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Kékéland

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[Mode vieux con]

Ce qui est bien avec la nature humaine, c'est que, livrée à elle-même, elle ne vous déçoit que très rarement. Une brève incursion du côté des Alpes Maritimes m'a permis d'en savoir un peu plus sur notre redoutable espèce. Ou plutôt de vivre en direct ce que je n'avais aucun mal à imaginer : une certaine image de la décadence.

Parce que je suis convaincu que nous vivons une époque décadente, mais ceci est une autre histoire... Historiquement, tous les paramètres qui permettent de qualifier la décadence semblent réunis, pour qu'on puisse formuler cette détestable équation.

Et encore... Les propos qui suivent émanent de quelqu'un qui connaît sa condition de privilégié qui a la chance de travailler, de manger à sa faim et de s'offrir le luxe de quelques jours de vacances.

Mais le mépris qui gangrène les esprits est insupportable.

Je passe sur l'affligeant spectacle offert voici trois jours par un cafetier niçois qui nous désigna de façon très lapidaire le fast food voisin, parce qu'après avoir rapidement étudié la carte déposée sur une table poussiéreuse sans l'esquisse d'un début de sourire, nous choisîmes de quitter les lieux pour rallier l'un de ses proches concurrents, parce que décidément, sept euros pour une vulgaire crêpe au sucre servie sous les tuyaux d'échappements des voitures locales est un tarif exorbitant même pas justifié par une prestation de qualité.

Je passe sur le défilé des horreurs vieillissantes contemplées du côté de la Croisette... Pathétiques errances, fric qui dégouline, comme le pus d'un abcès en train de crever.

Nous sommes dans le village médiéval de Cagnes-sur-Mer, tout près du château. Le paysage et sa géographie somptueuse sont entachés de nombreuses villas coloriées par leurs dispendieuses baignoires bleues. D'une propriété à l'autre, on s'affronte à grands coups de kistcheries néo-coloniales et de caméras de surveillance. Les quelques ruelles du bourg se font l'écho d'une musique aux intonations vaguement latines et poussivement interprétée par un trio qui distille son ennui synthétique devant une poignée de types armés de coupes de champagne. Ceux-ci, de sexe masculin exclusivement, gardent un œil vigilant sur les bolides de course qu'ils n'ont pas manqué de faire pétarader aux environs avant de les exposer sur la petite place où quelques boulistes entretiennent leur lumbago.

Le bilan carbone de cet aréopage un brin hautain est désastreux, mais là n'est pas la question. On s'en fout : il s'agit avant tout de se montrer, d'afficher. On devine que la chasse à la femme va commencer.

Il y a quelque chose qui pue dans ce bas monde, juste à côté de nous. On se dit aussi que la même espèce humaine est capable d'une très forte résistance à l'injustice pour accepter ainsi le spectacle d'une minorité aussi malodorante aux yeux de la misère de tant d'autres...

[/Mode vieux con]

Commentaires

  • MC : petit conseil pour éviter ce genre de désagrément : la prochaine fois, passe tes vacances sur le Plateau du Larzac, il n'y aura aucun risque pour toi de voir ce déballage de fric. Mais, attention, il se peut que tu croises José Bové et ses grosses moustaches !!!!

  • Pas sûr que le meilleur moyen de croiser José Bové soit d'aller dans le Larzac. Sur les plateaux télé, plutôt, non ?
    Pour le reste, ce qui est le plus fascinant, c'est le contraste : hier par exemple, on passait en quelques minutes du village de Vallauris où une bonne partie de la population vit très pauvrement à Golfe Juan où sont attablées quelques personnes en train de négocier l'achat / vente d'un bateau de luxe pendant que d'autres boivent le champagne sur le pont d'un énorme yacht flottant pavillon britannique.
    C'est un résumé saisissant du fonctionnement de notre monde : le règne de l'économie financière, aveugle et dévastatrice, indifférente à la souffrance de la grande majorité des humains.
    Et pour revenir à la trame de ma note, on reste étonné à l'idée que ce drôle de cocktail ne soit pas plus explosif.
    Pour combien de temps ?

  • MC : plusieurs commentaires à ton commentaire. Pour José Bové, j'étais sûre de ta réponse... Pour l'éventuelle révolte des gens, je pense qu'ils sont tellement démoralisés qu'ils n'ont plus la force de se battre. Enfin et je pense que cela va te faire crier, mais tant pis. La fabrication de ces bateaux de luxe fait vivre pas mal de monde. Il faut des concepteurs, des constructeurs, des artisans et des ouvriers d'un certain nombre de corps de métiers. Et la crise économique a bien failli leur être fatale. Je n'en veux pour preuve qu'un ami qui travaille chez HUBLER, société spécialisée dans les panneaux de bois pour aménagements intérieurs (dont les bateaux de luxe), a accepté, ainsi que tous ses collègues, une baisse de salaire en 2009, pour éviter que sa bôite ne licencie ou ne mette la clé sous le paillasson. Donc, pourvu que l'on construise beaucoup de bateaux de luxe. Quant à l'attitude des vendeurs / acheteurs, là, je suis entièrement d'accord avec toi.

  • Mode vieux con , moi aussi...
    Mon bel Hossegor se transforme aussi et les petites villas, les Anne-Marie et les Kris Ber de nos parents, se détruisent,ou s'agrandissent monstrueusement, le Kéké y sévit aussi, moins que sur la côte d'Azur car nos Landes heureusement font moins recette..Et finalement, en contrepoint,j'y aime ma foi beaucoup les Surfeurs, qui apportent leur bohème,leurs camionettes, leur folie des vagues, leur amour de la mer et leur souci de l'environnement...Tous ne sont pas bohèmes, hélas...mais leur passion fait vivre l'industrie locale (à fabrication partiellement délocalisée, bien sûr).
    Et pour renfort de potage, une petite citation de ton ami Marcel:
    "Et le soir ils ne dînaient pas à l'hôtel où, les sources électriques faisant sourdre à flots la lumière dans la grande salle à manger, celle-ci devenait comme un immense et merveilleux aquarium devant la paroi de verre duquel la population ouvrière de Balbec, les pêcheurs et aussi les familles de petits bourgeois, invisibles dans l'ombre, s'écrasaient au vitrage pour apercevoir, lentement balancée dans les remous d'or, la vie luxueuse de ces gens, aussi extraordinaire pour les pauvres que celle de poissons et de mollusques étranges (une grande question sociale, de savoir si la paroi de verre protégera toujours le festin des bêtes merveilleuses et si les gens obscurs qui regardent avidement dans la nuit ne viendront pas les cueillir dans leur aquarium et les manger).
    FR

  • Rien à ajouter, j'adhère !

  • Le contraste en effet est de plus en plus voyant. Je vous lis mais je ne sais pas quoi répondre tellement j'ai quelquefois la gorge qui chauffe.....

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