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olivier boge

  • Olivier Bogé : « When Ghosts Were Young »

    olivier_boge_when we were ghosts.jpgIl m’est assez difficile d’évoquer un disque d’Olivier Bogé dans la mesure où, bien que nous n’ayons jamais eu l’occasion de nous rencontrer, nous sommes devenus amis par la seule force de quelques mots échangés par écrit ou à l’occasion de plusieurs conversations téléphoniques. Je suis certain que lui et moi nous nous connaissons mieux que certaines personnes se côtoyant chaque jour… Cette relation un peu particulière a abouti à un travail en commun le jour où celui que je n’ose plus qualifier de saxophoniste m’a demandé d’écrire le texte devant figurer sur la pochette de son précédent disque – le troisième sous son nom –, Expanded Places. Une expérience passionnante qui m’avait permis de comprendre à quel point sa musique devait être entendue comme la traduction de sa perception du monde à fleur de peau, de son attachement profond aux beautés de la nature et d’une vision humaniste, poétique et littéraire qu’on ne confondra pas avec de la sensiblerie. Parlez de Christian Bobin à Olivier Bogé, il se montrera très vite intarissable

    Voici donc venir When Ghosts Were Young, un album qui fait suite à Imaginary Traveler (2010), The World Begins Today (2013) et Expanded Places (2015). Il est vraiment le disque qu’on pouvait attendre de la part d’Olivier Bogé. Non qu’il soit sans surprise, mais parce qu’il va bien au-delà de ses prédécesseurs en affirmant un seul et même chant, qui se décline en subtiles variations d’une composition à l’autre. Au point qu’il ne s’agit même plus de se dire que le disque en compte dix, mais bien une seule qui coule avec une grande douceur, empreinte de sérénité. On imagine l’homme musicien s’arrêter au bord d’un ruisseau pour laisser l’eau filer entre ses doigts, marcher au plus profond d’une forêt ou sur un sentier de montagne, contempler le ciel et la mer, écouter le bruit du vent. When Ghosts Were Young est une musique des éléments, en prise directe avec ce que la nature nous offre de plus beau et que nous ne savons plus voir.

    En disant cela, je ne me trompe guère, car Olivier me l’a confirmé par la suite, lui qui me confiait : « L'immense majorité de l'album a été écrite durant mes pérégrinations multiples, la guitare dans la voiture, m'arrêtant au bord d'un moulin, au milieu d'une forêt pour y coucher (accoucher ?) les quelques notes qui jaillissaient après la vue d'un pan de lumière, d'un amas d'arbres… Les chaos que je traversais à cette période étaient immédiatement effacés par ces cadeaux du ciel et du vent. Et ça a été une obsession constante : n'y coucher que les moments de lumière, en cherchant coûte que coûte à exploser les ombres, à les écarter, les éloigner. Ne pas les laisser prendre une quelconque place dans cette musique. Être attentif au bruit de l'eau, à l'odeur d'une forêt, à l'explosion de lumière en face de moi ».

    D’ailleurs, il est intéressant de savoir que le titre initialement prévu pour l’album était celui de « As Spark Hits The Shadows », l’une des compositions figurant sur When Ghosts Were Young. Une proposition écartée en raison de la difficulté à le prononcer. C’est peut-être un peu dommage…

    Pour ce qui est de la forme, on constatera d’abord qu’Olivier Bogé est fidèle en amitié puisqu’on retrouve en action les mêmes musiciens que pour Imaginary Traveler, le premier disque en 2010. Soit Pierre Perchaud à la guitare, Tony Paeleman au piano, Nicolas Moreaux à la contrebasse et Karl Jannuska à la batterie. Outre la présence sur un titre (« Rain’s Feathers ») d’Isabelle Sörling au chant, le changement le plus notoire, par comparaison avec ce premier chapitre, est à chercher dans la panoplie des instruments de Bogé : là où il ne se présentait que comme saxophoniste, il est désormais aussi pianiste, guitariste et chanteur (et compositeur, bien sûr). Ce qu’on avait pu comprendre déjà lors de la parution de Expanded Places. Un collectif soudé, donc, au sein duquel la parole individuelle n’est pas primordiale mais toujours d’un grand lyrisme. Il suffit d’écouter le chorus au saxophone alto de « As Spark Hits The Shadows » pour s’en rendre compte, puis l’intervention de Pierre Perchaud. Ou le solo de piano puis de saxophone alto sur « Odissey Of The Innocent Child ». Fièvre et concision en une même voix, peut-être l’exercice le plus ardu qui soit… Les mélodies, d’une grande limpidité, sont exposées tour à tour au piano, à la guitare, au saxophone, souvent doublés par la voix d’Olivier Bogé. Des chansons sans paroles et un langage musical qui n’a plus grand-chose à voir avec ce qu’on nomme communément jazz. La musique d’Olivier Bogé – bande originale d’un film dont les images défilent tranquillement et découvrent des paysages illuminés – est onirique, d’une beauté formelle incontestable. Un folk-rock-jazz intemporel et impressionniste dont les racines puisent au cœur des musiques qui ont habité le vingtième siècle. Debussy tend la main à Joni Mitchell, en quelque sorte. C’est une incitation à déposer les armes, celles dont chacun·e de nous doit se munir au quotidien pour rester debout.

    Une musique de la rêverie éveillée et surtout pas de l’oubli. When Ghosts Were Young est une très belle réussite à travers laquelle Olivier Bogé dévoile un peu plus encore sa personnalité attachante. Un disque addictif, qui peut tourner encore et encore, comme nos têtes enivrées par le spectacle du monde.

    When Ghosts Were Young est publié chez Jazz&People.

  • Comme une rivière sans fin…

    olivier boge, expanded spacesL’histoire remonte à la fin de l’année dernière. Je crois même me rappeler – vous me pardonnerez ce détail un peu trivial – que je patientais dans la rue, devant ma boulangerie. Quand mon téléphone a sonné, interrompant ainsi l’écoute d’un disque – mais cette fois, je suis bien incapable d’en dire plus à son sujet – alors sur le point de faire l’objet d’une chronique, je n’ai pas identifié illico la personne qui m’appelait. Trop de bruit dehors, certainement. Avant de comprendre qu’Olivier Bogé, musicien dont j’apprécie le travail depuis un bout de temps (j’ai les preuves écrites : ici et ), était à l’autre bout de la ligne et souhaitait que j’écrive un texte destiné à son prochain disque, dont il venait de terminer l’enregistrement.

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  • Dix galettes plus une et un coup de maître...

    Je me demande si j’ai raison... Peut-être suis-je sous l’influence de quelques-uns de mes camarades qui, nonobstant la vacuité de l’exercice, ne résistent pas à la tentation de produire une liste de disques de l’année. Je vais faire comme eux, je serai injuste comme eux et j’aurai au préalable mesuré à quel point mon « Top 10 » est une modeste goutte d’eau dans l’océan de la musique. Tant pis. Et que les oubliés me pardonnent, ils savent que je pense à eux et que la seule méthode à laquelle je me suis astreint à consisté à fermer les yeux pour laisser remonter à la surface des moments forts ressentis durant toute l’année. 2014 : au minimum 200 disques à découvrir (et je suis un piètre amateur comparé à certains...) parmi... combien déjà ?

    Alors, allons-y gaiment et dans l’ordre alphabétique... J’accompagne chaque disque sélectionné d’un court extrait d’une de mes chroniques. 

    Alban Darche & L’Orphicube : Perception Instantanée

    darche-alban_orphicube_perception.instantanee.jpgMusique grande classe, comme la bande son d’un film aux accents nostalgiques qui aurait été tourné en noir et blanc pour mieux souligner les éclats invisibles du quotidien et en révéler la part de magie. L’Orphicube vous transporte avec son ingéniosité génétique - encore une fois, cet orchestre a un son qui lui appartient totalement, sui generis, comme on dit - et sa forte dose d’onirisme.
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    Stéphane Kerecki Quartet : Nouvelle Vague

    kerecki_nouvelle_vague.jpgStéphane Kerecki endosse le rôle d'un passeur pacifié qui ne vise qu'un seul objectif : réenchanter des histoires dont tous les secrets n'avaient, on s’en rend compte grâce à lui, pas encore été dévoilés. En levant le voile sur ses propres visions, il nous propose un embarquement dans son imaginaire cinématographique et c'est un bonheur de le laisser faire… avec un grand sourire dans le regard.
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    Christophe Marguet & Daniel Erdmann : Together, Together !

    marguet_erdman.jpgTogether, Together! n’est pas de ces disques qu’on écoute avec passivité ; il fait plutôt partie des instants d’équilibre un peu miraculeux, dont on connaît la fragilité, et qu’on ne veut pas laisser filer entre ses doigts. On laisse approcher la musique, on lui accorde tout son temps, pour qu’elle nous souffle ses délicatesses au creux de l’oreille. Musique sensuelle, on vous dit !
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    Iain Matthews : The Art Of Obscurity

    Mathews_Iain_Art_Of_Obscurity.jpgDans un climat d'une grande sobriété, on retrouve avec ce beau disque l’essentiel de ce qui fait tout son pouvoir de séduction, comme si Matthews jouait la carte de l’épure et de l'intemporel en se disant qu’eux seuls disent le vrai : au service de son art, une instrumentation légère composée de guitares (acoustique et électrique), d'un piano électrique (ou d'un orgue) et d'une basse.
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    ONJ Olivier Benoit : Europa Paris

    onj_paris_europa_200X200.jpgUn chef d'œuvre ? Le temps parlera, mais après tout, ne suffit-il pas de dire que la manière avec laquelle Olivier Benoit, entouré d’une équipe soudée, est parvenu à synthétiser toutes les musiques qui l'habitent depuis des années, est admirable ? Au point de donner vie à un idiome dont on attend dès à présent les prochaines pulsations, celles qui résonneront des échos d'une autre capitale européenne, Berlin.
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    Emile Parisien Quartet : Spezial Snack

    spezial_snack.jpgOn a beau chercher, regarder derrière soi ou même de côté, il faut bien se rendre à l’évidence : ce disque sans équivalent est une nouvelle pépite, une pierre précieuse, tout juste polie au sens où ses audaces la rendent heureusement irrévérencieuse. Le quartet d’Emile Parisien est âgé d’une petite dizaine d’années et sème sur son chemin de sacrés cailloux. Sa musique, aussi singulière et intrigante que les titres de ses disques, n’a certainement pas fini de nous sidérer.
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    Vincent Peirani & Emile Parisien : Belle Epoque

    belle_epoque.jpgC’est incroyable qu’on puisse être à la fois si jeune et porteur des horizons sans cesse réinventés d’une histoire de la musique du XXe siècle, que Vincent Peirani et Émile Parisien semblent connaître depuis toujours, comme si elle coulait dans leurs veines. Un disque fédérateur qui s’adresse aux amoureux du jazz, de la chanson, de toutes les musiques impressionnistes, des musiciens vibrants et dont on ne finit jamais de contempler les beautés exposées.
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    Sylvain Rifflet & Jon Irabagon : Perpetual Motion

    rifflet_irabagon.jpgVoix, sons métalliques ou électroniques, bruits de rue, chant naturel des instruments : cette polyphonie, qui célèbre Moondog avec autant d’inventivité que de respect, séduit d’emblée. En imaginant Perpetual Motion, Sylvain Rifflet, Jon Irabagon et leurs complices sont allés bien au-delà de l’hommage : ils expriment une fusion totale entre le génie d’un compositeur et leur art propre, qui se refuse à toute limite. Et surtout pas celle de leur imagination.
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    Henri Roger & Noël Akchoté : Siderrances

    Siderrances.jpgSiderrances est un disque auquel on doit s’abandonner… Loin des urgences de notre monde, il offre son temps long (le deuxième disque ne comporte que deux titres, respectivement de 20 et 32 minutes) et laisse aux deux protagonistes le loisir d’engager une conversation de l’intime qui, jamais, ne nous laisse de côté. Là est sa grande force : il nous parle au creux de l’oreille dans sa langue propre, mais très empathique.
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    The Man They Call Ass : Sings Until Everything Is Sold

    the-man-they-call-ass-sings-until-everything-is-sold-500-tt-width-360-height-342-crop-1-bgcolor-000000.jpgHasse Poulsen, cet homme qu’on appelle Ass, chante le désenchantement, celui d’un monde menacé par l’épuisement de ses ressources vitales, elles-mêmes objets de commerce. Souhaitons que son inspiration, en tout cas, ne se tarisse jamais, car un songwriter de premier plan doublé d’un magnifique chanteur vient de voir le jour, et s’expose enfin après de longues années de maturation.
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    Avez-vous lu le titre de cette note ? Parce qu’un onzième disque a pris place dans ma tête il y a quelque temps, depuis le jour où Olivier Bogé m’a donné à écouter Expanded Spaces, son prochain disque (et troisième en tant que leader après Imaginary Traveler et The World Begins Today) qui ne sera publié chez Naïve qu’au printemps 2015. Le saxophoniste compositeur s’y révèle aussi pianiste, guitariste et vocaliste ; surtout, il prend le risque de faire sauter les barrières stylistiques en s’écartant radicalement de l’esthétique du jazz. Ce disque de l’épure est le reflet d’une passion qui transporte ses mélodies limpides pour les élever au rang d’hymnes à la fraternité. Olivier m’a demandé d’écrire le texte qui figurera sur la pochette d’Expanded Spaces et je l’en remercie infiniment. Alors forcément, j’en reparlerai, mais j'avais envie de l'annoncer sans attendre.

    henri_roger.jpgVoilà pour ce petit exercice de style que je ne saurais conclure sans décerner un « Coup de Maître » à un musicien ami qui aura beaucoup donné cette année, et que je tiens absolument à saluer. Henri Roger a non seulement publié le magnifique Siderrances en duo avec Noël Akchoté, mais il nous aura gâtés à maintes reprises en 2014 sur le précieux label Facing You / IMR : en solo (Sunbathing Underwater), en quartet hommage à Pierre Soulages (Parce Que) ou en trio aquatique avec Benjamin Duboc et Didier Lasserre (Parole Plongée). Et je crois avoir compris que le pianiste guitariste improvisateur a décidé de continuer sur cette belle lancée. Vas-y Henri, ne te gêne surtout pas !

  • Deuxième cérémonie de remise des « Coups de Maître »

    Eh oui, le temps passe très vite, les disques n'en finissent pas de pleuvoir au point qu'un rapide calcul suscite mon effarement : depuis un an, j'ai dû “découvrir” environ 150 albums. C'est peu, juste une goutte dans l'océan de la musique, par comparaison au volume de la production mondiale, tous genres confondus ; mais c'est énorme si, comme moi, vous disposez d'environ 365 jours chaque année (parfois 366, je l'admets) pour consacrer un peu de temps à vos passions. Sachant que bon nombre de ces nouveaux arrivants misicaux nécessitent plusieurs écoutes, sachant aussi que leurs prédécesseurs méritent de revenir au front (et parfois, croyez-moi, ils reviennent de très loin et s'accrochent à vos basques en vous suppliant de ne pas les oublier), vous comprendrez aisément que la tâche n'est pas si facile. Passionnante, source de plaisirs multiples mais, tout de même, un sacré boulot ! Quant à l'idée saugrenue consistant à extirper dix élus de cette abondante récolte, on peut la considérer d'un œil amusé, se dire que l'exercice est vain, penser aussi qu'il sera forcément injuste (c'est vrai). Mais ce choix est une façon de revenir en arrière, de se souvenir des émotions les plus fortes et des élans singuliers que certains disques ont suscités. Et d'avoir une pensée pour les oubliés, dont beaucoup nous ont offert des instants singuliers.

    Alors voilà pour l'année 2013 : dix albums, tous très beaux, choisis parmi un grand ensemble dont bien des éléments auraient très pu aisément franchir la barrière de mes « Coups de Maître ». Tiens par exemple, prenez Slim Fat de l'Imperial Quartet... eh bien, il serait volontiers entré dans ma confrérie du moment, rien que pour sa dégaine sonore pas comme les autres et son déluge saxophonique...  Pareil pour Le Rêve de Nietzsche de Jean-Rémy Guédon et son Archimusic, quand jazz et hip hop s’acoquinent avec la philosophie... Et je ne vous parle même pas des Passagers du Delta, du Trio ALP, si beau, en deux temps, dans son livre élégant.

    Et puis, on va encore me dire que la coloration de ma sélection est très hexagonale ! J'assume ces choix, ce qui ne signifie pas pour autant que j'ignore la musique qui a vu le jour ailleurs, Outre-Atlantique notamment. Mais je connais plein d'amis qui parlent très bien, beaucoup mieux que moi, de musique et dont les écrits sont toujours passionnants : Jean-Jacques Birgé, Franpi Sunship, Mozaïc Jazz, Les Dernières Nouvelles du Jazz, Belette Jazz, Ptilou's Blog, JazzOCentre, Jazzques, Les Allumés du Jazz, et quelques autres que vous n'aurez aucun mal à dénicher. Vous pouvez prendre le risque d'aller faire un petit tour chez eux : dans le pire des cas, ils vous donneront envie de vibrer encore plus fort avec leurs choix ; dans le meilleur, ils finiront pas vous convaincre que – comme nous tous – il vous faudra vivre d'autres vies pour étancher votre soif de musique !

    Ma petite sélection sans prétention apparaît dans l'ordre chronologique de l'arrivée des disques dans ma boîte aux lettres. Il m'est arrivé d'écrire à leur sujet, n'hésitez pas à cliquer sur les repères... pour en savoir [+] !

    Festen
    Family Tree

    festen, samuel blaser, remi gaudillat, christophe marguet, alban darche, art sonic, gordiani desprez scarpa, olibier bogé, dominique pifarely, pan-GDeuxième volet des aventures de cette jeune quarte qui allie la science du jazz à l’énergie du rock. Damien Fleau (saxophone), Maxime Fleau (batterie), Jean Kapsa (piano) et Oliver Degabriele (contrebasse) écrivent une musique dense, nerveuse et habitée. Ils savent aussi atteindre l’épure, privilège des grands, leur « Grandfather’s Bed » en est une preuve. On est heureux de se sentir un peu comme membre de cette belle famille au sein de laquelle circule une énergie très contagieuse. [+]

    Samuel Blaser
    As The Sea

    festen, samuel blaser, remi gaudillat, christophe marguet, alban darche, art sonic, gordiani desprez scarpa, olibier bogé, dominique pifarely, pan-GEncore une très belle année pour le tromboniste ! Hyperactif, notre Helvète préféré a notamment doublé la mise avec deux albums qui séduisent par la somme d’imagination et de liberté qu’ils respirent. Tout récemment, Mirror To Machaut offrait une relecture limpide de la musique de deux Guillaume du Moyen-Âge : de Machaut et Dufay. Mais avec As The Sea, Blaser avait sculpté quelques mois plus tôt la matière sonore d’un univers mouvant et jamais fini, en compagnie de ses amis Marc Ducret, Gerald Cleaver et Bänz Oester. Un disque énigmatique et passionnant de bout en bout.  [+]

    Rémi Gaudillat
    Le chant des possibles

    festen, samuel blaser, remi gaudillat, christophe marguet, alban darche, art sonic, gordiani desprez scarpa, olibier bogé, dominique pifarely, pan-GLe souffle cuivré d’un quatuor libre et onirique : celui de Rémi Gaudillat et Fred Roudet (trompette, bugle), Loïc Bachevillier (trombone), Laurent Vichard (clarinette basse). Quatre musiciens qui savent demander à leurs instruments de dépasser leur rôle de respirateurs naturels et leur donner le muscle de la pulsation. Leur musique entre ombre et lumière exhale un parfum impressionniste des plus séduisants, elle est une porte grande ouverte sur un imaginaire poétique dans lequel on plonge sans réserve. [+]

    Stéphane Chausse & Bertrand Lajudie
    Kinematics

    festen,samuel blaser,remi gaudillat,christophe marguet,alban darche,art sonic,gordiani desprez scarpa,olibier bogé,dominique pifarely,pan-gQuand deux amis décident de se donner les moyens et le temps de faire aboutir un vieux rêve : jouer une musique dont chaque détail compte, par un travail d’orfèvre appliqué à une matière sonore qui fait l’objet d’un soin maniaque. Leur jazz funk bienvenu est habité d’un gros son, il est interprété par une ribambelle d’amis dont certains ne sont pas les derniers venus, comme Marcus Miller. Un disque de plaisir total, qu’on écoute avec gourmandise en se disant qu’une production aussi aboutie est tout de même rare de nos jours. Chouette cadeau ! [+]

    Christophe Marguet Sextet
    Constellation

    festen, samuel blaser, remi gaudillat, christophe marguet, alban darche, art sonic, gordiani desprez scarpa, olibier bogé, dominique pifarely, pan-GUn récidivisite, déjà haut placé en 2012, j'espère ne pas l'assommer avec mes coups de mâitre à répétition... Cette fois, le batteur joue la carte d’une dream team aux couleurs chatoyantes et forme un orchestre dont les richesses n’en finissent pas de se dévoiler au fil des écoutes. Constellation est de ces disques dont on peut dire sans se tromper qu’ils sont empreints de magie. Normal, Christophe Marguet s’est entouré de magiciens : Régis Huby (violon), Steve Swallow (basse), Benjamin Moussay (claviers), Chris Cheek (saxophone) et Cuong Vu (trompette). Du grand art. [+]

    Gordiani, Desprez, Scarpa
    21

    festen, samuel blaser, remi gaudillat, christophe marguet, alban darche, art sonic, gordiani desprez scarpa, olibier bogé, dominique pifarely, pan-GLa formule est d’une apparente simplicité. 21 signifie ici 2+1, et plus exactement deux guitares et une batterie. Une combinaison originale et très électrique. Il y a ici tout ce qu’on aime (enfin, quand je dis on, je parle de moi, mais je sais que je ne suis pas seul à penser ainsi) : l’énergie, l’imprévu, le mystère, la fougue, les élans... En quarante minutes, Philippe Gordiani, Julien Desprez et Emmanuel Scarpa mettent les doigts dans la prise de courant de leur imaginaire et zèbrent de leurs éclairs notre ciel qui ne demande pas mieux qu’on lui fasse ainsi frissonner les étoiles. Coup de cœur et de foudre garantis à tous les amoureux des escapades un peu folles ! [+]

    Ensemble Art Sonic
    Cinque Terre

    festen, samuel blaser, remi gaudillat, christophe marguet, alban darche, art sonic, gordiani desprez scarpa, olibier bogé, dominique pifarely, pan-GDécidément, Sylvain Rifflet (clarinette, saxophone) et Joce Mienniel (flûte) sont au sommet de leur art. En 2012, ils figuraient déjà en très bonne place dans ce palmarès. Avec l’Ensemble Art Sonic, ils inventent un univers géographique et sublimé, une musique de chambre du XXIème siècle. A leurs côtés, Cédric Chatelain (hautbois, cor anglais), Baptiste Germser (cor) et Sophie Bernardo (basson) sont les pièces vitales d’un quintette à vents irrésistible. Mine de rien, on assiste avec ce très beau disque à la naissance d'une musique qui n'en est qu'à ses premiers frémissements, en attendant la suite, qui nous comblera. [+]

    Olivier Bogé
    The World Begins Today

    festen, samuel blaser, remi gaudillat, christophe marguet, alban darche, art sonic, gordiani desprez scarpa, olibier bogé, dominique pifarely, pan-GQue la lumière soit ! Après nous avoir raconté l'histoire d'un voyageur imaginaire, le saxophoniste prouve avec son second disque qu’il est bien plus qu’un jeune musicien talentueux : il est aussi un humain conscient, en quête d’un chant solaire qui irradie sa musique de la première à la dernière note. Il est entouré d’amis de renom : Tigran Hamasyan, Jeff Ballard, Sam Minaie. Ces derniers savent mettre leur art, avec humilité, au service d’une inspiration/respiration commune qui s'épanouit sur des compositions d'une grande limpidité. Bogé partage, partageons sa musique... [+]

    Dominique Pifarély / Ensemble Dédales
    Time Geography

    festen, samuel blaser, remi gaudillat, christophe marguet, alban darche, art sonic, gordiani desprez scarpa, olibier bogé, dominique pifarely, pan-GAussitôt arrivé, déjà au sommet de la pile ! Neuf musiciens haut de gamme composent l’Ensemble Dédales dirigé par le passionnant violoniste Dominique Pifarély : Guillaume Roy (alto), Hélène Labarrière (contrebasse), Vincent Boisseau (clarinettes), François Corneloup (saxophone baryton), Pascal Gauchet (trompette, bugle), Christiane Bopp (trombone), Julien Padovani (piano), Eric Groleau (batterie), tous au service d’une musique à la fois savante et nourrie d’une pulsion hypnotique, libre et engagée dans l'invention de nouveaux paysages entre jazz et musique de chambre contemporaine. Time Geography est un disque aux variations subtiles, dont les richesses se dévoilent au fil des écoutes. 

    Alban Darche
    My Xmas traX

    festen, samuel blaser, remi gaudillat, christophe marguet, alban darche, art sonic, gordiani desprez scarpa, olibier bogé, dominique pifarely, pan-GC’est d’une certaine manière le label Pépin et Plume d’Alban Darche qui est ici récompensé. Sa première référence, L’Orphicube, manifestait un fort pouvoir de séduction. Mais en fin d’année, le saxophoniste glissait au pied du sapin un second disque, une boîte de Noël un peu magique, pleine à craquer de chants tels que tous les enfants que nous sommes rêvent d’écouter le soir de la veillée. Un disque durable et enchanté, au plaisir augmenté par la lecture d'un conte signé Franpi Barriaux. Quoi, on n'a plus le droit de dire du bien des copains ? [+]

    Alban Darche, pour ses deux albums pépinoplumesques, mais aussi parce que les mois qui viennent de s’écouler nous auront valu de sa part d’autres disques ô combien précieux, reçoit à l’unanimité de mon jury (dont je suis le seul membre, je le précise par honnêteté, et je ne vous cacherai pas qu'il m'arrive fréquemment de ne pas être d'accord, ce qui complique beaucoup les choses, parfois) le Maître d’Honneur 2013 : Cube, Gros Cube ou Orphicube, tout est bon chez le saxophoniste ! Ce ne sont pas les camarades Citoyens Julien ou Franpi (encore lui...) qui me démentiront...

  • Le monde selon Bogé

    OB_TWBT.jpgComme bon nombre de ses confrères saxophonistes, Olivier Bogé est d'abord un chanteur, son instrument jouant pour lui le rôle du plus noble substitut à une voix intérieure qui lui dicte des mélodies. Pas étonnant d'apprendre - j'ai eu à plusieurs reprises l'occasion d'échanger avec lui à ce sujet - qu'il ressente une profonde admiration pour Joni Mitchell, cette chanteuse qui aura illuminé toutes les années 70, une grande dame dont le chant est à la musique ce qu'un arc-en-ciel serait à un ciel de nuages. After the rain, comme aurait pu dire un certain John Coltrane.

    Mais Olivier Bogé n'est pas seulement un musicien : peut-être serait-il plus juste de le présenter en premier lieu en tant qu'homme, pour qui tout acte - et la musique en est assurément un pour lui, comme toute expression artistique - fait sens. Sa vie est une quête, un cheminement vers une lumière intérieure qu'il sait pouvoir toucher du bout de ses rêves, mais qui n'en finit pas de s'élever vers de nouvelles hauteurs.

    The World Begins Today, son nouveau disque repose sur les mêmes fondements que son prédécesseur, Imaginary Traveler, dont j'avais souligné les qualités il y a près d'un an et demi. Dans ma chronique pour Citizen Jazz, je concluais par cette phrase qui pourrait tout aussi bien s'appliquer à l'album qui vient de voir le jour : « On en ressort pacifié. A la fois exigeant et porteur d’une clarté mélodique, le disque suscite le plaisir et en dit long sur le sens qui le sous-tend. Imaginary Traveler est une proposition de partage et d’élévation qui ne se refuse pas. » À ceci près que le saxophoniste pousse plus loin encore les pions de sa passion sur l'échiquier tourmenté de la vie. Sa recherche de la lumière est plus intense, elle puise sa force dans la nécessité de surmonter une épreuve personnelle douloureuse, il la chante pour en partager tous les éclats. Et il y parvient, sans nul doute, avec une grande limpidité dans la transmission de ses émotions.

    Ainsi présentée, sa musique pourrait évoquer une quête aux confins du mysticisme, mais à son écoute, ce sont des sentiments beaucoup plus simples qui nous pénètrent. En particulier celui d'un état d'émerveillement qu'Olivier Bogé semble s'être défini comme ligne de conduite, celle qui doit le conduire à une forme de sagesse aux couleurs socratiques. On imagine bien dans ces conditions que l'amitié n'est pas chez lui un simple concept et que lorsqu'il a choisi de mettre en œuvre son second disque, The World Begins Today, il était exclu pour lui de ne pas s'entourer de proches avec lesquels la communication serait totale.

    De la première à la dernière note, cet album chante, livre des mélodies claires et émouvantes tout au long de neuf compositions tendues et compactes ; à leur service, trois amis (qui en sont vraiment) : Jeff Ballard à la batterie, Tigran Hamasyan au piano et Sam Minaie, le contrebassiste de ce dernier. Hamasyan connaît Olivier Bogé depuis de très longues années (treize pour être précis) et nul ne sera surpris par leur approche très voisine de la musique. Car le saxophoniste, qui a écrit en deux mois le répertoire de The World Begins Today, compose d'abord au piano (dont il joue d'ailleurs sur deux compositions), voire à la guitare, et au chant (tout comme son camarade). Ainsi, on comprendra mieux que c'est le registre de sa propre voix (qu'il fait entendre à plusieurs reprises sur le disque) qui détermine la tonalité d'une musique totalement sienne mais dont le groupe s'empare pour la peindre aux couleurs de son énergie collective. Car les personnalités ont beau être fortes, jamais n'émerge l'idée d'un leader ou même d'un guest de prestige vers qui se tournerait la lumière au détriment des autres. Au risque de décevoir celles et ceux qui, à la lecture du casting, attendraient les exploits d'une énième dream team réunie pour des raisons pas forcément artistiques ou ceux qui ne manqueront pas, ici ou là, d'en reprocher avec une pointe d'aigreur la constitution. Non, ce serait faire fausse route et c'est bien un groupe qui est à l'œuvre, un quatuor de l'équilibre dont le jeu fluide soulève la musique avec élégance, une musique écrite et concise qui sait ne pas accorder une place excessive aux chorus. Comme dans cette si belle « Dance Of The Flying Balloons » enluminée par un Tigran Hamasyan retenu et aérien ; ou sur « The Little Marie T. », qui débute par une voix d'enfant et qu'Olivier Bogé nous présente avec beaucoup de tendresse en s'emparant lui-même d'un piano aux notes cristallines. Tous les thèmes réunis en 53 minutes forment eux-même une histoire sensible dont la première narration est assurée par un saxophone alto chanteur - car il faut le souligner une fois encore, Olivier Bogé n'est pas un saxophoniste du cri des anches, ce qui n'exclut pas une expression toujours lyrique (« The World Begins Today ») - qui laisse la place qu'ils méritent à ses camarades (Sam Minaie et Jeff Ballard en toute complicité dans « Relieved », ou « Seven Eagle Feathers » par exemple). On soulignera aussi la beauté formelle de « Inner Chant » (le chant intérieur, encore et toujours…) aux accents délibérément Coltraniens, ceux qui se font entendre sur des compositions réflexives et étales comme « Wise One », « After The Rain » ou « Welcome ».

    The World Begins Today revêt pour Olivier Bogé une importance capitale, tant pour des raisons humaines qu'artistiques, on l'a compris. Il est synonyme de (re)naissance permanente aux yeux d'un artiste à la fois discret (bien trop à mon goût) et très engagé dans son art. D'ailleurs le titre le dit bien : le monde commence aujourd'hui ! C'est aussi celui d'un livre de Jacques Lusseyran dont la lecture d'une seule traite a provoqué tout récemment chez Bogé un choc émotionnel et existentiel majeur : « Toute la vie nous est donnée avant que nous la vivions, mais il faut toute une vie pour devenir conscient de ce don. Toute la vie nous est donnée dans chaque seconde. Le monde commence aujourd'hui. » Voilà donc un disque à mettre entre toutes les oreilles : sa musique, généreuse et humble à la fois (écoutez « Poem » qui ouvre l'album et s'avance vers vous avec une discrétion féline soulignée par le jeu à la main de Jeff Ballard), laisse parler les cœurs des quatre musiciens et touche le nôtre, pour peu qu'il batte (c'est une condition sine qua non). À bien des égards, elle a valeur d'offrande. C'est un disque cadeau dont il faut savoir apprécier la valeur et qu'il serait malvenu de refuser à une époque trouble où la haine de l'autre guide chaque jour un peu plus les conduites de tant de nos contemporains. Cet album éclairé de l'intérieur (dans un premier temps, il devait s'intituler Shades Of Light et s'annonçait déjà comme la célébration d'un jeu d'ombre et de lumière qu'on retrouve exposé dans le visuel de la pochette) nous autorise à ne pas totalement désespérer d'une nature humaine pourtant si prompte à nous tirer vers le bas. Ici, il faut regarder au contraire au-dessus de nos têtes, tout là-haut, là où passe la lumière. Et c'est un présent qui fait beaucoup de bien, il n'a même jamais été aussi indispensable.

  • Olivier Bogé - Imaginary Traveler

    oboge.jpgAttachante rencontre que celle de ce voyageur imaginaire dont le saxophoniste Olivier Bogé vient nous narrer les aventures ! Tout en élégance discrète, Imaginary Traveler est plus un disque de groupe qu’une œuvre de musicien. En effet, le saxophoniste Bogé ne cherche pas à tout prix à se mettre en avant de façon narcissique, tous chorus dehors ; il préfère jouer la carte d’un collectif assumé et laisser quand il le faut ses compagnons s’exprimer. Ici, il est question de musique, et de liberté d’inventer à plusieurs à partir des propositions du narrateur.

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    PS : j'écoutais cet album ce matin encore. Il était très tôt, un rayon de soleil avait pris ses quartiers d'été dans mon salon. Enfin ! Et là, j'ai vraiment savouré le plaisir singulier de cette musique humble, partageuse et irradiante.