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  • Vers

    Ma rédac’ chef m’apprend que le drôle de syndrome dont je suis victime porte le surnom de brainworms. Rien à voir cependant avec un quelconque parasite ou je ne sais quelle tumeur évoqués dans les dictionnaires médicaux. Non, il s’agit plutôt d’un terme image qui traduit une activité cérébrale un peu incontrôlée. Elle se manifeste chez moi, en particulier, lorsque je dois écrire un texte. Là, c’est un peu le foutoir à l’intérieur : commence alors la valse mentale des phrases qui s’écrivent en silence, qui s’assemblent, se disloquent, tournent, s’en vont, reviennent, cette agitation occupe tout mon espace cérébral au point de me neutraliser, alors que petit à petit le texte prend forme, se met en ordre (celui-ci n’étant pas forcément définitif) jusqu’au moment où il faut passer à l’acte, c’est-à-dire s’asseoir devant son clavier et commencer la rédaction. Quel soulagement lorsque, parfois, celle-ci semble couler presque naturellement, comme guidée par une diction mystérieuse ! Et quelle jubilation, ensuite, lorsque, tel l’ébéniste chantournant un meuble, on apporte les dernières corrections aux phrases qui se sont posées sur la page blanche. Mais quelle angoisse lorsque, malgré toute cette agitation préalable, rien ne se produit…

  • Affligeant

    Il faut parfois accepter de se faire violence en lisant une presse à laquelle on n’est pas accoutumé, pour cause d’incompatibilité a priori. Mais on est vite récompensé de son effort tant on reste ébahi, allez, disons-le, admiratif même, face à l’état de servilité dans lequel certains zélotes sont capables de tomber pour s’attirer les bonnes grâces des plus hautes sphères du pouvoir, guignant probablement une place privilégiée dans le dernier cercle de la cour. Ainsi, l’éditorial d'un quotidien ultra-libéral en date d’hier (29 janvier 2009) est un modèle du genre. Un must. Rarement une prose aussi médiocre et vide de sens n’aura été élevée avec autant de maestria au rang de figure de style, atteignant un niveau de perfection digne des grandes heures de la presse soviétique. Montrant que son auteur, qui flingue à tout va ce qui s’apparente de près ou de loin à un fonctionnaire ou à l’idée de service public, a bien oublié que sans ce dernier, qui fut durant tant d’années son employeur, avant ses années de dévotion à l’empereur du béton, il ne serait peut-être pas en mesure de distiller aujourd’hui son fiel obséquieux. Peut-être aurait-il suivi un autre cursus professionnel et vendrait-il des carpettes...

  • Mercantile

    J’ai pris le temps de regarder, voici une semaine, un reportage consacré aux entreprises spécialisées dans le soutien scolaire, en d’autres termes des officines mercantiles qui engrangent sans complexe des bénéfices sans faire la démonstration ni de leur capacité à mettre en œuvre une pédagogie adaptée à leurs publics ni d’une grande transparence dans le recrutement de leurs enseignants. Quant aux résultats, ils ne sont pas divulgués, top secret mesdames et messieurs. Et pour cause, il y a souvent tromperie sur la marchandise, si l’on veut bien m’autoriser cette expression.  Dans ce petit monde qui prospère sur le terreau fertile des angoisses parentales, on n’est pas très regardant en matière d’embauche et l’on s’aperçoit qu’un ancien commercial issu de la grande distribution se transforme aisément en agent recruteur de professeurs selon des méthodes très… approximatives ! Pire encore, de jeunes étudiants, 19 ou 20 ans, tous frais émoulus de je ne sais quelle école de commerce hors de prix, se voient chargés de cette tâche (je ne citerai pas le nom de leur employeur) quand bien même ils n’ont encore exercé aucune activité professionnelle et surtout pas dans le domaine de l’enseignement. Le monde à l’envers…

  • Protecteur

    magma_nancy.jpg
    Comme si le temps s’était arrêté… Quarante ans après sa naissance, Magma est annoncé à Nancy pour un concert anniversaire et les premières affiches ont fleuri sur les vitrines. La griffe et la typographie sont restées telles qu’elles étaient dès le premier jour. Quant à l’énergie vitale du groupe, portée à bout de baguettes par son créateur Christian Vander, elle est intacte, à n’en pas douter. Au pied de la magnifique Porte de la Craffe, érigée au quatorzième siècle, l’histoire de France semble lancer un clin d’œil tutélaire à l’histoire de la musique.

    Merci à Mad Jazz Boy pour sa photographie.

  • Cher

    J’ai regardé deux fois la vitrine de ce pâtissier local avec la plus grande attention pour m’assurer que mes yeux ne me trahissaient pas : trônaient en effet derrière la vitre, fièrement disposés dans une corbeille, de bien appétissants beignets. Mais c’est leur prix qui m’a surpris : 40 € le kilo… Vous dites ? Je dis : «40 € le kilo, vous m’avez bien compris». C’est une blague ? Allez, sortez les caméras, c’est un jeu ! Non, vous êtes sérieux ? Alors je prends ma petite calculette mentale, je me rappelle qu’un Euro vaut 6,55975 francs et j’en arrive à la conclusion que ce dessert fabriqué à partir d’ingrédients on ne peut plus basiques (œufs, farine, sucre, sel, un peu de citron, huile…) et pas vraiment ruineux nous est proposé pour la modique somme de 262 francs le kilo. Ooooops ! Je ne sais pas si vous êtes comme moi, mais j’ai beau n’avoir aucun souci de conversion monétaire depuis sept ans, j’ai comme l’impression que certains commerçants spéculent sur notre confusion mentale pour nous balancer à prix d’or des marchandises ordinaires. Et voilà une jolie bascule qui va très vite permettre à notre pâtissier de s’exhiber prochainement dans une grosse berline allemande… La défense du pouvoir d’achat est vraiment une lutte de chaque instant.

  • Public

    J’entendais hier matin à la radio un court reportage sur la gigantesque panne d’électricité dont la ville de Perpignan a été la victime après la violente tempête qui a sévi sur le sud de la France. Le journaliste évoquait toutes les forces en présence qui ne ménageaient pas leurs efforts pour rétablir une situation proche de la normale dans les meilleurs délais : parmi les plus actifs, l’ONF (Office National des Forêts), la SNCF, ErDF (qui est la branche distribution d’Electricité de France), France Télécom… Tiens tiens ! Le «service public», terme banni de tous les manuels des parfaits petits libéraux qui mutualisent les pertes mais jamais les profits, aurait-il encore un peu de sens pour certains en cette période troublée par la folie spéculative ? Mais où sont donc les Iliad et autres Poweo, grands pourfendeurs de ces scandaleux monopoles ? Pas au cœur de la tempête, semble-t-il, et plus soucieux du niveau de leurs marges que du confort de leurs clients (appelés autrefois des usagers)…

  • Sentimental

    love_songs_reflexions.jpgJ’aurai l’occasion de revenir plus longuement sur le nouveau disque d’Henri Texier, Love Songs Reflexions, paru la semaine dernière chez Label Bleu. J’ai sur le feu en effet une chronique de cet album habité qu’on pourra lire prochainement sur le site de Citizen Jazz, agrémentée d’une interview que le contrebassiste m’a fait l’amitié de m’accorder. Ses propos viendront se croiser avec ma propre perception du disque et j'espère que le résultat sera à la hauteur de cette heure de musique... En attendant cette publication, voici pour vous donner envie d’en écouter beaucoup plus un court extrait de  «In A Sentimental Mood» dont il était question ici-même voici trois jours seulement.

    Sébastien Texier : saxophone alto, Manu Codjia : guitare, Christophe Marguet : batterie, Henri Texier : contrebasse

  • Parabole

    rainbow.jpg
    Quand la nature et ses éléments - ici une alternance de soleil et de pluie par grand vent à Nancy - nous délivrent un message essentiel : touche pas à ma culture ! On voit en effet, surplombant les toits de la Médiathèque de Nancy, voisine du Théâtre de la Manufacture et du Conservatoire National de Région, un magnifique arc-en-ciel qui semble s'afficher en protecteur céleste de ces lieux de connaissance. Une belle parabole, au sens propre comme au sens figuré.

  • Ecrin

    Ah, le retour du vieux con qui sommeille en moi... Il s’est réveillé, tout à l’heure, en pleine rue, alors que je venais de croiser quelques adolescents dont les téléphones portables crachouillaient bruyamment un vague ersatz d’une musique ronronnante et insipide, répondant ainsi parfaitement aux besoins du marketing contemporain. Aussitôt m’est revenue en mémoire cette époque – pas si lointaine – où, au même âge, comptant les pièces de monnaie une par une, j’investissais la totalité de mon argent de poche et autres subsides calendaires dans l’achat d’un électrophone stéréo qui constituait un progrès gigantesque dans la reproduction du son de mes quelques disques vinyles. Des galettes sélectionnées avec soin après la lecture attentive de deux ou trois revues spécialisées nous ouvrant les portes d’univers musicaux différents des mouvements en vogue. Pour parfaire la panoplie, il y avait aussi ces casques futuristes qui nous propulsaient encore plus loin, au cœur même de la musique, lui offrant ainsi le plus bel écrin possible. Chers objets, objets chers. Si belle musique que j’étais fier de débusquer par mes propres investigations, je m’en sentais un peu comme le dépositaire, elle était un trésor à préserver à tout prix. «The times, they are a changin’…». Allez, zou, le vieux con repart dans sa tanière.

  • Synchronicité

    Pas de panique, je ne vais pas me lancer dans une note à fort dosage jungien… C’est juste que j’aime observer des phénomènes dont l’apparition semble comme organisée, selon un calendrier mystérieux et parfois malicieux. Tenez par exemple : il y a à peine plus d’un an, 368 jours exactement, mon entourage proche complotait pour fêter mon cinquantième anniversaire et demandait à quelques amis de choisir un thème musical mais aussi d’écrire un petit texte à mon intention, histoire de fêter l'événement. Parmi ces complices figurait Henri Texier dont le choix s’était porté sur «In A Sentimental Mood», dans la version qu’en avaient donnée Duke Ellington et John Coltrane en 1962. Un an après, et très exactement au jour de mon anniversaire, arrivait dans ma boîte aux lettres (merci Hélène…) le nouveau disque d’Henri Texier, Love Songs Reflexions (que j’évoquerai ici prochainement). Un enregistrement dans lequel le contrebassiste et ses musiciens revisitent quelques standards du jazz, des «love songs», parmi lesquels figure en bonne place «In A Sentimental Mood»… A écouter cette nouvelle version, épurée et d’une sérénité émouvante, je me dis que le choix fait par Henri Texier un an plus tôt était de sa part un témoignage auquel je suis particulièrement sensible.

  • Réincarnation

    Je le sais, désormais : l’humain que je suis était une couette dans une vie antérieure. Mais attention, pas n’importe quel type de couette ! Un modèle avec une face hiver, qui vous tient bien chaud, et une face été, qui vous épargne les sudations nocturnes au plus fort des canicules dévastatrices. J’ai eu cette révélation en classant quelques photos récentes sur mon petit ordinateur blanc orné d’une pomme croquée. Lorsque j’observe les quelques portraits de moi que, par mégarde, je n’ai pas réussi à esquiver, je m’aperçois que j’ai moi aussi mon côté hiver et mon côté été. Le premier est celui des valises sous les yeux, du teint gris, des cheveux ternes qui grisonnent et d’une mine maladive : je ressemble comme un jumeau à celui que j’étais après chacun de mes séjours en milieu hospitalier. Voilà un faciès que je construis méthodiquement à compter du mois d’octobre avec, pour le parfaire, presque dix mois devant mois. Le second, mon côté été donc, est celui qu’il faut savoir capter parce que rare dans le temps ; c’est celui d’un changement radical qui s’opère dès lors que vient la période de la trêve estivale : mine réjouie, hâle flatteur, cheveux fous et œil vif. Une vraie couette, vous dis-je…

  • Spécieux

    Je feuillette le magazine Le Point qui consacre sa une et sept pages entières, rien que ça, à un dossier hagiographique sur la femme du Président de la République. Soit, pourquoi pas, il faut bien vivre et vendre du papier. Je ne juge pas. Mais une lecture plus attentive m’amène à débusquer une citation très ambigüe, dont l’auteure (on rajoute un «e» désormais, faut faire avec) est la secrétaire d’Etat chargée de la Ville qui évoque l’ex-mannequin : «Elle pourrait se foutre de ce qui se passe dans nos quartiers. Elle pourrait être membre d’une association pour la promotion de la musique classique ; au lieu de ça, elle s’engage pour des causes difficiles». Tiens, ce genre de phrases fielleuses est une motivation supplémentaire pour moi… Plus que jamais, je défendrai ces causes faciles tellement foulées aux pieds depuis quelque temps… au risque de me faire passer pour un bourgeois superficiel et inutile. Et que vive la musique !

  • Jeunesse

    i_feel_good.jpgSous la direction de Bob Cilman, un énergique chef de chorale – The Young at Heart – une bande de gamins du Massachusetts dont la moyenne d’âge est de l’ordre de quatre-vingts ans, répète plusieurs fois par semaine en vue d’un prochain spectacle un répertoire inattendu où sont convoqués, entre autres, James Brown, The Clash ou Sonic Youth. Film documentaire anglais signé Stephen Walker, I Feel Good, loin de verser dans le voyeurisme (même si deux chanteurs meurent de maladie sous nos yeux durant la période pendant laquelle le réalisateur a suivi la troupe, depuis les répétitions jusqu’au concert final) ou le cocasse, vous cloue sur votre fauteuil tant l’énergie vitale qui habite ces êtres humains parvenus au crépuscule de leur vie est impressionnante. Ces éternels enfants sont de sacrés personnages et l’émotion est forte lorsque, le jour même de la disparition de l’un des leurs, ils doivent donner une représentation dans une prison. A la fin du film, une spectatrice, sous le coup de l’émotion, confie : «Jamais plus je ne dirai que je suis fatiguée ou trop vieille». Moi non plus, et surtout pas aujourd’hui !

  • Magistral

    linea_del_sur.jpgJe crois que jamais je ne dirai assez de bien de Renaud Garcia-Fons. Ce musicien, admirable et discret, trace depuis un bon paquet d’années un sillon très singulier où se conjuguent de multiples accents méditerranéens et orientaux. Contrebassiste virtuose qui n’hésite pas s’il le faut à électrifier son instrument, aussi redoutable à l’archet qu’en pizzicato, ce catalan d’origine, élève du grand François Rabbath, propose La Linea Del Sur, un nouvel opus qui s’inscrit dans la plus parfaite continuité hispanisante de ses précédents disques (le dernier, en un trio solaire, étant Arcoluz) et constitue la démonstration la plus humblement lumineuse qu’on pouvait espérer de sa part. Entouré de Kiko Ruiz (guitare), David Venitucci (accordéon), Pascal Rollando (percussions) et de la chanteuse de flamenco Esperanza Fernandez le temps de trois titres, Renaud Garcia-Fons nous enchante, une fois de plus. Voilà un excellent remède anti grisaille, à recommander à tous ceux dont les idées ont tendance à prendre les couleurs du temps.

    En écoute, un extrait de la composition «La Linea Del Sur»

    Disponible prochainement sur Enja Records, on pourra se procurer ce disque directement sur le site Internet du label.

  • Questions

    Je veux bien, en plein sommeil, être soumis à la nécessité d’aller rechercher de toute urgence dans un ancien appartement (vendu depuis belle lurette) un lit d’enfant. Prochainement grand-père, le début de cette histoire se tient… Passe encore que pour atteindre mon ancien quartier je doive emprunter de bien étroites ruelles où je croise des vététistes imprudents et des joggers en tenue inappropriée. Il peut m’arriver en effet de fréquenter ce genre de veinules et je croise régulièrement des sportifs (ou assimilés) dans un état plus ou moins piteux sur mon chemin. Mais pourquoi cette rue, où j’habitais autrefois, est-elle en état de siège, ses habitants complètement paniqués à l’idée de savoir qu’un psychopathe évadé d’un asile rôde par là ? Pourquoi ces mêmes personnes, quelques instants plus tard, sont-elles affairées à plaquer énergiquement au sol, sur la voie ferrée toute proche, ce dangereux criminel recherché par la police ? Pourquoi, en attendant l’arrivée de cette dernière, une étrange procession menée par un évêque en habits sacerdotaux, parvient-elle à calmer l’assassin bizarrement réduit à une taille microscopique et devenu un mini pèlerin obéissant ? Pourquoi suis-je donc assis là, sur le rebord d’une fenêtre au premier étage d’une grande salle, guettant la course folle de policiers qui tous, les uns après les autres, s’étalent de tout leur long dans les flaques d’eau boueuses du terre-plein séparant leur véhicule du bâtiment où nous les attendons tous ? Promis, juré, je ne fume pas et je ne bois guère plus. Je ne comprends rien à ce rêve, c’est tout.

  • Appels

    La première scène se passe en France, quelque part… Un président est venu là pour «présenter ses vœux» aux enseignants. Il parle, parle… lorsque son téléphone se met à sonner. Impossible de ne pas l’entendre. Il coupe la sonnerie et s’amuse, faussement gêné, il a même l’air plutôt content.
    La deuxième scène se passe en France également, pas forcément au même endroit. Un(e) enseignant(e) fait son cours devant une classe un peu dissipée, comme chaque matin. Les élèves ont regardé la télévision hier soir, trop tard, comme d’habitude. Soudain, le téléphone de l’un d’entre eux se met à sonner. Il s’en amuse.
    Scène III : l’enseignant(e) doit expliquer aux élèves qu’ainsi qu’il est écrit sur le règlement de l’établissement, ils doivent éteindre leur téléphone portable en entrant.

  • Punition

    Y a une dingue qui rôde dans mon quartier. Je ne sais pas quel est le pervers qui a réussi à lui faire avaler des bobards du genre : «Le sport, c’est bon pour la santé» ou bien «Il faut souffrir pour expier ses fautes ou se faire pardonner ses péchés», mais quand je la vois terminer, à bout de forces, son jogging matinal pluri-hebdomadaire, y compris lorsque règne ici un froid polaire qui vous brûle les poumons, au moment où, tout juste sorti de ma douche, je me dirige tranquillement vers mon bureau, je me dis que la croyance en une forme contemporaine de rédemption a fait son œuvre ou que l’identification aux courses Ray Bano-présidentielles est à zon zénith. Faut la voir, la pélerine en souffrance : à peine capable de soulever les genoux et de mettre un pied devant l’autre, l’œil hagard et le teint vitreux, ruisselante sous un bandeau défraîchi, c’est sûr, un jour elle va s’écrouler devant moi et j’aurai alors la mauvaise conscience de ne pas l’avoir prévenue des dangers qu’elle encourait à force de courses déraisonnables. Faudrait que je pense à lui dire. Pas sûr qu’elle soit en état d’entendre quoi que ce soit, cependant.

  • Tous

    Finalement, ça valait le coup de se torturer les méninges et de plancher sur le sujet que notre collectif de blogueurs jazz, le Z Band, s’était imposé pour la cinquième édition de sa publication synchronisée, «Tous sur Mingus». Le grand Charles nous a plutôt bien inspirés et l'on trouve de bien beaux moments de lecture dans la petite dizaine de textes que nous avons écrits. Tiens, par exemple : la chronique de la Pie Blésoise où le disque Mingus Oh Yeah est présenté en même temps que se mijote une soupe de légumes ou bien encore la rythmique magnifique du texte écrit par l’Ivre d’Images. Et tous les autres aussi… Quant à ma petite contribution, vous pouvez la lire ICI.

  • Victime

    victime_poubelle.jpg

    Surpris à la nuit tombante au détour d’une rue de mon quartier, cet ours en peluche déposé dans un container au milieu de sacs poubelles. Quelques jours plus tôt, ce petit compagnon trônait-il peut-être dans les rayons d’un magasin de jouets, attendant d’être accueilli par les bras d’un enfant après avoir séjourné au pied d’un sapin de Noël. D’abord la fièvre des fêtes de fin d’année et leurs empilements de cadeaux souvent dépourvus de sens. Et puis ce mystère, ce drôle d’abandon… Un jouet acheté puis jeté trop vite, sans ménagement. Un ours orphelin d’une société consumériste dont les repères sont chaque jour un peu plus flous.

  • Ah, Mingus !

    mingus_cowboy.jpg30 ans après sa mort, 50 ans après la parution d’un disque que beaucoup considèrent comme le meilleur passeport pour franchir les frontières de son œuvre, Charles Mingus continue de nous livrer ce qui est l’essence même de toute création artistique : l’âme. Regards croisés par une bonne dizaine d’amis distants autour de la musique du contrebassiste…

    Voilà qui m’apprendra à creuser trop profondément certains sillons et à me laisser goulûment engloutir dans les univers infinis d’un quarteron de musiciens, devenus des compagnons de vie à force d’abuser de leur fréquentation. Dis donc, Coltrane, qu’as-tu fait ? Ton parcours de comète, fulgurant et mystique, a tellement consommé de mon énergie que j’en ai fini par oublier, parfois, que tu n’étais pas seul au monde sur la belle planète du jazz ! Aujourd’hui encore, il ne s’écoule pas une semaine sans que je ne m’en réfère à ta musique lorsque la nécessité de charger mes batteries musicales se fait sentir. Un exclusivisme qui, très certainement, marque une profonde injustice envers tes pairs, au point que je dois me rendre compte aujourd’hui que certains d’entre eux, parmi les plus grands, me sont presque des inconnus. Mais la vie avance toutefois et leurs causes ne sont pas perdues, je leur dois bien ça. Un jour certainement…

    Prenez Mingus par exemple, Charles de son prénom. Que sais-je vraiment de lui en dehors de ce que n’importe quel profane est censé connaître ? L’essentiel peut-être : Mingus, musicien génial et hors de toutes les normes, compositeur et arrangeur d’exception, sa formation classique, cette église méthodiste où il chante le blues et où l’on se livre «aux incantations et aux lamentations qui répondent au preacher». Je sais aussi sa force physique, ses confrontations parfois violentes avec d’autres musiciens qui lui ont valu, par exemple, d’être exclu de l’orchestre de Duke Ellington après une altercation avec Juan Tizol, le compositeur de «Caravan». Ses compagnons de route aussi, dont le génial Eric Dolphy, autant de musiciens qui vont s’accomplir à ses côtés, et surtout à ses côtés d’ailleurs, lui l’artificier dont la contrebasse disait la fureur et l’invention. Un homme en colère, cet «homme noir aux Etats-Unis», qui racontera sa vie dans une autobiographie aux accents tragiques appelée «Moins qu’un chien», et dont le titre parle de lui-même. Mingus a écrit les grandes pages de son histoire entre les années 1956 et 1962 avant de s’éclipser durant de longues années puis d’effectuer un retour sur scène en 1971. Avant de disparaître en janvier 1979, le 5 exactement, il y a trente ans donc, frappé par un mal qui l’avait cloué sur un fauteuil pour l’épuiser jusqu’à sa mort.

    J’aimerais citer ici in extenso le paragraphe de conclusion que Francis Marmande écrit à son sujet dans le Dictionnaire du Jazz : «Emotif et recensant en lui-même les émotions de son peuple, Mingus a entrepris de faire ouvertement parler, crier, la musique, comme on fait parler la poudre. Avec une énergie très physique qui concentrait ses qualités de compositeur, d’arrangeur ou d’agitateur. Avec une générosité et une intégrité qui ont contraint toutes les communautés (celle des musiciens lui étant acquise) noires, blanches, officielles et marginales, à le reconnaître et le saluer. In extremis peut-être, mais tout de même». Rien à ajouter.

    Si tout de même parce que bien sûr, je connaissais quelques thèmes majeurs de cet homme «en colère tous les jours» : «Better Get In In Your Soul», «Goodbye Pork Pie Hat» ou «Fables Of Faubus». De ces dernières, j’avais eu connaissance à la fin des années 80, lorsque Claude Nougaro, avec l’accord de Sue, l’épouse de Mingus, en avait proposé une adaptation appelée «Harlem» sur son album Nougayork. Des secondes, je connaissais depuis longtemps (toujours ?) la mélodie, sans forcément l’identifier, avant que Michel Portal ne la reprenne à son compte sur l’album Minneapolis. Un survol finalement, l’idée que j’avais affaire à un acteur essentiel de la scène musicale du XXe siècle, mais qu’il serait bien temps de voir ça un peu plus tard. Bizarrement, je n’avais jamais pris le temps d’écouter un disque de lui, du début jusqu’à la fin… Allez comprendre que ce n’est pas sans une certaine appréhension que j’ai accepté de me joindre à ma cohorte de blogueurs lorsqu’il s’est agi, en toute liberté, d’écrire un texte consacré à monsieur Mingus. J’ai retourné des dizaines de fois la question dans ma tête et finalement choisi de jouer cartes sur tables. Puisque sa musique ne m’était que mal connue, pourquoi le cacher et faire comme s’il en allait autrement ? Non, autant se présenter tel qu’on est et dire sa démarche : d’abord consulter quelques archives, mon dictionnaire du jazz en particulier, un peu jauni déjà et lire les pages magnifiquement écrites par Francis Marmande. Puis choisir un disque parmi les enregistrements à ma disposition et, finalement, n’avoir aucune hésitation quant à la galette à sélectionner en m’apercevant que les thèmes que je connaissais le mieux avaient tous été enregistrés en 1959 pour le disque Mingus Ah Um. Et là, l’évidence, comme dirait Monk ! Celle de se mettre un chef d’œuvre entre les oreilles, un disque inoxydable dont chaque pièce semble à la fois un classique mais aussi d’une terrible actualité. Dans ce disque quinquagénaire, ça bouillonne, ça gronde, ça chante, il y a là l’essence de la vie, l’esprit d’un homme et d’un peuple qui marche vers un monde qui pourrait être meilleur si… mais qui ne l’est pas, néanmoins. Cette force vitale emporte tout sur son passage tant le propos, qui s’appuie pourtant sur des arrangements complexes et novateurs, est d’une limpidité fougueuse.

    Et voilà que je culpabilise maintenant : comment avoir réussi à zigzaguer à ce point jusqu’à parvenir à éviter une rencontre plus précoce avec Charles Mingus ? Un exploit assurément, et la certitude d’une erreur qui sera réparée.

    En écoute : "Better Get It In Your Soul", extrait de Mingus Ah Um





    Contrebasse : Charles Mingus
    Saxophone : Booker Ervin et John Handy
    Trombone : Willie Dennis et Jimmy Knepper
    Piano : Horace Parlan
    Batterie : Dannie Richmond