un récepteur, qui devra à son tour, modestement, retransmettre - c'est donc là mon propre rôle d'émetteur - le plus fidèlement à ses lecteurs cet émerveillement permanent que suscite la musique.

  • Nébuleux

     

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    La Lorraine est, à n'en pas douter, une région particulièrement attractive... pour les nuages ! Elle présente à leurs gouttes en suspension tant de charme secret qu'ils décident souvent de s'y installer pour de longs séjours. De très longs séjours. Leur tranquillité étant assurée - car aucune autre région ne semble vouloir s'attacher durablement leurs services, sauf pour quelques extras (voir plus bas) - ils paissent tranquillement, tout là-haut, se dorant la pilule au soleil dont ils nous préservent. Mon jardin s'en réjouit, lui dont la terrasse virtuelle (elle existe, je la vois, mais mes pieds en foulent très rarement le mélèze au point que je finis par douter de son existence...) brille de ses mille feux pluvieux. De quoi me rendre impatient de rallier prochainement les Calanques de Cassis, histoire de vérifier que ce petit paradis n'est pas toujours inondé de soleil, mais peut lui aussi subir quelques sévères précipitations. Car je choisis en règle générale LA semaine pluvieuse lorsque je m'y rends en vacances. On ne se refait pas...

     

  • Sémantique

    Il faut parfois se méfier des mots qu'on emploie. Hier soir, j'écoutais à la radio un flash d'informations et j'entendais un journaliste évoquer une, je le cite, «expédition punitive» pour qualifier les actes d'une violence inouïe commis dans un établissement scolaire de la région parisienne par quelques individus tout aussi lâches qu'encagoulés (ce qui revient souvent au même, d'ailleurs...) entrés par effraction. Ah bon ? Il s'agissait donc d'une expédition punitive ? Mais alors, s'il y avait punition, dois-je comprendre qu'il y avait faute quelque part ? Les victimes auraient-elles reçu les coups (dont certains au moyen de marteaux, si je ne me trompe pas) qu'elles méritaient ? Je devine dans cette erreur comme un début de fascination sombre et inavouée, qui ne dit pas son nom - un emballement post-poétique - pour ces actes criminels, dont l'idéologie est directement importée de celle des gangs américains. Ces invasions barbares sont des crimes, commis par des assassins en puissance, qui méritent les sanctions les plus sévères. Manque de chance, on a inventé la cagoule (dont l'histoire est sombre, elle aussi...).