Chaud devant !
Je vous ai donné beaucoup (trop ?) à lire avec ma note consacrée au monumental Africa / Brass Sessions de John Coltrane. Aussi, ce n’est pas sans un certain plaisir mâtiné de la fierté du nigaud parvenu à délacer ses chaussures sans les entortiller en un nœud définitif, le soir en rentrant du boulot, que je vous propose un retour en arrière plus visuel qu’écrit sur une soirée festive à laquelle il m’a été donné d’assister tout récemment.
Mais que les choses soient claires, afin qu’on ne me suspecte pas de partialité paternelle : si je me suis rendu lundi soir au New Morning pour voir (et écouter) le concert d’Electro Deluxe version Big Band, c’est bien à l’origine parce que, parmi les treize soufflants que le groupe s’était adjoints pour l’occasion, se trouvait un saxophoniste connu de certains sous l’identité de Madjazz Boy et qui, par ailleurs, doit assumer avec courage et ténacité depuis un peu plus de 26 ans le fait d’être mon fils. Cette relation père-fils étant ainsi déclarée, je me sens d’autant plus libre d’écrire ici, indépendamment de toute appréciation à caractère familial, le plaisir qui aura été le mien de vibrer durant plus de deux heures dans une moiteur souriante à une musique fiévreuse et ruisselant d’un groove bienfaisant. Quel bonheur en effet – malgré une température ambiante rien moins que tropicale – de pouvoir dire noir sur blanc (ou plutôt blanc sur noir) que cette soirée aura été une absolue réussite, un de ces moments dont on sait au moment précis où on les vit qu’ils sont là, pour toujours, inscrits quelque part dans notre mémoire pourtant si anarchique et chaque jour plus incertaine.
Electro Deluxe jouait à guichets fermés dans un New Morning plein comme un œuf : son line-up de base (Gaël Cadoux aux claviers, Arnaud Renaville à la batterie, Jérémie Coke à la basse et Thomas Faure au saxophone mais aussi, et surtout pour ce qui nous concernait ce soir-là aux arrangements, totalement réécrits pour l’occasion – un super bravo, Thomas !) a bénéficié du renfort de cinq saxophonistes, quatre trompettistes et quatre trombonistes. Excusez du peu ! Dès les premières secondes de sa mise à feu, l’ensemble a fait parler la poudre, interprétant pour l’essentiel le dernier disque, Play, proposant un petit retour sur Stardown avec « Point G » ainsi que sur Hopeful pour une reprise charnue du « Stayin’ Alive » des Bee Gees. Le feu d’artifice était prêt, totalement dynamité par la présence survoltée du chanteur James Copley, qui n’a pas ménagé son talent ni sa transpiration pour communiquer au public une fièvre chargée d’un pulpeuse pulsion : ici, sur un tapis jazz et funk dont l’épaisseur cuivrée me rappelait parfois les belles heures du groupe Chicago (en particulier la période de son album V) planaient les ombres d’Otis Redding, de Stevie Wonder et de bien d’autres, bref de toute celle soul music qu’on aime, celle de la Motown, dont pas un seul instant l’âme ne fut confite dans un passé idéalisé par la nostalgie, mais bien au contraire en prise directe avec le ressenti de notre époque : en témoignait la présence de 20Syl, le rappeur d’Hocus Pocus, lors de la dernière partie du concert. Et pour que la fête soit encore plus belle, les deux chanteurs de Because Of Lily (qui avaient assuré une courte et néanmoins chaleureuse première partie) sont venus ajouter leurs voix à celles qui, déjà, nous donnaient beaucoup.
[Electro Deluxe Big Band au New Morning]
Et ton fils dans tout ça ? Ecoutez… ça me gêne un peu d’en parler, parce qu’il était 1/13e du Big Band, pas plus. Mais je vous accorde volontiers qu’il aura eu le privilège de quelques minutes bien à lui lorsqu’il a entrepris l’ascension d’un petit chorus comme il en a le secret sur « Point G ». Et là, c’est toujours pareil, papa a le trac, papa sent son pacemaker qui envoie du courant, papa se sent un tout petit peu responsable d’avoir occasionné indirectement cette exhibition talentueuse, papa se dit qu’il aurait dû obliger son fils à aimer... les maths, la physique, la chimie, à devenir ingénieur ou je ne sais quoi… Un truc bien utile, sérieux avec un costume et une cravate, pas comme la musique et ses saltimbanques dépenaillés… Mais bon, papa quand même un peu fier surtout, hein, mais pas trop, non non, juste content d’être là au bon moment et de participer à la fête. Et puis, je sais pour avoir tendu l'oreille ici ou là que ce moment a été fort prisé du public.
[Pierre "Madjazz Boy" Desassis]
Zut, c’est encore trop de lecture, alors pour me faire pardonner, je vous offre : quelques photos et une vidéo de mon crû, auxquelles j’ajoute un échantillon de petits témoignages filmés trouvés sur la Toile. J’espère qu’ils vous donneront une bonne idée de l’ambiance survoltée qui régnait en ce 20 juin 2011.
Autant vous dire qu’avec cette bonne grosse dose de musique survitaminée, je n’ai pas un seul instant ressenti le besoin, vingt-quatre heures plus tard, de déambuler à la fraîche dans les rues de Nancy pour slalomer entre les canettes de bière et des passants titubants aux yeux rougis par l’alcool. Je ne sais plus comment on appelle ça. Ah oui, la fête de la musique…
[James Copley]
[Thomas Faure]
Et pour quelques minutes de plus, un petit bouquet de vidéos...
Commentaires
Tu sais ce qu'ils te disent les ingénieurs??? Tu n'es pas sans savoir que les grands matheux sont souvent des musiciens talentueux!!
Bon, il est quand même pas mal mon neveu!!!
Tu sais ce qu'ils te disent les ingénieurs??? Tu n'es pas sans savoir que les grands matheux sont souvent des musiciens talentueux!!
Bon, il est quand même pas mal mon neveu!!!
Ben quoi ? Je dis que ce sont des gens utiles, les ingénieurs ! C'est déjà pas mal, non ?