Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Lu - Page 3

  • Perrine Mansuy - Questions et réponses

    PM_-_36-2.jpgEn marge de la publication d’un très beau Vertigo Songs en quartet dont Citizen Jazz se fait l’écho dans ses chroniques, la pianiste-compositrice Perrine Mansuy s’est prêtée au jeu des questions-réponses. L’occasion de mieux connaître une musicienne qui n’hésite pas à laisser le rêve conduire une part de sa vie.

    Lire la suite de l'interview sur Citizen Jazz...

    Photo Perrine Mansuy © Hélène Collon

  • Thank You Friend

    françois cahen, zao, yochk'o seffer, magma, citizen jazz

    Il n’aura pas eu le temps de souffler ses 67 bougies. Né le 24 juillet 1944, le pianiste François Cahen vient de nous quitter, victime d’une crise cardiaque. Retour en quelques mots sur un grand monsieur dont les expériences musicales de ces quarante dernières années auront été autant de belles aventures.

    Lire la suite de cet article sur Citizen Jazz...

    Je compléterai cette note par une évocation plus personnelle qui nous fait remonter au milieu des années 90, si mes souvenirs sont exacts. Je me trouvais ce jour-là à Paris pour des raisons professionnelles et j’avais choisi, à l’heure du retour, de rallier à pied la Gare de l’Est. En passant à proximité du Duc des Lombards, j’aperçus une silhouette familière : François Cahen, avec ses faux airs du chanteur Carlos (le talent en plus, évidemment). Disposant d’un peu de temps avant de monter dans le train, j’étais allé à sa rencontre, histoire de lui dire combien sa musique m’avait accompagné. Nous avons parlé de Magma, bien sûr, mais aussi de Zao, fascinante expérience marquant sa complicité avec le saxophoniste Yochk’o Seffer. Homme particulièrement chaleureux, Faton m’avait aussitôt proposé de m’inviter au concert qu’il donnait ce soir là au Duc. On imagine mon émotion mêlée de la déception d’être obligé de la décliner, étant attendu à 300 kilomètres de là. En le quittant, j’ai perçu, de manière assez intense, que l’homme et sa musique ne faisaient qu’un : un cœur gros comme ça ! Ce cœur qui s’est trop vite arrêté de battre.

    En hommage à François Cahen, écoutons l'une de ses compositions : "Isis", extraite d'Osiris, deuxième album de Zao. Presque dix minutes de bonheur...

    podcast

    François Cahen
    (claviers), Yochk'o Seffer (saxophone), Joël Dugrenot (bass), Jean-My Truong (batterie).

  • Cédric Hanriot - French Stories

    cedric hanriot, french stories, citizen jazzNous avions rencontré Cédric Hanriot et son complice Bertrand Béruard voici près de quatre ans. Ils nous avaient raconté leur parcours et la fécondation in musica de leur enfant commun, le dénommé Frog’n’Stein, un batracien aux tentations électro-jazz qui avait finalement donné naissance à un premier disque réussi et attachant, Electrify My Soul.

    Et voilà qu’en 2010, Cédric Hanriot revient fièrement de son voyage initiatique aux Etats-Unis avec, sous le bras, ses French Stories.

    Lire la suite de cette chronique sur Citizen Jazz.

  • Alien - Antibes 1983

    alien_trio_1983.jpgIl faut d’abord s’attarder sur la pochette : Christian Vander, mystérieux comme toujours, presque inquiétant, semble sonder de son glacial regard d’acier le mystère de la vie, cette vie si précieuse qui, en cet été 1983, n’a pas encore filé entre les doigts virtuoses des deux musiciens habités par la grâce qui l’entourent. Alby Cullaz et Michel Graillier posent à ses côtés dans une posture plus décontractée, pour ne pas dire plus humaine, préfigurant ce que traduit la musique. Une opposition formelle – la démesure du batteur face à la liberté décrispée de ses compagnons – dans une complémentarité d’esprit que, peut-être, Vander n’atteindra jamais plus au sein de ses différentes expériences sur la scène jazz.

    Lire la suite de cette chronique sur Citizen Jazz.

  • Fielleux

    Dans un récent article du journal Le Monde, Sylvain Siclier se paie assez méchamment la chanteuse coréenne Youn Sun Nah après sa prestation en duo avec le guitariste Ulf Wakenius au Printemps de Bourges.

    Voici ce qu’il nous dit : « …Youn Sun Nah en fait trop, épuisante de virtuosité. Sur la forme, le principe est un peu répétitif. Elle pose, avec le guitariste Ulf Wakenius la mélodie, qu’elle double de la voix, sans louper un quart de ton, une quintuple croche. Puis les deux improvisent. Dans la vitesse la plupart du temps. Et même sur tempo lent ils en mettent partout. C’est bluffant au premier abord. Puis assommant. Du jazz, elle oublie le nécessaire swing et la fantaisie ».

    Je me demande bien qui, dans cette histoire, manque de fantaisie et de la plus élémentaire fraîcheur d’esprit. Si chacun d’entre nous est libre de ses opinions, force est de constater qu’on a connu le journaliste beaucoup mieux inspiré. Quelle est donc cette amertume qui le conduit à s’égarer ainsi et déverser laconiquement une bile hors de propos ? Pour avoir eu la chance d’assister à un concert du même duo lors de la dernière édition des Nancy Jazz Pulsations, je ne peux que m’inscrire en faux et souligner, une fois encore, la grâce de ces deux artistes chaleureux ! Point de démonstration – même si l’un comme l’autre sont effectivement de vrais virtuoses – de leur part, juste une salutaire décharge de lumière dont les effets bienfaisants se font sentir bien longtemps après la dernière note jouée. Sans oublier une belle dose d’humour, prenant appui sur une prise en compte sincère du public avec lequel ils dialoguent tout naturellement. Cerise sur le gâteau, Youn Sun Nah est une personne délicieuse qui a conservé une simplicité très touchante à travers laquelle elle démontre que l’être humain habite son art au plus près du cœur. Quelques instants après le rappel, je la vois encore s’émerveiller – comme si elle doutait de son propre rayonnement – en parlant avec un groupe d’enfants venus l’écouter et qui s’étaient précipités pour lui poser des questions minutieusement préparées avec leur professeur de musique. Son regard pétillait d’une joie non feinte. Juste avant de prendre le temps de bavarder tranquillement avec moi, sans la moindre distance.

    youn sun nah
    Photo Youn Sun Nag © Jacky Joannès

    Au rayon des circonstances atténuantes pour le journaliste, on pourra peut-être émettre l’hypothèse qu’au mois d’octobre dernier, Youn Sun Nah se produisait dans le cadre intime et chaleureux de La Fabrique, cette petite salle jouxtant le Théâtre de la Manufacture de Nancy. Un lieu idéal pour cette musique puisant aussi bien dans un répertoire jazz que dans la comédie musicale (avec la reprise de « My Favorite Things », une chanson extraite de The Sound Of Music), en passant par les influences de la tradition musicale de sa Corée natale, une composition de Nirvana ou Van Halen. Ce qui n’était peut-être pas le cas de la scène du Printemps de Bourges, certainement plus adaptée aux grosses machineries en vogue et hautement périssables. Mais on ne pourra m’empêcher de penser que cette vacherie adressée à Youn Sun Nah trouve aussi son origine dans un dépit mal placé. Comme si Sylvian Siclier regrettait que la reconnaissance dont bénéficie désormais la chanteuse l’avait fait sortir du cadre strictement réservé aux spécialistes dont il pense être l’une des voix autorisées. Comme si son succès actuel la rabaissait au rang d’objet de curiosité commerciale, indigne de la nécessaire austérité derrière laquelle tout musicien digne de ce nom doit se ranger.

    Oublions donc cette saillie condescendante et réjouissons-nous plutôt à l’idée que le talent, parfois, rencontre un large public. Cette jonction n’est pas si fréquente qu’il faille à tout prix tomber dans le dénigrement hautain et les jugements péremptoires d’un spécialiste qui devrait se rappeler que les colonnes d’un grand journal ne sont pas extensibles au point qu’on puisse s’autoriser à les remplir d’une démonstration de grand vide émotionnel.

    Alors écoutons les disques de Youn Sun Nah (ses deux dernières productions, appelées Same Girl et Voyage sont de véritables petits bijoux de sensibilité) et prenons le temps de l’écouter nous parler de sa version de « My Favorite Things ».

  • Chauffe Marcel !

    a la recherche du temps perdu, marcel proust, nina companeezTéléspectateur très intermittent et volontiers boycotteur de la plupart des chaînes ou programmes destinés à investir les cerveaux disponibles, j'ai pris le temps, néanmoins, de regarder la semaine dernière le long téléfilm en deux parties réalisé par Nina Companeez, qui avait choisi de s'attaquer à cet Himalaya de la littérature qu'est A la recherche du temps perdu de Marcel Proust. En proustophile récurrent, je ne pouvais manquer de m'intéresser à cette courageuse tentative, partant toutefois de l'idée que l'obstacle de la transposition en images d'une telle somme était absolument insurmontable.

    Dès la fin des deux premières heures, ma conviction était faite, malgré l'indéniable effort entrepris pour reconstituer un écrin au plus près de l'ambiance dans laquelle baignent les sept grands chapitres d'une œuvre publiée sur près de quinze années et dont les trois derniers ont été portés à la connaissance des lecteurs après la mort de l'écrivain.

    Oui, les décors et les costumes sont soignés ; oui, les acteurs sont un reflet assez fidèle des personnages qui parcourent La Recherche tout au long de ses milliers de pages. La plupart sont très bons, voire excellents – Didier Sandre campe un Baron de Charlus particulièrement saisissant - ; oui, l'histoire est racontée non sans une vraie rigueur, malgré la quasi éradication du premier volet : Du côté de chez Swann, qui n'est ici évoqué qu'au moyen de quelques flash-back vers la fin de la deuxième partie (difficile tout de même de ne pas caser quelque part l'épisode de la madeleine qui reste ici assez incompréhensible alors que placé au début de l'œuvre écrite, il nous éclaire très vite sur les tourments qui hantent le narrateur). Nina Companeez n'a eu d'autre choix que de nous offrir un sommaire détaillé de ce grand ensemble, prenant le risque parfois d'égarer le téléspectateur qui n'aurait pas de son côté entrepris une lecture de ce qui, qu'on le veuille ou non, restera comme l'une des œuvres majeures du XXe siècle.

    Or, malgré cette impression d'une réussite formelle, on doit bien s'avouer que la réalisatrice est passée à côté de son sujet. Nul reproche ici de ma part : il ne pouvait en être autrement car A la recherche du temps perdu est intransposable. Aucune version cinématographique ou télévisée ne pourra rendre compte du mystère que représente cette montagne dont les ressources semblent inépuisables au point que beaucoup conservent toujours à portée de main l'un ou l'autre de ses volumes.

    Beaucoup d'analyses ont été produites qui s'attachent à décrypter le travail de Marcel Proust et je ne me risquerai pas à une tentative d'étude. Mais je veux tout de même faire part ici des raisons pour lesquelles je suis parvenu à la conclusion qu'une telle adaptation est, et sera toujours, vaine.

    Jamais en effet un film ne pourra mettre en images l'incroyable musique des phrases de Marcel Proust. Parce qu'on ne lit pas son grand œuvre sans avoir au préalable pris quelques précautions. Une phrase de Proust est un monde à elle-seule, elle vous emmène loin dans les pensées de l'auteur et requiert toute votre attention. La moindre seconde de distraction vous sera fatale et vous serez impitoyablement éjecté de l'embarcation. Vous devrez remonter à bord et recommencer. D'une certaine façon, on peut dire que la lecture de Proust s'apparente à un travail de méditation. Il vous faut tenter de faire le vide en vous pour entrer dans ses méandres et mieux savourer la succession de réflexions et les innombrables analogies dont l'écrivain parsème ses états d'âme. Mais dès lors que vous aurez réussi à maîtriser la conduite de votre rafiot, vous recevrez en cadeau un incroyable voyage intérieur dont chaque étape, aussi courte soit-elle, évoquera forcément une sensation qu'il vous sera arrivé d'éprouver un jour ou l'autre. A la recherche du temps perdu fonctionne un peu comme le scanner de vos propres pensées : il semble bien que Proust ait tout analysé, tout décortiqué. Rien ne lui aura échappé de ce qui a pu vous habiter vous-même. On peut dire que si Nina Companeez a réussi à fabriquer une honorable bouteille de vin, elle n'est pas pour autant devenue viticultrice. Tout au plus aura-t-elle pu l'emplir d'un agréable sirop qui ne vous conduira pas à l'ivresse. Dommage ! Un contenant séduisant mais finalement bien peu de contenu. Disons-le une fois encore : à l'impossible nul n'est tenu et le visionnage de ces quatre heures, pour agréable qu'il soit, ne nous donne pas les clés de l'univers de Marcel Proust. Comme si, ayant pénétré dans le hall d'une grande demeure, vous étiez condamné à en observer les portes fermées tout autour de vous. C'est au téléspectateur, maintenant, de décider s'il a envie d'en savoir plus.

    On ne rappellera jamais assez l'incroyable causticité des visions de Marcel Proust et leur étonnante universalité qui en font la modernité. Bien des réflexions qu'il nous soumet pourraient s'appliquer à notre époque. Je relisais récemment A l'ombre des jeunes filles en fleur et je m'étonnais de la manière très réjouissante dont Proust considérait les parvenus et leur acculturation.

    Relisons-le : « Je fus frappé à quel point chez ce jeune homme et les autres très rares amis masculins de ces jeunes filles, la connaissance de tout ce qui était vêtements, manière de les porter, cigares, boissons anglaises, chevaux – et qu'il possédait jusque dans ses moindres détails avec une infaillibilité orgueilleuse qui atteignait à la silencieuse modestie du savant – s'était développée isolément sans être accompagnée de la moindre culture intellectuelle ». Cherchez bien autour de vous, vous aurez forcément, un jour ou l'autre, un personnage de cet acabit, prompt à vous faire éclater sa réussite à grands coups de grosses berlines allemandes et, pourtant, de conversation fort limitée. Encore mieux, quelques lignes plus loin : « Il n'avait aucune hésitation sur l'opportunité du smoking ou du pyjama, mais ne se doutait pas du cas où on peut ou non employer tel mot, même des règles les plus simples du français ». Tiens tiens... ça me rappelle quelque chose. Pas vous ? J'ai le souvenir très récent d'un chef d'état bataillant avec le subjonctif pour mieux faire oublier la catastrophique symphonie de ses phrases, ainsi baragouinées pour rester en phase avec son public.

    Marcel, tiens-toi bien, tu vas finir par être retiré de tous les programmes de littérature. D'ailleurs je ne sais même pas si cette discipline, peu génératrice de consommateurs dociles, est encore enseignée...

    Et sur ces bonne paroles, j'y retourne !

  • Projet

    bouquin_couverture.jpgJe commence à entrevoir ce que peut-être le baby blues, cette phase de déprime qui gagne certaines mères peu de temps après la naissance de leur enfant. Une sensation de vide difficile à décrire si ce n'est qu'elle vous laisse dans un état qui confine à une hébétude interrogative teintée de tristesse. Je me permets cette tentative d'explication parce qu'après le long travail ayant mené à la réalisation de l'exposition Portraits Croisés (dont je vous rappelle qu'il est toujours possible de me commander la version numérique avec plein de morceaux de bonus dedans, il suffit de cliquer ICI pour télécharger le bon de commande, allez-y m'sieurs dames, c'est pas cher et les premiers échos de mes acheteurs sont très positifs), je ressens un besoin impérieux : celui de ne pas me laisser gagner durablement par un malaise inconfortable et, tout de suite, d'imaginer un nouveau projet qui sera comme un guide quotidien des mois à venir. Une petite boussole personnelle, pour mettre des couleurs là où la vie en manque parfois. Un travail créatif qu'on a envie de partager, non sans surmonter les inhibitions qui pourraient vous inciter à penser qu'il est prétentieux d'imaginer qu'on a comme un signal à émettre et que, quelque part, se trouveront bien quelques récepteurs bienveillants. Cette nécessité de la création qui, comme nous l'évoquions voici quelques jours, est une manière de dire non aux renoncements et oui à la vie.

    Ainsi donc, l'idée d'un bouquin qui me trotte dans la tête depuis des années et des années, pourrait connaître une matérialisation à la fin de l'année. N'ayant aucune prédisposition à imaginer ce qui pourrait être un roman (j'ai essayé des dizaines de fois, avant de parvenir à la salutaire conclusion de mon incompatibilité avec l'invention écrite), je vais regarder dans mon petit rétroviseur personnel et travailler une matière existante, cette pâte qui vit déjà sous la forme de différents textes éparpillés ici ou là et que je viens de sélectionner. Oh, bien sûr, le plus difficile est à venir : il me sera nécessaire de lire et relire, de corriger, de décontextualiser certains propos, bref... de sculpter ! Je connais les affres d'un tel chantier, j'en connais aussi les bonheurs. Et je m'aperçois que le stock à remodeler prendra en réalité la forme de deux livres distincts... dont je ne dis rien de plus pour l'instant mais qui me sont essentiels de mon point de vue. Non que je pense un seul instant qu'ils soient d'un intérêt majeur, mais parce qu'ils sont une réalisation de ce qui m'habite depuis ma plus tendre enfance. Peut-être une manière d'exprimer noir sur blanc ce qu'un handicap congénital m'interdit parfois de verbaliser...

    Et puis... selon ma vieille habitude, je sais par avance que le résultat sera légèrement différent de ce que je vous laisse entrevoir aujourd'hui. Parce qu'il s'agit d'une matière vivante, dont la forme est en mouvement permanent. Quoiqu'à bien y regarder, je ne vous laisse pas entrevoir grand chose... J'essaierai juste d'être à la hauteur de mes propres rêves...

    Avis à certain(e)s ami(e)s qui se reconnaîtront : ce projet ne saurait entraver mon travail de rédaction pour un magazine de jazz auquel je collabore. Tiens, j'y retourne de ce pas !!!

    NB : la couverture ici présentée est plutôt un gag, même si le titre du premier bouquin sera probablement celui-là.

  • Abécédaire

    Si l'on veut bien faire abstraction :
    - d'une promotion qui fleure bon le copinage entre membres d'une même famille médiatique ;
    - de l'énervement qui peut assez vite vous gagner à constater que l'auteur du bouquin manifeste une certaine tendance à se mettre en scène aux côtés des artistes qu'il honore ;
    - d'une accumulation de tics de langage et de formules à l'emporte-pièce qui tiennent moins bien la route tout au long des 700 pages d'un livre qu'au cours des 30 minutes d'une émission comme Rapido et qui finissent par susciter chez le lecteur un début de lassitude ;
    - des raccourcis assez simplistes dont l'auteur en question abuse un tantinet, notamment quand il prétend régler leur compte à des mouvements musicaux comme le rock progressif ou le jazz-rock ;
    - de l'oubli systématique du premier h dans la locution anglo-saxonne « rhythm'n'blues » ;
    - de quelques fautes de français très en vogue comme par exemple : « c'est DE lui DONT je veux dire deux mots » (page 90)...

    dar_decaunes.jpgAlors on pourra prendre un vrai plaisir à la lecture du Dictionnaire Amoureux du Rock signé Antoine De Caunes et paru tout récemment chez Plon. Même si, en l'occurrence, le dictionnaire est ici en réalité un abécédaire malicieusement subjectif par lequel l'animateur – réalisateur nous raconte une myriade d'histoires croustillantes et nous fait partager ses coups de cœur musicaux depuis sa plus tendre enfance. Surtout, De Caunes réussit vraiment son coup lorsqu'après la lecture d'un chapitre, on est pris du désir irrépressible de se ruer sur l'un ou l'autre des disques qu'il met en surbrillance : difficile en effet de ne pas avoir envie de se replonger illico dans les univers de J.J. Cale, Procol Harum, Ry Cooder ou Neil Young, de dépoussiérer le Blues From Laurel Canyon de John Mayall qu'on se surprend à ne pas avoir écouté depuis vingt ans au moins ou, cerise sur le gâteau, de faire tourner à nouveau sur la platine le somptueux Manassas de Stephen Stills dont j'avais déjà brossé un portrait dithyrambique au printemps 2006.

    En ce sens, le bouquin est une réussite ; on lui pardonnera d'autant plus volontiers ses défauts génétiques qu'il est aussi l'occasion de se repaître de quelques phrases qu'on voudrait faire siennes. Ainsi, dans le portrait qu'il consacre à Burt Bacharach, Antoine De Caunes en vient à évoquer celui qui avait adapté l'une de ses chansons, l'inénarrable Claude François : « ...avec Cloclo, en 65, qui chantait 'Quand un bateau passe' (…) ponctuant sa tristesse de ses célèbres couinements de belette constipée ».

  • Sourires

    jeannette dalia curta,marie ossagantsia

    Jeannette Curta & Marie Ossagantsia © Maître Chronique

    Parfois, une photographie vaut tous les discours... Hier soir, Jeannette Dalia Curta se produisait à Villers-lès-Nancy avec ses musiciens dans le cadre du Festival Vand'Influences. Une soirée entre jazz, soul, funk, chanson, bossa nova ou influences directes de sa terre d'origine, la Roumanie. Juste après le concert, elle retrouvait sa complice Marie Ossagantsia – dont il a déjà été question ici et qui faisait partie des 57 « Portraits Croisés » mis en scène dans le cadre de l'exposition réalisée avec mon pote Jacky Joannès au mois d'octobre. Ces deux-là se connaissent bien et l'on en viendrait à appeler de nos vœux une prestation à deux voix. On devine déjà que le grand gagnant de ce duo de charme serait le sourire !

  • Signatures Edition

    Cover_6005-2.jpgNous sommes en 2010, le disque connaît une crise sans précédent au point que sa disparition est programmée dans l’esprit de beaucoup d’experts ou prétendus tels, dans un contexte économique où, malgré des difficultés avérées, le nombre de références publiées semble, lui, ne pas manifester de fléchissement. Pas simple, donc, de s’y retrouver dans le foisonnement des publications et de procéder aux bons choix lorsqu’il s’agit d’engager une dépense.

    Lire la suite de cet article sur Citizen Jazz

  • Atem 1975-1979

    cj_atem.jpgPublié aux Editions du Camion Blanc, ce recueil signé Gérard Nguyen va réveiller chez bon nombre d’entre nous de délicieux souvenirs et s’apparente, trente ans plus tard, à un véritable livre d’histoire des musiques de traverse. Ceux d’une époque qui semble lointaine aujourd’hui puisque nichée au cœur des années 70 et finissant sa course à l’aube des années 80. On n’osait pas croire qu’un jour nous serait offerte la possibilité de nous replonger dans la vie d’un magazine tout autant prisé de ses lecteurs que des musiciens, qui y voyaient plus qu’un hommage à leur talent.

    Lire la suite de cet article sur Citizen Jazz

  • Atem

    atem.jpgJe dois recevoir très prochainement chez moi – à des fins d'interview pour Citizen Jazz – une personnalité bien connue des amateurs lorrains (et pas seulement d'ailleurs) des musiques dites « de traverses ». Gérard Nguyen, puisque c'est de lui qu'il s'agit, va en effet soulever de plaisir beaucoup de gens en publiant aux éditions Camion Blanc une sélection d'articles publiés durant la seconde moitié des années 70 dans le magazine qu'il avait alors porté à bout de bras : Atem. Ce journal incomparable – 16 numéros édités entre 1975 et 1979 – fut en effet une formidable aventure humaine que nous sommes nombreux à avoir vécu non sans fièvre, guettant la prochaine édition, nous arrachant les yeux parfois (au début) sur une mise en page dense et aride. Ah, que de beaux noms ont pu être convoqués au sommaire de ce réjouissant et singulier Atem ! Il suffit de regarder la couverture du livre qui paraît aujourd'hui pour s'en convaincre : Kevin Ayers, Tim Buckley, Can, Kevin Coyne, Nick Drake, Brian Eno, Faust, Robert Fripp, Philip Glass, Peter Hammill, Hatfield & The North, Heldon, Henry Cow, Hugh Hopper, Magma, John Martyn, Nico, Steve Reich, The Residents, Suicide, This Heat, Tom Waits, Robert Wyatt, etc. Un casting de rêve qui associe des artistes issus de sphères différentes : rock, jazz, musique contemporaine ou expérimentale, … mais ayant en commun une démarche artistique hors normes et intrinsèquement créative. Plus de 560 pages d'articles et d'interviews qu'on n'a pas fini de lire et de relire. Une sorte de livre de chevet, un compagnon de vie.

    Il est amusant aussi de se rendre compte que la parution d'Atem – qui fut aussi un label de disques tout aussi inventif et sans équivalent, dont les têtes de pont s'appelaient notamment Univers Zéro ou Présent – fait remonter à la surface de vieux souvenirs, très agréables.

    L'époque de l'Université par exemple, lorsqu'à peine mon dernier cours de la journée terminé, je ralliais au plus vite le magasin de disques où le même Gérard Nguyen, l'œil malicieux, une Camel filtre au bec et toutes platines Marantz dehors, nous faisait partager ses passions de l'époque, celles justement dont on va pouvoir relire les textes qui en étaient nés.

    Je me souviens... de ce soir d'octobre 1976 où, après une attente interminable – la publication du disque annoncé étant sans cesse reportée – les premières mesures de « De Futura » de Magma avaient retenti avec une sombre solennité. Jannick Top et Christian Vander tentaient une éphémère association dont la deuxième face de l'album Üdü Wüdü – avec une pochette provisoire et de belles fautes d'orthographe – se présentait comme le fidèle reflet. Une attaque de Kobaïa, rue Gambetta !

    Je me souviens aussi, quelques mois plutôt, de ce soir où j'avais embarqué (avec l'accord du patron, évidemment) plusieurs numéros du magazine pour le faire connaître à Jean-Bernard Hébey, alors animateur à RTL, qui avait posé sa bulle à Nancy pour une semaine, et dont l'émission quotidienne était une source assez éclectique de découvertes musicales en début de soirée.

    Atem ! Les anciens vont se réjouir de cette résurgence, les plus jeunes vont sans nul doute avoir du mal à ne pas admettre qu'on tenait là une pépite, que certains conservent aujourd'hui précieusement comme un trésor caché.

    Cerise sur le gâteau, il est question que les textes non sélectionnés pour le livre puissent être réunis en un blog.

    Pour moi, c'est d'accord, sans la moindre réserve !

  • Rock Progressif

    rock_progressif.jpg

    Ah... ça sent la nostalgie, c'est bien ce que vous pensez, n'est-ce pas ? On pourrait le croire en effet au terme « rock progressif » qui fleure bon les seventies... En réalité, ces quelques lignes sont nées spontanément d'une actualité réjouissante : celle de la publication à la fin du mois d'avril aux Editions Le Mot et le Reste d'un excellent bouquin éponyme sous la plume d'un jeunot - né en 1973, Aymeric Leroy n'était même pas une idée dans l'esprit de ses parents lorsque King Crimson posa en 1969 la pierre fondatrice d'un mouvement musical foisonnant avec la publication de In The Court Of The Crimson King - qui s'est fait connaître tant par sa contribution au magazine Big Bang que par son expertise sans équivalent pour tout ce qui concerne l'École de Canterbury, née dans le sillage du groupe Soft Machine. Au point qu'il lui a consacré un site Internet particulièrement précieux nommé Calyx. Aymeric Leroy est par ailleurs l'auteur, chez le même éditeur, d'un excellent bouquin sur Pink Floyd.

    La définition du rock progressif n'est pas aussi simple qu'il pourrait y paraître au premier abord. Aymeric Leroy multiplie les arguments, réfute certaines thèses et n'oublie pas de souligner l'influence de certains artistes qui, sans qu'on puisse leur apposer l'étiquette du rock progressif, ont néanmoins contribué à l'évolution du rock vers, je cite l'auteur : « une émancipation du carcan couplet / refrain excessivement limitatif de la pop, s'exprimant en premier lieu dans un rééquilibrage des rôles entre voix et instruments au bénéfice des seconds ». Ces artisans d'un « proto-prog » se nomment Beatles, Cream, Jimi Hendrix, Procol Harum, Moody Blues ou bien encore The Who.

    Et plutôt que de se livrer à un fastidieux passage en revue exhaustif de toute la production discographique composant l'univers du rock progressif, Aymeric Leroy choisit une présentation chronologique découpée en grandes époques - une quinzaine depuis la fin des années 60 jusqu'à nos jours - assorties parfois de quelques incursions vers des pays non anglophones comme l'Allemagne, la France, l'Italie ou l'Espagne.

    Avec un tel angle d'attaque, on mesure beaucoup plus aisément le rôle respectif de chacun des grands acteurs de cette saga, une épopée souvent raillée par les tenants d'un rock pur et dur ou certains intégristes d'un jazz confisqué, confits dans une désagréable condescendance - un comble pour cette musique tellement empreinte de liberté et d'invention. Sans nier pour autant le fait que, bien que faisant depuis quelques années l'objet d'un revival, le rock progressif appartient tout de même pour l'essentiel au passé, même si ses grands noms continuent de résonner fort dans l'esprit de beaucoup de gens : King Crimson, Yes, Genesis, Emerson Lake & Palmer pour citer quatre têtes d'affiches - présentes d'ailleurs en première page de couverture - parmi un casting particulièrement fourni.

    Et encore... ce passé rejoint parfois le présent, s'y mêle, les époques se croisent et donnent naissance à d'autres expressions souvent très heureuses : en témoigne le dernier disque de Pierrick Pédron, Omry, qui doit beaucoup à l'amour que le saxophoniste porte aux grands noms du rock progressif, comme Pink Floyd.

    A titre personnel, c'est avec un vrai bonheur que je parcours ces quelque 450 pages denses et érudites, mais constamment passionnantes. D'une certaine façon, ce Rock Progressif est le bouquin que j'appelais de mes vœux depuis longtemps et je sais gré à Aymeric Leroy d'avoir comblé un vide et su fixer par l'écrit une aventure que je considère comme constitutive de mon propre parcours de mélomane boulimique. Et, j'en suis certain, je ne serai pas le seul dans ce cas.

    Cerise sur la gâteau, la connaissance encyclopédique d'Aymeric Leroy sur ce sujet est servie par une écriture de qualité : son style soutenu, élégant et dépourvu de toute boursouflure, constitue un écrin particulièrement adapté à l'univers du rock progressif dans ce qu'il a de plus inventif.

    Un seul conseil de ma part : si vous êtes amoureux du rock progressif, vous ne pourrez échapper à ce livre qui vous ravira ; si vous avez un intérêt pour l'histoire de la musique au XXe siècle, vous seriez coupables de l'ignorer.

  • Little Heroes

    internet.jpgJ'écoutais dernièrement à la radio un débat consacré à l'évolution probable du fonctionnement d'Internet et de son accessibilité pour le « grand public ». La diffusion massive de la Toile favorisée entre autres par un taux d'équipement élevé des foyers en ordinateurs individuels dont le prix a fondu sous l'effet « netbook » notamment, le développement des applications dédiées aux « smartphones », l'utilisation de plus en plus intensive de plates-formes telles que You Tube, très gourmandes en bande passante, modifient considérablement la donne, rendant parfois très difficile, voire impossible à certaines heures, l'accès au réseau, au point que les fournisseurs d'accès sortent petit à petit de leur devoir de neutralité pour entamer des négociations avec les fournisseurs de contenus. En d'autres termes, les premiers disent aux seconds : « Ecoute mon vieux, si tu veux que mes abonnés continuent à accéder à ton site, je vais être obligé de les faire payer plus cher parce que les tuyaux de mon réseau sont trop étroits ». Dans certains pays comme la Belgique par exemple, on commence à voir apparaître des offres dites « Premium » qui permettent de surfer partout... à condition de payer le prix fort (j'ai entendu évoquer des sommes de l'ordre de 70 ou 80 € mensuels). Ainsi, le modèle socio-économique initial de l'Internet - fondé sur l'idée un peu utopique du partage - est en train, tout doucement, de voler en éclats et son évolution nous ramène 25 ans en arrière lorsque la publicité avait été autorisée sur des radios dites « libres » qui, en quelques années, connurent un extraordinaire phénomène de concentration, devenant au final de simples robinets déversoirs du plus désespérant des conformismes, seul garant d'une rentabilité assurée pour la meute des actionnaires (r)assis sur leurs dividendes.

    L'argent règne en maître absolu, on le sait bien, et notre système économique semble ne pouvoir s'épanouir que dans la division et la fracture. A l'image de toute l'histoire de l'humanité, probablement. Une infime minorité possédante doit écraser de son pouvoir le reste de la population. C'est, semble-t-il, une sorte de loi propre à l'espèce humaine...

    En poursuivant notre exemple, on peut affirmer qu'il y aura un Internet pour les riches et un Internet pour les pauvres. N'en doutons pas un seul instant.

    Et allez savoir pourquoi, cette division brutale entre la minorité des possédants et le reste de la population me fait penser à un bouquin que j'ai dû lire, je crois, dans les années 90, sous la plume de Norman Spinrad qui campe dans son Rock Machine (dont le titre original est Little Heroes) une société divisée en deux couches : la première, celle d'une fraction minoritaire revenue de tout, habite à la surface et trompe son ennui dans la fête, l'alcool et les stupéfiants. Cette population du show biz et des P.A (« Personnalités Artificielles, vedettes de synthèse, poupées de sons, produits incestueux des sondages et des éprouvettes électroniques, concoctées dans les entrailles d'ordinateurs, tels Lady Leather et Mucho Muchacho. Vite fanées. Trop vite oubliées au gré des huiles de Muzik, Inc., la mégasociété des variétés. », je cite ici une phrase tirée d'une présentation du roman sur Internet), superficielle à tous les sens du mot, vit au grand jour et s'oppose à un peuple de l'ombre qui grouille sous ses pieds et ne fait que survivre. Je ne me rappelle plus vraiment les détails de ce roman, mais je me souviens d'avoir été frappé par certains de ses aspects, très visionnaires, qui semblent nous décrire, quelques années à l'avance, le monde qui nous menace.

    Je pense aussi, mais là c'est une anecdote souriante, aux moqueries de mes enfants, qui à cette époque, prenaient un malin plaisir à m'imiter lorsqu'au détour d'une conversation, je faisais référence à ce bouquin en soulignant la fracture qu'il mettait en avant sous couvert d'anticipation... Je les entends encore...

  • Sunday Night Blues

    Quand quelques idées s'entrechoquent, au soir d'un dimanche pluvieux...

    fete_foraine.jpg

    Dans quelques jours débutera à Nancy une fête foraine annuelle d'un mois. La foire, comme on dit par ici... Les camions et leurs manèges ont fait leur entrée dès lundi matin dans la ville, provoquant de beaux bouchons et, ce faisant, la colère de l'homo automobilus en route vers son labeur et de fait coincé dans sa maisonnette sur roues. Quant à moi, plus piéton que jamais, j'observais ce matin les véhicules dans lesquels s'exhibent la plupart des forains : en règle générale, de très très grosses cylindrées allemandes, véritables attentats écologiques qui m'y feront regarder à deux fois avant que j'engage le moindre centime d'euro - ce qui ne m'est pas arrivé depuis des lustres - dans l'une ou l'autre de ces attractions bruyantes et kitsch qui, tout au plus, me permettront de repartir chez moi l'estomac retourné ou les bras chargés d'un affreux lot de consolation fabriqué dans la dictature eldorado chérie de nos ayatollahs néo-conservateurs, hypocritement baptisée RPC sur les étiquettes introuvables de la plupart des produits qu'on essaie de nous fourguer à tout bout de magasin*.

    Ah, puisqu'on parle des ayatollahs du libéralisme échevelé (privatisons les bénéfices, mutualisons les dettes), je pense à cette récente émission vue sur l'excellent site Arrêt sur Images qui avait pour sujet d'étude le directeur du journal l'Express, le sémillant et omniprésent Christophe Barbier, toujours ceint de son écharpe rouge, éditorialiste bien fourni en ronds de serviette sur de nombreux plateaux de télévision consentants. Ce journaliste, dont l'inspiration idéologique pourrait être qualifiée de thatchero-zemmourienne, aime s'adonner sur son blog à quelques saillies provocatrices, qu'il justifie au nom de je ne sais quel besoin de débat, qu'il faudrait impérativement lancer. Soit. Il s'attaquait l'autre jour à la question des obèses montrés du doigt par les compagnies aériennes qui menacent de surtaxer les sièges passagers de ces encombrants bipèdes. Soit encore, cette question est intéressante, car elle traite potentiellement de plusieurs sujets sensibles : la discrimination d'une part, les raisons de la croissance exponentielle de l'obésité dans les sociétés occidentales selon le modèle américain d'autre part, pour ne citer que les plus prégnantes. Mais, comme l'aurait dit Rossini, ce vil Barbier préfère choisir un angle plus pernicieux en opposant ceux dont l'obésité serait d'origine génétique et les autres, qui auraient grossi par manque de volonté. Il faudra que ce professionnel de la parole m'explique la méthode qu'il va employer pour séparer les uns des autres et comment il pourra extraire le phénomène de l'obésité galopante de son contexte social, lui même résultant d'un système économique (dont il reste le défenseur) à la dérive. En réalité, ce « bougisme » médiatique un brin stérile n'est probablement rien d'autre qu'une flatulence intellectuelle - une parmi tant d'autres - ayant pignon sur écran depuis quelque temps, mais qui nous interpelle fortement quant à son pouvoir de nuisance dans les esprits. Et doit nous inciter à la plus extrême vigilance.

    chorale_cathedrale.jpgEsprit es-tu là ? Certains pensent que l'art possède des vertus rédemptrices pour l'homme. Je fais partie de ceux-là et lorsque le quotidien devient lourd à porter, la musique m'est d'un précieux secours. Hier soir, une chorale chantait le Requiem de Gabriel Fauré en la cathédrale de Nancy. Adultes et enfants dans un même élan : de quoi vous enchanter et vous laisser croire qu'il existe encore une porte de sortie à ce maelström dans lequel nous sommes englués, nous les humains. Et une incitation très forte à mettre le doigt là où ça fait du bien en partageant avec vous quelques oeuvres fortes. Comme celles que crée avec un talent fou le clarinettiste saxophoniste Louis Sclavis, auquel je pense à la minute présente parce qu'une collègue blogueuse qui l'a vu sur scène tout récemment est encore, semble-t-il, sous le charme puissant de sa musique. On la comprend ! L'abondante discographie du bonhomme depuis 25 ans témoigne de sa créativité sans pareille, dans une ascension régulière et dont ses quatre derniers disques, d'une stupéfiante beauté, sont à chaque fois autant de promesses avérées pour l'avenir : « L'Affrontement des prétendants » (2001), « Napoli's Walls » (2003), « L'Imparfait des Langues » (2007) et « Lost On The Way » (2009). Ces petites merveilles, toutes publiées sur le label ECM, inventent un jazz contemporain, en éveil permanent.

    L'éveil, vous dis-je !

    * Cette phrase compte 731 caractères, mais je suis capable de faire beaucoup mieux... ou pire, c'est vous qui voyez !

  • Policier

    hammett.jpg

    Voilà une réédition particulièrement réussie ! Dans leur collection Quarto, les éditions Gallimard publient un réjouissant volume regroupant les cinq romans écrits par Dashiell Hammett : Moisson rouge, Sang maudit, Le Faucon maltais, La Clé de verre, L'Introuvable. Une très belle occasion de se (re)plonger dans l'univers d'un écrivain qui a su faire franchir un cap essentiel au roman policier : celui de l'entrée en littérature et de l'avénement du « roman noir ».

    Ecrits entre les années 1929 et 1934 (date à partir de laquelle cessera son activité d'écrivain), ces livres marquaient en effet une rupture avec un genre aux règles assez mécaniques plutôt dominé par une certaine école anglaise, celle des John Dickson Carr, Edgar Wallace ou encore Agatha Christie, « qui n'est vraiment à l'aise que parmi les manoirs anglais, avec leurs compagnies de maîtres d'hôtels, leurs mœurs de province, leurs histoires de gros sous », comme le souligne Jacques Cabau en introduction de cette somme de plus de mille pages.

    Ancien détective privé de la célèbre agence Pinkerton, Hammett savait très bien de quoi il retournait en matière de crime et allait immerger ses récits dans des univers beaucoup plus sombres, très ancrés dans une réalité ou règnent violence, corruption et immoralité. Raymond Chandler rappelle ainsi que « Hammett a délogé le meutre des palais vénitiens pour le balancer dans la rue ; non pas que le crime doive y traîner indéfiniment mais il était bienvenu de se défaire le plus possible des chichis bourgeois d'Emily Post ». Tout est dit en une phrase !

    Dashiell Hammett se considérait à l'époque comme l'une des rares personnes qui prenaient le roman policier au sérieux : on ne pourra que se réjouir de cette publication qui bénéficie d'une nouvelle traduction, la précédente étant trop marquée par le recours à un argot démodé qui privait probablement le lecteur d'une approche plus intemporelle que méritent largement ces romans.

    Une manière aussi, de souligner le rôle essentiel des traducteurs, rarement mis en avant et qui, pourtant, contribuent pleinement à l'épanouissement des textes au-delà de leurs frontières originelles. Pierre Bondil et Natalie Beunat auraient mérité de voir leurs noms en première de couverture, juste au-dessous de celui de l'écrivain américain. Cerise sur le gâteau, le prix est plus que raisonnable (27 €) et pourrait vous inciter à un achat qu'à coup sûr, vous ne regretterez pas.

  • Incarnations

    Le retour du vieux con misanthrope... Ne pas confondre la fièvre et le thermomètre. Ainsi, il est commode de pointer du doigt Internet et d'en stigmatiser les effets pervertisseurs de notre jeunesse. C'est oublier, me semble-t-il, le vrai coupable qui est l'Homme lui-même, créature plutôt nuisible lorsqu'elle ne dispose pas du privilège d'un semblant de dressage, qu'on appelle chez lui éducation et que notre univers consumériste tend à refouler (la réflexion étant l'ennemie première de la consommation, notre dictature financière s'accommode assez mal en effet d'un humain qui penserait un peu trop ; ce principe s'applique également aux régimes autoritaires qui utilisent la foi comme vecteur des folies religieuses ou la torture lorsqu'il s'agit d'aller encore plus vite en besogne. Briser toute tentative de pensée autonome...). Mais rassurons-nous : sa nature première tend à refaire surface à la moindre occasion : l'homme sait très vite redevenir veule, lubrique, vénal, brutal et grossier. Ainsi est l'homo erectus. Les exemples ne manquant pas, je vous en épargnerai une première liste, voyez autour de vous. Internet est pour lui une aire de jeux, parmi bien d'autres...

    Je préfère au contraire vous proposer deux illustrations qui tendent à démontrer qu'Internet peut susciter de beaux passages du virtuel au réel et qu'un dressage opiniâtre et bienveillant de la bête qui sommeille en chacun de nous peut susciter de belles rencontres et nous laisser caresser l'espoir d'une humanité pas encore condamnée à s'autodétruire (processus qui est, notons-le toutefois, largement engagé).

    C'est grâce à Internet, par exemple, et à un blog bien ficelé en particulier que j'ai pu découvrir ma ville natale sous un autre jour et en apprécier les qualités intrinsèques, grâce à un néo-verdunois qui avait décidé de lui consacrer beaucoup de temps pour nous offrir de nombreux textes curieux. Avec son œil neuf, l'auteur du site nous proposait une vision presque ensoleillée d'une cité que des années d'enfance et d'habitude, saupoudrées d'une bonne couche de tristesse nostalgique, m'avaient rendu injustement grisâtre. Et plutôt que d'en rester là, lui et moi sommes entrés en contact, nous nous voyons désormais régulièrement et avons entamé une belle histoire d'amitié, à laquelle sont associées nos épouses respectives.

    mc_bertaga.jpg

    On peut nous voir ici, lors d'une réunion au sommet qui s'est tenue hier, alors que nous allions embarquer, le temps d'une courte croisière-colloque, sur un paquebot, Her Majesty Of The Seas, qui mouillait paisiblement dans le port de Nancy.

    Mais je ne fais qu'évoquer un cas personnel qui, s'il a valeur d'exemple, n'en reste pas moins confidentiel et qu'on ne saurait brandir à la façon d'un étendard. Trop prétentieux. Non, voyons plutôt du côté de la musique et la belle histoire du trio SLuG (une chronique est dans les starting blocks de Citizen Jazz, vous la lirez très prochainement). Au départ, il y a un artiste touche-à-tout un peu génial, collectionneur de samples, et deux musiciens en partance de Magma. Le premier, John Trap, rencontre d'abord les seconds, Emmanuel Borghi et Himiko Paganotti, essentiellement via Internet : commence alors une petite valse de fichiers qu'on s'échange. C'est la naissance d'une première composition, puis d'une seconde et enfin d'un album entier qui sort très prochainement sur le label Off. Un groupe vient de prendre corps sous nos yeux (ou plutôt nos oreilles), il s'appelle donc SLuG et vous pouvez d'ores et déjà retenir son nom. On voit que le virtuel a pu engendrer le réel, ce qui, convenons-en, est tout de même plus enthousiasmant que l'opération inverse. Au final, ce premier disque est une parfaite réussite dans un univers électro pop un peu enchanté dont on devrait reparler dans les temps à venir. Il est en tout état de cause mon coup de coeur du moment.

    Il est aussi une belle occasion de s'aérer l'esprit et de regarder devant soi avec un peu moins de pessimisme.

  • Pureté

    alain_rey.jpgJ'éprouve la plus grande méfiance à l'égard de tous ces « penseurs » ou prétendus tels qui invoquent l'idée de pureté, et encore plus lorsqu'ils sont habités d'une nostalgie pour un passé fantasmé et qu'ils invoquent les mânes d'êtres imaginaires des temps anciens, des êtres purs et intacts. L'histoire montre d'ailleurs qu'à force de manipuler de tels concepts, certains ont entraîné leur pays (et d'autres par la même occasion) vers l'abîme.

    Je trouve dans « L'Amour du Français », le très chouette bouquin d'Alain Rey (Points Poche, collection Le Goût des mots), quelques phrases qui viennent mettre en forme mon propre ressenti mieux que je ne saurais le faire.

    « La pureté relève d'un ordre mythique et négatif : elle consiste à se préserver de tout ce qui est autre, toute différence étant souillure, à s'inscrire dans une bulle, à se barricader » (page 29).

    Plus loin, on peut lire aussi : « Cette idée, lorsqu'il s'agit de religion, peut être dangereuse - de la rigueur calviniste aux intégrismes. Elle devient détestable quand on l'applique aux règles de vie, au langage et, plus encore, comme l'Histoire l'a montré, au mythe racial ».

    Voilà une saine lecture pour l'été qui commence...

  • Duo

    Parce qu'on ne peut pas toujours écrire sur un blog... et qu'on s'efforce, à la façon d'un tâcheron, de mettre sa plume au service d'un magazine - Citizen Jazz - qui défend l'idée d'une musique comme on l'aime par ici. Je vous invite par conséquent à suivre un lien qui vous emmènera vers la lecture d'un article du type « deux en un », dont le personnage central est Robert Wyatt.

    onjyvinec.jpg
    Cliquez sur la photo pour accéder à l'article
  • Compagnons

    bibliothèque.jpgJe crois me rappeler avoir écrit ici - ou ailleurs - que j'étais incapable de lire un seul livre à la fois. En ce moment, sont installés sur ma table de chevet un livre de nouvelles (« Onze histoires de solitude », de Richard Yates), un autre d'inspiration philosophique (« L'endroit du décor » de Raphaël Enthoven) et un troisième aux confins de l'histoire et de la sociologie (« La vie mondaine sous le nazisme » où l'auteur, Fabrice d'Almeida, décortique le cynisme d'un groupe social que les horreurs de la vermine brune ne saurait entamer). Je crois aussi que j'ajouterai prochainement les « Quinze Promenades Sociologiques » dans Paris de Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot.

    Et puis, aux côtés de ces LDD (livres à durée déterminée) trônent quelques LDI (livres à durée indéterminée) vers lesquels je reviens régulièrement, pour en lire quelques pages, un chapitre, au gré de mes inspirations. Leurs richesses sont inépuisables. A commencer par la monumentale biographie de John Coltrane écrite par Lewis Porter ; puis les « Essais » de Montaigne, dans leur traduction contemporaine d'André Lanly ; un des volumes de « La Recherche du Temps Perdu » de Proust, dans la Pléïade ; enfin, le « XXe siècle » de René Rémond, qui démonte le grand meccano politique de la période 1918-1995. Il y a là aussi un petit intrus, parce que je l'ai chipé à Madame Maître Chronique : c'est « Le Voyage en Italie » de Goethe.