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  • Seul

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    Christian Vander au Triton, le samedi 26 septembre 2009 © Marco Tchamp

    Singulière impression, assez émouvante en fait, qui vous gagne après la troisième "sortie" en solitaire de Christian Vander sur scène. Il y avait d'abord eu Eysines, puis le Japon. Samedi dernier, celui qui est l'âme de Magma investissait le Triton, aux Lilas. Pleine comme il se doit, la salle a découvert un homme se livrant à nu, sans artifice, dans un corps à corps parfois rude avec un piano qu'il a apprivoisé en autodidacte. Jean-Pierre Vivante, le patron des lieux, avait requis le silence - "pas de caméras, pas d'appareils photos qui font du bruit" : juste l'écoute attentive d'un artiste qui se livre humblement, comme à la maison, mais ici visiblement gagné par le trac. Comme si nous étions invités à le rejoindre au coeur de sa démarche créatrice. Je reviendrai beaucoup plus en détail sur ce concert dans le cadre d'un article pour Citizen Jazz, et vous laisse en attendant une brève carte postale sonore et visuelle.

    podcast
    En écoute, quelques minutes extraites de "Ügüma Ma Mëlïmëh Gïngeh".

  • Présent

    Cette histoire se déroule en trois temps. Elle me semble assez singulière pour que je prenne le temps de vous la raconter brièvement...

    20 décembre 1980

    Comme il m'arrive de le faire très régulièrement depuis cinq ans, date de mon arrivée à Nancy, je pousse la porte de mon magasin de disques favori, « La Parenthèse ». Aujourd'hui, j'achète deux disques : le premier, signé John Wetton, est passé aux oubliettes. Le second, lui, est beaucoup plus énigmatique. Publié sur le label Atem créé par celui-là même qui travaille encore chez ce disquaire alors installé Rue Gambetta, Gérard N'Guyen. Il me présente ce jour-là un drôle de Triskaidécaphobie (qui signifie la peur du chiffre 13), disque signé d'un groupe Bruxellois, Présent. Formée par le fantasque Roger Trigaux après son départ d'un autre groupe Belge, Univers Zéro, cette nouvelle formation s'inscrit dans la lignée directe de son jumeau mené d'une baguette virtuose par le batteur Daniel Denis. Une musique plutôt sombre, assez vertigineuse et qui convoque des esprits aussi divers que ceux de Belà Bartok, Györgi Ligeti, King Crimson ou encore Magma, pour citer les plus emblématiques. Un rock nocturne, haletant, hanté par des fantômes qu'on croise au détour d'une « Promenade au fond d'un canal », une scansion qui vous prend à la gorge, une sacrée symphonie mûe par une incroyable marche en avant, jusqu'au souffle final. Pas de tout repos, certes, mais profondément original et habité.

    Hiver 2005

    Univers Zéro a poursuivi sa route selon un rythme assez irrégulier, tout comme Présent dont l'existence s'est faite intermittente : l'un comme l'autre ont publié six ou sept albums en vingt-cinq ans. Entre temps, la roue de la vie a tourné, faisant naître puis grandir mes enfants. Ah, ce drôle de concours de circonstances qui veut que mon propre fils, alors âgé de vingt ans, rencontre la tribu Trigaux et intègre le nocturne Présent pour en devenir le saxophoniste ! Comment aurais-je pu imaginer, en ce jour de décembre 1980, que mon histoire personnelle serait ainsi reliée à celle du groupe ? Je raconterai, plus tard probablement, comment les événements ont conduit un jeune musicien de jazz à apprivoiser l'univers fantasmatique de ce compositeur chef d'orchestre pas comme les autres par mon entremise indirecte.

    Septembre 2009

    Présent est toujours là : une tournée sur le continent américain en juillet 2005, des apparitions en Allemagne, à Paris, au Portugal en 2006, au festival Rock In Opposition de Carmaux en 2007. Cette manifestation annuelle voit en 2009 les retrouvailles des deux jumeaux Univers Zéro et Présent. Chacun se produit sur scène le dimanche 20, avant un grand final en commun où treize musiciens enflamment un public dont on dit qu'il a souvent quitté la salle les larmes aux yeux. Larmes de bonheur, évidemment. Un grand moment de musique, semble-t-il...

    present.jpgMais 2009, c'est aussi la publication d'un nouveau disque pour Présent : un CD inédit et un DVD de près de trois heures proposant des extraits de concerts en 2006 et 2007, ainsi que quelques archives des années 90. Barbaro (Ma Non Troppo) est une incontestable réussite, peut-être même s'agit-il du plus beau disque du groupe... Et qu'on ne se méprenne pas sur mes propos : je suis certes fier que mon fils participe à cette aventure et de constater que la place qu'il y occupe est plus que significative, mais mon attendrissement paternel n'est pour rien dans l'admiration que j'ai pour le disque. Barbaro (Ma Non Troppo), ce sont trois longues compositions haletantes et majestueuses, d'une très belle facture et dont les arrangements complexes font merveille et méritent une écoute attentive et répétée. S'appuyant sur une rythmique de fer (Dave Kerman à la batterie, Keith Macksoud à la basse, Pierre Chevalier au piano), les conversations qu'engagent le violoncelle de Mathieu Safatly, la guitare de Trigaux père et fils, les claviers de... Pierre Chevalier, encore lui et le saxophone de Pierre Desassis sont passionnantes d'un bout à l'autre : « Vertiges », « A Last Drop » et, comme si l'histoire devait se réécrire encore et encore, une nouvelle version de « Jack The Ripper » signée Daniel Denis et Roger Trigaux, qu'on pouvait déjà écouter sur le deuxième album d'Univers Zéro en 1979. Et puis... comment ne pas s'émerveiller devant un groupe qui, en 2009, se paie le culot d'utiliser un instrument tel que le mellotron, qui connut son heure de gloire voici bien longtemps par avec des formations mythiques telles que les Moody Blues ou King Crimson ? On sort des quarante-cinq minutes de cette musique pas comme les autres un peu étourdi, la tête un peu ébouriffée et... on en redemande !

    podcast

    En écoute, les trois premières minutes de « Vertiges » (Roger Trigaux)...

    Roger Trigaux (guitare, claviers), Reginald Trigaux (guitare), Pierre Chevalier (piano, claviers), Dave Kerman (batterie, percussions), Keith Macksoud (basse), Mathieu Safatly (violoncelle), Pierre Desassis (saxophones), Udi Koomran (son).

    Barbaro (Ma Non Troppo) est publié par Ad Hoc Records, dont le président n'est autre qu'un certain... Dave Kerman !

  • Eternel

    L'Ivre d'Images sur son Nuage...

    Le Z Band vient de perdre l'une de ses plus belles plumes... L'ami François Roudot, qui avait rallié l'année dernière notre collectif de passionnés de musique en général et de jazz en particulier, nous a quittés au mois d'août, fauché en quelques jours par une impitoyable maladie à l'âge de 40 ans. Injuste, forcément, quand tant de nuisibles plastronnent un peu partout sur la planète et répandent le mal... Chacun d'entre nous a reçu cette triste nouvelle comme une gifle très violente au beau milieu de l'été : lui, si jeune, si talentueux (allez donc faire un tour sur son blog pour vous en convaincre), quittait cette Terre alors qu'il avait d'évidence beaucoup de choses à faire et à nous dire. Nous avions tous, d'emblée, apprécié son talent, en particulier la ligne poétique de chacun de ses textes et son imagination, source de beaux voyages pour ses lecteurs. Certains le connaissaient « pour de vrai », d'autres - comme moi - le côtoyaient par clavier interposé uniquement, mais habités par cette drôle d'impression qui vous fait comprendre que vous avez réussi à agrandir le cercle de vos amis, en lui ajoutant un être humain distant, invisible, et convaincu de croiser son chemin un jour ou l'autre. Une histoire d'affinités électives.

    Alors en ce jour, celui de notre publication trimestrielle, l'évidence est là : François s'est envolé si vite sur le petit nuage duquel il observe notre monde avec son œil d'éternelle jeunesse qu'il n'a pas eu le temps de préparer ses bagages pour l'au-delà. Même pas le temps d'embarquer ses disques préférés, pas plus que quelques bons bouquins... Voilà donc une excellente raison de lui rendre un hommage particulier : à chacun de nous de garnir sa discothèque céleste d'une galette que nous lui offrons, pour que sa nouvelle vie, là haut, celle qui va durer toujours dans nos esprits, soit encore plus belle et à nulle autre pareille.

    coltrane_hartman.jpgJe n'ai pas réfléchi trop longtemps. Parce qu'il me fallait trouver un disque intemporel, pour ne pas dire éternel. Un disque habité par la grâce et détaché de toutes les modes. En quelques fractions de secondes, Coltrane était devant moi, il s'imposait, massif et profondément humain. J'ai pensé pendant un moment à l'une des ses œuvres transcendantales, marquées par la dévotion à l'Être Suprême comme il en avait gravé à partir de l'année 1964 et jusqu'à sa mort en 1967 (A Love Supreme, Crescent, Ascension, Meditations, ...) avant de me dire qu'après tout, niché dans son petit paradis, François ne manquait certainement pas de matière à réflexion sur le sujet divin et que, le connaissant, il devait déjà avoir entamé de fiévreuses discussions avec ses nouveaux camarades d'éternité. Il me fallait viser pour lui un autre objectif : celui d'un disque qui serait l'expression de ce que la nature humain peut provoquer de plus beau lorsqu'elle est animée par l'idée de rencontre et de partage. Je voulais un disque de fraternité. John Coltrane & Johnny Hartman ! Mais oui, forcément !

    Retour à l'année 1962. La comète Coltrane est lancée depuis pas mal de temps pour un voyage dont on pressent qu'il sera sans retour. La musique devient stratosphérique, elle commence à en dérouter quelques uns, un peu égarés dans cet univers de spirales où tous les repères s'évanouissent les uns après les autres (écoutons par exemple les circonvolutions de l'emblématique Live At The Village Vanguard, enregistré en novembre 1961, quel plus exemple d'une évolution foudroyante ?). Du côté de chez Impulse, le label avec lequel le saxophoniste a signé depuis un an, on ne verrait d'ailleurs pas d'un mauvais œil l'idée d'une petite pause dans la course vers l'absolu et c'est dans cet esprit qu'il faut comprendre la publication de Ballads et de John Coltrane & Duke Ellington : montrer au public, mais aussi aux critiques qui commençaient à l'éreinter, que John Coltrane n'avait pas perdu la notion de mélodie, et qu'il pouvait, s'il le voulait, les caresser dans le sens du poil. Bob Thiele, son producteur, nous explique au sujet de John Coltrane & Johnny Hartman : « La raison pour laquelle cet enregistrement est sorti provient du fait que j'ai suggéré à John de montrer aux journalistes de jazz ce dont il était capable. Entre autres, de jouer d'une part des standards américains et de faire, d'autre part un album chanté. Je lui avais dit de se trouver quelqu'un capable de chanter, tout ça pour les faire sourciller et attirer leur attention. Après Ballads, je pensais qu'il aurait fait quelque chose avec une chanteuse comme Sarah Vaughan par exemple. C'est alors qu'il m'a confié qu'il aimerait faire un album avec Johnny Hartman et cela m'a totalement surpris. Hartman n'était pas du tout connu. Il ne faisait l'objet d'aucune renommée. Ce n'était qu'un bon chanteur de ballades. Je ne le classais même pas dans les chanteurs de jazz. »

    Nous sommes maintenant le 7 mars 1963, aux studios d'Englewood Cliffs. Les deux hommes, qui se sont rencontrés pour la première fois une semaine auparavant, trouvent naturellement leurs marques avec un répertoire que l'un comme l'autre connaissent sur le bout des doigts. Une session qui se déroulera dans les meilleures conditions, chaque titre n'ayant nécessité qu'une seule prise, à l'exception de « You Are Too Beautiful », contrarié par l'envol d'une baguette d'Elvin Jones ! Au total, une grosse demi-heure de musique mise en boîte et six standards gravés pour l'éternité : « They Say It's Wonderful », « Dedicated To You », « My One And Only Love », « Lush Life », « You Are Too Beautiful » et « Autumn Serenade ». Un septième titre, « Afro Blue », aurait été enregistré, mais il n'a pas été publié.

    On est là en présence d'une forme évidente de magie : Johnny Hartman pose naturellement le velouté caressant de sa voix chaude et un peu enjôleuse sur la toile parfaite tissée par le quartet du saxophoniste (qui, jamais, n'enregistrera plus avec un chanteur, cette association étant vraiment unique). Chaque note jouée par Coltrane est habitée par la grâce, comme si tout était mystérieusement écrit, et ses complices, pourtant habitués depuis quelque temps en sa compagnie à de plus périlleux voyages, trouvent ce jour-là le moyen d'un épanouissement souriant par la voie d'un jeu totalement apaisé, où les notes sont presque suggérées tant elles sont empreintes de délicatesse.

    Disque court et parfait, John Coltrane & Johnny Hartman n'appartient qu'à lui-même. Sui generis. Et si sa genèse - enregistrer une parenthèse pour rallier plus de public - n'était peut-être pas à l'origine animée d'une motivation intrinsèquement artistique, il n'en reste pas moins que le résultat va bien au-delà des espérances de ceux qui avaient souhaité le voir naître. Un chef d'œuvre, ni plus ni moins. Quarante-six ans plus tard, ces minutes sont préservées et le resteront.

    Et puis, si François peut nous lire depuis sa nouvelle maison nébuleuse, je me permets de doubler la mise en lui glissant dans mon petit paquet un deuxième disque, celui que le chanteur Kurt Elling vient de publier et qui est consacré, justement, à cette rencontre magique entre John Coltrane et Johnny Hartman : son Dedicated To You est une belle réussite, humble et respectueuse de l'harmonie d'un jour et du répertoire dont il s'inspire et qui le compose. J'en dis quelques mots ici, sur le site Internet de Citizen Jazz.

    A bientôt, ami François, donne-nous des nouvelles dès que tu le pourras. Et profite de cette musique enchantée, tu l'as bien méritée.

    En écoute : « Lush Life », extrait de John Coltrane & Johnny Hartman.

    Johnny Hartman (chant), John Coltrane (saxophone ténor), McCoy Tyner (piano), Jimmy Garrison (contrebasse), Elvin Jones (batterie). Enregistré le 7 mars 1963.

    On peut acheter le disque ICI, pour une somme plus que raisonnable !

    Vers les autres textes du Z Band en hommage à François Roudot :

    - Belette & Jazz : L'ivre d'images sur son nuage
    - Flux Jazz : Respect ! (pour François)
    - Jazz Frisson : "Un passant" de Gilles Vigneault par Karen Young
    - JazzOcentre : L'ivre d'images sur son nuage, avec Hadouk Trio
    - Jazzques : L'ivre d'images sur son nuage, Michel Petrucciani "The Prayer"
    - Mysterio Jazz : L'ivre d'images sur son nuage
    - Ptilou's Blog : Michael Blake
    - Z et le Jazz : L'ivre d'images sur son nuage, avec "Karma" de Pharoah Sanders

  • Absence

    la_note_bleue_blue_note.jpgFrance 5 diffusait hier soir un documentaire appelé « C'est fini ou ça commence ? ». Ce film de 50 minutes, réalisé en 2005 par Thomas Ceccaldi, est un hommage particulièrement émouvant à Claude Nougaro, pour lequel la femme du chanteur, Hélène (sa kiné, kiné, qui n'est plus en exercice) a apporté son soutien et son concours. Si le film se compose naturellement de tous les éléments classiques et presque obligés d'un hommage - images d'archives montrant le chanteur sur scène ou à la télévision, interviews réalisées en différentes époques depuis le début des années 60, témoignages de proches - sa colonne vertébrale est d'abord l'immersion au cœur des sessions de l'enregistrement de l'album, La Note Bleue, au studio Ferber. Ce disque ultime concrétisait pour Nougaro un rêve de toujours : être enfin publié sur un label mythique pour tout fan de jazz, Blue Note.

    Attention : on ne sort pas indemne de ces images terribles captées en janvier 2004, quelques semaines avant la mort du Petit Taureau (qui nous quittera le 4 mars suivant). Épuisé par la maladie et les séances de chimiothérapie, considérablement amaigri, presque méconnaissable, Claude Nougaro rassemble ses dernières forces pour mener à bien un projet qui associe la crème des musiciens de jazz. Produit par le pianiste Yvan Cassar, La Note Bleue nous fait entendre André Ceccarelli, Nelson Veras, Eric Legnini, David Linx et bien d'autres, au rang desquels la chanteuse lyrique Nathalie Dessay, pour une version paradisiaque de « Autour de minuit ». Tout au long de ces minutes poignantes, on est instantanément gagné par une vraie souffrance mêlée d'admiration. Lui, symbole de force, le boxeur des mots, celui qui avait réussi à relever le défi de sa lamentable éviction de la maison Barclay au milieu des années 80 pour rebondir brillamment du côté de Nougayork, après avoir tout vendu et traversé l'Atlantique avec en poche trois numéros de téléphone comme seuls viatiques, le voilà qui se présente à nous dans une cruelle et impitoyable nudité, celle du combat contre une maladie dont il sait qu'il ne sortira pas gagnant : le titre même du documentaire reprend une mention manuscrite que Nougaro avait griffonnée au bas d'un dessin et qui est reproduite sur la pochette du disque. Il ne laisse aucun doute sur l'issue fatale que Claude Nougaro savait. Il aura eu beau boxer, boxer, la lutte était par trop inégale. N'écrivait-il pas à l'automne 2003 : « J'ai envie d'écrire, mais je ne sais pas quoi / La mort, je l'avoue, me laisse coi ».

    Ce film n'est jamais larmoyant, mais il semble impossible de le visionner sans avoir les larmes au bord des yeux : il y a cette scène où, à bout de forces, presque sans voix, Claude Nougaro s'endort comme un enfant sur l'épaule de sa femme, alors qu'il écoute la dernière prise d'une des huit chansons qu'il réussira malgré l'adversité à enregistrer. Ou bien, quelque temps plus tard, nous sommes alors au mois de février, comment décrire la terrible absence de celui qui ne peut même plus se déplacer et à qui Yvan Cassar fait écouter au téléphone l'enregistrement d'une version instrumentale de « Bidonville », en espérant sans y croire sa venue au studio le lendemain ? On devine, même si le son de sa voix ne nous parvient pas, que Nougaro paraît satisfait du résultat, il prodigue quelques conseils avant que la conversation ne s'achève. Silence pesant des musiciens dans le studio, mines sombres, Yvan Cassar s'échappe rapidement tant l'émotion est grande. Il part pleurer... Ce jour-là, probablement, tous ont su que celui qu'ils admiraient tant ne reviendrait pas et que leur serait confiée la lourde tâche de terminer au mieux, sans son créateur, un disque au goût d'inachevé.

    Claude Nougaro aurait eu 80 ans le 9 septembre. Il manque terriblement dans le paysage de la chanson française. Il nous a laissés cois.

    Je choisis de vous faire écouter « Fleur Bleue », qui me semble traduire au mieux ces heures douloureuses. La voix de Claude Nougaro reste ferme, mais on en ressent la doluoureuse fêlure. Avec Yvan Cassar (paino), Rosario Bonaccorso (contrebasse), André Ceccarelli (batterie), Nicolas Montazaud (percussions), Eric Chevalier (Orgue Hammond B3).

    P.S. : un bel hommage vient d'être rendu à Claude Nougaro. Sous la houlette d'André Ceccarelli, avec la complicité de Pierre-Alain Goualch (piano), Diego Imbert (contrebasse) et David Linx (chant), Le Coq et la Pendule vient à point nommé nous rappeler toute la force des chansons de Claude Nougaro. Le disque a paru tout récemment chez Plus Loin Music. A consommer sans modération !

  • Récompense

    Cover.jpgLegrand Jazz. L'histoire de ce disque, plus que quinquagénaire aujourd'hui, mérite qu'on s'y arrête quelques instants. Au milieu des années 50, un jeune musicien, pianiste et arrangeur féru de jazz, Michel Legrand, avait enregistré pour le compte du label Columbia un disque intitulé I Love Paris. Les Américains souhaitaient en effet un disque sur différents thèmes de Paris et avaient demandé à leurs homologues de Phillips s'ils connaissaient un musicien capable de le réaliser. Le futur compositeur des Parapluies de Cherbourg ou Demoiselles de Rochefort s'y colla tant et si bien que le disque connut outre Atlantique un très gros succès. Seul problème : Michel Legrand avait juste été payé pour la réalisation de l'enregistrement mais il ne toucha aucune royaltie. Reconnaissants néanmoins, les responsables de Columbia firent un beau cadeau au jeune français en lui offrant la réalisation du disque qu'il souhaitait faire ! Ni une ni deux, l'heureux bénéficiaire répondit qu'il voulait publier un disque avec... Miles Davis et John Coltrane, rien que ça ! Et c'est ainsi que fut enregistré ce Legrand Jazz à New York, lors de trois séances au mois de juin 1958. La première, en date du 25, permit de mettre en boîte quatre titres, choisis avec la complicité de Boris Vian et interprétés par Davis (trompette) et Coltrane (saxophone ténor), auxquels se joignirent Phil Woods (saxophone alto), Jerome Richardson (saxophone baryton), Herbie Mann (flûte), Berry Glamann (harpe), Barry Galbraith (guitare), Eddie Costa (vibraphone), Bill Evans (piano), Paul Chambers (contrebasse) et Kenny Dennis (batterie). Sacrée réunion au sommet, qui engendra chez Michel Legrand une vraie appréhension dans la mesure où il connaissait suffisamment Miles Davis pour savoir que le trompettiste pouvait, au dernier moment, refuser de participer à cet enregistrement si ce qu'il entendait derrière la vitre du studio ne lui plaisait pas. Mais non, Miles Davis décida de se joindre à la fête, joua et, lorsqu'il eut posé son instrument, demanda à Michel Legrand s'il était content de ce qu'il avait joué ! On imagine aisément combien celui-ci fut comblé d'aise en entendant LA star du jazz de l'époque quérir son approbation. Le monde à l'envers, en quelque sorte... C'était pour ce jeune français - il n'avait alors que 25 ans - une magnifique récompense dont il parle, aujourd'hui encore, avec beaucoup d'émotion. Cinquante et un ans plus tard, Legrand Jazz demeure un disque d'une étonnante fraîcheur qu'il est toujours temps de découvrir.

    podcast
    « Round Midnight », de Thelonious Monk, enregistré lors de la session du 25 juin 1958.