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  • Mu(e)sée

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    Une fois n'est pas coutume, j'aimerais faire un peu de « réclame » pour un lieu historique de la ville de Nancy, devant lequel je passe chaque jour sans cesser de m'émerveiller. Le Musée Lorrain, dont la façade principale rayonne dans la Grande Rue, au cœur de la ville vieille, est l'objet d'un vaste programme de rénovation aujourd'hui très visible. Hier et aujourd'hui en effet, les derniers échafaudages ont été démontés et la mue de ce bâtiment du XVIe siècle est spectaculaire. C'est magnifique, tout simplement. On en viendrait désormais à souhaiter que les automobiles soient enfin bannies de cette rue tellement chargée d'histoire, pour garantir au mieux la pérennité d'une mue si lumineuse.

    Et si vous ne connaissez pas Nancy, je vous suggère une flânerie qui commencerait du côté de la Porte de la Craffe pour vous mener Place Stanislas, en empruntant d'abord la Grande Rue, puis la Place de la Carrière, sans oublier la discrète Rue des Petites Écuries et ses passages surélevés reliant les habitations aux terrasses en bordure du Parc de la Pépinière. Arrêtez-vous enfin sur notre place royale, contemplez.

    Et n'oubliez pas votre appareil photo...

  • Gonflé

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    Pas besoin de traverser l'Atlantique et de poursuivre son chemin d'est en ouest sur le continent nord-américain pour découvrir la Silicone Vallée. Ici, nous sommes en France, du côté de la Promenade des Anglais. Même pas 900 kilomètres depuis la Lorraine.

    La chirurgie esthétique fait vraiment des merveilles...

  • Petiot

    Au printemps 1977, le groupe Univers Zéro enregistrait son premier album. Sa musique souvent sombre vous taquinait les tympans en vous laissant deviner qu'un nouveau chemin, mystérieux, tortueux, mais passionnant surtout, était en cours d'élaboration, sous l'impulsion de ses deux principaux compositeurs, le batteur Daniel Denis et le guitariste Roger Trigaux. On trouvait par exemple sur l'album une magnifique composition de ce dernier, intitulée "Dr Petiot".

    Et plutôt que de ressasser l'histoire macabre de ce médecin accusé de vingt-sept assassinats (lui-même en revendiquant... soixante-trois !), revenons sans attendre et pour une dizaine de minutes à un concert donné récemment par Présent (groupe formé par Roger Trigaux après son départ d'Univers Zéro). Quelques jours après une prestation mémorable au festival RIO, qui vit la réunification des deux groupes le temps d'un somptueux final, Présent jouait à Bourgoin Jallieu et redonnait vie à cette musique assez incroyable.

    Non non non... Vous ne m'avez pas entendu dire que l'on peut y voir et écouter mon fils au saxophone soprano... Vous ne l'avez même pas lu...

    Présent Live @ Bourgoin Jallieu (Les Abattoirs) - 25/09/2009
    Roger Trigaux (direction, guitare), Reginald Trigaux (guitare), Dave Kerman (batterie), Pierre Chevalier (claviers), Keith Macksoud (basse), Mathieu Safatly (violoncelle), Pierre Desassis (saxophone soprano).
    Vidéo : Robert Guillerault
    Son : Udi Koomran

  • Kékéland

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    [Mode vieux con]

    Ce qui est bien avec la nature humaine, c'est que, livrée à elle-même, elle ne vous déçoit que très rarement. Une brève incursion du côté des Alpes Maritimes m'a permis d'en savoir un peu plus sur notre redoutable espèce. Ou plutôt de vivre en direct ce que je n'avais aucun mal à imaginer : une certaine image de la décadence.

    Parce que je suis convaincu que nous vivons une époque décadente, mais ceci est une autre histoire... Historiquement, tous les paramètres qui permettent de qualifier la décadence semblent réunis, pour qu'on puisse formuler cette détestable équation.

    Et encore... Les propos qui suivent émanent de quelqu'un qui connaît sa condition de privilégié qui a la chance de travailler, de manger à sa faim et de s'offrir le luxe de quelques jours de vacances.

    Mais le mépris qui gangrène les esprits est insupportable.

    Je passe sur l'affligeant spectacle offert voici trois jours par un cafetier niçois qui nous désigna de façon très lapidaire le fast food voisin, parce qu'après avoir rapidement étudié la carte déposée sur une table poussiéreuse sans l'esquisse d'un début de sourire, nous choisîmes de quitter les lieux pour rallier l'un de ses proches concurrents, parce que décidément, sept euros pour une vulgaire crêpe au sucre servie sous les tuyaux d'échappements des voitures locales est un tarif exorbitant même pas justifié par une prestation de qualité.

    Je passe sur le défilé des horreurs vieillissantes contemplées du côté de la Croisette... Pathétiques errances, fric qui dégouline, comme le pus d'un abcès en train de crever.

    Nous sommes dans le village médiéval de Cagnes-sur-Mer, tout près du château. Le paysage et sa géographie somptueuse sont entachés de nombreuses villas coloriées par leurs dispendieuses baignoires bleues. D'une propriété à l'autre, on s'affronte à grands coups de kistcheries néo-coloniales et de caméras de surveillance. Les quelques ruelles du bourg se font l'écho d'une musique aux intonations vaguement latines et poussivement interprétée par un trio qui distille son ennui synthétique devant une poignée de types armés de coupes de champagne. Ceux-ci, de sexe masculin exclusivement, gardent un œil vigilant sur les bolides de course qu'ils n'ont pas manqué de faire pétarader aux environs avant de les exposer sur la petite place où quelques boulistes entretiennent leur lumbago.

    Le bilan carbone de cet aréopage un brin hautain est désastreux, mais là n'est pas la question. On s'en fout : il s'agit avant tout de se montrer, d'afficher. On devine que la chasse à la femme va commencer.

    Il y a quelque chose qui pue dans ce bas monde, juste à côté de nous. On se dit aussi que la même espèce humaine est capable d'une très forte résistance à l'injustice pour accepter ainsi le spectacle d'une minorité aussi malodorante aux yeux de la misère de tant d'autres...

    [/Mode vieux con]

  • Elvin

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    Hommage au grand Elvin Jones, que je n'aurai jamais vu sur scène, malheureusement. Pourtant, il s'en est fallu de peu, voici une dizaine d'années : le batteur historique de John Coltrane était à l'affiche des Nancy Jazz Pulsations en 2000. Manque de chance, Elvin Jones fut victime d'un accident au genou qui rendit ce rendez-vous impossible...

    Elvin Jones devait nous quitter pour toujours le 18 mai 2004, à l'âge de 76 ans.

    J'ai croisé son chemin cet après-midi, lors d'une longue balade du côté de Juan les Pins, où de nombreux musiciens de jazz ont laissé les empreintes de leurs mains après un passage lors du festival d'Antibes Juan les Pins, où i était venu en 1996 avec sa Jazz Machine. Mais on se souviendra aussi de l'été 1965 : Coltrane, encore et toujours et l'une des rares interprétations live de A Love Supreme.

    En 2000, Stefano Di Battista invitait le batteur a le rejoindre le temps d'un disque splendide et lui dédiait de "Elvin's Song" qui donne la chair de poule... Impressionné par le talent du saxophoniste, Elvin Jones devait lui retourner la "politesse" et l'associer à une série de concerts avec sa propre formation.

    Laissons la parole à ces grands messieurs...

    Stefano Di Battista (saxophone soprano), Elvin Jones (batterie), Rosario Bonaccorso (contrebasse), Jacky Terrasson (piano).

  • Cyclique

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    J'ai la drôle de manie de photographier les vélos. Mais à une condition : qu'ils ne soient pas chevauchés par un humain, dont je considère la présence comme très inesthétique et mal venue. J'apprécie les bicyclettes sans leurs maîtres, déposées ici ou là dans la rue avec ou sans antivol, voire quand elle sont abandonnées... et si elles sont un peu vieillottes, elles auront ma préférence.

    On voit ici un bel attelage un tantinet suranné, que j'avais « capté » voici quelques années - c'était en 2007 je crois - sur cette petite place absolument irrésistible qu'on peut dénicher à Paris du côté de la rue de Furstemberg, dans le quartier de Saint-Germain des Prés. Tiens, pendant que j'y suis, profitez donc de votre flânerie pour rendre une petite visite au Musée National Eugène Delacroix, dont l'entrée n'est située qu'à quelques mètres de mon véhicule d'un jour.

    Souvent, j'associe un souvenir à une photographie, mais pas forcément celui qui correspond au moment où j'ai appuyé sur le déclencheur. Ce souvenir peut remonter à la surface bien plus tard, lorsque je feuillette mes albums. Ce vieux vélo, la petite place... aussitôt je remonte le temps et me retrouve au début des années 80. A cette époque, je m'étais rendu à Paris avec mon directeur pour participer à une réunion dont j'ai oublié la teneur et le lieu précis. Qu'importe... Je me rappelle notre arrivée devant l'entrée du Ministère de l'Education Nationale : n'arborant pas la tenue correcte, mon chef avait ouvert le coffre de sa voiture dont il avait extirpé veste, chemise, pantalon et cravate avant de se déshabiller tranquillement - et voilà notre bonhomme en caleçon et t-shirt à même le trottoir, offrant une belle bedaine et un spectacle peu banal au fonctionnaire de police qui montait la garde. Mais surtout, dans un autre recoin de ma mémoire est stocké le souvenir du voyage retour : au volant de sa voiture, mon replet mannequin du matin - par ailleurs un homme charmant que le travail ne passionnait plus et qui préférait de très très loin parler de cinéma, de littérature et mettait un point d'honneur à me vanter les mérites de Télérama - avait décidé de me présenter une petite place dont il ne cessait de me vanter le charme discret depuis de longues semaines.

    Comme il avait raison le bougre ! Sa conviction fut très vite la mienne et je tombai instantanément sous le charme. Il m'arrive fréquemment, depuis, de faire un petit crochet commémoratif vers la rue de Furstemberg, lors de mes balades parisiennes. Je musarde quelques instants, j'en fais le tour une fois ou deux, je ronchonne contre les voitures qui l'encombrent... Je suis alors dans ma posture préférée : la truffe en l'air, humant tranquillement l'air si doux d'un univers où se mêlent nostalgie et les petits bonheurs de l'instant présent.

  • Méditation

    coltrane_meditations.jpgS'il n'en restait qu'un ? Allez savoir... J'écrivais hier pour Citizen Jazz la chronique d'un bouquin consacré à Magma* lorsque je me suis senti gagné par un « besoin de John Coltrane »... C'est une sorte d'appel intérieur, assez fréquent chez moi depuis 25 ans, qui me pousse à vite gagner le deuxième étage de ma maison et à m'agenouiller devant le rayon du meuble où sont méthodiquement rangés tous mes disques du saxophoniste - comme leader ou sideman - soit largement plus d'une centaine. La difficulté vient juste après (voyez comme je suis habité par de graves problèmes existentiels... pendant que tant d'autres souffrent...) : quel CD choisir ? Mon œil scanne en quelques secondes les deux décennies qui séparent le premier enregistrement (1946) du dernier (1967) et, très souvent, mon choix se porte sur l'album Meditations, dont je finis par penser qu'il est celui qui me nourrit le plus intensément.

    Ce disque clôt une année particulièrement féconde, que j'avais rapidement résumée dans Citizen Jazz avec un article appelé 65, année héroïque ! et auquel je vous renvoie volontiers si vous souhaitez devenir presque incollable sur les douze mois qui avaient commencé par l'enregistrement du mythique A Love Supreme, en décembre 1964.

    Meditations, un disque phare, une musique abrasive, une énergie vitale. Une expression de la Beauté. Pourquoi donc celui-là et pas un autre ? Pourquoi y trouve-t-on, à chaque écoute, de quoi se ressourcer et se sentir plus vivant ?

    Parce qu'il est habité d'une force presque mystique qui nous touche au plus près et nous fait comprendre que l'artiste ne triche pas, qu'il EST sa musique ? Oui, sans aucun doute. Coltrane disait au sujet de l'album : « C'est une extension de A Love Supreme, sous une forme différente. Mais mon but reste le même, c'est une méditation à travers la musique. Je veux élever les gens, autant que possible. Pour les inciter à percevoir leur capacité à donner du sens à leur vie ».

    Parce qu'il donne à écouter tous les versants de la musique de John Coltrane, si nombreux depuis le milieu des années 50 ? Certainement. Il y a cette introduction un peu hallucinée où son saxophone croise le feu de celui de Pharoah Sanders : « The Father, The Son And The Holyghost » et qui est marquée par l'urgence mystique qui s'est révélée petit à petit chez lui ; et quelques minutes plus tard, la mélodie presque relâchée des premières mesures de « Love », assez proche finalement dans ses premières mesures des Ballads enregistrées quelques années plus tôt. Avant que le chant ne devienne quête... Une musique d'une intensité constante, brûlante, un flux de vie habité au plus profond de chaque note, mais qui ne se livre pas immédiatement à vous parce qu'il faut venir à sa rencontre et l'apprivoiser, avant qu'elle ne vous rende au centuple les menus efforts que vous aurez bien voulu lui consacrer.

    Le plus étonnant dans cette suite captée en studio le 23 novembre 1965, c'est qu'elle avait fait l'objet d'un premier enregistrement en quartet quelques semaines plus tôt, le 2 septembre (Et qui sera en fait le dernier rendez-vous sous cette forme d'un quatuor né en 1961, avec McCoy Tyner au piano, Jimmy Garrison à la contrebasse et Elvin Jones à la batterie. Les spécialistes considèrent cette formation comme la plus aboutie dans la courte carrière de John Coltrane). Ces First Meditations sont elles-mêmes un autre joyau qui fut publié bien des années plus tard et recoupent pour l'essentiel le répertoire des secondes. Mais au mois de novembre, John Coltrane choisit d'élargir sa formation : outre Pharoah Sanders (« Ce que j'aime chez lu, c'est la force de son jeu, la conviction avec laquelle il joue. Il a la volonté et l'esprit, ce sont les qualités que je préfère chez un homme. »), il fait appel à un second batteur, Rashied Ali, parce qu'il souhaite que, de plus en plus, sa musique soit imprégnée d'un foisonnement rythmique qui le hante.

    Il n'y a pas de hasard... Très vite, Elvin Jones, qui acceptait mal la cohabitation avec un autre batteur, et McCoy Tyner qui se sentait de moins en moins à sa place dans un univers où disparaissaient ses repères mélodiques et rythmiques, quittent le vaisseau Coltrane. Pharoah Sanders et Rashied Ali restent, bientôt rejoints par Alice Coltrane, l'épouse de John. Ce sera le point de départ d'une autre expérience, la dernière. Celui ou celle qui voudrait comprendre la puissance de ce nouveau foyer de création peut s'essayer à l'aventure inouïe qu'est le quadruple CD Live In Japan, enregistré en juillet 1966. Et pourra revenir ensuite vers les Meditations de novembre 1965, encore et encore.

    En écoute : « Love », troisième mouvement de Meditations.
    John Coltrane (saxophone ténor), Pharoah Sanders (saxophone ténor), McCoy Tyner (piano), Jimmy Garrison (contrebasse), Elvin Jones (batterie), Rashied Ali (batterie).

    * Philippe Gonin : « Magma, Décryptage d'un mythe et d'une musique » - Editions Le Mot et le Reste - 2010.

  • Arcs-en-ciel

    Je dois lutter à tout prix contre une tentation nostalgique qui, à défaut d'un contrôle conscient de ma part, pourrait vite m'arracher à la nécessité de lutter, jour après jour, pour construire un lendemain qui me verra debout. Facile à dire...

    Voici en quelques lignes l'exemple d'une digression nostalgique qui vient malicieusement polluer mon quotidien. J'emploie cet adverbe à dessein parce qu'il faut bien l'avouer, ces échappées vers un passé lointain et idéalisé ne sont pas désagréables. C'est tout le contraire : elles s'apparentent à un douillet refuge qu'on gagne volontiers lorsque la grisaille du quotidien pointe sur vous un doigt menaçant et vous paralyse.

    J'écoutais ce matin un disque d'un saxophoniste anglais ayant posé ses valises du côté de New York voici une bonne dizaine d'années, Will Vinson. J'en profite pour dire ici que je consacrerai prochainement un peu de mon temps pour évoquer ce talentueux saxophoniste dans un article destiné à Citizen Jazz, avec très probablement une interview à la clé.

    Avant de quitter la maison, j'ai jeté un petit coup d'oeil à la pochette de l'un de ses disques, Promises, publié en 2008 (j'en profite tout de même pour dire que son nouveau CD live, The World (Through My Shoes), vient de voir le jour...) et je n'ai pu m'interdire de tracer une grande ligne droite entre ce que j'avais sous les yeux :

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    et un autre disque, le lumineux Europe '72 du Grateful Dead (eh oui, encore ce groupe qui n'a pas fini de me hanter...) qui m'avait tellement fait rêver lorsque j'étais adolescent et grâce auquel j'avais fini par élaborer un subtil stratagème pour acquérir dans les meilleures conditions de... discrétion ce triple album qui, à l'échelle de mon budget d'adolescent, valait une petite fortune. A l'occasion, allez faire un petit tour par ici, car je raconte cette drôle d'histoire que j'ai d'ores et déjà sélectionnée, dans une version légèrement remaniée, pour un projet de bouquin qui traîne quelque part dans un coin de mon cerveau... et qui verra le jour !

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    On voit bien que ces deux visuels ne sont pas totalement étrangers l'un à l'autre. Il y a l'arc-en-ciel qui semble ouvrir une vaste porte vers un univers un peu irréel, celui de la création, très probablement. Et le fond blanc, pour mieux en souligner les couleurs. Et forcément, Promises appelle automatiquement en mon for intérieur la vision intérieure de Europe '72. Impossible d'échapper à ce rappel !

    J'ai donc marché pour me rendre au travail en écoutant Promises, les délicats entrelacs du saxophone de Will Vinson et de la guitare de Lage Lund. Avec, bien nichés dans un des tiroirs de mon armoire aux souvenirs, les arpèges cristallins d'une autre guitare, celle de Jerry Garcia dans « China Cat Sunflower » ou « Tennessee Jed » sur la scène du Lyceum de Londres ou de l'Olympia de Paris.

  • Magnolia

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    Photo © Maître Chronique - 6 avril 2010

    Histoire de ne pas plomber l'ambiance de ce blog en alignant des notes à la tonalité un peu trop souvent désespérée, je choisis aujourd'hui de lever les yeux au ciel et de contempler... Je me suis arrêté hier soir en effet devant un tableau vivant comme seule la nature est capable d'en créer. Après tout, l'inspiration florale est bien celle qui animait les peintres de l'École de Nancy... alors quoi de plus normal donc que de vous livrer ici, en toute simplicité, une composition dont la beauté n'a d'égale que son caractère éphémère ?

    Je ne sais pas résister au charme d'un magnolia en fleurs. Mais attention : cette éclosion, qui marque l'avénement du printemps, est de si courte durée qu'il nous faut dévorer des yeux son spectacle incomparable, s'en repaître goulûment tout en sachant qu'au moindre coup de vent, il s'évanouira, abandonnant au sol un triste parterre de pétales piétinés par l'indifférence des humains pressés.

    Cueille le jour.

    Cette fleur est aussi, à sa façon, ma madeleine de Proust : elle me ramène près de quarante ans en arrière - c'était en août 1972 - lorsqu'après avoir acheté dans un magasin parisien (Gibert Jeune ?) un disque enchanté du Grateful Dead appelé American Beauty, je m'allongeais à plat ventre sur le lit pneumatique que ma soeur avait installé pour moi et me calais la tête entre les deux hauts-parleurs de son électrophone, afin d'écouter comme dans un drôle de casque géant et ouvert cette galette qui m'avait coûté plusieurs mois d'argent de poche.

  • Little Heroes

    internet.jpgJ'écoutais dernièrement à la radio un débat consacré à l'évolution probable du fonctionnement d'Internet et de son accessibilité pour le « grand public ». La diffusion massive de la Toile favorisée entre autres par un taux d'équipement élevé des foyers en ordinateurs individuels dont le prix a fondu sous l'effet « netbook » notamment, le développement des applications dédiées aux « smartphones », l'utilisation de plus en plus intensive de plates-formes telles que You Tube, très gourmandes en bande passante, modifient considérablement la donne, rendant parfois très difficile, voire impossible à certaines heures, l'accès au réseau, au point que les fournisseurs d'accès sortent petit à petit de leur devoir de neutralité pour entamer des négociations avec les fournisseurs de contenus. En d'autres termes, les premiers disent aux seconds : « Ecoute mon vieux, si tu veux que mes abonnés continuent à accéder à ton site, je vais être obligé de les faire payer plus cher parce que les tuyaux de mon réseau sont trop étroits ». Dans certains pays comme la Belgique par exemple, on commence à voir apparaître des offres dites « Premium » qui permettent de surfer partout... à condition de payer le prix fort (j'ai entendu évoquer des sommes de l'ordre de 70 ou 80 € mensuels). Ainsi, le modèle socio-économique initial de l'Internet - fondé sur l'idée un peu utopique du partage - est en train, tout doucement, de voler en éclats et son évolution nous ramène 25 ans en arrière lorsque la publicité avait été autorisée sur des radios dites « libres » qui, en quelques années, connurent un extraordinaire phénomène de concentration, devenant au final de simples robinets déversoirs du plus désespérant des conformismes, seul garant d'une rentabilité assurée pour la meute des actionnaires (r)assis sur leurs dividendes.

    L'argent règne en maître absolu, on le sait bien, et notre système économique semble ne pouvoir s'épanouir que dans la division et la fracture. A l'image de toute l'histoire de l'humanité, probablement. Une infime minorité possédante doit écraser de son pouvoir le reste de la population. C'est, semble-t-il, une sorte de loi propre à l'espèce humaine...

    En poursuivant notre exemple, on peut affirmer qu'il y aura un Internet pour les riches et un Internet pour les pauvres. N'en doutons pas un seul instant.

    Et allez savoir pourquoi, cette division brutale entre la minorité des possédants et le reste de la population me fait penser à un bouquin que j'ai dû lire, je crois, dans les années 90, sous la plume de Norman Spinrad qui campe dans son Rock Machine (dont le titre original est Little Heroes) une société divisée en deux couches : la première, celle d'une fraction minoritaire revenue de tout, habite à la surface et trompe son ennui dans la fête, l'alcool et les stupéfiants. Cette population du show biz et des P.A (« Personnalités Artificielles, vedettes de synthèse, poupées de sons, produits incestueux des sondages et des éprouvettes électroniques, concoctées dans les entrailles d'ordinateurs, tels Lady Leather et Mucho Muchacho. Vite fanées. Trop vite oubliées au gré des huiles de Muzik, Inc., la mégasociété des variétés. », je cite ici une phrase tirée d'une présentation du roman sur Internet), superficielle à tous les sens du mot, vit au grand jour et s'oppose à un peuple de l'ombre qui grouille sous ses pieds et ne fait que survivre. Je ne me rappelle plus vraiment les détails de ce roman, mais je me souviens d'avoir été frappé par certains de ses aspects, très visionnaires, qui semblent nous décrire, quelques années à l'avance, le monde qui nous menace.

    Je pense aussi, mais là c'est une anecdote souriante, aux moqueries de mes enfants, qui à cette époque, prenaient un malin plaisir à m'imiter lorsqu'au détour d'une conversation, je faisais référence à ce bouquin en soulignant la fracture qu'il mettait en avant sous couvert d'anticipation... Je les entends encore...

  • Dans les cheveux

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    Si j'en crois le site www.amazon.fr, Duke Ellington va s'arracher les cheveux lorsqu'il lira depuis le paradis des musiciens la fiche descriptive du dernier disque enregistré par le Big Band de l'Air, sous la direction de Stan Laferrière. Assez subtilement baptisé Duke In The Air, ce second enregistrement réalisé par le pianiste arrangeur devient un bien étrange Duke In The Hair sur le site de vente en ligne...

    Toute plaisanterie mise à part (et nonobstant le fait que vous pouvez cliquer sur l'image ci-dessus pour commander l'album), je m'autorise une incursion personnelle dans la campagne de promotion de ce disque puisque l'un des acteurs en est mon propre fils. Mad Jazz Boy y fait en effet vibrer les anches de son saxophone (soprano ou alto) et propose en particulier un petit numéro assez personnel sur « Caravan », qu'il dynamite non sans bonheur tout au long des cinq minutes d'un chorus plutôt réjouissant.

    Ce disque est également l'occasion de (re)découvrir une « Deep South Suite » passée aux oubliettes de l'histoire de la musique, mais visiblement pas perdue pour tout le monde, puisque certains de ses thèmes étaient réapparus sous un autre nom et pas nécessairement sous la signature de Duke Ellington. Stan, si tu lis ces lignes, n'hésite pas à venir nous raconter cette histoire en quelques lignes, tu seras le bienvenu !

    Enfin, Duke In The Air, enregistré en public à Bayonne, Tours et La Souterraine, est une occasion de partager une heure de musique avec une quinzaine musiciens qui s'expriment avec beaucoup de conviction et de talent sur les arrangements très toniques de leur chef d'orchestre.

    Ça fait du bien !

    podcast

    En écoute, un extrait de « Caravan » avec Pierre Desassis (ici au saxophone soprano) dans ses oeuvres... Sébastien Maire (contrebasse), Stan Laferrière (piano), Xavier Sauze (batterie) + Ludovic Louis, Nicolas Gardel, Mathieu Haage, Julien Rousseau, Philippe Slominski (trompette, bugle), David Fettmann (saxophones alto & soprano, clarinette), Olivier Bernard (saxophone ténor & soprano), Christophe Allemand (saxophone ténor), Cyril Dumeaux (saxophone baryton), Nicolas Grymponprez, Bertrand Luzignant, Cyril Dubilé, Jean Crozat (trombone).

  • Punch

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    Une fois n'est pas coutume, j'aimerais faire ici écho à l'une de mes chroniques, tout récemment publiée sur Citizen Jazz, pour revenir en quelques lignes, agrémentées de deux bonus, sur le disque que vient de publier le saxophoniste Olivier Temime. Non par narcissisme, mais plutôt parce que cette nouvelle galette baptisée The Intruder me réjouit au plus haut point et qu'il me paraît de mon devoir de vous la faire connaître ! Nous vivons une époque plutôt terne, sachons donc ne pas nous priver de ces éclats de lumière que les artistes nous font parvenir...

    En parfaite symbiose avec son complice Vincent Artaud (multi instrumentiste de grand talent qui prend en charge tous les arrangements du disque et en co-signe tous les titres), Olivier Temime dynamite les barrières qui pourraient encore séparer certains paysages musicaux : il nous offre un jazz goulu qui se sait quand il le faut se parer des atours d'un rock décoiffant pour mieux nous élever avec lui vers les hauteurs d'une musique gonflée à bloc d'une saine énergie. Voilà qui est dit, inutile d'enrober la chose de mots superflus. Laissez-vous emporter, ça fait vraiment du bien !

    Je vous laisse maintenant en la compagnie de monsieur Temime, d'abord avec un court extrait du roboratif « Purple Dream » qui ouvre l'album...

    podcast

    ... puis avec cette petite séquence vidéo où vous pourrez voir et écouter les musiciens interpréter en studio « The Macadam Turtle ».

    Olivier TEMIME (saxophone ténor), Vincent ARTAUD (contrebasse), Cyril ATEF (batterie).

    Et puis, surtout... car c'est essentiel tout de même ! Souvenez-vous que les disques s'achètent aussi. Je vous donne ICI un lien parmi d'autres possibles...