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  • Oxyd : « The Lost Animals »

    oxyd, the lost animals, onze heures onze, jazz[Carnet de notes buissonnières # 012] Banco pour Oxyd et son nouveau disque – le cinquième du groupe –  The Lost Animals, paru sur le label Onze Heures Onze. Après Long Now en 2016, qui revisitait la musique du groupe Nirvana, le quintette s’empare du thème des animaux disparus. L’extinction des espèces animales est dramatique, cette jeune garde de musiciens y est forcément sensible.

    Oxyd, c’est la réunion de cinq fortes personnalités : Alexandre Herer au Fender Rhodes et ses couleurs changeantes, sa capacité à instaurer un climat tantôt vaporeux, tantôt intranquille lorsqu’il sature le son de son instrument ; Julien Pontvianne au saxophone ténor, son sens de la retenue et un travail subtil sur le silence et l’entre-note, un art du minimalisme qu’il fait vivre aussi à travers des formations telles que Kepler ou l’Aum Grand Ensemble ;  Olivier Laisney à la trompette, ses constructions rigoureuses aux métriques souvent impaires, celles d’un musicien adepte d’une forme d’abstraction, son phrasé héritier d’une formation classique aussi bien que d’expériences plus contemporaines ;  Oliver Degabriele,  sa basse électrique et terrienne aux accents Zeuhl, son rock sous-jacent, celui qu’il déploie aussi au sein de Festen ;  enfin Thibault Perriard à la batterie, et la dimension parfois plus électro-pop de son drumming qui recourt si besoin à une frappe binaire.

    Oxyd, c'est une alliance savante d’esthétiques et d’influences multiples, qui viennent se conjuguer pour donner naissance à un jazz aux accents souvent électriques, dont la puissance et l’énergie vont de pair avec une musique beaucoup plus éthérée et planante, voire sérielle. Au fil des années, plus de dix maintenant, Oxyd a su élaborer un langage qui lui est propre : The Lost Animals est à n’en pas douter son meilleur disque.

    Alexandre Herer (Fender Rhodes), Julien Pontvianne (saxophone ténor), Olivier Laisney (trompette), Oliver Degabriele (basse), Thibault Perriard (batterie).

    Label : Onze Heures Onze

  • Et soudain, « My Favorite Things » !

    Coltrane_Favorite Things.jpgRemontons un peu le cours du temps pour nous arrêter au 9 septembre 1985. Observons maintenant la situation : j’entre chez mon disquaire favori de l’époque, La Parenthèse à Nancy pour ne pas le nommer. On y trouve une grande variété de disques : chanson, rock et jazz pour l’essentiel, ce dernier vivant là ses dernières semaines avant qu’une opération de recentrage économique ne le fasse disparaître de la boutique, me contraignant par la suite à effectuer mes achats dans un magasin concurrent (dont le rayon disques disparaîtra plus tard). En entrant, j’ignore totalement la nature de mon possible achat ; je ne suis d’ailleurs même pas certain d’y dépenser quoi que ce soit. Je furète, joue des doigts avec célérité pour faire défiler les pochettes des 33 tours, encore majoritaires malgré la présence de ces jeunes et prétentieux CD, qui restent coûteux et ne couvrent qu’une partie des catalogues des labels. Mes goûts de l’époque sont marqués par une réelle incertitude. J’ai connu bien des bonheurs musicaux depuis la fin des années 60 jusqu’au début des eighties, mais la période qui vient de s’écouler me laisse un goût amer.

    En parcourant ma discothèque, je m’aperçois d’ailleurs qu’il n’existe aucun mouvement musical vers lequel j’ai le désir de me tourner depuis l’entrée dans ces années 80 qui seront souillées par l’argent facile, la destruction de l’appareil industriel et le chômage de masse. Bien sûr, punk, cold wave, rap, me direz-vous… Tout cela ne me parle guère, je dois bien l’avouer, j’attends un frisson que ces courants ne me donnent pas. Du côté de chez mes héros, ce n’est pas la grande forme non plus. Magma, qui m'a fait vibrer du temps de Köhntarkösz et Magma Live/Hhaï, est en sommeil malgré la publication d’un atypique Merci qui préfigure une évolution assez inattendue et suscite la perplexité en raison de ce que certains considèrent comme une surproduction. Christian Vander n’a pas encore publié le premier disque de sa nouvelle formation, Offering, qui se produit sur scène depuis plus de deux ans. Il faudra pour cela attendre la fin de l’année 1986. La troisième mouture de King Crimson, où s’illustre l’irritant Adrian Belew, semble avoir vécu et son bilan est bien moins enthousiasmant que celui de la période 1972-1974 (Larks’ Tongues In Aspic, Starless And Bible Black, Red). Même mon si cher Grateful Dead ne donne plus beaucoup de nouvelles depuis quatre ans, son leader Jerry Garcia n’étant pas au mieux, parce qu’emprisonné dans les griffes de la drogue qui l'emportera dix ans plus tard. Une belle surprise est à venir néanmoins : ce sera In The Dark en 1987, avec son hit « Touch Of Grey ». Il y a chez moi comme une forme de déshérence qui m’entraîne à choisir un disque de temps en temps, par habitude mais aussi sans réelle conviction. Alors, ce 9 septembre 1985 est peut-être le bon moment pour me rappeler les nombreuses interviews du même Vander, qui brossait dix ans plus tôt dans les revues spécialisées (Best, Rock & Folk, Extra) un portrait passionné et intrigant d’un saxophoniste dont la musique semblait être la source de toutes ses inspirations : John Coltrane. Vander se plaisait à raconter comment, alors qu’il n’avait qu’une douzaine d’années, il écoutait sans fin, dans une danse enchantée, le disque My Favorite Things et la version obsédante que Coltrane avait créée à partir d’une chanson a priori anodine tirée d’une comédie musicale, « La mélodie du bonheur » (en anglais, « The Sound of Music »). Il disait aussi que la disparition de Coltrane, le 17 juillet 1967, l’avait presque anéanti, avant qu’il ne décide de réagir et de mettre sur pied cette formation controversée dont il serait à jamais l’âme et le moteur. Alors, Coltrane, enfin ? N’est-ce pas le moment d’en savoir un peu plus et de découvrir celui qui ressemble un peu à un magicien et pourrait s’avérer un possible compagnon de chaque jour ?

    Nous sommes donc le 9 septembre 1985… Étrangement, c’est l’anniversaire de mon frère, celui qui m’a tellement appris en musique. Ce soir-là, je suis sur le point d’investir un nouveau monde, dont il ne m’a jamais parlé, étant de son côté emporté par d’autres passions, transatlantiques elles-aussi, mais d’une coloration bien différente. On peut y voir un symbole, pourquoi pas… Je n’en sais rien.

    Une valse, tourbillonnante, répétitive, un saxophone soprano au son d’un incroyable lyrisme pour un instrument que je croyais jusque-là voué pour l’éternité à jouer « Petite fleur » ou « Les oignons ». Pendant près d’un quart d’heure, sans que jamais la lassitude ne gagne. Une batterie foisonnante, omniprésente (Elvin Jones) ; un piano hypnotique (McCoy Tyner) qui évoque un carillon. Le quartet de John Coltrane est presque en place, il faudra pour cela attendre encore quelques mois l’arrivée de Jimmy Garrison à la contrebasse, à la place de Steve Davis. « My Favorite Things », mais aussi « But Not For Me » et « Summertime » de George Gershwin, interprété au saxophone ténor, ou encore « Everytime We Say Goodbye » de Cole Porter. Une sacrée manière de revisiter un répertoire pourtant déjà consacré. Coltrane pourrait laisser croire qu’il est le compositeur de ces thèmes tant il a su se les approprier et les relire d’une voix si originale qu’il y a là quelque chose qui s’apparente à une transfiguration.

    Un drôle de tour de magie en réalité et pour ce qui me concerne le début d’une longue et magnifique aventure, tant humaine que musicale.

    Parce que parallèlement à cette découverte de la musique de John Coltrane, je mesure à quel point ce musicien majeur a – en peu de temps finalement – marqué son époque et accumulé une impressionnante discographie au beau milieu de laquelle je me sens un peu perdu. Oui, perdu et cela en dépit de nombreux allers retours vers les boutiques pour tenter d’y voir plus clair (pas d’internet à cette époque, pas de Google et encore moins de Wikipedia…). Par où faut-il donc commencer ? Pourquoi Impulse ? Pourquoi Prestige ? Pourquoi Atlantic ? J’ai entendu dire – par qui, je ne me souviens plus – que certains disques sont inaudibles, comme un certain Live in Japan en 1966 ou Om en 1965… Je comprends que le saxophoniste a connu une évolution foudroyante entre le milieu des années 50, époque à laquelle il travaillait avec Miles Davis et son décès en juillet 1967 alors qu’il n’avait pas encore 41 ans et que sa musique s’apparente plus que jamais à un cri. Ses derniers mois furent une course contre la montre, ou plutôt contre la mort. Mais comment s’y prendre pour démêler les fils de cet écheveau ?

    Je ressasse toutes ces questions et me rappelle le jour où j’ai décidé, pour y mettre fin, de soumettre par écrit mes interrogations à Jazz Magazine. Quelques semaines plus tard, alors que je pensais avoir été oublié, une longue et belle lettre ma parvient, de plusieurs pages, signée François-René Simon, l’un des grands spécialistes de l’œuvre de John Coltrane. D’une élégante écriture manuscrite (en ces temps reculés, les ordinateurs étaient hors de prix et peu répandus, même dans les salles de rédaction), ce journaliste parfaitement documenté me dresse un passionnant portrait discographique. Il me conseille aussi de procéder avec méthode et de recourir à une exploration dans l’ordre chronologique. Je crois que je ne le remercierai jamais assez…

    La porte s’entrouvre…

    Depuis cette époque, j’ai mis un point d’honneur à me procurer tout ce qui était disponible. Soit une accumulation de CD, de coffrets (ah cette somptueuse intégrale des années Prestige, de 1956 à 1958, et ses seize disques gorgés de musique), au nom de John Coltrane ou des leaders aux côtés desquels il avait travaillé (Miles Davis, Thelonious Monk, Cecil Taylor, Paul Chambers, Kenny Burell…). Je commence à comprendre les différentes périodes qui parfois se chevauchent : après Prestige et une incursion chez Blue Note pour Blue Train en 1957, il y a le temps créatif des années Atlantic de 1959 à 1961, avant que John Coltrane ne signe avec Impulse, un label auquel il restera fidèle jusqu’à la fin. Je perçois aussi la folie qui s’emparera de lui durant les années 1964 (celle-ci culminant avec A Love Supreme, son disque phare) et surtout 1965 et sa multitude d’enregistrements. Plus tard, en juillet 2007, j’ai pu évoquer ces mois d’une incroyable densité dans un article pour le magazine Citizen Jazz intitulé 65, année héroïque ! Au bout du compte, j’ai ressenti toute l’émotion liée à l’évolution foudroyante de l’inspiration d’un homme pour qui la musique était tout, qui ne vivait que par elle. Ceux qui l’ont côtoyé disent que John Coltrane était un inlassable travailleur, qu’il ne délaissait que très rarement son instrument. Et si les interviews sont très rares, c’est aussi parce qu’il consacrait tout son temps à la musique. Jusqu’au dernier souffle.

    En témoignent ses multiples interprétations de « My Favorite Things », qu’il portera à un niveau d’incandescence dont le feu n’a pas fini de nous dévorer, jusqu'à son ultime concert le 23 avril 1967 au Centre Olatunji de New York, aujourd’hui disponible officiellement après avoir longtemps circulé sous le manteau. Parce que si John Coltrane enregistra beaucoup de disques, il jouera finalement assez peu de thèmes sur scène : « My Favorite Things » bien sûr, mais aussi « Impressions », « Afro Blue » ou « Naima » pour citer les compositions les plus renommées. Il les réinventait à chaque fois, trouvant toujours une nouvelle histoire à raconter, de nouveaux territoires à défricher, d’autres horizons à espérer, il était capable de les étirer longuement, parfois durant une heure. Une quête de l’absolu qui aujourd’hui encore reste unique et mystérieuse.

    Aujourd’hui, je regarde ce disque vinyle acheté depuis bientôt 35 ans… Les informations qu’on y trouve sont présentées de façon cocasse : on trouve les noms des musiciens, ce qui paraît un minimum, mais dans une autre rubrique, on nous dit « Ce qu’il faut savoir » avant de porter à notre connaissance « Ce qu’il faut tout particulièrement apprécier », puis de livrer les ultimes « Observations » en expliquant que My Favorite Things est une œuvre marquante et obsédante qu’on aime ou qu’on n’aime pas, mais que les critiques de jazz considèrent unanimement comme l’une des plus émouvantes réussites de John Coltrane. Bien loin des livrets savants qui accompagnent désormais les rééditions de la discographie du saxophoniste, avec leurs analyses approfondies, les détails précis qui nous indiquent le jour, voire l’heure de chacune des prises de chacun des titres. Les exégètes de Coltrane ressemblent à des entomologistes…

    Enregistré en octobre 1960, My Favorite Things est quoi qu’il en soit un disque lumineux, qui porte très haut l’étendard de la mélodie et se distingue de la masse par l’intensité de son interprétation. Un précieux viatique pour partir à l’assaut de la montagne jazz et découvrir ses richesses.

    J’aurais difficilement pu espérer une meilleure initiation à cette musique qui ne cesse de se renouveler et d’avancer au gré de multiples brassages. Un langage qui, malgré les menaces et les attaques répétées qui lui sont portées par une machinerie financière soumise aux exigences de la rentabilité immédiate, relayées avec cynisme par ses disciples aux dents blanches, malgré l'illusion de la gratuité, continue de faire entendre sa voix. Les artistes doivent mobiliser plus que jamais toutes leurs forces pour ne pas abdiquer : gageons que bon nombre d’entre eux ont beaucoup appris de John Coltrane et de son incroyable « Resolution ».

    C’est sans doute le grand enseignement que le saxophoniste a réussi à délivrer en quelques années passées à la vitesse de la lumière.

    NB : ce texte est l’actualisation récente d’une note publiée dans ce blog le 26 mai 2014. Celle-ci était elle-même la version actualisée d’un écrit réalisé en 2008 dans le cadre du "Z Band", un collectif de blogueurs publiant à intervalles réguliers sur un thème commun. On en trouve la trace dans une note de Citizen Jazz. Il pourrait par ailleurs constituer l’un des chapitres d’un livre en gestation, ou pas…

  • Guillaume De Chassy : « Pour Barbara »

    guillaume de chassy, pour barbara[Carnet de notes buissonnières # 011] Le pianiste Guillaume De Chassy consacre tout un disque à la chanteuse Barbara, sobrement intitulé Pour Barbara. Voilà un musicien raffiné, dont l’univers se situe aux confins du jazz et de la musique classique. Ses collaborations avec les grands noms sont nombreuses : Paul Motian, Andy Sheppard, Enrico Rava, Lars Danielsson, Paolo Fresu, Émile Parisien par exemple, pour ce qui concerne le jazz ; Brigitte Engerer, Laurent Naouri ou Natalie Dessay, côté classique. On se souviendra aussi de son projet Shakespeare Songs, en trio avec le batteur Christophe Marguet et le saxophoniste Andy Sheppard, avec sur disque – l’un des plus beaux de l’année 2015 – le concours de Kristin Scott Thomas dans le rôle de la récitante.

    Cette fois, Guillaume De Chassy se présente seul pour rendre hommage à la « longue dame brune » disparue en novembre 1997. Comme tant d’autres, il lui vouait (et lui voue toujours) une grande admiration. Il faut savoir par ailleurs que Pour Barbara est à l’origine une commande de la Philharmonie de Paris destinée à une création en 2017, que le pianiste définit en quelques mots : « Au milieu des espaces mouvants qui sont les miens, j’ai souhaité que surgissent, de loin en loin, des mélodies reconnaissables entre toutes, comme dans une sorte de songe. J’adresse toute ma gratitude à cette inspiratrice, invisible et présente ». Le résultat est de toute beauté : Pour Barbara est un disque – on pourrait évoquer l’idée de nocturne – d’où émane une émotion toujours contenue, la sensibilité de Guillaume De Chassy s’y exprimant avec une ferveur discrète. Çà et là quelques échappées improvisées s’immiscent au cœur des mélodies, comme autant de fugues amoureuses. Ces mélodies, on en connaît l’élégance depuis longtemps. Elles sont ici servies par un jeu empreint d’une grande délicatesse, dont le pianiste ne se départit jamais. Tout est ici affaire de retenue, d’humilité et – osons le mot – de recueillement. Guillaume De Chassy a par ailleurs « glissé » trois compositions à lui, toutes appelées « Pour Barbara : Avant la nuit, Vers l’Aube, En son Jardin ». Un ultime cadeau à cette grande dame dont les mystères restent entiers, finalement. Pour Barbara.

    Guillaume De Chassy (piano).

    Label : NoMadMusic

  • In Love With : « Coïtus Interruptus »

    011 - In Love With - Coitus Interruptus.jpg[Carnet de notes buissonnières # 010] In Love With. vous conviendrez avec moi qu’il s’agit là d’un sacré nom pour un trio pour le moins détonant et qu’une telle appellation laisse subodorer une déclaration d’amour lancée à toutes les folies musicales que trois esprits joyeux et débridés peuvent concevoir. Avec ce deuxième disque joliment intitulé Coïtus Interruptus – je vous épargnerai les explications sémantiques ou techniques – Sylvain Darrifourcq et ses complices remettent le couvert et de bien belle façon. Ah, Darrifourcq, mais quel personnage, celui-là ! On avait découvert dans le quartet d’Émile Parisien un musicien du genre... différent. Batteur survolté, virevoltant, percussionniste feu-follet dont le jeu protéiforme est habité d’une frénésie que rien ne semble pouvoir arrêter, comme si sa musique ne devait jamais prendre fin. La trépidation du batteur s’avère contagieuse au plus haut point, qui contamine les frères Ceccaldi, Théo (violon) et Vincent (violoncelle), engagés volontaires d’une équipée extravagante. Armé de ses seules cordes, le binôme fraternel extirpe tout ce que son inventivité déchainée peut mettre en œuvre. Les instruments ceccaldiens, par nature harmoniques, deviennent ici supports rythmiques à chaque fois que nécessaire et c’est à bout de souffle qu’on suit l’embarcation chahutée d’In Love With.

    Coïtus Interruptus, disque de courte durée – à peine plus d’une demi-heure – composé de quatorze étapes souvent très brèves, presque fugitives, est à cet égard le digne successeur de Axel Erotic et vous comprenez désormais que la musique de Sylvain Darrifourcq & Co est décidément de nature très... charnelle. Au sujet de ce premier disque que le trio avait publié voici deux ans, j’avais écrit ici-même quelques digressions buissonnières dans un texte intitulé Accélérations amoureuses. On y lisait que : « In Love With, c’est un idiome de l’inouï, une incitation pressante à la découverte, une histoire mise en forme à la façon d’une horlogerie ludique et démoniaque ». Je ne retire pas un seul mot à cette définition de la vie en accéléré qui anime la musique de Sylvain Darrifourcq et ses deux partenaires. Prenez par exemple une composition telle que « Total Mezcal », histoire de bien percevoir la démesure de leur entreprise : vous constatez que non seulement la mélodie en est quasiment absente, mais qu’il va vous falloir suivre le trio dans une course poursuite infernale de 3 minutes 30, sans qu’il vous soit possible de respirer. C’est de la musique en apnée. Si vous êtes prêts à accomplir une telle performance, alors Coïtus Interruptus est fait pour vous. Mais je vous aurai prévenus, il est important de savoir que tout cela requiert un minimum d’entraînement. Vive le sport, comme disait l’autre !

    Sylvain Darrifourcq (batterie, percussions, cithare, composition), Théo Ceccaldi (violon), Valentin Ceccaldi (violoncelle).

    Label : Gigantonium

  • Possible(s) Quartet : « Songs from Bowie »

    009 - Songs from Bowie.jpg[Carnet de notes buissonnières # 009] Le jazz est un monde multiple qui aime regarder ailleurs, histoire de voir qu’il y est. Et en effet, il y est bien. Du côté de la musique de… David Bowie par exemple. Le « Thin White Duke », ou Ziggy ou… à vous de choisir parmi ses différentes incarnations, fait l’objet d’un hommage que lui rend un quatuor dont c’est le troisième rendez-vous discographique : le Possible(s) Quartet. Un hommage d’autant plus intéressant que cette formation, originaire de la région lyonnaise, est constituée exclusivement d’instruments à vent. Ses musiciens la définissent comme un orchestre de chambre, en raison de son esthétique intimiste et sensible. On peut évoquer l’idée d’impressionnisme à son sujet et ainsi mieux mesurer la distance esthétique séparant deux univers qu’on imagine très éloignés a priori. Le Possible(s) Quartet est formé de Laurent Vichard à la clarinette, basse, de Loïc Bachevillier au trombone, de Fred Roudet et Rémi Gaudillat à la trompette ou au bugle. On connaît ces deux derniers notamment parce qu’ils font partie des cercles musicaux de Bruno Tocanne. Quant à Loïc Bachevillier, il est l’un des trombonistes de The Amazing Keystone Big Band, ce grand orchestre dont le succès populaire ne se dément pas depuis plusieurs années, en particulier du fait de sa dimension pédagogique à laquelle le jeune public est sensible.

    Le nouvel album de « l’orchestique » qui s’intitule sobrement Songs from Bowie, — et a pour directeur artistique Daniel Yvinec qui fut entre autres expériences directeur de l’ONJ de 2008 à 2013, avant Olivier Benoit — est le fruit d’une commande du Rhino Jazz Festival, basé à Saint-Chamond. Un sacré défi à relever, dont le Possible(s) Quartet s’acquitte avec la sensibilité et la finesse qu’on lui connaît depuis ses débuts. Songs from Bowie, c’est un demi-siècle de musique résumé en dix compositions qui survolent la plus grande partie du répertoire de David Bowie, de Space Oddity en 1969 à The Next Day en 2013. Le travail du Possible(s) Quartet est considérable, qui efface les marques du temps pour ne conserver que l’empreinte mélodique et mettre en lumière bien des richesses imaginées par le chanteur caméléon. L’intelligence du quartet est en action et Bowie entre, grâce à ce travail singulier, dans une nouvelle dimension, sans doute plus poétique et intemporelle. Il faut vite découvrir cette musique réinventée !

    Je tiens pour finir à remercier les quatre musiciens qui m’ont demandé d’écrire les notes de pochette de ce disque très réussi. C’est une responsabilité et surtout un grand honneur !

    Rémi Gaudillat (trompette et bugle), Fred Roudet (trompette et bugle), Loïc Bachevillier (trombone), Laurent Vichard (clarinette basse).

    Label : Les ImproFreeSateurs

  • Jacques Schwarz-Bart : « Hazzan »

    008 - j-schwarz-bart-hazzan.jpg[Carnet de notes buissonnières # 008] Jacques Schwarz-Bart est originaire de la Guadeloupe. Fils d’un couple d’écrivains célèbres, Simone et André Schwarz-Bart, il est connu pour être un musicien accompli qui a découvert très jeune le gwoka et ses rythmes complexes. Comme bon nombre de ses condisciples, il est passé par la Berklee School of Music de Boston avant de croquer la Grosse Pomme où il a rencontré quelques grands noms du jazz. Le saxophoniste a notamment fait partie du RH Factor, la formation entre jazz et funk de Roy Hargrove, le trompettiste récemment disparu. Jacques Schwarz-Bart a enregistré plusieurs albums sous son nom, autant de projets véhiculant son désir de marier à chaque fois sa passion conjuguée pour le gwoka et le jazz. Un homme de fusion, en quelque sorte.

    Toutefois, son nouveau disque, Hazzan est un projet assez particulier en ce qu’il est l’occasion pour le saxophoniste d’explorer la musique liturgique juive, avec à ses côtés une formation d’une solidité à toute épreuve. Jugez plutôt : Grégory Privat au piano, Stéphane Kerecki à la contrebasse et Arnaud Dolmen à la batterie. Sans oublier le chanteur David Linx sur deux titres.

    Hazzan signifie cantor (ou chantre) dans la tradition juive et Jacques Schwarz-Bart l’a choisi comme titre de son disque après qu’un rabbin lui avait dit un beau jour après un concert : « Quand vous jouiez, vos notes étaient comme les paroles d’une prière, vous étiez comme un hazzan sur votre saxophone ». Un beau compliment comme stimulation et le désir aussi de rendre hommage à son père disparu quelque temps plus tôt. Schwarz-Bart a rassemblé des mélodies anciennes, les a réarrangées et les voici assemblées dans ce disque publié chez Enja Yellow Bird. Hazzan est un disque aux éclats solaires, porteur d’un langage universel habité d’un chant profond et mémoriel qui devrait parler à beaucoup d’entre nous. Empreint d’une grande beauté formelle, il restera comme l’un des temps forts de l’année 2018, au moins pour ce qui concerne le jazz. À écouter sans modération.

    Jacques Schwarz-Bart (saxophone), Grégory Privat (piano), Stéphane Kerecki (contrebasse), Arnaud Dolmen (batterie).

    Label : Enja Yellow Bird

  • Marc Benham & Quentin Ghomari : « Gonam City »

    quentin ghomari,marc benham,jazz,neuklang,gonam city[Carnet de notes buissonnières # 007] Voici deux musiciens amis qui ont exprimé le désir de partager leur goût commun pour ce qu’on nomme parfois « middle Jazz » ou « mainstream », aussi bien que pour des improvisations plus libres. Gonam City est pour eux un premier essai en duo, parfaitement transformé – qu’on me pardonne cette métaphore filée en Ovalie – tant leur complicité a des allures d’évidence.  Il faut se rappeler que cette formation bicéphale a terminé finaliste du concours Jazz Migration 2018, sous le parrainage de Philippe Ochem, directeur de la programmation du festival Jazzdor de Strasbourg. 

    Autant de bonnes raisons d’enregistrer un disque – paru sur le label Neuklang – et de réaliser, au sens le plus philosophique du mot, le rêve musical du pianiste Marc Benham et du trompettiste Quentin Ghomari. Ce qu’il faut aussi évoquer, c’est la rencontre des deux musiciens avec Stephen Paulello, l’un des tout derniers facteurs de pianos français encore en activité. Pourquoi une telle précision ? Tout simplement parce que ce dernier a mis au point un prototype assez étonnant appelé l’Opus 102, autrement dit un piano formé de 102 touches (au lieu des 88 habituelles), une extension favorisant de nouvelles explorations et donnant à Gonam City une coloration toute particulière. Et c’est pour moi l’occasion de rappeler ici le magnifique Un Hibou sur la Corde de Françoise Toullec, pianiste elle-même subjuguée par cet instrument décidément pas comme les autres. 

    On trouve sur ce disque des compositions originales mais aussi des reprises comme « Misterioso » de Thelonious Monk, « Petite Fleur » de Sidney Bechet, « Celia » de Bud Powell ou bien encore « Pithecantropus Erectus », une composition d’un autre géant du jazz, Charles Mingus. Une palette d’influences large, une musique dont le caractère savant et la virtuosité n’entachent jamais la limpidité et la nature intimiste. Marc Benham et Quentin Ghomari ont su donner corps à leur passion. Il ne vous reste plus qu’à en profiter et savourer sans modération leur musique fraternelle.

    Quentin Ghomari (trompette), Marc Benham (piano).

    Label : Neuklang

  • Christophe Monniot & Didier Ithursarry : « Hymnes à l’amour »

    christophe monniot,didier ithursarry’ hymnes à l’amour[Carnet de notes buissonnières # 006] Il serait bien dommage de ne pas souligner le travail libre et exigeant qu’a entrepris le duo formé par le saxophoniste Christophe Monniot et l’accordéoniste Didier Ithursarry. Deux musiciens qui se connaissent parfaitement, et pas seulement parce qu’en des époques différentes, ils ont été l’un et l’autre membres de l’Orchestre National de Jazz, mais plutôt parce qu’ils se côtoient au sein du trio Station Mir, dont fait partie également l’altiste Guillaume Roy.

    Monniot et Ithursarry ont fait paraître un album sur le label ONJ Records dont le titre est à lui-seul un vaste programme : Hymnes à l’amour. C’est leur premier disque en duo et pour eux l’occasion d’interpréter aussi bien des compositions personnelles que des reprises, comme « Sophisticated Lady » de Duke Ellington ou bien encore « Passion » de Tony Murena. Ils ne s’en cachent pas : tous deux ont un profond attachement pour les musiques populaires et traditionnelles et ce disque en est une preuve manifeste. La formule sonore du duo – saxophone et accordéon – est séduisante, les deux instruments parvenant à un épanouissement fiévreux dans leur dialogue qui donne la pleine mesure de la densité du propos des deux musiciens. Hymnes à l’amour, c’est avant tout l’occasion d’une magnifique conversation où beaucoup de musiques viennent se conjuguer et indiquer de nouvelles directions : on y trouve des danses populaires, des influences folkloriques, le swing du jazz mais aussi une dimension plus expérimentale qui vient nous rappeler à quel point la démarche de Christophe Monniot et Didier Ithursarry est contemporaine. Une musique d’aujourd’hui et de toujours.

    Christophe Monniot (saxophones sopranino et alto), Didier Ithursarry (accordéon).
    Label : ONJ Records

  • Adrien Chicot : « City Walk »

    adrien chicot, , piano, jazz[Carnet de notes buissonnières # 005] On connaît bien Adrien Chicot pour l’avoir entendu il y a quelque temps aux côtés de Samy Thiébault. Aujourd’hui, le pianiste assume pleinement son rôle de leader, celui d’un trio au sein duquel il peut bénéficier du concours de deux musiciens éprouvés : le contrebassiste Sylvain Romano et l’inoxydable Jean-Pierre Arnaud à la batterie. Une paire de fidèles qui figuraient déjà à ses côtés sur les deux précédents disques du pianiste : All In en 2014 et Playing In The Dark en 2017.

    City Walk, troisième rendez-vous, est une invitation à une balade urbaine, bruits de trafic inclus. Celle-ci est pour Adrien Chicot l’occasion d’administrer une belle démonstration d’énergie et de sensibilité mélodique à la fois. Ici, pas question de révolutionner la musique de jazz, mais plutôt de célébrer ce qui en fait tout le sel : le groove et le swing bien sûr, dans la pratique de cet art si particulier de la conversation entre musiciens, un art que tous trois exercent avec une aisance qui pourrait laisser penser que tout cela est décidément bien facile.

    Je lisais quelque part que City Walk donnait envie d’écouter cette musique dans un club de jazz, au plus près des musiciens. C’est un sentiment que je partage en tous points. Le disque est paru chez Gaya Music, le label de Samy Thiébault, preuve que la fidélité n’est pas un vain mot. Et si l’on n’ose recommander la consommation sans modération d’une composition (toutes étant signées Adrien Chicot) intitulée « Caïpiroska », car c’est aussi le nom d’un cocktail brésilien, il n’en ira pas de même pour le disque, qu’on dégustera avec plaisir, jusqu’à l’ivresse s’il le faut.

    Adrien Chicot (piano), Sylvain Romano (contrebasse), Jean-Pierre Arnaud (batterie).

    Label : Gaya Music

  • Laurent Dehors Trio : « Moutons »

    003 - Laurent Dehors Trio - Moutons.jpg[Carnet de notes buissonnières # 004] Laurent Dehors est un saxophoniste clarinettiste, pour ne pas dire un multi instrumentiste. Un musicien prolifique qu’on connaît entre autres pour être le leader du Big Band Tous Dehors dont on recommandera l’excellent Les Sons de la Vie, publié en 2016 chez Abalone. Il est par ailleurs l’un des membres du Mega Octet d’Andy Emler, autre formation passionnante. Il revient aujourd’hui en trio, ce qui ne constitue pas sa première expérience en la matière puisqu’il en avait formé un premier avec le guitariste David Chevallier et le batteur Louis Moutin, puis un deuxième dont le batteur était Denis Charolles. Cette fois, il fait appel à deux membres de son Big Band : le jeune et bien nommé guitariste (qui joue notamment de la guitare à 7 cordes) Gabriel Gosse et le batteur Franck Vaillant, un sacré personnage précédé d'une réputation fougueuse. Ce n’est pas Médéric Collignon qui dira le contraire, puisque tous deux se côtoient au sein du très électrique Wax’In.

    Autant dire qu’avec l’énergie de ces deux-là, combinée à celle de Laurent Dehors et toutes ses ressources sonores, on est en présence d’une formation dont la force est celle du rock et les rebondissements multiples, les surprises et les jeux ceux de la liberté assez typique de cette musique qu’on appelle jazz. Laurent Dehors joue du saxophone ténor ou soprano, de la clarinette en si bémol, mais aussi de la clarinette basse et contrebasse. Ajoutez une guimbarde, sa voix et quelques effets supplémentaires et vous obtenez un mélange tonique et détonant. Le disque s’appelle Moutons, on en demanderait volontiers le remboursement par la Sécurité Sociale tant il s’apparente à une cure énergétique.

    Laurent Dehors (saxophones, clarinettes, guimbarde), Gabriel Gosse (guitare 7 cordes, guitare acoustique, banjo), Franck Vaillant (batterie, batterie électronique).

    Label : Tous Dehors / L’Autre Distribution

  • Samuel Blaser : « Early in the Mornin’ »

    samuel balser, trombone, early in the mornin, outnote records, jazz, blues[Carnet de notes buissonnières # 003] J’ai déjà évoqué ici-même Samuel Blaser, à l’occasion de la sortie de son album Spring Rain. S’il fallait résumer la personnalité de cet Helvète prolifique, je le qualifierais d’avant-gardiste curieux de toutes les musiques. En se penchant sur sa discographie des sept ou huit dernières années, on comprend que le tromboniste est capable de revisiter la musique de Guillaume de Machaut ou celle de Monteverdi comme de se confronter à des expériences beaucoup plus free et contemporaines, notamment celles qui l’ont conduit à travailler avec le guitariste Marc Ducret. Si Samuel Blaser est sensible à la qualité des mélodies, il n’en cherche pas moins à élargir le champ musical de son instrument et à se libérer des contraintes. Il a fait du trombone un instrument total, il peut en exploiter toutes les possibilités mélodiques et rythmiques.

    Cette fois, Samuel Blaser a… un coup de blues ! Non qu’il soit triste, loin de là, mais il veut célébrer le blues – celui des origines – en compagnie d’un groupe exceptionnel composé de Russ Lossing aux claviers (déjà présent sur Spring Rain), Masa Kamaguchi à la contrebasse et Gerry Hemingway (autre compagnon de longue date) à la batterie. Et pour que la fête soit plus belle encore, Samuel Blaser a fait appel sur plusieurs titres à deux musiciens prestigieux : le saxophoniste américains Oliver Lake et le trompettiste, non moins américain, Wallace Roney. Avec un tel compagnonnage, on imagine bien que Early In The Mornin’ – tel est le nom de l’album publié chez Out Note Records – est une réussite. Et si Samuel Blaser signe lui-même quelques compositions, le disque est aussi pour lui l’occasion de revisiter des thèmes issus de ce qu’on appelle les work songs, des chants traditionnels, mais aussi de la musique country ou folklorique anglaise et irlandaise. Attention, il s’agit une relecture à la manière de Samuel Blaser, et l’on sait que le tromboniste est capable de toutes les transformations. Le résultat est réjouissant, gourmand : s’il fallait vous convaincre, je vous inviterais à écouter par exemple ce « Levee Camp Moan Blues » dont on peut retrouver en cherchant un peu une version de 1927 par Texas Alexander & Lonnie Johnson. Cerise sur le gâteau, les invités Oliver Lake et Wallace Roney sont présents sur ce titre. Une fête !

    Samuel Blaser (trombone), Russ Lossing (piano, claviers, moog), Masa Kamaguchi (contrebasse), Gerry Hemingway (batterie) + Oliver Lake (saxophone alto), Wallace Roney (trompette).

    Label : Out Note Records

  • Leïla Martial Baa Box : « Warm Canto »

    002 - Leila Martial - Warm Canto.jpg[Carnet de notes buissonnières # 002] Quel plaisir singulier, une fois encore ! C’est celui auquel chacun.e pourra vibrer avec Leïla Martial. La chanteuse vocaliste avait déjà suscité l’enchantement en travaillant aux côtés d’Anne Pacéo, mais aussi à l’occasion de Baabel, le premier disque de son trio en 2016. Leïla Martial y était entourée de Pierre Tereygeol à la guitare acoustique et d’Éric Perez à la batterie. Partant du principe qu’on ne change pas une équipe qui gagne, elle s’entoure des mêmes pour le deuxième album d’une formation – désormais nommée Baa Box – qui s’intitule Warm Canto. Et ce que disait Matthieu Jouan dans sa chronique de Baabel pour Citizen Jazz vaut tout autant pour cette nouvelle pépite : « Leïla Martial délivre une œuvre rafraîchissante, pétillante et très musicale. En jouant essentiellement sur la voix, les textures vocales, les textes, les polyphonies, les cris, les métalangages inventifs, elle vit et rend vivante la poésie ».

    Le plaisir est intact, c’est une fois encore le charme des joutes vocales et des surprises bondissantes tout au long de cet album publié chez Laborie Jazz qui, plus encore peut-être que sur son prédécesseur, met la voix au cœur de tous les possibles. Il faut préciser, car c’est important, qu’Éric Perez et Pierre Tereygeol sont aussi chanteurs au sein du trio.

    Warm Canto, c’est une exploration ludique et dépouillée qui se fait fort d’enjamber toutes les frontières, quitte à inventer de nouveaux langages. Voilà une fois encore un disque inclassable, comme on rêve d’en écouter plus souvent. Leïla Martial est décidément une acrobate vocale : rien que pour vous en convaincre, abandonnez-vous aux charmes d’une « Nuit Pygmée » étourdissante en ouverture du disque. Vous n’en reviendrez pas ! Ou plutôt si, vous en reviendrez mais étourdi par le talent d’une funambule unique en son genre.

    Leïla Martial (voix, glockenspiel), Pierre Tereygeol (guitares, ukulélé, voix), Éric Perez (batterie, guitare, voix).

    Label : Laborie Jazz