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Musiques buissonnières - Page 16

  • Americano !

    americana.jpgSacré Neil Young ! Chassez le naturel, il revient au galop, et pas n’importe lequel, celui de son Cheval Fou. On avait laissé le Canadien en 2010 avec Le Noise, un disque un peu énigmatique, voire introspectif, enregistré en duo avec le producteur Daniel Lanois. Un album dont il était parfois difficile de savoir s’il se façonnerait correctement dans nos mémoires avec le temps, celui-ci faisant toujours son affaire, mais – avouons-le – vers lequel on revient aujourd’hui assez peu alors que d’autres disques, beaucoup plus anciens, sont pour nous des compagnons de toute une vie (je vous épargnerai ma propre liste, mais j’évoque quelques lignes plus bas l’un de ces trésors...). Non qu’il soit mauvais (à l'exception de quelques fautes de goût qu’on attribuera par commodité à la vacuité musicale des années 80 à laquelle il n’a pas su lui-même échapper, Neil Young a rarement commis autre chose que de bons disques), mais allez savoir pourquoi, on a tendance à oublier The Noise. Comme s’il était un travail de laboratoire, une expérience, une idée en gestation...

    2012 voit le retour du Loner électrique et sauvage, celui qu’on aime depuis toujours (ou presque, mais quand j’y réfléchis, je n’ai que des souvenirs très flous de l’époque antérieure à celle où j’ai croisé la musique de Neil Young pour la première fois...) et dont l’un des albums les plus éclatants en ce domaine est aussi l’un de ses premiers, le splendide Everybody Knows This Is Nowhere en 1969.

    Pour ce retour en force, Neil Young a rameuté sa bande de companeros tout aussi électriques que lui, le groupe Crazy Horse avec lequel il n’avait pas travaillé sur disque depuis 2003, date de la publication de l’album Greendale. Et pour être plus précis, il faudrait même dire qu’on doit remonter à 1996 et au disque Broken Arrow pour retrouver le groupe en entier aux côtés de son mentor : Frank Sampedro à la guitare, Billy Talbot à la basse et Ralph Molina à la batterie. C’est dire que de telles retrouvailles ne pouvaient susciter que beaucoup d’impatience ! D’autant que pour composer le menu de Americana, Neil Young a choisi un répertoire par lequel il revisite à sa manière très particulière quelques grands classiques de la musique américaine, comme le célébrissime « Oh Suzanna », « Tom Dula », « Clementine » ou « This Land Is Your Land » (un hymne signé Woodie Guthrie), sans parler d’une relecture à sa façon de « God Save The Queen ». Avec une précision de la part de Neil Young : « Nous connaissons tous ces chansons depuis le jardin d’enfants. Mais à partir du moment où Crazy Horse les a réarrangées, elles nous appartiennent ». Prenez ça dans les dents !

    Il n’y a que Neil Young pour oser délivrer un tel disque ! Qui d’autre que lui pourrait se permettre de nous balancer à la figure un pareil brûlot dont les imperfections – toujours les mêmes, celles qu’on aime, celles qu’on attend à chaque fois – sont aussi les qualités intrinsèques ? Une rythmique cul-de-plomb, car jamais la paire Talbot / Molina ne fait dans la finesse ni dans l’originalité, sa lourdeur éléphantesque étant irremplaçable ; une voix toujours en déséquilibre, approximative et incertaine, qui se fiche de savoir si elle est juste ou fausse comme de son premier cri ; des chorus de guitare mille fois entendus qu’on pourrait presque chanter avant de les avoir entendus... On sait tout cela, dès les premières notes, mais jamais, aussi paradoxal que celui puisse paraître, Neil Young n’est pris en défaut. Il est ailleurs, au-dessus... Probablement parce qu’il reste l'un des rares survivants d’une époque qui nous semble aujourd’hui bien lointaine et parce qu’il a su préserver intacte l’énergie originelle du rock qui coule dans ses veines. Debout face au vent, le père Young. Malgré certaines contradictions (reportons-nous pour mieux les comprendre au bouquin de JeanDo Bernard : Neil Young, Rock’n’Roll Rebel?), le personnage reste un insoumis qui semble être en mesure de jouer la musique qu’il veut, comme il veut et quand il veut. Et ça marche !

    Americana en est un nouvel exemple. Le disque va sortir très prochainement, mais on peut d’ores et déjà l’écouter dans son intégralité sur le site du magazine Rolling Stone. Attention, ça décoiffe : like a hurricane, comme dirait l’autre !

  • Yochk’o Seffer, « Free comme Jazz »

    sefferfreecommejazz.jpgPour une fois, on ne pourra pas dire qu’une biographie arrive trop tard, après la disparition d’un musicien dont on aurait aimé que le talent soit célébré de son vivant. Cette biographie de Yochk’o Seffer, signée Jean-Jacques Leca et publiée chez Edilivre est la bienvenue en ce qu’elle propose une longue promenade aux côtés d’un saxophoniste toujours en activité, même si, comme le déplore André Francis dans un court texte introductif, il « vit en deçà de la notoriété qu’il mérite ».

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  • Franck Médioni - Jimi Hendrix

    jimi hendrix, franck medioni, citizen jazzUn livre de plus consacré au plus grand guitariste du XXe siècle ? Depuis quarante ans, les nombreuses œuvres consacrées au Voodoo Chile nous ont déjà beaucoup appris sur celui qui se présentait volontiers comme un extraterrestre et, de son propre aveu, n’était lui-même que sur scène. Jimi Hendrix, et sa carrière fulgurante ont fracassé le monde de la musique en une poignée d’années... Quel parcours météorique, en effet !

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  • Round About Jobim

    stephane-spira-round-about-jobim.jpgLe parcours du saxophoniste Stéphane Spira est plutôt atypique : en effet, cet ingénieur en électronique n’a pas pu se satisfaire d’une vie probablement trop ancrée dans le matérialisme, préférant se lancer dans une aventure beaucoup plus incertaine, celle de la vie de musicien de jazz. Une vie qu’il s’est fabriquée à l’école des clubs et des rencontres initiatiques avec d’autres artistes, parmi lesquels le regretté Michel Graillier. Après First Page, un premier album en quartet publié en 2006, puis Spirabassi en duo avec Giovanni Mirabassi trois ans plus tard, Spira rend aujourd’hui hommage à Antonio Carlos Jobim.

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  • Electro Deluxe Big Band - Live in Paris

    electro deluxe, live in paris, citizen jazzElectro Deluxe a soufflé dignement ses dix bougies le 18 octobre 2011 devant un Alhambra archicomble. Souffler : tel est bien le mot, puisqu’à cette occasion, le groupe s’est étoffé d’un Big Band complice, renouvelant en cela une première expérience réussie quelques mois plus tôt au New Morning à Paris. Ce double CD – qui inclut six vidéos en noir en blanc reflétant fidèlement l’ambiance festive qui régnait ce soir-là – constitue un témoignage précieux d’une soirée de musique dont la force est bien celle de l’énergie vitale de ses influences. Elles aussi soufflent très fort sur le feu de la musique.

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  • Jacques Schwarz-Bart - The Art Of Dreaming

    jacques-schwarz-bart-the-art-of-dreaming.jpgCoup de cœur ! Il y a chez Jacques Schwarz-Bart le souffle d’une évidence radieuse qui pourrait faire douter de la nécessité des mots, certainement insuffisants pour refléter comme elle le mérite la sérénité qui s’en dégage. Le saxophoniste, dont la carrière trace depuis une quinzaine d’années les contours d’une exploration de ses origines guadeloupéennes mêlée à des confrontations avec la scène jazz new-yorkaise, et en particulier son courant nu soul – lui-même laboratoire aux confins du jazz, de la soul et du hip hop – parvient aujourd’hui à une étape essentielle de sa vie d’artiste.

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  • Le bel Alphabet de Sylvain Rifflet

    sylvain rifflet, alphabet, beaux-arts, saxophone, clarinette, citizen jazzLe changement c’est maintenant. Oui, certes... mais j'aimerais consacrer cette note à un disque – et ce faisant à un artiste de premier plan – récemment publié, dont le flux musical a circulé instantanément dans mes veines, bien mieux que n’a pu le faire mon propre sang malgré le soutien depuis bientôt trente-trois ans d'une colonie de comprimés aux vertus anticoagulantes (11.949 à ce jour, desquels il faut toutefois retrancher quelques rarissimes oubliés matinaux. Pensez à fêter mes 12.000 cachets, ce sera le vendredi 18 mai. Fin de la parenthèse).

    Le problème, c’est qu’en vous parlant de Sylvain Rifflet, je pourrais vous donner l’impression de bégayer un peu dans mon écriture. Un changement, oui, mais dans la continuité de son indéniable talent...

    Car oui, je l’avoue, j'ai déjà évoqué ici-même le saxophoniste clarinettiste compositeur arrangeur (etc.) à l'occasion de la publication de ses enchanteurs Beaux-Arts. C'était au mois de février. Bis repetita... Je ne reviendrai pas ici sur cet album, autant lire ou relire si vous le souhaitez la note que je lui avais consacrée ou, mieux, la chronique que mon camarade Franpi avait écrite pour Citizen Jazz.

    Mais tout de même : alors que les richesses de ce disque continuent de répandre leurs bienfaits, voici dès à présent, bien plus qu'une simple piqûre de rappel (je persiste dans la métaphore hématologique, pardonnez-moi), une nouvelle proposition tout aussi créative et passionnante. À la fois nom de groupe et nom d'album, Alphabet est un coup de maître. Un de ces disques qui, par leur inventivité, leur originalité mais aussi l'immédiateté de leur propos – je tiens à préciser ici que cette musique est très accessible, qu’elle ne suppose aucune initiation préalable. Amis craintifs du tympan, soyez rassurés et venez tranquillement découvrir ce petit monde baroque, vous devriez en apprécier les sinuosités – s'envolent miraculeusement et viennent s'installer en vainqueurs tranquilles de votre propre biotope, tout en haut – au sommet, vraiment – de la pile des disques que, par précaution et tendresse, vous gardez toujours à portée de platine. En d'autres termes, je suis habité par la conviction qu'Alphabet fera partie de ma sélection de l'année – il y sera forcément en très bonne place – et, mieux encore, qu'il est d'ores et déjà un point de repère, pour ne pas dire un classique. Déjà ? Qu’on me pardonne une certaine grandiloquence assumée : quand j’aime, je répugne à compter...

    Continuité et changement, donc. Nous sommes bien en présence d’une musique tout aussi originale et fusionnelle que celle qui hantait le sillon de Beaux-Arts. Il y a chez Sylvain Rifflet la capacité de dévoiler à nos oreilles un univers très contemporain – en témoignent les influences directes de Philip Glass, ou bien encore Steve Reich et sa science des décalages rythmiques et plus généralement de l’école dite des minimalistes – au milieu duquel les choix mélodiques sont, s’il le faut, tournés vers les compositeurs du début du XXe (« A l’heure » et son empreinte mélodique que n’aurait pas renié un Claude Debussy), mais vite confrontés à des scansions nettement plus crimsoniennes (note à l’attention des non spécialistes : j’évoque ici l’influence d’un groupe comme King Crimson, et bien entendu de son leader Robert Fripp), comme sur « Electric Fire Gun » ou la première partie de « C ≠ D » et à un savant travail de modelage de la matière sonore.  On aurait tort toutefois de s’arrêter à ces références – majeures et nourricières – parce que le résultat est avant tout profondément original. Il y a quelque chose dans la musique de Sylvain Rifflet qui incite à la fois à une rêverie un peu lunaire, voire mélancolique, tout en maintenant intacte notre capacité à l'éveil par ses assauts rythmiques répétés et ses incursions délicatement bruitistes. La construction d’une composition telle que « C ≠ D, part 2 » est exemplaire à cet égard : elle nous caresse puis tout doucement, elle s’élève, elle emporte. Ou celle de « A = B », qui, petit à petit, déconstruit la mélodie pour nous conduire vers une instabilité épanouie. Il ne vous aura pas échappé, aux titres des compositions, que cette musique établit par ailleurs des liens entre les notes et les lettres de l’alphabet... 

    Au lieu d’adosser un trio saxophone guitare batterie à un quatuor à cordes comme il l’avait réalisé sur Beaux-Arts, le professeur Rifflet, tout à ses alambics sonores,  a concocté une nouvelle formule aussi réjouissante avec l’aide de ses amis, dans la continuité d’une résidence établie dans le cadre du festival Jazz au fil de l’Oise. Ils sont ici en quartet, et c’est une bonne compagnie, celle de musiciens de jazz, à l’aise dans l’improvisation comme dans l’univers du rock : aux côtés du saxophoniste, Joce Mienniel à la flûte (Mienniel est actuellement membre de l’ONJ sous la direction de Daniel Ivinec), Philippe Gordiani à la guitare (pour en savoir plus sur ce dernier, je vous recommande une fois encore d’écouter ses contributions aux projets de l’excellent Bruno Tocanne, tels Libre(s)Ensemble , dans lequel il dévoilait déjà la face frippienne de son jeu, ou l’iOverdrive Trio) et Benjamin Flament aux percussions. Pas de basse donc, mais une batterie remplacée par un set de métaux traités (casseroles, bols, équerres...) : « Pour obtenir un son plus industriel, plus garage mais aussi plus précieux et ainsi de se balader quelque part du côté de Tom Waits et Cliff Martinez». La fusion des sonorités éclate au grand jour, elle est immédiatement attachante par sa singularité.

    Nous vivons dans un monde étrange : alors qu’on imaginerait volontiers artiste du talent de Sylvain Rifflet recevant le soutien enthousiaste d’un label, il semble bien que tel ne soit pas le cas. Il lui faut trouver d’autres voies, se distribuer lui-même (en espérant qu'il ne consommera pas trop d'énergie dans ce travail)... Jusqu’à proposer le téléchargement gratuit de son Alphabet ! Qu’on aura, si possible, la délicatesse de compléter ensuite par l’achat en ligne du CD pour la somme plus que raisonnable de 10 €... parce qu’il le vaut bien... 

    Nous ne sommes pas encore à la moitié de l’année 2012 et Sylvain Rifflet nous a déjà proposé deux disques coups de maître : je lui souhaite très sincèrement de trouver toutes les issues possibles pour la diffusion de sa musique, sur disque bien sûr mais aussi et surtout sur scène, parce qu’il s’agit d’abord de musique vivante et vibratoire.

    Et puis, on a presque envie de lui poser la question : jamais deux sans trois ?

    Alphabet :

    Benjamin Flament : métaux traités et électronique ; Joce Mienniel : flûtes et électronique ; Philippe Gordiani : guitares et électronique ; Sylvain Rifflet : compositions, saxophone, clarinette, métallophone et électronique.

  • Eric Legnini - Ballads

    cj-eric-legnini-ballads.jpgNul ne contestera à Éric Legnini une connaissance encyclopédique de l’histoire du jazz, de son répertoire et plus particulièrement de ses standards. Depuis plus d’une vingtaine d’années, son parcours est une confrontation amoureuse avec ces innombrables mélodies entrées de plain-pied dans le patrimoine musical du XXe siècle. Ballads est pour lui l’occasion de ralentir le rythme frénétique de ces dernières années, ponctuées de collaborations avec des artificiers tels que Stefano Di Battista ou Stéphane Belmondo, auxquelles s’ajoutent ses propres productions.

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  • Weather Report - Live in Cologne 1983

    cover.jpgL’histoire de Weather Report est intimement liée à celle de Miles Davis et plus précisément à sa période dite électrique. En inventant ce qu’on appellera par commodité le jazz rock, ce dernier a creusé les premiers sillons d’un mouvement qui allait voir éclore des formations aujourd’hui considérées comme pionnières, toutes raccordées humainement à leur père spirituel à travers un esprit de fusion, parce que leurs leaders avaient un jour ou l’autre croisé le chemin de Miles. Parmi les têtes d’affiche de cette école progressiste : Lifetime (Tony Williams), Mahavishnu Orchestra (John McLaughlin), Return To Forever (Chick Corea) et, bien sûr, Weather Report, à l’initiative du pianiste Joe Zawinul et du saxophoniste Wayne Shorter.

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  • Docteur Lester - No Way !

    Docteur Lester, Lester Bowie, Rémi GaudillatUn petit passage à vide ? Besoin d’une cure de vitamines ? Et si vous pratiquiez la médecine douce du Docteur Lester ? Elle devrait vous guérir de bien des maux. Née du côté de Lyon sous l’impulsion du trompettiste Rémi Gaudillat, elle est aussi et avant tout un clin d’œil appuyé au Brass Fantasy de Lester Bowie.

    Car ce trompettiste trop tôt disparu n’était pas seulement un des membres fondateurs de l’Art Ensemble Of Chicago : en imaginant sa Fantaisie cuivrée, une formation dominée par la présence massive de soufflants, Bowie souhaitait revenir aux origines du jazz, et en particulier à l’expression urbaine de ses fanfares. 

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  • Stabat Akish - Nebulos

    stabat akish, nebulos, maxime delporte, citizen jazzLes Toulousains de Stabat Akish n’en sont plus à une taquinerie près ! Quand le disque ne se vend plus ou presque, les voilà qui vous délivrent, avec une pointe de malice qui leur ressemble beaucoup, un second album sous forme de vinyle en tirage limité à 500 exemplaires. Un bel objet orné d’un aimable éléphant, dans lequel l’acheteur trouvera un flyer et un code pour télécharger la version numérique. Joli pied de nez à la dématérialisation actuelle, et stimulation du désir d’objet durable, histoire de démontrer un esprit de résistance réjouissant que ce second disque ne démentira pas. Car Nebulos, c’est le nom de cette élégante production, confirme toutes les qualités que Citizen Jazz avait énumérées dans sa chronique du premier.

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  • Renaud Garcia-Fons - Solo (The Marcevol Concert)

    RGF-SOLO.jpgCe disque est l’histoire de toute une vie en musique ; celui, aussi, d’un coup de foudre que le jeune Renaud Garcia-Fons, alors âgé de seize ans, eut pour la contrebasse, une passion si forte que l’homme semble aujourd’hui ne faire plus qu’un avec elle, devenue prolongement de son âme. Un instrument auquel il n’a eu de cesse, depuis ce choc originel, de donner une voix soliste, y compris dans ses expériences en groupe, et d’en exploiter toutes les possibilités. Pour lui, la contrebasse allait devenir un instrument universel, autant lyrique que rythmique, « à la croisée de toutes les techniques de jeu des instruments à cordes ».

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  • C’est graphe, docteur ?

    Atelier_6b.jpgPour une fois, il ne sera pas ici question de musique... Encore que l’atelier d’écriture auquel j’ai eu la chance de participer du mois de janvier jusqu’à samedi dernier (six séances de quatre heures) résonne dans ma tête d’une vraie musique des mots : pas seulement les miens, mais aussi ceux de mes camarades qui, tous, ont accepté de plancher sur les exercices proposés par l’attentif et bienveillant Frédéric Vossier. Alors, en guise de clin d’œil à Colette, Laurent, Didier, Léo, Marie-Laure et quelques autres, je vous livre ici un texte qui n’a d’autre prétention que d’être ce qu’il est : un exercice.

    Écrit lors de l’ultime séance, il est la réponse à une consigne donnée par notre tortionnaire préféré qui avait introduit la séance par une explication relative à différents procédés d’écriture autour des idées de monologue ou de soliloque. Après nous êtres vu imposer l'un d'entre eux par tirage au sort (ainsi, je devais d’abord écrire un soliloque où un personnage : s'interroge ou se parle ou laisse la parole se dévider, en situation apparente de dialogue), nous avons pu écrire ensuite en utilisant celui de notre choix dans la liste établie en début d'atelier. Ici, c’est un monologue de type « récit de vie » (qui, aux dires de Frédéric après lecture à voix haute, a plutôt tourné en soliloque mais qu’importe, après tout, l’essentiel, c’est de le savoir).

    Au sujet de ces lignes écrites en vingt minutes, je dois préciser qu’elles prennent appui sur un fait réel (une chute dans la rue). Toutes les sensations, tous les souvenirs et les évocations sont reproduits telles qu’ils m’ont traversé l’esprit durant un délai très court (deux ou trois minutes, pas plus). En relisant ce travail, je me suis rendu compte que d’autres pensées m’avaient gagné pendant cet épisode, mais celles-ci n’ont pas refait surface durant mon court temps d’écriture. Ce que pouvez lire ici (si vous le souhaitez, bien sûr) est reproduit à l’identique, sans ajout ni suppression. Et encore une fois, mille pardons pour les maladresses, j’ai joué la carte de la transparence.

    Avec un grand salut amical non seulement à Frédéric mais aussi à mes camarades qui ont osé offrir leurs textes au groupe. Ce sont des moments d’échanges irremplaçables, des heures riches de partage, d’émotion, d’humour et d’imagination. Je leur en suis infiniment redevable. Merci à eux et au Théâtre de la Manufacture de Nancy qui organisait cet atelier.

    Atelier_6a.jpg

    Le trottoir était humide hier soir. Les pavés me guettaient du coin de l’œil. Un œil torve et menaçant. Je marchais vite, comme d’habitude. Perdu dans mes pensées, les écouteurs de mon baladeur vissés aux oreilles.

    La musique, c’est une compagne, depuis l’enfance. Pas une seule infidélité en plus de cinquante ans d’un concubinage qu’elle n’a pas choisi. Oui, c’est moi qui ai choisi la musique, pas l’inverse. On appelle ça une relation asymétrique, parce que j’en sais plus sur la musique qu’elle n’en sait sur moi. Et fort heureusement pour mon entourage, la musique n’a pas voulu de moi. Oh, j’ai bien entamé autrefois une brillante carrière d’harmoniciste... mais j’ai tout arrêté, épuisé par les tournées harassantes dans les deux salles de classe de mon école où l’on m’exhibait comme un singe savant. J’ai mis un terme à tout cela, j’avais cinq ans. Il faut savoir arrêter.

    La musique, donc, dans les oreilles.

    Les pavés glissants, sous mes pieds.

    J’avance au rythme oppressant de « De Futura », un vieux truc bien sombre des années soixante-dix, quand Jannick Top faisait gronder sa basse dans Magma.

    Et puis la chute...

    Et merde !

    Le beau vol plané, sous le regard torve des pavés et l’œil éteint de mes concitoyens qui hésitent entre l’éclat de rire – ça fait toujours rire un type qui se casse la gueule en glissant sur une peau de banane, sauf que là c’était un pavé – et la commisération bonne conscience.

    Ah, bordel ! J’ai ruiné mon jean... Fait chier, je l’ai acheté hier et pas en solde. Même qu’au téléphone, j’avais taquiné mon fils en lui disant que son vieux père portait des pantalons taille trente-huit, comme lui, et qu’on verrait bien dans vingt-sept ans s’il en serait toujours capable.

    Quatre-vingt-quinze euros le pantalon... Un gros trou au genou. Et le genou en sang. Saloperie d’anticoagulants, je vais encore en mettre partout pendant trois heures.

    Et tous ces cons qui me regardent comme si j’étais un ivrogne...

    J’ai glissé, comme un con, sur ces cons de pavés luisants, devant des cons. Oui, vous aussi vous êtes des cons, pas besoin de vous pour me relever. Vous voyez bien que je me relève, non ?

    J’ai mal au genou.

    Je boîte un peu.

    Pas grave, ça va passer.

    Je pense à ma mère. Il lui est arrivé la même chose, ou presque. Sauf qu’elle ne s’en est pas tirée. D’abord un clou pour lui rafistoler la hanche et puis une prothèse. Et puis rien. Un mouroir en guise de centre de rééducation. Plus d’argent, plus de soins, plus d’hôpital. Ouste, dehors... Ad patres.

    Mais moi, je me suis relevé. Y a toujours « De Futura » qui fait hurler ses sirènes. Faut que je change de disque, là c’est trop, je vais choisir autre chose, un truc plus doux. Tiens, la contrebasse de Renaud Garcia-Fons. Ça glisse tout seul, en plus c’est une musique pleine de soleil. Je suis sûr qu’il ne risque pas de glisser sur ces saloperies de pavés mouillés.

    N’empêche. J’ai l’air con avec mon pantalon troué. J’essaie de colmater la brèche comme je peux. Et ça continue à pisser rouge en dessous.

    Plus personne pour me regarder. J’ai réparé comme j’ai pu. C’est bon, j’avance, maintenant.

    J’avance en boitillant.

  • Neil Young, Rock’n’Roll Rebel ?

    cj_neil_young.jpgPas si simple de s’attaquer à un monstre sacré tel que Neil Young ! Le personnage est fascinant, complexe, généreux quoique plutôt taciturne ; le musicien est charismatique, habité par une inépuisable énergie qui le pousse depuis plus de quarante ans à remettre constamment sur le métier un ouvrage très personnel où les accords électriques et acoustiques de sa guitare tissent un univers teinté de folk, de blues et de rock.

    Neil Young, une voie (voix) singulière à laquelle le journaliste JeanDo Bernard a déjà consacré une biographie et qui l’a incité à publier chez Camion Blanc un deuxième livre dont la raison d’être est à chercher dans la publication d’un disque du LonerLiving With War (2006).

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  • Les 1000 Cris - Murmures

    les 1000 cris, murmures, emil 13, françois guell, nicolas arnoult, citizen jazzVoilà près de vingt ans que l’association Emil 13 travaille en Lorraine, tant dans le domaine de la création musicale que de sa diffusion. Grâce à elle, de nombreux musiciens ont pu bénéficier d’un véritable espace de création, par toutes les actions que le collectif a menées dans les domaines touchant à la musique improvisée et au jazz contemporain (festivals, initiatives pédagogiques, concerts, cartes blanches, ...), finissant par devenir une véritable référence, symbole de bouillonnement dont le nom est aujourd’hui intimement associé à l’histoire de la musique dans cette région.

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  • Tu danses ? "Autres directions"

    TuDansesTrio_w.jpgPublié en 2011, le deuxième disque du trio Tu danses ? est un témoignage attachant de la vitalité des explorateurs sudistes que sont Jean-Marc Baccarini (saxophones), Philippe Canovas (guitare) et Christian Mariotto (percussions). Tous trois se connaissent fort bien et pas seulement parce qu’ils sont nés au sud de la Loire. Leurs routes se sont souvent croisées, comme avec les Contres favorables de Canovas ou Mikatopjam, qui se veut dédié à l’improvisation instinctive et dont le disque Dédales avait pour invités Barre Phillips et François Rossé. Voilà donc un solide trio, rompu aux exercices exigeants de l’invention et pratiquant sans complexe la spontanéité comme une nécessaire discipline créative.

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  • Jean My Truong "The Blue Light"

    jean my truong, the blue light, miles davis, citizen jazzL’exercice est plutôt risqué ! Rendre hommage à Miles Davis, c’est d’une certaine façon tenter de gravir un sommet de haute altitude sans oxygène et se voir contraint de renoncer tant la tâche peut sembler insurmontable.

    Vingt ans après la disparition du trompettiste, on ne peut en effet ignorer à quel point The Man With The Horn a marqué l’histoire du jazz, tourné des pages majeures et constamment inventé de nouvelles directions qu’aujourd’hui encore ses disciples n’en finissent pas de suivre. Avec lui et dans son sillage, toujours un cortège de géants qui ont imaginé des univers dont l’exploration est loin d’être terminée. Miles était tout autant un génie créateur qu’un puissant révélateur du talent de ses contemporains.

    Voilà pour le point de départ.

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  • Duo Bruno Tocanne & Henri Roger "Remedios la Belle"

    tocanneroger_remedios.jpgQuand un beau duo se fait la belle ! Voici un disque – un petit objet de collection par ailleurs – qui vient décocher ses flèches irisées avec une intelligence qui n’a d’égale que l’excitation que son écoute suscite. Bruno Tocanne (batterie) et Henri Roger (piano et guitare) ont uni leurs forces pour imaginer ce Remedios la Belle aux vertus évidentes dont la première, et non des moindres, est la faculté de nous donner à vivre chaque instant comme une profonde vibration. La traduction en musique, peut-être, d’une invitation à la pratique du carpe diem.

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  • Pascal Schumacher Quartet "Bang My Can"

    pascal schumacher,bang my can,vibraphone,citizen jazzVoilà pas mal de temps maintenant que Citizen Jazz s’intéresse au vibraphoniste Pascal Schumacher. Un long portrait lui était déjà consacré au printemps 2004 ; il nous permettait de découvrir un musicien attachant, doté d’un solide sens de l’humour – en témoignent tous les inconvénients de l’instrument dont il dressait la liste : fragilité mécanique, limitations sonores, absence de contact direct, conséquences physiques désagréables pour celui qui en joue – et du souci affirmé d’une esthétique alliant énergie, élégance et recherche d’un vrai son de groupe, d’une cohérence collective.

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  • Les Beaux-Arts de Sylvain Rifflet

    beaux-arts,sylvain rifflet,sans bruit

    J’en suis certain : le disque que j’aimerais évoquer aujourd’hui fera partie de mon « top ten » de l’année 2012. Et quand bien même les dix mois à venir m’abreuveraient en innombrables chefs d’œuvres impérissables, les Beaux-Arts de Sylvain Rifflet resteront placés très haut dans ma petite pile préférentielle. Je suis d’autant plus prêt à prendre les paris qu’étant le seul à voter, nul ne pourra exercer la moindre influence sur mon classement. Voici près d’un an, au début de mois de mars 2011, j’étais déjà gagné par une certitude similaire, quand j’ai écouté pour la première fois le Libre(s)Ensemble de la bande à Bruno Tocanne. Une certitude maintenue en l’état au fil des semaines, au point qu’aujourd’hui, ce disque tourne toujours régulièrement chez moi, avec un égal bonheur.

    J’aimerais être à la tête d’un capital de connaissances musicales suffisamment vaste pour trouver les mots parfaits, ceux qui vous expliqueraient mon enthousiasme avec la plus grande acuité. Ah tiens, j’en connais un – je sais qu’il me lit – qui va encore me taquiner en me disant que je m’enthousiasme souvent ! M’en fous, je préfère mes joyeux petits salto arrière à une tiédeur dans les entrechats qui, finalement, ne génèrerait qu’une inutile dose d’indifférence et menacerait nos objets de plaisir d’une durée de vie très courte. Mais en matière d’expertise musicale, je ne suis assis que sur un modeste monticule de perceptions, celles que j’engrange depuis plus de quarante ans et qui m’autorisent, parfois, non sans réticence, à émettre un avis. Je ne sais pas si je réussirai à vous donner envie d’en savoir plus aujourd’hui, mais je me permets d’attirer votre attention sur une production originale, exemplaire et pour tout dire, passionnante en ce sens qu’elle vous bouscule dans votre petit confort auditif en vous donnant à écouter ce que je tiens pour du neuf ! Ce que j’essaie de partager avec vous, c’est cette sensation très particulière qui vous gagne juste au moment où un artiste vous fait monter à bord avec lui sans vous confier forcément la destination du voyage : ah ce petit frémissement de l’inconnu ! Et bizarrement, la confiance totale. On sait tout de suite que quelque chose va se passer, que la traversée sera riche en émotions nouvelles et que parvenu au bout du chemin, on n’aura qu’une seule envie : y revenir !

    Mais reprenons l’histoire à son début : il y a quelques jours, mon camarade Franpi a alerté ses poursuivants ailés par le biais d’un court message aviaire. Il évoquait dans la limite des fatidiques cent quarante caractères la publication d’un disque sur le remarquable label Sans Bruit, dont on ne dira jamais assez le travail de qualité mis à la disposition de nos tympans énamourés. Franpi, vous savez qui c’est ? C’est ce normand barbu boulimique de galettes qui trouve toujours les tournures de phrases sinueuses et inventives après lesquelles je continue de courir lorsque je dois écrire la chronique d’un disque. Ce fécond collègue de Citizen Jazz, jamais à court d’une bonne idée, avait peu de chances de se tromper en nous signalant ces Beaux-Arts dont je me repais en ce moment.

    Alors je me suis rendu , en quelques clics bien sentis, j’ai rapatrié sur mon ordinateur pour une somme très modique (en bénéficiant d’un format sonore de belle qualité) les fichiers constituant un album prometteur dont la pochette au décor un peu foutoir pourrait tout aussi bien être inspirée par l’univers bancal et déroutant des ready made de Marcel Duchamp. Quelques minutes plus tard, méthodiquement rangé dans la bibliothèque numérique, je pouvais tranquillement écouter le disque de Sylvain Rifflet. En quelques secondes, le bougre avait gagné ! J’étais conquis.

    Rifflet – je vais être honnête avec vous – je le connaissais de nom, j’avais déjà lu quelques articles relatant son parcours, je savais qu’il était un clarinettiste saxophoniste compositeur arrangeur plutôt inventif mais… non, je n’avais jusque là pas écouté la moindre petite minute de sa musique. Je m’auto-flagellerai si vous le jugez indispensable. Mais d’une certaine façon, j’ai découvert l’album dans un état de fraîcheur absolue, confinant à la virginité musicale, prêt à me laisser guider par sept artistes en état de grâce.

    Imaginez un trio plutôt explorateur et gros fournisseur de ruptures et de syncopes en tous genres, composé de Sylvain Rifflet (saxophone, clarinette, métallophone), Gilles Coronado (guitare) et Christophe Lavergne (batterie, percussions) venant se mesurer à un quatuor à cordes (Frédéric Norel, Clément Janinet, Benachir Boukhatem et Olivier Koundouno) lui-même prêt à en découdre avec un vrai appétit créatif, volontiers hypnotique et dissonant. Voilà, les Beaux-Arts sont en action et ne vous lâchent plus une seule seconde. Une semaine après ma découverte, je peine encore à rassembler mes sensations en quelques phrases parce que je suis bien loin d’avoir fait le tour de la propriété. Nom d’un chien, la demeure est vaste, à chaque visite, on découvre une nouvelle pièce, un petit recoin qu’on n’avait pas vu précédemment ! Il y a quelque chose dans cette musique qui évoque un cabinet de curiosités sonore et nous renvoie parfois aux élucubrations dadaïstes et chahutées d’Henry Cow (le travail de Gilles Coronado me fait penser ici ou là à celui de Fred Frith), parfois aussi aux élans brûlés de King Crimson (décidément, ce groupe revient souvent dans mes chroniques…) ; on cherche d’où peut bien provenir cette musique contemporaine et libre et puis… au diable les influences ou les connotations, c’est l’idée d’une forme qui se modèle sous nos oreilles qui finit par prédominer. Sylvain Rifflet l’arrangeur cherche, invente, stimule et entraîne ses camarades avec lui dans une sarabande faussement bancale et, en vérité, furieusement gourmande. Il y a chez lui une évidente volonté de mordre dans sa musique comme on mord dans la vie. Notre époque, si redoutable et anxiogène, a besoin d’agitateurs comme lui pour nous laisser espérer que tous nos lendemains ne vont pas déchanter. 

    Beaux-Arts est un disque à découvrir d’urgence, à absorber autant de fois que nécessaire, comme une bonne cure de vitamines. Jusqu’à ce que, après de salutaires écoutes, vous redressiez les épaules et considériez le monde qui vous entoure pas uniquement comme un immense piège à humains angoissés mais aussi comme une source d’énergie pour les temps à venir.

    Ouais... bon... pas géniale ma conclusion... un peu pompeuse ! Tout ça pour dire que le disque est magnifique, qu'il fait un bien fou et qu'on en redemande. Ou comment dire en deux ou trois lignes ce qu'on vient de raconter dans un texte beaucoup trop long. Comme d'habitude...