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  • Contrebasses

    J'écris actuellement une brève trilogie pour Citizen Jazz, histoire de relater quelques instants captés sur scène en Lorraine. Un chouette concert de Los Hombres au Quai Son à Nancy sous la houlette de Jean-Marie Viguier, une démonstration de Sound Painting menée par le toujours jeune François Jeanneau (cf. une précédente note) et pour finir, le concert rendu de la dernière soirée du Marly Jazz Festival, dont l'invité était Sébastien Texier venu présenter son trio, augmenté d'un « papa Henri » volubile.

    Ce n'est pas faire injure au talent du fiston clarinettiste - saxophoniste (il n'en manque pas, loin s'en faut) que de souligner à quel point le dialogue bondissant entrepris entre deux contrebasses, celle d'Henri Texier et du fiévreux Claude Tchamitchian, fut le grand moment de cette dernière page d'une édition 2010 de qualité.

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    Entre la soie mélodique des pizzicati du premier et les attaques nerveuses, presque coupantes, du second à l'archet, on était bien en compagnie de ces frères d'armes dont on devine que les déclarations n'étaient pas celles d'une guerre sans merci mais d'une défense sans concession d'un art majeur. A suivre donc, très bientôt...

  • Sound Painting

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    Il me faudra encore beaucoup d'expériences comme celle que j'ai vécue vendredi dernier pour entrevoir le potentiel d'un curieux langage inventé dans les années 80 par Walter Thomson et qu'on appelle le sound painting.

    Mais avec ses quelque 800 gestes - il s'agit en effet d'une sorte d'alphabet visuel - le sound painting est une discipline propice aux imaginations fertiles et débridées. Au gré de son inspiration, le chef d'orchestre peut ainsi donner à ses musiciens, mais aussi à des danseurs, de mystérieux ordres visuels parfaitement codifiés, provoquant la réaction et l'invention spontanée des instrumentistes. Au milieu des phrases ainsi créées peuvent aussi se glisser des séquences écrites, comme autant d'instants où la musique semble reprendre son souffle.

    François Jeanneau était à la médiathèque de Vandœuvre-lès-Nancy, avec quelques musiciens dont trois membres de son excellent Bernica Octet, que je vous invite par ailleurs à découvrir. Sa démonstration ludique, suivie d'une courte séance de réponse aux questions avant un exercice collectif associant le public, fut un petit moment de plénitude malicieuse.

  • Motown

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    Voilà qui fait vraiment du bien... Deux ans presque jour pour jour après leur dernière visite dans la petite salle du Quai Son à Nancy, le fougueux aréopage du Motown Project investissait à nouveau les lieux hier soir !

    Motown Project - une telle identité ne laisse aucun doute sur le répertoire qui sera proposé - c'est la promesse, largement tenue, d'une fête joyeuse et de la célébration d'une musique sans la moindre ride, frappée au sceau de l'énergie la plus communicative qui soit. Une éternelle jeunesse, impeccablement servie par un combo soudé et pourvoyeur d'ondes positives.

    Il n'aura pas fallu attendre bien longtemps pour que la température monte très très fort. En réalité, il n'y a pas eu la moindre attente du tout avec, d'emblée, l'enchaînement vitaminé de « Time » et « Got To Give It Up »... Ah, Marvin Gaye quand tu nous tiens... Ce dernier sera d'ailleurs l'une des sources d'inspirations premières de ce concert gorgé de salutaires vibrations : on le retrouvera un peu plus tard avec l'incontournable « What's Going On », « I Heard It Through The Grapevine » ou le brûlant « Sexual Healing » en guise de rappel, avant, pour que l'histoire ne s'arrête pas, un retour sur « Got To Give It Up ».

    Stevie Wonder, lui aussi, sera plusieurs fois à l'honneur : comment en effet ne pas interpréter le mythique « Supersition » pour célébrer ce torrent artistique que fut la Motown ? Comment ne pas puiser par ailleurs à deux reprises dans ce qui est à considérer, tous styles confondus, comme l'un des albums majeurs du XXe siècle, Songs In The Key Of Life ?

    The Temptations, Jimmy Ruffin, Aretha Franklin, The Jackson Five, Martha & The Vandellas, James Brown, The Supremes... Tous sont là, avec nous, éternels invités d'une fête qu'on goûte entre amis. On savoure chaque minute, conscient cependant que le temps, déjà, passe bien trop vite.

    Les neuf musiciens sont de toute évidence heureux d'être sur scène : la charismatique Marie Ossagantsia et son alter ego Martial Bourgon au chant assurent le spectacle, soutenus par une rythmique d'acier : Jérôme Arrighi, ici malicieusement présenté comme le « dictateur artistique », à la basse et Guillaume Bachmann, batteur chanteur qui ne se privera pas de nous offrir un joyeux numéro de duettistes à lui tout seul... Du côté de la section de cuivres, on souffle une revigorante tempête tropicale : Julien Hornberger à la trompette ; Matthieu Durmarque, au saxophone ténor, qui gardera son meilleur pour la fin avec un envoûtant chorus sur « Sexual Healing » ; Pierre Desassis (oui oui, je sais, je parle encore de mon fils, désolé...), qui dynamite constamment l'espace au saxophone alto ou se permet d'enflammer « I Wish » en quatre minutes explosives au saxophone soprano, des instants qui vous scotchent à votre chaise, pour peu que vous ayez eu la chance de trouver une place assise (c'est le petit extrait sonore que je propose ici, dans une captation brute de décoffrage mais qui, finalement, restitue plutôt bien l'ambiance de la soirée). On n'oubliera pas, évidemment, les deux enlumineurs que sont les deux Stéphane : Berti (guitare) et Cormorèche (claviers).

    On voudrait que le temps s'arrête, rester là, au milieu du public qui est venu en nombre. Durant plus de deux heures, toutes les vicissitudes du quotidien se sont envolées, balayées par le souffle vital de cette « Motown » sans égale.

    Merci !

    podcast

    En écoute : "I Wish" de Stevie Wonder par le Motown Project au Quai Son - Nancy, le mercredi 19 mai 2010.

    Marie Ossagantsia & Martial Bourgon (chant), Stéphane Cormorèche (claviers), Julien Hornberger (trompette), Matthieu Durmarque (saxophone ténor), Pierre Desassis (saxophones alto & soprano), Stéphane Berti (guitare), Jérome Arrighi (basse), Guillaume Bachmann (batterie, chant).

  • Couchant

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    Pour bien commencer la semaine... L'actualité est grise, pour ne pas dire sombre... Alors je vous propose cette image - un classique parmi les classiques, mais pourquoi chercher ailleurs après tout ? - apaisée. Sans commentaire superflu.

    Le soleil était amical ce week-end du côté de Mesnil-Val.

  • Rock Progressif

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    Ah... ça sent la nostalgie, c'est bien ce que vous pensez, n'est-ce pas ? On pourrait le croire en effet au terme « rock progressif » qui fleure bon les seventies... En réalité, ces quelques lignes sont nées spontanément d'une actualité réjouissante : celle de la publication à la fin du mois d'avril aux Editions Le Mot et le Reste d'un excellent bouquin éponyme sous la plume d'un jeunot - né en 1973, Aymeric Leroy n'était même pas une idée dans l'esprit de ses parents lorsque King Crimson posa en 1969 la pierre fondatrice d'un mouvement musical foisonnant avec la publication de In The Court Of The Crimson King - qui s'est fait connaître tant par sa contribution au magazine Big Bang que par son expertise sans équivalent pour tout ce qui concerne l'École de Canterbury, née dans le sillage du groupe Soft Machine. Au point qu'il lui a consacré un site Internet particulièrement précieux nommé Calyx. Aymeric Leroy est par ailleurs l'auteur, chez le même éditeur, d'un excellent bouquin sur Pink Floyd.

    La définition du rock progressif n'est pas aussi simple qu'il pourrait y paraître au premier abord. Aymeric Leroy multiplie les arguments, réfute certaines thèses et n'oublie pas de souligner l'influence de certains artistes qui, sans qu'on puisse leur apposer l'étiquette du rock progressif, ont néanmoins contribué à l'évolution du rock vers, je cite l'auteur : « une émancipation du carcan couplet / refrain excessivement limitatif de la pop, s'exprimant en premier lieu dans un rééquilibrage des rôles entre voix et instruments au bénéfice des seconds ». Ces artisans d'un « proto-prog » se nomment Beatles, Cream, Jimi Hendrix, Procol Harum, Moody Blues ou bien encore The Who.

    Et plutôt que de se livrer à un fastidieux passage en revue exhaustif de toute la production discographique composant l'univers du rock progressif, Aymeric Leroy choisit une présentation chronologique découpée en grandes époques - une quinzaine depuis la fin des années 60 jusqu'à nos jours - assorties parfois de quelques incursions vers des pays non anglophones comme l'Allemagne, la France, l'Italie ou l'Espagne.

    Avec un tel angle d'attaque, on mesure beaucoup plus aisément le rôle respectif de chacun des grands acteurs de cette saga, une épopée souvent raillée par les tenants d'un rock pur et dur ou certains intégristes d'un jazz confisqué, confits dans une désagréable condescendance - un comble pour cette musique tellement empreinte de liberté et d'invention. Sans nier pour autant le fait que, bien que faisant depuis quelques années l'objet d'un revival, le rock progressif appartient tout de même pour l'essentiel au passé, même si ses grands noms continuent de résonner fort dans l'esprit de beaucoup de gens : King Crimson, Yes, Genesis, Emerson Lake & Palmer pour citer quatre têtes d'affiches - présentes d'ailleurs en première page de couverture - parmi un casting particulièrement fourni.

    Et encore... ce passé rejoint parfois le présent, s'y mêle, les époques se croisent et donnent naissance à d'autres expressions souvent très heureuses : en témoigne le dernier disque de Pierrick Pédron, Omry, qui doit beaucoup à l'amour que le saxophoniste porte aux grands noms du rock progressif, comme Pink Floyd.

    A titre personnel, c'est avec un vrai bonheur que je parcours ces quelque 450 pages denses et érudites, mais constamment passionnantes. D'une certaine façon, ce Rock Progressif est le bouquin que j'appelais de mes vœux depuis longtemps et je sais gré à Aymeric Leroy d'avoir comblé un vide et su fixer par l'écrit une aventure que je considère comme constitutive de mon propre parcours de mélomane boulimique. Et, j'en suis certain, je ne serai pas le seul dans ce cas.

    Cerise sur la gâteau, la connaissance encyclopédique d'Aymeric Leroy sur ce sujet est servie par une écriture de qualité : son style soutenu, élégant et dépourvu de toute boursouflure, constitue un écrin particulièrement adapté à l'univers du rock progressif dans ce qu'il a de plus inventif.

    Un seul conseil de ma part : si vous êtes amoureux du rock progressif, vous ne pourrez échapper à ce livre qui vous ravira ; si vous avez un intérêt pour l'histoire de la musique au XXe siècle, vous seriez coupables de l'ignorer.

  • Doublé

    mensonge.jpgZut, une fois de plus, j'ai été pris de court ! J'avais écrit dans ma tête une courte note à teneur taquine pour moquer le comportement de certaine actrice, épouse d'un sous-ministre du budget, un peu contrainte par l'actualité politique de son conjoint de faire savoir qu'elle allait à nouveau payer des impôts. Parce que nous expliquer son « exil fiscal » du côté de Las Vegas au prétexte que ses « activités » (oui, mais lesquelles, au fait ?) l'éloignent de notre beau pays plus de la moitié de l'année, c'est bien gentil, mais on a un peu de mal à admettre l'argument. Faut bien reconnaître que ça ternit un peu l'image... Et voir la même actrice se dandiner avec ses collègues enfoirés et faire semblant de chanter sur scène pour nous inciter à débourser des euros au profit des Restaurant du Cœur, là, ça frise le ridicule... Je paye pas d'impôts mais vous, les manants, sortez les biffetons...

    Pas de chance, Stéphane Guillon s'est chargé de la besogne ce matin sur France Inter, avec beaucoup plus de talent que moi, bien sûr. Alors je n'en dis pas plus.

    Heureusement, hier y a eu le Jean-Louis !!! Notre inénarrable Borloo m'a sauvé la mise en balayant d'un revers de la main la question que lui posait une journaliste au sujet des rétro-commissions qui auraient été versées par le Pakistan du temps du gouvernement Balladur : « Alors là, ces trucs là, j'y ai jamais rien compris ! ». Voilà comment notre lunaire frisé esquive la question. Ah oui ? Vraiment ? Il ne comprendrait pas ?

    Attendez... Ce type, qui fut longtemps maire de Valenciennes, est avocat de formation, je crois même me souvenir qu'en d'autres temps, il eut Bernard Tapie comme client. Ça doit quand même vous aider à être un peu expert en circuits financiers compliqués, non ? Borloo, c'est quelqu'un qui trempe dans la politique depuis des années et il voudrait nous faire croire qu'il ne comprend pas le principe d'une rétro-commission ? Même moi, pingouin de base, il m'a fallu cinq minutes pour piger le fonctionnement de ce petit jeu un peu pervers.

    Conclusion : notre chef écologiste nous fait un gros mensonge. L'avait pas envie de répondre et de fâcher ses amis. Il ment. Nous savons qu'il ment. Il sait que nous le savons. La machinerie est tellement bien rôdée que même la prétendue journaliste se laisse piétiner et ne dit pas un mot, même quelque chose du genre : « Vous ne voulez pas répondre à cette question ? ». Non, rien, silence, on passe à la suite sans moufter.

    On s'étonnera après ça que nos concitoyens rechignent à se déplacer vers les urnes. Et encore, ce n'est qu'un exemple anecdotique, une amusette télévisée...

  • Re(con)naissant

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    Et un de plus sur la pile ! Ou plutôt quatre, pour être précis... Il y a tout de même quelque chose qui s'apparente chez moi à un sortilège. Je vous épargnerai toutefois la narration des innombrables épisodes qui lient ma vie de mélomane à la musique du Grateful Dead. Eh oui... encore eux ! Mais comment expliquer ce drôle d'appel auquel je résiste très difficilement dès lors que l'annonce d'un nouveau disque est portée à ma connaissance ? Voilà bientôt quarante ans que ça dure et même si la formation originelle n'existe plus depuis quinze ans - Jerry Garcia, âme du groupe, ayant quitté ce monde au mois d'août 1995 - les Dead Heads voient régulièrement leur soif de musique étanchée par la publication d'un nouveau disque : cette fois, c'est le concert du 7 juillet 1989 au Stade John F. Kennedy de Philadelphie qui est à l'honneur. Trois CD, trois heures de musique et, cerise sur le gâteau, l'équivalent en images ramassé sur un seul DVD. Le titre du mini-coffret est extrait des paroles de « Standing On The Moon », l'une des compositions de Built To Last, disque studio que le Grateful Dead venait de publier et qui serait d'ailleurs son dernier : Crimson, White & Indigo nous présente les six musiciens en excellente forme, malgré la fournaise dans laquelle ils évoluent et le mini short absolument ridicule arboré par Bob Weir, le second et indispensable guitariste.

    Une question de forme en effet : trois ans auparavant, Jerry Garcia s'était mis en très grand danger après un coma diabétique qui lui avait valu un long et pénible séjour à l'hôpital. Peu nombreux étaient alors ceux qui auraient parié sur son retour ! Mais le Captain Trips, grand consommateur de substances illicites et très nocives, avait beaucoup appris de cet accident : « Quand j'étais à l'hôpital avec des tubes branchés un peu partout, je pensais aux millions de choses que j'aurais pu faire au lieu d'être allongé sur un lit ». Il disait vrai : l'année suivante, le Grateful Dead enregistrait In The Dark, l'un de ses meilleurs disques et se payait même le luxe d'un hit single avec « Touch Of Grey ». Un phénomène peu courant chez un groupe capable de battre tous les records d'affluence depuis la fin des années 60 lors de ses concerts - on citera pour mémoire le concert de Watkins Glen de 1973 et ses 600.000 spectateurs - mais modeste vendeur de disques. Et si le successeur de cet album, ce Built To Last dont il est question un peu plus haut, n'atteignait pas en 1989 les mêmes sommets, il soulignait toutefois la vivacité retrouvée du Grateful Dead.

    L'écoute du disque est particulièrement révélatrice : les musiciens prennent un plaisir absolu à jouer et les chorus de guitare de Jerry Garcia sont incisifs comme aux plus beaux jours (il suffit pour s'en convaincre d'écouter dès le début son lumineux solo sur « Iko Iko »). Débarrassé des afféteries et gadgets synthétiques qui polluaient parfois son jeu à la fin des années 70 jusqu'au début des années 80 (comme tant d'artistes et de groupes, le Grateful Dead avait subi, mais de manière assez périphérique toutefois, le désastre musical de cette époque), notre homme impulse au groupe toute l'énergie de sa propre renaissance. Crimson, White & Indigo s'écoute dans la plus grande des fluidités, les minutes coulent en toute sérénité, chaque musicien apportant une couleur très personnelle à un ensemble parfaitement identifiable.

    Car le Grateful Dead, au-delà de son inspiration blues et rock voire country, de ses longues envolées improvisées nées de la « grande époque psychédélique » du côté de San Francisco, possède une vraie identité sonore qu'il est finalement assez compliqué de définir. Lançons quelques pistes cependant : il y a la voix fragile empreinte de mélancolie de Jerry Garcia posée sur les notes cristallines de sa guitare, il y a la présence plus impétueuse de Bob Weir le rockeur qui tisse une toile rythmique continue derrière les sinuosités de son leader qui n'a jamais caché son admiration pour des musiciens de jazz comme Django Reinhardt ou... John Coltrane ; mais le Grateful Dead, c'est aussi une assise percussive marquée par une grande souplesse, celle du jeu tout en nuances des batteurs (Bill Kreutzmann et Mickey Hart) qui jamais ne cognent vraiment, mais agissent plutôt comme des illustrateurs polyphoniques. On n'oubliera surtout pas Phil Lesh, bassiste faussement discret et personnalité majeure du groupe : ses attaques veloutées sont aussi l'une des composantes génétiques du sang qui coule dans les veines de cette musique.

    Côté claviers, la situation aura toujours été plus précaire dans l'histoire du groupe. Et mortifère surtout... Car il faut se souvenir que le Grateful Dead était né sous l'impulsion de Ron Mc Kernan, pianiste, harmoniciste, chanteur et bluesman habité qui n'avait pas survécu à une cirrhose du foie née de ses excès répétés : décédé en 1973, celui qu'on surnommait Pig Pen avait trouvé en Keith Godchaux un successeur avant tout pianiste et, il faut bien le reconnaître, plus transparent. Un tournant majeur dans l'histoire du groupe, qui se voyait amputé de fait d'une bonne part de sa fibre blues. Mais la mort accidentelle de Godchaux en 1980 avait fait entrer dans la danse un nouveau venu, Brent Mydland - présent sur ce concert de 1989 - musicien beaucoup plus fougueux, d'une présence tonifiante qui lui avait valu d'être particulièrement apprécié de Jerry Garcia, ce dernier lui vouant un véritable attachement. Mydland remettait l'orgue Hammond à l'honneur et sa voix écorchée donnait au Grateful Dead une nouvelle assise, plus proche de son empreinte sonore initiale. Il savait aussi manifester une forte présence sur scène : en témoigne ici sa prestation fiévreuse sur « Blow Away », l'une de ses compositions. Mydland harangue le public, l'emporte avec lui dans une danse frénétique sous le regard bienveillant et les coups d'oeil complices de Jerry Garcia.

    D'une certaine manière, Crimson White & Indigo se situe au cœur d'une courte période, plutôt faste, qui viendra se fracasser quelques mois plus tard sur la disparition de Brent Mydland, entré en dépression après des déboires conjuguaux, et qui finira par mourir d'une overdose. On dit que jamais Jerry Garcia ne s'est remis de cette nouvelle tragédie et que la douleur aura contribué à une nouvelle plongée dans la drogue qui finira par l'emporter lui-même en 1995.

    Crimson White & Indigo ne laisse pourtant rien paraître de l'histoire à venir du Grateful Dead, bien au contraire ! Son répertoire, qui se compose comme à l'accoutumée d'originaux du groupe (« Hell In A Bucket », « Ramble On Rose », « Loser », « Let It Grow », « Box Of Rain », « Scarlet Begonias », « The Other One », ...) mais aussi de reprises de Bob Dylan (« Stuck Inside Of Mobile With The Memphis Blues Again » ou « Knockin' On Heaven's Door » qui clôt magnifiquement le concert) ou de classiques comme « Little Red Rooster » ou « Turn On Your Lovelight », fait jaillir toute la lumière née d'une amitié et d'une complicité qui possèdent finalement peu d'équivalents dans l'histoire du rock.

    Et l'on n'en finira pas de revenir vers ces artistes qui, avant tout, ont su insuffler une très forte dose d'humanité à leur art.

    The Grateful Dead : Jerry Garcia (guitare, chant), Bow Weir (guitare, chant), Phil Lesh (basse, chant), Brent Mydland (claviers, chant), Bill Kreutzmann & Mickey Hart (batterie, percussions).

  • Disparition

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    C'est la fin d'une histoire... Ou le commencement d'une autre, peut-être. Créée à Strasbourg au XVIIe siècle à l'instigation de Frédéric Guillaume Schmuck, l'imprimerie Berger-Levrault avait dû choisir l'exil vers Nancy en 1871 lorsque l'Alsace avait été annexée par l'Empire Germanique. L'entreprise avait par la suite pris une part très importante dans la vie locale et s'était souvent trouvée associée aux travaux des grands artistes de l'Ecole de Nancy, comme Emile Gallé, Victor Prouvé ou encore le moins connu Camille Martin, très tôt disparu, auquel une exposition est actuellement consacrée au Musée de l'Ecole de Nancy.

    Sous les coups de boutoir d'une économie en folie, Berger-Levrault avait cédé sa branche graphique en 2000, pour continuer son chemin en diversifiant ses activités, notamment l'édition de logiciels...

    Mais je ne vais pas vous écrire son histoire... seulement vous proposer un petit coup d'oeil, non dénué d'une pointe de nostalgie.

    On voit ici tout ce qui reste des premiers locaux de Berger-Levrault : un vaste projet immobilier est en cours à Nancy et va se déployer sur l'ensemble de l'îlot où l'imprimeur s'était implanté autrefois. Seule la façade principale du bâtiment originel, Rue des Glacis, sera préservée.

    Elle sera un peu comme un masque qui cachera le visage de ce nouvel ensemble, dont l'esthétique générale sera beaucoup plus... bétonnée et dénuée du moindre soupçon de fantaisie.

  • Accords perdus

    J'ai expliqué voici pas mal de temps pourquoi le premier mai était un jour redoutable pour moi. Il y a notamment quelque part cette petite note qui rappelle un événement pas banal qui fut une sorte de déclencheur de ma relative phobie pour ce jour de relâche... Il y en aura prochainement d'autres qui évoqueront ce jour assez maudit chez moi, mais là n'est pas le sujet...

    Alors, aujourd'hui : repos !

    Mais je ne suis pas un ingrat et vous laisse durant près d'une heure et demie en très bonne compagnie, celle de la grande Carla Bley (composition, direction, piano) et ses Lost Chords, ici enregistrés lors d'un récent concert à la Salle Pleyel : Steve Swallow (basse), Andy Sheppard (saxophone), Paolo Fresu (trompette), Billy Drummond (batterie). Une formation que j'avais eu la chance de voir sur scène dans la très belle salle de La Comète à Chalons en Champagne. C'était le 10 mai 2007. Je m'étais fait l'écho de ce beau concert dans un article de Citizen Jazz appelé : Carla et les chics types.

    Alors, place à la belle musique de la grande Carla ! La seule...