Abécédaire
Si l'on veut bien faire abstraction :
- d'une promotion qui fleure bon le copinage entre membres d'une même famille médiatique ;
- de l'énervement qui peut assez vite vous gagner à constater que l'auteur du bouquin manifeste une certaine tendance à se mettre en scène aux côtés des artistes qu'il honore ;
- d'une accumulation de tics de langage et de formules à l'emporte-pièce qui tiennent moins bien la route tout au long des 700 pages d'un livre qu'au cours des 30 minutes d'une émission comme Rapido et qui finissent par susciter chez le lecteur un début de lassitude ;
- des raccourcis assez simplistes dont l'auteur en question abuse un tantinet, notamment quand il prétend régler leur compte à des mouvements musicaux comme le rock progressif ou le jazz-rock ;
- de l'oubli systématique du premier h dans la locution anglo-saxonne « rhythm'n'blues » ;
- de quelques fautes de français très en vogue comme par exemple : « c'est DE lui DONT je veux dire deux mots » (page 90)...
Alors on pourra prendre un vrai plaisir à la lecture du Dictionnaire Amoureux du Rock signé Antoine De Caunes et paru tout récemment chez Plon. Même si, en l'occurrence, le dictionnaire est ici en réalité un abécédaire malicieusement subjectif par lequel l'animateur – réalisateur nous raconte une myriade d'histoires croustillantes et nous fait partager ses coups de cœur musicaux depuis sa plus tendre enfance. Surtout, De Caunes réussit vraiment son coup lorsqu'après la lecture d'un chapitre, on est pris du désir irrépressible de se ruer sur l'un ou l'autre des disques qu'il met en surbrillance : difficile en effet de ne pas avoir envie de se replonger illico dans les univers de J.J. Cale, Procol Harum, Ry Cooder ou Neil Young, de dépoussiérer le Blues From Laurel Canyon de John Mayall qu'on se surprend à ne pas avoir écouté depuis vingt ans au moins ou, cerise sur le gâteau, de faire tourner à nouveau sur la platine le somptueux Manassas de Stephen Stills dont j'avais déjà brossé un portrait dithyrambique au printemps 2006.
En ce sens, le bouquin est une réussite ; on lui pardonnera d'autant plus volontiers ses défauts génétiques qu'il est aussi l'occasion de se repaître de quelques phrases qu'on voudrait faire siennes. Ainsi, dans le portrait qu'il consacre à Burt Bacharach, Antoine De Caunes en vient à évoquer celui qui avait adapté l'une de ses chansons, l'inénarrable Claude François : « ...avec Cloclo, en 65, qui chantait 'Quand un bateau passe' (…) ponctuant sa tristesse de ses célèbres couinements de belette constipée ».