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  • Alchimistes

    Au début du mois de mars 1991, Kenny Barron (piano) et Stan Getz (saxophone ténor) investissaient le Café Montmartre de Copenhague pour une série de quatre concerts en vue de l'enregistrement d'un double album, People Time, qui sera publié en 1992.

    cover.jpgC'est au cours de l'année précédente, alors qu'ils jouaient en quartet, que les deux musiciens eurent l'idée de ce duo enchanté, habité par la grâce. Malgré la maladie qui va l'emporter trois mois plus tard, malgré l'épuisement dans lequel le laisse désormais chacune de ses interventions, Stan Getz assume pleinement son rôle et tutoie, un peu à l'avance, les anges qu'il ne tardera pas à charmer quelque temps plus tard, là-haut dans le ciel étoilé des artistes. Kenny Barron, quant à lui, rayonne à chaque instant et offre au saxophoniste un écrin incomparable, pour une somptueuse visite de grands standards tels que : « Stablemates », « There Is No Greater Love », « I Wish You Love », « Bouncing With Bud », « Like Someone In Love » ou l'éponyme « People Time » de Benny Carter. On vise ici l'éternité, les deux artistes n'ayant de toutes façons plus rien à prouver à qui que ce soit. Objectif atteint, tant la musique jouée, ou plutôt vécue, durant ces quatre soirées, est empreinte d'une magie qui laisse sans voix, chaque note semblant comme suspendue au-dessus de nous dans un air pur dont la respiration vous rend plus léger qu'une plume.

    Et voici qu'en cette fin d'année 2009 nous est proposée l'intégrale des quatre concerts, soit un coffret de sept disques pour une somme de sept heures de musique. Cet enregistrement intégral, People Time - The Complete Recordings, à prix plus que raisonnable, est à classer d'emblée parmi les « must have » d'une discothèque sélective. Kenny Barron et Stan Getz transforment en or massif ces mélodies cent fois jouées et nous emportent vers le meilleur, exempt de toute faute de goût et de toute vulgarité pesante. Le quatrième concert, celui du 6 mars, ne comportera qu'un seul set, tant Stan Getz était au plus mal ce soir-là. Les deux hommes se produiront une dernière fois quelques jours plus tard à Paris, avant que le saxophoniste ne rentre aux Etats-Unis pour une séance de chimiothérapie qu'il envisageait avec optimisme. En vain, le crabe serait le plus fort.

    Ce disque testament nous prouve à quel point la force vitale et l'urgence qui habitaient ces duettistes vibraient dans chacune des notes jouées. C'est là le miracle de People Time.

  • Stabat Akish

    Jeunes pousses. Voici la quatrième publication du « Z Band » pour l'année 2009, et la neuvième depuis la naissance de ce collectif né en 2007, dont le cercle s'élargit petit à petit. C'est une excellente nouvelle... Pour coïncider avec l'hiver, nous avons curieusement choisi un thème qu'on aurait plutôt imaginé voir éclore au printemps, celui des « jeunes pousses », en d'autres termes des artistes prometteurs que chacun d'entre nous espère voir grandir dans les années à venir. Ici, il sera question d'une formation culottée, totalement décomplexée, dont la musique savante et débordante de vitalité créative se paie le luxe d'avoir été repérée par le grand John Zorn, au point que le saxophoniste new-yorkais leur a ouvert les portes de son label, Tzadik. Réunis en 2007 sous la direction de son jeune contrebassiste compositeur Maxime Delporte (trente-trois ans, né à Johannesburg et devenu toulousain quelque neuf ans plus tard), les six de Stabat Akish constituent une révélation dont il est certain qu'elle ne peut laisser indifférent. Je vous propose de partir à leur découverte, sous la forme d'une petite revue de presse à ma façon.

    Je remercie dès à présent Jean-Luc Karcher qui a bien voulu mettre à ma disposition quelques unes des très belles photographies qu'il a prises durant le concert de Stabat Akish à Nancy.

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    L'histoire qui me lie à Stabat Akish est un peu bercée par le hasard : on a beau être à l'affût de toute nouveauté, guetter les musiciens qui inventent, chercher ailleurs ce qu'on ne trouve pas ici, il arrive parfois qu'on passe à côté de ce qui, pourtant, relève de l'évidence. Malgré l'abondance des informations qui peuvent submerger le chroniqueur lambda d'un chouette magazine comme Citizen Jazz, malgré la régularité du flux des nouvelles que nous déverse notre rédactrice en chef et qui est comme notre pain quotidien, on réussit à ne pas capter l'écho d'une musique qui aurait dû vous interpeller tant son propos est enthousiasmant. Oserai-je confesser que j'ai accompli l'exploit de ne pas lire la chouette prose d'un collègue rédacteur qui, voici quelques mois, disait tout le bien qu'il pensait de Stabat Akish ? Il ne m'en voudra pas, j'en suis certain, de le citer, lui qui écrivait : « Le groupe possède une puissance de feu rythmique ahurissante autour de laquelle se construit une mélodie urbaine faite de phrases courtes et de cassures permettant - dans un chaos tout à fait travaillé - d'irradier le propos d'autres influences, servi en cela par des musiciens tirant tous dans le même sens, pour tendre si possible vers un groove chauffé à blanc. » Franchement, je pense qu'une telle phrase suffit à vous donner une idée assez précise de ce qui vit dans cette musique tourmentée, imprévisible et qui ne se dépare jamais d'une bonne dose d'humour. Je vous invite d'ailleurs à lire l'intégralité de cette chronique rédigée à l'occasion du premier (et pour l'instant unique) disque de cette bande d'agités de la portée que sont les six musiciens qui forment Stabat Akish. C'est ICI, pour en savoir plus.

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    Ce camarade de chronique, le normand Franpi pour ne pas le citer, avait récidivé sur son blog et formulé de bien belles choses au sujet de Stabat Akish. Eh bien, oui, celles-là également m'ont étrangement échappé. Pourtant, tout était écrit pour que n'importe quel « truffe en l'air » dans mon genre se précipite pour en écouter plus ! Quand un amoureux du jazz écrit : « Les influences de Stabat Akish sont multiples, foutraques, mais avant tout urbaines, lorgnant tant vers un rock sautillant et psychotrope que vers un jazz puissant et versatile ou vers les complexités d'écritures d'une musique contemporaine qui ne serait pas déconnecté de son temps. Le propos peu sembler parfois malicieux, il est surtout ardent, s'offrant parfois au gré des surenchères des deux saxophonistes et de Guillaume Amiel, vibraphoniste remarquable, des moments de pur groove. », en temps normal, j'y vais, je fonce tête baissée ! Parce qu'on est habité par la certitude que quelque chose se passe, qui doit nous mettre en émoi. Tiens, puisqu'on en est aux recommandations de bonnes lectures, allez donc voir ce qui s'écrit chez Franpi dont j'adore les « photos qui n'ont rien à voir » !

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    Du côté des « grands » quotidiens, on a parlé de Stabat Akih aussi. Libération y est allé de sa contribution enthousiaste à l'occasion d'un article consacré aux Nancy Jazz Pulsations : « Difficile à définir car fortement irrigué, l'univers zapping aux multiples dynamiques de Stabat Akish se peuple autant des ombres du rock progressif 70's façon King Crimson que des compositeurs russes de la fin du XIXe siècle, tel Prokofiev. Si la référence à Zappa est inévitable, à cause d'un penchant non dissimulé pour «l'absurde et l'aléatoire à la manière des Monty Python», comme le précise Maxime Delporte, contrebassiste et leader du groupe, «il y a aussi des références à Charles Mingus, aux musiques de films et à la bande dessinée».

    Pas mal, non ? Eh bien, malgré cette épaisse et gourmande couche de compliments, j'ai trop longtemps ignoré la joyeuse bande des toulousains de Stabat Akish.

    Par conséquent, en ce mardi 13 octobre 2009, alors que Nancy Jazz Pulsations battait son plein et que je savourais à l'avance le bonheur d'un concert d'Univers Zéro, j'ignorais le plaisir qui me gagnerait en première partie de leur belle et intemporelle prestation. Je ne savais pas que le drapeau de Stabat Akish claquerait au vent comme il le fit durant une heure. Ah le beau concert ! Quel cadeau ! Vous pouvez lire maintenant le court texte que cette prestation m'inspira et qui constitue l'un des quatorze comptes-rendus écrits pour Citizen Jazz. A n'en pas douter, c'était l'un des temps très forts de la trente-sixième édition du festival.

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    « Il ne faut que quelques secondes pour comprendre pourquoi Stabat Akish, jeune groupe toulousain, a séduit le grand John Zorn au point que ce dernier leur ouvre les portes de son label Tzadik. Voici en effet une formation dont la musique vous cingle instantanément la figure tant elle est survoltée, virtuose et d'une complexité rythmique qui laisse d'autant plus pantois qu'elle est servie par de splendides arrangements. Une heure de musique qui passe comme si les minutes duraient quelques secondes... Entièrement composé par son leader, le contrebassiste Maxime Delporte, le répertoire est tiré de l'album Stabat Akish, à l'exception d'un inédit (« La serrure »). Splendide terrain de jeu où s'épanouissent le tourbillonnant Guillaume Amiel (vibraphone, marimba), Marc Maffiolo (saxophones ténor et basse), Ferdinand Doumerc (saxophones, flûte), Rémi Leclerc (claviers) et Stéphane Gratteau (batterie). Cerise sur le gâteau, ce petit monde très sympathique ne manque pas d'humour : on le débusque aussi bien à la lecture de certains titres (« La vache kiwi », « Dynamite cassoulet ») que dans leur nouvelle et temporaire dénomination à l'occasion de ce concert à Nancy : « Blaster Center » se trouve ainsi rebaptisé... « Stabat Akish Lorraine ». On ne saurait mieux dire pendant les NJP et c'est avec une vraie gourmandise qu'on déguste un final en forme de sound painting sous la conduite de Marc Maffiolo. Belle révélation, qui devrait occuper une place de premier plan sur la scène musicale d'avant-garde. C'est tout le mal qu'on souhaite à ce groupe profondément original ».

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    cdsa.jpgVous savez quoi ? J'étais à peine rentré chez moi après ce concert qu'en quelques clics, j'avais commandé sur Internet le disque de Stabat Akish qu'un facteur bienveillant déposa dans ma boîte aux lettres quelques jours plus tard. Et là, dès les premières secondes de « La baie des anchois », j'ai pu sans peine retrouver tout ce qui m'avait transporté la semaine précédente : la générosité des compositions, la précision maniaque des arrangements, les syncopes et les ruptures incessantes, comme autant de rebondissements du scénario d'un film d'aventures un brin déjanté, voire d'un dessin animé un peu fou. Ces types-là peuvent se permettre de mobiliser une belle culture musicale sans jamais faire montre de la moindre cuistrerie. Parce que si leurs connaissances sont impressionnantes - on pourra relire plus haut quelques exemples de leurs influences - elles sont chez eux parfaitement assimilées et donnent naissance à un assemblage très prometteur. On n'en voudrait presque à Maxime Delporte et ses camarades de nous proposer quarante minutes de musique seulement ! Le disque de Stabat Akish est court, mais d'une densité de chaque instant qui vous happe. Surtout, il possède cette précieuse qualité de ne se découvrir réellement qu'au fil des écoutes, ce qui est la marque de l'élégance des grands artistes. Il y a de l'invention dans l'air chez Stabat Akish et c'est tant mieux ! Dans chaque composition se nichent mille trouvailles qui sont autant de propositions d'aller voir un peu plus loin, qu'il est possible de développer ou de combiner en autant de nouveaux petits univers autonomes. Stabat Akish, d'une certaine façon, ressemble à une stimulante séance de remue-méninges.

    Voilà par conséquent une jeune pousse dont on surveillera attentivement la croissance en espérant que ses bourgeons seront les plus nombreux possibles. Allez, c'est dit : plus tard, quand je serai grand, je serai jardinier !

    On peut commander le disque de Stabat Akish ICI par exemple ou bien directement sur le site de Tzadik.

    podcast
    En écoute, "La Baie des Anchois", qui ouvre l'album.

    Les autres textes du Z Band (liste en cours)

    Jazz à Berlin : Peter Van Huffel

    Jazz à Paris : Sylvaine Hélary

    Jazz Frisson : Parc-X Trio

    JazzOCentre : Benoit Lavollée Trio

    Ptilou' Blog : Nenad Gajin

    Mysterio Jazz : Tyondai Braxton

     

  • Antidote

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    Visiter un marché de Noël - un vrai, pas une machinerie comme on en voit un peu partout avec de la bimbeloterie pseudo-artisanale fabriquée en RPC* - en Allemagne, c'est bien. Mais pratiquer l'exercice par un froid polaire (aux environs de -15°) et une bise cinglante malgré un franc soleil, c'est assez franchement redoutable ! On a beau avoir englouti la traditionnelle saucisse dans son morceau de pain, copieusement badigeonné de moutarde douce, on souffre, on souffre... Il reste alors un remède particulièrement efficace et réconfortant. Je n'ai pas besoin d'en dire plus, mis à part le fait que nos commerçants hexagonaux pourraient venir faire un petit tour par là et s'inspirer de la politique tarifaire pratiquée outre Rhin.... Je dis ça en passant.
    * Nouvelle dénomination utilisée par la clique mercantile qui, s'apercevant que le cochon de consommateur faisait parfois la grimace à la lecture de la mention "Made in China", pense maintenant qu'il ne comprendra pas la signification de ce sigle traduisant l'existence d'une République Populaire de Chine.

  • Pulsations

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    Allons allons... Il ne faudrait pas croire que je me désintéresse de mon blog... C'est très loin d'être le cas et juste une question de temps, et rien d'autre. Si vous en voulez une preuve supplémentaire, cliquez donc sur l'image ci-dessus, celle qui est reliée à la dernière newsletter du festival Nancy Jazz Pulsations. En cherchant bien, vous finirez pas me trouver et vous pourrez vérifier que je reste assez scotché à mon clavier à des fins d'écriture. Pour Citizen Jazz principalement, je l'admets, mais après tout, ça change quoi au fond ?

    Par ailleurs, et ceci n'a rien à voir avec ce qui précède, je tiens à dire ici haut et fort que je hais l'hiver. Surtout quand il est lorrain. Et surtout quand cet abruti ose se pointer en avance de plusieurs jours sur son entrée en fonction officielle.

    Ce qui me fait penser qu'il faut absolument que je vous raconte comment un fournisseur d'électricité, public pas encore privé mais qui le sera bientôt comme son cousin gazier (Suez vs Veolia), se constitue une belle trésorerie avec notre argent, sans nous demander la permission, comme de bien entendu...

    A très bientôt donc !

  • Italyon

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    Le temps d'un long week-end, prolongé jusqu'au début de la semaine suivante, la ville de Lyon se mettait en lumières. La foule se presse, les déambulations sont souvent épuisantes, c'est la fête à la saucisse et à la bière... Au détour d'une rue, il y a cette place - dont j'ai oublié le nom, que les Gones me pardonnent - qui célèbre l'Italie et son cinéma, plus particulièrement celui de Federico Fellini. De quoi me remettre en mémoire un récent séjour à Rome... et de donner l'envie d'y retourner très vite !

  • Citoyen

    15 novembre, 4 décembre... Près de trois semaines se sont écoulées depuis ma dernière note... Voilà bien longtemps qu'une telle traversée du silence n'avait pas marqué mon blog de son empreinte. Même si je ne me sens plus astreint aujourd'hui à une périodicité régulière, je peux constater que les paramètres favorisant l'inactivité de cet espace sont multiples : une période de travail assez harassante qui n'est pas encore terminée, d'autres travaux d'écriture assez prenants comme un très (trop ?) long compte-rendu des quatorze concerts auxquels j'ai pu assister dans le cadre du Nancy Jazz Pulsations ainsi que quelques chroniques de disques, pour mon Citizen Jazz chéri.

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    Ah, tiens, puisque j'évoque ce magazine : allez donc voir son nouveau visage, il est tout beau, il ressemble à un news magazine, avec sa une en trois colonnes. Vraiment, je tiens ici à féliciter les fées qui se sont penchées sur ce nouvel habillage qui donne tout à la fois envie de le lire et de prendre encore plus de temps pour le nourrir. Le nouveau "look" du site ne cède pas aux sirènes des modes actuelles, ce qui lui évitera peut-être de vieillir prématurément, mais il s'inscrit toutefois dans une vraie modernité. C'est une bonne nouvelle pour la musique, qui en a bien besoin, en ces temps de couvre-feu et de restrictions budgétaires qui vont bientôt finir par étrangler toutes les sources de jaillissement de la culture dans notre pays. Nous ne serons jamais assez nombreux pour travailler aux côtés des artistes, qui restent, quoiqu'en disent les comptables à oeillères, les meilleurs alliés de l'épanouissement individuel et collectif. C'est bien là un acte citoyen, un vrai engagement.

    J'ai à mes côtés une pile de disques dont je dois parler et qui sont autant d'heures de travail dont je me réjouis à l'avance, même si pour l'heure je rencontre des difficultés à organiser l'agenda de mes soirées. Pierre De Bethmann, Sébastien Texier, Carla Bley, John Coltrane, Belmondo Quintet, Xing-Sa, Soft Machine, Oxyd... voilà quelques exemples des travaux en cours, sans oublier un bouquin consacré à Miles Davis par Franck Médioni qui, comme il l'avait déjà fait il y a deux ou trois ans à propos de Coltrane, a réuni 80 témoignages de musiciens pour parler du trompettiste.

    Et puis... Ce silence un peu prolongé est aussi la traduction chez moi d'un état de consternation. Je ne reviendrai pas ici sur les soubresauts électoralistes de l'actualité politique hexagonale, sur toutes les errances médiatiques à base de "pas vu pas pris", sur la lepénisation des esprits qui rampe, qui rampe, sur le tout à l'ego des candidats à une très hypothétique alternance. J'ai juste un peu honte d'être français en ce moment, et souvent, ça me laisse sans voix...