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Lu - Page 4

  • Précieux

    Les amoureux de Robert Wyatt devraient en toute logique se précipiter sur ce beau bouquin paru aux éditions Æncrages & Co au mois de février 2009. Car cette Anthologie du Projet MW rassemble les dix années de collaboration entre Jean-Charles Marchetti (peintre et... traducteur) et Robert Wyatt, une longue période pendant laquelle tous deux ont échangé des courriers et se sont rendu visite pour peaufiner leur travail. Un beau cadeau sous forme d'illustrations et de traductions de 80 chansons écrites par le doux et singulier chanteur poète anglais. Un vrai travail d'équilibriste des mots tant les textes originaux pourraient paraître impossibles à faire vivre dans une autre langue que celle de leur créateur. Et pourtant, ça marche ! Marchetti a su respecter l'esprit et la lettre, conférant à ses traductions la même folie douce que celle qu'on savourait chez Wyatt, sans oser, parfois, se dire qu'on ne comprenait pas toujours le sens des paroles ou qu'on butait ici ou là sur un néologisme idiomatique dont l'équivalent français nous échappait. Ici, tout semble s'éclairer, nous donnant l'envie de remonter à la source et de goûter le monde bariolé et politiquement engagé du grand Robert, dont certains manuscrits, ici reproduits, deviennent comme autant d'objets d'art. Ce bouquin est vendu à un prix modique (moins de 20 €) avec un CD qui permet d'écouter une interview de Robert Wyatt. Que demander de plus ?

    http://aencrages.free.fr/

  • Si

    onj_wyatt.jpgImaginons qu'un magazine culturel me confie la rubrique jazz de ses pages « Disques » et que mon travail consiste à sélectionner, chaque semaine, un album. Imaginons encore que je dispose pour cela d'un espace plutôt limité (au grand maximum une colonne) et que, par conséquent, j'ai l'obligation d'opérer une sélection assez draconienne parmi l'ensemble des productions qui me seraient adressées en vue d'une possible chronique. J'ai bien dit : imaginons. Parce que tel n'est pas le cas bien sûr, et que je ne possède pas le talent requis.

    Si tel était le cas, donc, me viendrait-il à l'idée de sortir ma plus belle plume pour dénigrer un peu sournoisement un artiste avéré et, de manière très condescendante, le qualifier de « propret », dire de lui qu'il n'est pas « un foudre » et nous expliquer que son dernier projet manque de « vigueur et nécessité » ? Alors que je sais pertinemment qu'il connaît son sujet sur le bout des doigts et que sa réalisation témoigne d'un amour vrai de la musique et de beaucoup d'humilité et d'une immense dose de respect ? Tel le camarade de classe qui vous fait un croche-pied quand vous passez devant l'instituteur, est-ce que je reconnaîtrais au travail de ce musicien une « saveur jazzique » de manière très parcimonieuse, lui refusant le droit d'entrée dans le grand hôtel du jazz, comme un physionomiste chargé de refouler les intrus à l'entrée d'un casino ? Est-ce que je me risquerais à un hors sujet en cherchant à tout prix à ranger mes disques dans les boîtes étriquées d'une classification dépourvue de sens et d'intérêt ?

    Ou, conscient du poids de mes mots, est-ce que je choisirais la voie de l'enthousiasme pour évoquer sans retenue ce que j'aime, parce que la place est chère et le temps trop court pour m'accorder le droit de laisser s'épancher un peu de ma bile scripturale ? Quitte à ne pas parler de ce qui ne m'a pas plu ni fait vibrer ? Taire plutôt que dénigrer.

    Qu'on ne se méprenne pas sur le sens de mon propos : je ne revendique aucune tiédeur, les débats pour ou contre sont passionnants et souvent riches de contenus, il existe même des magazines qui y recourent régulièrement. Non, ce qui me gêne énormément, c'est ce sentiment qu'en me donnant à lire, on règle des comptes, un peu sournoisement, sans vraiment le dire.

    En attendant, je file à Paris pour me régaler les oreilles et applaudir l'Orchestre National de Jazz dirigé par Daniel Yvinec qui rendent hommage à ce grand monsieur qu'est Robert Wyatt.

  • Écrivain

    michel_tournier.jpgLes hasards d'Internet m'ont amené à engager une petite correspondance écrite avec une universitaire italienne qui a choisi Michel Tournier comme sujet de thèse, et plus précisément la comparaison de deux de ses livres : « Vendredi ou les limbes du Pacifique » et « Vendredi ou la vie sauvage », le second étant souvent présenté un peu hâtivement comme la version du premier réécrit pour les enfants. Tournier dit lui-même qu'il n'écrit pas pour les enfants, mais il considère qu'un livre réussi doit pouvoir être lu, aussi, par les plus jeunes. A travers cet échange épistolaire, je me suis rappelé un texte que j'avais écrit au mois d'octobre 2006 (Tu me fais Tournier la tête) et, aussitôt, j'ai ressenti une drôle de nostalgie. Parce qu'ayant lu toute l'œuvre de Michel Tournier depuis une trentaine d'années, parce qu'ayant relu goulûment plusieurs de ses plus beaux romans et essais, je m'aperçois que le temps passe très vite et que l'homme, aujourd'hui âgé de 84 ans, n'aura peut-être plus l'énergie nécessaire à la création de livres aussi intenses que « Les Météores », « Le Roi des Aulnes », « Le Vent Paraclet », « Le Vol du Vampire » ou « Célébrations ». Ses derniers livres, « Le Bonheur en Allemagne ? » et « Mes Vertes Lectures » sont pleins de charme, certes, mais pas aussi habités et envoûtants que quelques uns de leurs illustres prédécesseurs. L'homme est vivant - et je souhaite qu'il le soit encore durant de très très longues années - mais l'écrivain semble désormais s'être comme mis en sommeil. Ses livres restent et resteront, l'été qui vient sera pour moi celui d'une nouvelle relecture. Faute de mieux !

  • Ancien

    Dans son nouveau livre, « L'endroit du décor », publié aux éditions Gallimard, Raphaël Enthoven cite Plutarque : « Il faut nous en tenir, non pas au chemin qui nous semblera avoir le plus bel aspect, mais à celui qui nous conviendra le mieux, en plaçant notre confiance non dans une vaine convoitise, mais dans la nature, notre guide ». Voilà une phrase qui tombe à pic et nous laisse penser que ce qu'on appelle aujourd'hui le « bling bling » n'est pas une excroissance malodorante de notre époque matérialiste, mais probablement une inclination de toujours pour une part de l'humanité.

  • Soutenu

    fenetre_panoramique.jpgOn pourra dire tout ce qu’on voudra, mais ça fait du bien de lire un bouquin étranger… vachement bien traduit (ce qui nous change des horreurs du sabir lu a longueur des pages de la trilogie Millenium). En l’occurrence, il s’agit ici du roman (écrit en 1961) de Richard Yates, Revolutionary Road, devenu La Fenêtre Panoramique (signalons au passage que pour son adaptation récente au cinéma, le titre français est devenu Les Noces Rebelles, probablement parce que les producteurs craignaient une confusion avec Fenêtre sur Pacifique… enfin, je dis ça, mais je n’en sais rien, après tout). En optant pour un français un peu compassé, même pour l’époque probablement, Robert Latour restitue au mieux ce climat trouble d’une histoire qui se déroule au milieu des années 50, dans une Amérique qui découvre après la guerre les premiers objets courants d’une nouvelle modernité (symbolisées ici par les machines à calculer fabriquées par l’entreprise Knox où travaille l’un des principaux personnages) et surtout, ajoute une note d’amertume supplémentaire à l’histoire de ce couple qui se désagrège sous nos yeux, comme pris dans la nasse d’un conformisme dont il ne parvient pas à s’extirper. J’ai lu quelque part l’avis d’un lecteur qui trouvait cette traduction faiblarde : c’est tout le contraire, me semble-t-il, elle est à considérer plutôt comme un beau et subtil vernis qui agit comme une loupe sur les craquelures de ce couple voué à l’échec. 

  • Mitigé

    millenium.jpgJe viens de terminer la lecture de la trilogie « Millenium », écrite par le suédois Stieg Larsson (qui s'est pris en 2004 de la drôle d'idée de mourir d'une crise cardiaque juste après en avoir remis le dernier manuscrit à son éditeur) et je retire de ces trois gros bouquins des sentiments contradictoires. Parce que j'ai dévoré cette suite dans un temps très court, happé par les histoires que l'auteur inscrit dans un contexte sociologique réaliste et complexe (certains passages annoncent d'une façon mystérieusement prémonitoire la crise financière que nous subissons), je me suis laissé embarquer assez naturellement dans le quotidien de personnages à la fois hors du commun mais qui restent très proches de nous. De plus, il faut souligner que les outils informatiques sont en général décrits avec justesse, ce qui est rarement le cas. Même si je ne suis pas certain que le meilleur des hackers serait capable de réaliser les prouesses de Lisbeth Salander... N'empêche, l'auteur sait ce qu'est un Mac, il connaît le monde des imprimeurs et de l'édition, ça ne fait aucun doute. Mais quel dommage que le style de ces bouquins soit si pauvre et truffé d'une ribambelle de barbarismes qui nous auraient valu, du temps de nos rédactions, des notes difficiles à présenter à nos parents. Comme si, pour toucher le public le plus large possible, il fallait, encore et toujours, niveler par le bas, ne pas lui faire prendre le risque d'un effort de concentration minimal. J'avoue que je redoute l'adaptation au cinéma qui vient d'être faite du premier tome, parce que je devine que le spectaculaire et le violent l'emporteront sur tout le reste alors que le sujet est plus profond qu'il n'y paraît au premier abord. Je crois que je n'irai pas voir le film, d'ailleurs. Et comme par une sorte d'effet de compensation, voilà que me vient le besoin de me replonger dans « La recherche du temps perdu », de me noyer dans ses phrases longues et méditatives, comme on viendrait à boire à l'eau d'une source claire pour se purifier.

  • Galettes

    rediffusion.jpgPourquoi accumuler autant de disques et d'enregistrements de toutes sortes ? Pourquoi un disque vous manque-t-il dès que vous l'avez prêté ou revendu, quand bien même vous ne l'auriez pas écouté depuis des années ? Esquisse de réponse...

    Lire « Le temps de la galette », publié le 13 janvier 2007.

     

  • Rediffusions

    rediffusion.jpgAprès tout, puisque la télévision donne l'exemple chaque année en se mettant en vacances d'été bien avant les enseignants et en reprenant beaucoup plus tard qu'eux... Besoin de repos, une bonne semaine pour changer d'air, histoire de revenir en forme, si notre monde ne s'est pas totalement effondré d'ici là. Mais bon, je ne suis pas inquiet, il se trouvera bien des âmes charitables pour nous organiser un camping de luxe en cas de catastrophe, comme en Italie tout récemment. On se demande même pourquoi nous, français, n'avons pas cette chance d'un petit tremblement de terre qui nous vaudrait effondrements divers, campements de fortune, morts, blessés par dizaines de milliers. Sont veinard nos voisins transalpins, vous ne trouvez pas ? C'est leur guide suprême aux implants qui l'a claironné voici quelques jours. Puisqu'il en va ainsi, je m'absente l'esprit léger, mais vous vous doutez bien je ne pouvais pas partir sans penser à vous, mes chers lecteurs... qui trouverez, chaque jour, comme d'habitude, un texte à lire... ou relire ! Oui, vous avez bien compris, je vais moi aussi pratiquer la politique de la rediffusion et pour ce faire, je vous ai sélectionné quelques écrits parmi les centaines mis en ligne depuis plus de quatre ans maintenant. Attention toutefois, certains textes vous demanderont un peu de temps, il peut m'arriver en effet de laisser aller mes phrases à quelques circonvolutions sévèrement digressives, déroutantes au début, avant que votre cerveau affûté ne s'adapte très vite à leurs parenthèses désenchantées... Je vous aurai prévenus ! Ah, tiens, j'y pense : vous voyez la petite télévision en lettrine sur cette note ? Elle sera le fil conducteur de toutes ces relectures. A bientôt donc...

  • Transformation

    essais.gifDisons-le haut et fort, ces Essais transformés par le travail de titan d'un éminent linguiste sont une lecture hautement recommandable - et particulièrement enrichissante. La traduction en français moderne de l'œuvre de Montaigne par le philologue André Lanly est en effet un bonheur de lecture presque inépuisable. Sans jamais trahir le texte originel - le plus souvent, ce sont des mots ou des expressions qui sont ici remplacés par leur équivalent contemporain avec une volonté d'explication jamais ennuyeuse -  cet universitaire qui exerça durant vingt ans à Nancy a réussi une adaptation qui nous rend parfaitement lisible cette somme d'un abord moins direct dans son texte originel et qui nous est proposée dans une version intégrale. On se surprend à empoigner ce gros pavé (1300 pages disponibles depuis peu dans la collection Quarto de Gallimard) pendant quelques minutes, on lit un texte, quatre ou cinq pages, et on revient, un peu plus tard. Un tel chef d'œuvre, proposé à moins de 30 €, voilà un placement sans risque à très haute valeur ajoutée, excellent remède anti crise.

    « Ce ne sont pas mes actes que je décris, c'est moi, c'est mon essence. J'estime qu'il faut être prudent pour juger de soi et tout aussi scrupuleux pour en porter un témoignage soit bas, soit haut, indifféremment. S'il me semblait que je suis bon et sage, ou près de cela, je l'entonnerais à tue-tête. Dire moins de soi que la vérité, c'est de la sottise, non de la modestie. Se payer moins qu'on ne vaut, c'est de la faiblesse et de la pusillanimité, selon Aristote. Aucune vertu ne se fait valoir par le faux, et la vérité n'est jamais matière d'erreur. Dire de soi plus que la vérité, ce n'est pas toujours de la présomption, c'est encore souvent de la sottise. Être satisfait de ce que l'on est et s'y complaire outre mesure, tomber de là dans un amour de soi immodéré est, à mon avis, la substance de ce vice [de la présomption]. Le suprême remède pour le guérir, c'est de faire tout le contraire de ce que prescrivent ceux qui, en défendant de parler de soi, défendent par conséquent d'appliquer sa pensée à soi. L'orgueil réside dans la pensée. La langue ne peut y avoir qu'une bien légère part. » Les Essais, Livre II, chapitre VI

  • (Litté)Ratures

    Je suis convaincu que la langue française évolue, qu'elle doit évoluer, notamment en s'enrichissant de l'histoire de tous les mots venus d'autres langues, même lorsqu'une nouvelle intégration suscite l'irritation des plus puristes d'entre nous au prétexte qu'elle a son équivalent dans un autre mot ou que le terme incriminé est employé à mauvais escient. Je suis même prêt à admettre l'éradication de l'imparfait du subjonctif, considéré comme désuet et renvoyé à ses turpitudes euphoniques (encore que ce temps nous valait quelques bonheurs : « Cette vérité, il fallait vraiment que je la susse un jour ou l'autre »). Il faut aussi que je comprenne la raréfaction du passé simple, qui pourrait, un jour prochain appartenir... au passé, tout simplement ! Mais lorsque je lis, à la page 447 du second volume de la trilogie Millénium : « En 1996, il devint personnage officiel dans le sens qu'il fut nommé adjoint-chef à la brigade des étrangers », là, je dis : pouce ! Surtout qu'il me serait très facile de multiplier les exemples de ce type tout au long des quelque 1700 pages de cette œuvre pas inoubliable. Certes, on devine que ces trois romans policiers - dont les intrigues en valent bien d'autres et qui ont le mérite de se dérouler en Suède, ce qui nous change un peu de l'ordinaire, même si leur lecture provoque le besoin irrépressible de se replonger dans la prose d'un John Harvey par exemple - ont été écrits avec un stylo ou un clavier accouplé à un marteau-piqueur, on peut également imaginer que les traducteurs, pris par le temps et les contraintes économiques, n'ont pas disposé des moyens nécessaires au peaufinage de leur boulot. Mais on frise là un français qui s'apparente plus à la traduction automatique de la notice de montage d'un meuble fabriqué en Chine sous la commande d'un chef d'entreprise suédois (encore !) habitant la Suisse que d'une littérature digne de ce nom.

  • Affligeant

    Il faut parfois accepter de se faire violence en lisant une presse à laquelle on n’est pas accoutumé, pour cause d’incompatibilité a priori. Mais on est vite récompensé de son effort tant on reste ébahi, allez, disons-le, admiratif même, face à l’état de servilité dans lequel certains zélotes sont capables de tomber pour s’attirer les bonnes grâces des plus hautes sphères du pouvoir, guignant probablement une place privilégiée dans le dernier cercle de la cour. Ainsi, l’éditorial d'un quotidien ultra-libéral en date d’hier (29 janvier 2009) est un modèle du genre. Un must. Rarement une prose aussi médiocre et vide de sens n’aura été élevée avec autant de maestria au rang de figure de style, atteignant un niveau de perfection digne des grandes heures de la presse soviétique. Montrant que son auteur, qui flingue à tout va ce qui s’apparente de près ou de loin à un fonctionnaire ou à l’idée de service public, a bien oublié que sans ce dernier, qui fut durant tant d’années son employeur, avant ses années de dévotion à l’empereur du béton, il ne serait peut-être pas en mesure de distiller aujourd’hui son fiel obséquieux. Peut-être aurait-il suivi un autre cursus professionnel et vendrait-il des carpettes...

  • Spécieux

    Je feuillette le magazine Le Point qui consacre sa une et sept pages entières, rien que ça, à un dossier hagiographique sur la femme du Président de la République. Soit, pourquoi pas, il faut bien vivre et vendre du papier. Je ne juge pas. Mais une lecture plus attentive m’amène à débusquer une citation très ambigüe, dont l’auteure (on rajoute un «e» désormais, faut faire avec) est la secrétaire d’Etat chargée de la Ville qui évoque l’ex-mannequin : «Elle pourrait se foutre de ce qui se passe dans nos quartiers. Elle pourrait être membre d’une association pour la promotion de la musique classique ; au lieu de ça, elle s’engage pour des causes difficiles». Tiens, ce genre de phrases fielleuses est une motivation supplémentaire pour moi… Plus que jamais, je défendrai ces causes faciles tellement foulées aux pieds depuis quelque temps… au risque de me faire passer pour un bourgeois superficiel et inutile. Et que vive la musique !

  • Tous

    Finalement, ça valait le coup de se torturer les méninges et de plancher sur le sujet que notre collectif de blogueurs jazz, le Z Band, s’était imposé pour la cinquième édition de sa publication synchronisée, «Tous sur Mingus». Le grand Charles nous a plutôt bien inspirés et l'on trouve de bien beaux moments de lecture dans la petite dizaine de textes que nous avons écrits. Tiens, par exemple : la chronique de la Pie Blésoise où le disque Mingus Oh Yeah est présenté en même temps que se mijote une soupe de légumes ou bien encore la rythmique magnifique du texte écrit par l’Ivre d’Images. Et tous les autres aussi… Quant à ma petite contribution, vous pouvez la lire ICI.

  • Failles

    lignes_de_faille.jpg"Lignes de faille", c'est un roman magnifique écrit par la canadienne francophone Nancy Huston. Je n'en raconterai pas l'histoire, parce qu'elle doit être découverte intégralement par le lecteur, sous peine de lui gâcher le bonheur qui sera le sien lorsqu'il fera connaissance avec cette drôle de famille qui nous est présentée à quatre voix. Celles de quatre enfants âgés de six ans dont le suivant est toujours le parent, père ou mère, du précédent. On remonte le temps, depuis l'année 2004 jusqu'aux années 40, quand l'arrière-grand-mère du premier narrateur vivait en Allemagne. Et l'on voyagera ainsi aux Etas-Unis, au Canada, en Israël et en Europe. Jamais futile, toujours habité d'une fêlure dont on comprend petit à petit les origines tragiques, le propos de ces "Lignes de faille" s'appuie sur des faits réels dont peu de gens se souviennent. Il laisse également une place importante à la musique - quoi d'étonnant à cela quand on sait que l'auteur est aussi une musicienne ? - et à un humour élégant qui nous rend très vite les personnages attachants. Quant à l'écriture, elle est remarquable, tout simplement.

  • Argent

    zola.jpgDès que j’aurai terminé le bouquin que je suis en train de lire, quelque chose me dit que je vais me plonger dans la relecture de L’Argent , le roman qu’Emile Zola publia en 1891 et qui est l’un des derniers tomes de sa fresque naturaliste appelée les Rougon-Macquart. S’appuyant sur des faits réels (l’affaire Mirès, l’histoire des frères Péreire ou encore le krach de l’Union Générale), Zola nous raconte l’histoire d’un affairiste, Saccard dont les agissements vont provoquer la ruine d’une foule d’épargnants. « Il me faut une affaire énorme, gigantesque, qui prenne un homme audacieux et le rende maître de la Bourse, du marché financier en l’espace de quelques années. Une de ces montées brusques, soudaines, vers des hauteurs prodigieuses, suivie d’une dégringolade subite, d’un anéantissement complet. » Voilà que ce que le romancier expliquait à un journaliste lors de la préparation de L’Argent. Ce qui me laisse penser que nos banquiers et autres traders auraient peut-être dû quitter un peu leurs écrans des yeux et relire leurs classiques… Et que décidément, l’homme cupide a la mémoire bien courte.

  • Menteuse

    En parcourant un magazine dit féminin (oui, oui, ça peut m’arriver, faut que je me tienne au courant de mon époque, même si j’éprouve les pires difficultés à dénicher les articles cachés au beau milieu des publicités), je tombe sur un sujet consacré à quelques blogueuses ayant semble-t-il trouvé un certain écho auprès du public. Parmi celles-ci, l’une a consacré son blog au comportement sexuel de ses compatriotes :
    « Au début, les blogs étaient surtout des journaux intimes, narcissiques. J’ai voulu prendre le contre-pied en parlant de la vie des autres. Chaque fois que je rencontre quelqu’un, je lui pose des questions sur sa sexualité, ses fantasmes, ses amours ».
    And my ass, is it chicken ?
    Voilà un bon gros mensonge : dès qu’on écrit, chère madame, on parle de soi, directement ou non. Point besoin de se défausser sur l’opinion des autres pour justifier son propre travail. C’est une mauvaise excuse. Pourquoi faudrait-il refuser d’admettre qu’il est légitime de donner sa vision du monde qui nous entoure ? Par conséquent, lorsque vous mettez en scène (ou plutôt en textes) la vie des autres, vous introduisez votre propre univers au milieu du leur. C’est du narcissisme par la bande, si j’ose dire !
    Et puis… auriez-vous honte du sujet un peu racoleur de votre blog au point de ne pas en assumer la teneur ?

  • Convergences

    Dans son numéro de décembre, le magazine Jazzman interroge l’animateur Frédéric Taddeï sur sa relation au jazz. Je relève dans ses propos bien des observations que je pourrais reprendre à mon compte. Quelques citations :
    « Il est important de savoir par quelle porte entrer dans une œuvre aussi foisonnante et contrastée que celle de Miles. Et c’est mieux si on a un guide… ». J’ai eu besoin quant à moi d’un tel guide pour comprendre le cheminement de Coltrane.
    « Je ne conçois le jazz en concert que dans un club… ». Idem pour moi, sauf que Taddeï veut ce club enfumé alors que l’éviction de la tabagie passive est pour moi comme beaucoup d’autres une aubaine.
    « Lorsque j’ai découvert le jazz (…), il a fallu que je me refasse l’histoire, comme je le fais toujours quand j’aime quelque chose ». Ce n’est pas le passionné de musique, fouineur d’intégrales, qui dira le contraire.
    « Je viens du rock, le jazz est arrivé ensuite ; j’ai des références binaires, un peu bébêtes. Et depuis que je connais le second, je trouve le premier un peu limité ». Là, je suis moins d’accord, il y a énormément de richesses dans le monde du rock, dont le cadre formel peut parfois paraître plus simpliste, mais cette musique véhicule une énergie essentielle lorsqu’elle est portée par des musiciens habités.
    « Je suis toujours heureux d’entendre des traces de soul, de rock, ou même de variété. Le jazz a cela de formidable qu’il peut transcender n’importe quelle mélodie » : tu l’as dit, Taddeï !

  • Inquiet

    Je viens de lire une interview d’Alain Souchon dont un passage a retenu mon attention. Voici ce qu’il dit : «Je suis sur Terre en me demandant ce que j’y fais, si ça n’est pas un peu ridicule de s’exposer comme je le fais, je me pose plein de questions, je suis inquiet (…). J’ai une espèce d’inquiétude sourde, semblable à la mélancolie qui se dégage des romans de Françoise Sagan (…). Quelque chose de sourd qui me gâche la vie.»
    Je peux très facilement comprendre ce qu’il veut nous dire, car voilà qui exprime assez nettement ce que je ressens moi-même depuis très longtemps, si longtemps. Cette incapacité à ignorer le monde qui nous entoure, brutal, violent, où l’injustice règne. Cette conscience douloureuse qui vous interdit de vous déclarer heureux – même lorsque, comme moi, vous savez que vous êtes un privilégié par comparaison avec tant d’autres qui souffrent – et vous invite à rester extrêmement humble dans vos élans, au risque parfois de passer pour indifférent ou superficiel.

  • Récolement

    L’actualité est propice à l’enrichissement de notre français ! On apprend (dans le pire des cas) ou on redécouvre (pour les meilleurs d’entre nous) ses subtilités à intervalles réguliers. Souvenons-nous en effet : l’an passé, au mois de décembre, tout un débat s’était engagé au sujet d’un mot que beaucoup d’entre nous pensaient erroné et qui avait resurgi du fin fond du XVIIIe siècle lorsque les six membres de l’Arche de Zoé, condamnés à huit ans de travaux forcés, avaient quitté le Tchad : leur transfèrement était alors en cours. Transfèrement, et pourquoi pas transfert, simplement ? Tout bêtement parce que ce vieux mot, à connotation juridique, signifie «transférer une personne d’un lieu de détention à un autre» en observant certaines formalités. De quoi, en tous cas, agiter fugacement le landernau médiatique.
    Et voici que moins d’un an plus tard, nos dictionnaires sont soumis à une nouvelle interrogation grâce aux aventures un peu ridicules de Martine et Ségolène, pas fichues de compter correctement leurs bulletins de vote (George W., tu es battu à plates coutures…). Cette fois, c’est le récolement qui fait la une de tous les journaux. Selon le dictionnaire du droit privé de Serge Braudo, le récolement est un «contrôle opéré par un huissier ou par un greffier fait après inventaire, après saisie ou après apposition de scellés afin de vérifier que les biens mis sous main de justice n'ont pas été déplacés ou détournés».
    Très bien, je le note…

  • Subjonctif

    Je lis actuellement un très gros bouquin traduit de l’anglais. 1300 pages. Pas mal d’ailleurs, même s’il sent un peu le réchauffé après celui que son auteur avait écrit voici quelques années et qu’on lui préférera sans nul doute. Cette note n’a pas pour but, par ailleurs, de vous expliquer comment je dois me débrouiller pour supporter le poids excessif du livre le soir dans mon lit (une autre fois peut-être), mais pour m’insurger en constatant une amère disparition. En effet, obéissant probablement aux consignes d’un éditeur persuadé de savoir ce qui est bon pour nous, lecteurs paresseux et certainement incultes, les traducteurs ont purement et simplement éradiqué l’imparfait du subjonctif, lui préférant le présent y compris lorsque la proposition principale est conjuguée au passé. Qu’on fasse passer à la trappe cette conjugaison dans notre français parlé quotidien, soit. Mais pourquoi lui refuser de vivre encore un peu à l’écrit et de nous distiller ses savoureux accents circonflexes et ses terminaisons exotiques ? J’ai l’impression qu’un français utilitaire, grisâtre, contamine petit à petit le français tout court et qu’on ampute celui-ci de toute sa poésie originelle. Pas assez rentable. Et j’aurai la délicatesse de ne citer ni le nom du livre ni celui de son éditeur parce qu’en outre, il me faut déplorer des fautes majeures et répétées, tel l’emploi du double relatif dans des formulations comme : «C’est de lui dont il s’agit». Allez, en cherchant un peu, je vais m’apercevoir que les personnages de cette histoire ancienne «tirent les conséquences» de leurs actes…