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  • Equilibre du monde

    Je me suis trouvé l'autre jour - c'était à La Douera, juste après le beau concert du trio malien de Moriba Koïta évoqué la semaine dernière - face aux œuvres d'un peintre dont j'ignorais jusqu'au nom. J'imagine que Patrick Royer me pardonnera cette lacune, sachant que l'omniscience n'est pas exactement ce qui me caractérise. Cependant, mon dilettantisme accorde suffisamment d'espace à ce que je considérerais volontiers comme une capacité revendiquée et non réfléchie à me laisser submerger par une émotion. Impossible dans ces moments étranges de mettre des mots sur l'échange dont je suis alors comme un récepteur, d'abord passif, avant que le temps qui passe me laisse comprendre qu'une résonance vécue par instinct n'est autre que la matérialisation d'une rencontre inéluctable. Allez savoir pourquoi, en pleine contemplation d'un tableau comme World Balance, j'ai subodoré un décrochage assez imminent et un rapatriement de la toile vers son berceau. Chez moi, bien sûr...

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    World Balance, de Patrick Royer

    A l'heure présente, je n'ai même pas envie (ni besoin) de trouver une explication à ce phénomène. Je sais que l'artiste a voulu nous dire quelque chose, je sais également que mes passages répétés devant cette surface acrylique à la rigueur vacillante font naître en moi les premières histoires que m'inspirent ces alignements de lignes habitées de pointillés et ce que je veux voir pour l'instant comme un fossé central - de la pénombre à la lumière - qui semble les éloigner. Y aura-t-il une séparation ? Ou plutôt une réunion naturelle entre ces univers visiblement opposés ? Quant à l'appartenance de World Balance à une série d'œuvres d'inspiration tribale, elle est pour moi une ouverture à la fois vers le passé et vers l'avenir.

    Des questions avant tout, et surtout pas de réponse. Que serait la vie si nous avions toujours des réponses ? Le début de la fin, probablement... Pas pour moi, merci !

  • Place Stanislas

    Vous commencez à me connaître, n'est-ce pas ? Toujours le premier à miauler sous les effets d'une douleur diffuse et néanmoins perverse dès que l'automne avance, à me morfondre en états d'âmes pseudo-dépressifs à la première pluie, à couiner pitoyablement quand la grisaille perdure. Et jamais en peine pour établir la liste chaque jour plus longue des tares météorologiques dont  souffre la Lorraine depuis la nuit des temps. Enfin, la nuit des temps, finalement, je n'en sais rien, je parle ici de la nuit de mes temps. C'est-à-dire un bon paquet d'années maintenant, beaucoup plus qu'il ne m'en reste à vivre, assurément...

    Alors, puisqu'on parle de nuit, je voudrais corriger ici le tir, histoire de vous démontrer que je ne suis pas seulement un pourfendeur grimaçant des froidures orientales. Mais aussi, parfois, un béat truffe en l'air qui sait quand il le veut se réjouir d'un instant habité de magie. Gardez vos ricanements pour vous, je revendique ici haut et fort mon droit le plus absolu à une certaine part de romantisme. Non mais...

    J'ai traversé vendredi soir la Place Stanislas. Notez bien que c'est une chose qui m'arrive assez souvent. Sauf que... La nuit était déjà tombée depuis un petit moment, une pluie glaciale avait laissé sur les pavés autant de pièges qu'il est donné à un être humain de faire des pas. Et pourtant, il y avait quelque chose de très particulier, un peu hors du temps, qui flottait dans l'air ambiant, car j'ai vu ça !

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    En toute sincérité, je dois reconnaître qu'il faudrait être un fieffé pisse-froid pour ne pas admirer la magie du spectacle. Les façades illuminées, les réverbères diffusant une lumière tamisée et projetant sur la place leurs flammèches en forme d'étoiles, rejetant derrière elles une bien mystérieuse pénombre, les reflets sur le sol devenu miroir... Il y avait subitement comme la projection in vivo d'un film dont chacun d'entre nous était l'acteur, volontaire ou pas.

    Tiens, ce vélo qui semble glisser sous les coups de pédale d'un homme-ombre : où va-t-il ? Et plus loin, ce couple qui avance bras dessus bras dessous, vers quel refuge romantique peut-il se diriger ? On scrute derrière les fenêtres les clients installés sur la banquette de velours rouge d'un café où l'on doit certainement servir un capuccino bien chaud, surmonté d'une montagne de crème Chantilly. Et là, juste à côté, une vieille dame, assise seule, sirote un verre de vin blanc en grignotant deux ou trois bretzels un peu durs sous la dent. Tournant encore la tête, on devine les derniers signes d'une activité dans les bureaux de l'Hôtel de Ville. Et là, juste à côté, le Grand Hôtel de la Reine, majestueux, dont la bâtisse fait face à celle de l'Opéra, comme si tous deux voulaient aussi engager une conversation mémorielle.

    C'est bête, n'est-ce pas ? Le temps de prendre quelques photographies, je me suis raconté ces petites histoires, j'avais envie de me dire que la vie est aussi faite de ces pépites fugaces, ces fragments essentiels qui nous nourrissent et nous font avancer, le cœur un peu plus léger.

  • Ailleurs

    Ailleurs, vraiment ? Oui, peut-être, parce qu'on peut en effet se laisser gagner par un profond dépaysement, dès les premières notes jouées par Moriba Koïta au n'goni. L'Afrique, notre mère à tous, nous enveloppe et nous emporte, suscitant dans l'imagination des enfants que nous sommes restés des images brûlées de chaleur, vibrant de puissants appels à un partage des émotions essentielles. Mais sommes-nous bien ailleurs ou plutôt ici-même, profondément, au cœur des méandres de notre complexité, celle de l'âme humaine et de sa mémoire éternelle, quand la musique vient chavirer d'un ondoiement recueilli le public venu à La Douëra pour écouter le trio du musicien malien ?

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    Moriba Koïta (n'goni), Moussa Diabaté (balafon), Maryam Sonntoura (chant)

    Revenons quelques instants sur le n'goni, que j'avoue avoir découvert à cette occasion. Il s'agit d'un instrument traditionnel appartenant à la famille des luths, dont le bois est recouvert d'une peau de vache. Ses quatre cordes en nylon sont fixées sur un chevalet en calebasse. Auparavant, elles étaient en crin de cheval mais, comme nous l'a malicieusement rappelé Moriba Koïta, on n'a pas toujours un cheval avec soi quand on casse une corde... Par un raccourci un peu trop rapide, on pourra dire que le n'goni est une sorte d'ancêtre du banjo. Voilà pour la précision instrumentale.

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    Aux côtés de Moriba Koïta, Moussa Diabaté joue du balafon (un xylophone à vingt et une lames) et de la guitare acoustique. Maryam Sonntourra (dite Kadiaba) chante et danse, dans une imploration particulièrement saisissante. Le trio devient alors hypnotique, il ne reste plus qu'à fermer les yeux, à se laisser bercer au gré de la pulsion douce et sensuellement chaloupée qui en émane. A toucher du bout des rêves l'idée d'une humanité qui serait une et indivisible, et dont tous les regards seraient braqués vers le meilleur. Un rêve, oui certainement... mais auquel on veut croire, tout de même. Des enfants, je vous le répète, nous sommes toujours des enfants.

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    Maryam Sonntoura & Marie Ossagantsia

    C'est à l'initiative de Marie Ossagantsia que le trio a pu venir nous inoculer sa musique si pacifique et je ne surprendrai personne – en tout cas parmi ceux d'entre vous qui la connaissent – en vous disant que la chanteuse a, forcément, partagé la scène avec ses invités, le temps de deux ou trois compositions enivrantes. Il faut voir les deux femmes, magnifiques, engager un dialogue habité, s'encourager par d'irrésistibles sourires (décidément, c'est le maître mot en ce qui la concerne, voir à ce sujet une note récente...) et nous conquérir tous par la transmission d'un amour puissant. Et s'il est vrai qu'on ne vient pas ici, par un jour d'automne désespérément gris et sans espoir de lumière, pour offrir la moindre résistance à nos émotions, il est encore plus vrai que cette musique paraît très propice à l'abandon, au lâcher prise.

    A vous les artistes, merci.

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    Moriba Koïta, Marie Ossagantsia, Maryam Sonntoura, Moussa Diabaté

  • Steve Reich - Double Sextet - 2 X 5

    cover.jpgInutile de perdre son temps à trop regarder dans le rétroviseur des années 60 et 70, au risque de s'égarer dans la nostalgie d’une période un peu folle. Celle où Steve Reich, un des chantres de la musique minimaliste avec Terry Riley ou Philip Glass, proposait des œuvres radicales telles que It’s Gonna Rain (1965), Come Out (1966), Four Organs (1970) ou bien encore le fascinant Drumming (1971) et ses 56 minutes de percussions et de chœurs en un flux continu.

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  • Improvisions, le retour

    Il y a quelque temps, j'ai évoqué ici la publication à venir d'un très beau disque enregistré par le pianiste Murat Öztürk et le guitariste designer sonore Jean-Pascal Boffo. Tous deux venaient de me faire l'honneur de m'associer à leurs Improvisions en me demandant de rédiger un texte pour le livret du disque. Soit une gouttelette créative dans leur belle rivière imaginaire...

    Une vraie responsabilité, un peu d'angoisse aussi, la peur de tomber à côté de la plaque... C'est pourquoi j'aimerais, en quelques lignes, tenter de m'expliquer sur la façon dont j'ai envisagé cette (modeste) collaboration.

    3915994709.jpgLorsque j'ai reçu le disque et le visuel de la pochette (qui incluait les notes écrites par chacun des musiciens), j'ai – comme on s'en doute – pris le temps d'écouter dans un grand silence cette musique improvisée, sans vraiment réfléchir. Murat et Jean-Pascal avaient par ailleurs déjà fourni dans leurs propres textes des informations suffisamment documentées sur leur travail pour que je n'aie pas à me perdre en considérations trop descriptives ou factuelles. Alors j'ai voulu jouer le jeu des Improvisions, en ce sens que j'ai noté sur un bout de papier les premiers mots, les premières images qui me venaient à l'esprit en écoutant le disque. Eux-mêmes ayant improvisé, je leur devais une écriture qui repose sur une trame la plus spontanée possible. Mes visions improvisées, en quelque sorte... Je précise ici que j'ai procédé exactement de la même façon pour construire les 57 textes de l'exposition Portraits Croisés, en association avec mon ami Jacky Joannès (avis à la population : un livret numérique est en préparation, avec toutes les photos, tous les textes, des bonus... Tout cela sera prêt au mois de décembre).

    Ne me demandez pas pourquoi, en écoutant Improvisions, j'ai vu, tout de suite, des paysages un peu sauvages, des arbres, des collines, des vallées et un grand lac sur lequel rebondissaient en ricochets de petits cailloux, probablement lancés par Jean-Pascal Boffo ! Le disque semblait m'inviter à un voyage imaginaire et m'offrait un panorama où se dressait un pont (à n'en pas douter inspiré par le précédent disque de Murat Öztürk, Crossing My Bridge).

    La forme générale étant dégrossie, j'ai entrepris de polir mes phrases, en cherchant à préserver la dimension poétique des visions qui avaient surgi en moi. C'est là certainement la phase qui vous ronge le plus, celle de la sculpture, du ciselage des détails et des interrogations : est-ce que ces mots véhiculent leur propre musique ? sont-ils un reflet suffisamment fidèle de ce que le disque donnera à entendre ? a-t-on le droit d'imposer sa propre lecture, au risque d'égarer celui ou celle qui va acheter Improvisions ?

    Aujourd'hui, le disque est là et le texte que j'ai écrit illustre non seulement son livret mais sert aussi à sa promotion. Je croise les doigts pour que mes drôles d'illuminations soient avant tout une incitation à le découvrir.

    Par conséquent, je m'autorise à en faire un peu de publicité supplémentaire en vous indiquant ci-dessous le bon chemin pour le commander.

    Vous pouvez télécharger le bon de commande en cliquant ICI.

  • Abécédaire

    Si l'on veut bien faire abstraction :
    - d'une promotion qui fleure bon le copinage entre membres d'une même famille médiatique ;
    - de l'énervement qui peut assez vite vous gagner à constater que l'auteur du bouquin manifeste une certaine tendance à se mettre en scène aux côtés des artistes qu'il honore ;
    - d'une accumulation de tics de langage et de formules à l'emporte-pièce qui tiennent moins bien la route tout au long des 700 pages d'un livre qu'au cours des 30 minutes d'une émission comme Rapido et qui finissent par susciter chez le lecteur un début de lassitude ;
    - des raccourcis assez simplistes dont l'auteur en question abuse un tantinet, notamment quand il prétend régler leur compte à des mouvements musicaux comme le rock progressif ou le jazz-rock ;
    - de l'oubli systématique du premier h dans la locution anglo-saxonne « rhythm'n'blues » ;
    - de quelques fautes de français très en vogue comme par exemple : « c'est DE lui DONT je veux dire deux mots » (page 90)...

    dar_decaunes.jpgAlors on pourra prendre un vrai plaisir à la lecture du Dictionnaire Amoureux du Rock signé Antoine De Caunes et paru tout récemment chez Plon. Même si, en l'occurrence, le dictionnaire est ici en réalité un abécédaire malicieusement subjectif par lequel l'animateur – réalisateur nous raconte une myriade d'histoires croustillantes et nous fait partager ses coups de cœur musicaux depuis sa plus tendre enfance. Surtout, De Caunes réussit vraiment son coup lorsqu'après la lecture d'un chapitre, on est pris du désir irrépressible de se ruer sur l'un ou l'autre des disques qu'il met en surbrillance : difficile en effet de ne pas avoir envie de se replonger illico dans les univers de J.J. Cale, Procol Harum, Ry Cooder ou Neil Young, de dépoussiérer le Blues From Laurel Canyon de John Mayall qu'on se surprend à ne pas avoir écouté depuis vingt ans au moins ou, cerise sur le gâteau, de faire tourner à nouveau sur la platine le somptueux Manassas de Stephen Stills dont j'avais déjà brossé un portrait dithyrambique au printemps 2006.

    En ce sens, le bouquin est une réussite ; on lui pardonnera d'autant plus volontiers ses défauts génétiques qu'il est aussi l'occasion de se repaître de quelques phrases qu'on voudrait faire siennes. Ainsi, dans le portrait qu'il consacre à Burt Bacharach, Antoine De Caunes en vient à évoquer celui qui avait adapté l'une de ses chansons, l'inénarrable Claude François : « ...avec Cloclo, en 65, qui chantait 'Quand un bateau passe' (…) ponctuant sa tristesse de ses célèbres couinements de belette constipée ».

  • Sourires

    jeannette dalia curta,marie ossagantsia

    Jeannette Curta & Marie Ossagantsia © Maître Chronique

    Parfois, une photographie vaut tous les discours... Hier soir, Jeannette Dalia Curta se produisait à Villers-lès-Nancy avec ses musiciens dans le cadre du Festival Vand'Influences. Une soirée entre jazz, soul, funk, chanson, bossa nova ou influences directes de sa terre d'origine, la Roumanie. Juste après le concert, elle retrouvait sa complice Marie Ossagantsia – dont il a déjà été question ici et qui faisait partie des 57 « Portraits Croisés » mis en scène dans le cadre de l'exposition réalisée avec mon pote Jacky Joannès au mois d'octobre. Ces deux-là se connaissent bien et l'on en viendrait à appeler de nos vœux une prestation à deux voix. On devine déjà que le grand gagnant de ce duo de charme serait le sourire !

  • IMA bien plu

    Allons allons, les pleurnicheries automnales ne sauraient tenir lieu de fil conducteur à mon petit laboratoire textuel... La tentation est grande pourtant : tenez, pas plus tard qu'hier soir, j'ai détruit mon parapluie. Un gros coup de vent, le machin fabriqué chez les Chinois se retourne violemment et se désintègre, sans le moindre cri de souffrance. Je pense toutefois avoir battu mon record personnel en maintenant en vie l'objet protecteur durant plus de six mois. D'habitude, c'est deux ou trois, rarement plus... Eh bien vous savez quoi ? Ça m'a fait marrer ! Je me suis dit que la prochaine fois, je choisirais un robuste modèle made in Aurillac en non pas en RPC, comme disent les marchands avides. Certes, la chose me coûtera quelques brouzoufs de plus, mais j'aurai ma conscience pour moi.

    Pourquoi est-ce que je vous dis tout ça, au fait ? Ah oui : hier soir donc, plutôt que de me morfondre en lamentations pluvio-lorraines (je compte bien cependant m'adonner régulièrement à cette activité maniaco-dépressive dans les semaines à venir), j'ai bravé la pluie battante pour rallier la petite salle du Quai Son où, un lundi sur deux environ, se tiennent les lundis de l'IMA, sous la houlette de Jean-Marie Viguier. Je ne vous en dis pas plus sur ce sympathique rendez-vous nancéien et néanmoins musical, sachant que j'ai dans mes cartons un petit entretien avec le monsieur pour Citizen Jazz.

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    Jean-Marie Viguier © Jacky Joannès

    Le Quai Son – qui tire son nom de son implantation Quai Claude Le Lorrain et de sa nette tendance à émettre des sons – est une petite salle, avec un bar, quelques tables et chaises. Au fond, une scène. Voilà, c'est aussi simple que ça, mais on pourra ajouter que le lieu est plutôt accueillant, avec sa lumière tamisée, son public à effectif variable mêlant musiciens et autres habitués qui finissent par former un petit club. Hier soir, l'invité était le saxophoniste Vincent Thékal entouré de ses trois complices belges : Laurent Melnyk à la guitare, Michel Vrydag à la basse (et aux compositions), Kris Duerinckx à la batterie.

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    Vincent Thékal © Jacky Joannès

    Voilà un combo tout en énergie savante dont le jazz élaboré n'a jamais manqué un seul instant de cette composante essentielle qu'on pourrait baptiser la vi(e)vacité. On me pardonnera ce quasi néologisme qui me semble un bon raccourci du ressenti à l'écoute du répertoire de Vincent Thékal. Les compositions originales du groupe sont entrecoupées de quelques reprises parmi lesquelles celles de Wayne Shorter sont en bonne place (« Juju », « Speak No Evil »), ce dont on ne saurait se plaindre. Une heure et demie dans une ambiance presque cosy, à écouter une musique vivante : franchement, que voulez-vous demander de plus en ces heures grises ?

    On attend le prochain rendez-vous...

  • Sixun Live 2009

    sixun-live-in-marciac.jpgEn 2008, après dix années de silence de la part du groupe, mis à profit par ses musiciens pour s’accomplir dans d’autres expériences, Sixun était revenu sur le devant de la scène avec Palabre, un disque tonique et ensoleillé qui affirmait plus que jamais sa volonté de produire une musique désireuse d’ouvrir les fenêtres du jazz à tous les courants d’air du jazz. Publié au printemps 2010, Sixun 2009 Live In Marciac...

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  • Je vais vous montrer qui c'est Raoul

    Je déambulais l'autre jour au deuxième étage du Musée des Beaux Arts de Lyon, cette ville qui est en train de devenir petit à petit une terre d'adoption, avant, pourquoi pas, un ancrage de plus longue durée... Ce n'était pas ma première visite à ce lieu élégant, puisque j'avais déjà eu l'occasion de me laisser dériver au milieu de toute la série de toiles léguées par Jacqueline Delubac. J'avais en mémoire une œuvre de Raoul Dufy appelée "L'Atelier aux raisins", dont le charme avait eu sur moi un fort pouvoir de séduction.

    Je ne connais pas grand chose en matière de peinture. Je suis et resterai un profane existentiel : ma seule et vraie joie, lorsque j'arpente les salles d'un musée, c'est la contemplation intuitive, la truffe en l'air. Je me plante brutalement devant un tableau qui semble me parler plus qu'un autre, un peu comme un idiot béat, j'avance pour scruter tel ou tel détail, je recule, non sans pester contre cet autre crétin qui, entre temps, se sera glissé dans mon champ de vision. Et qui a toujours de grosses fesses, allez comprendre... Nulle tentation encyclopédique de ma part, je fonctionne à l'instinct, sachant parfaitement que mon ignorance laisse sur le bas côté des tas de choses passionnantes mais... pas le temps d'être au four et au moulin. Déjà que la musique me fait comprendre à quel point je ne connais qu'une misérable goutte de son océan... Je ne parle même pas de tous les bouquins que je ne lirai jamais et qui développent chez moi une pénible boulimie inquiète m'obligeant à en lire cinq ou six simultanément, sans être jamais certain d'en finir aucun...

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    Avec la peinture, j'entretiens donc des relations amicales et très détendues finalement. Alors quand je suis tombé en arrêt devant une autre toile de ce cher Raoul, j'étais bien, sans chercher à comprendre les raisons profondes de mon bien-être d'un instant. C'était "Le Cargo Noir", peint en 1952, soit un an avant la mort du peintre, à l'âge de 76 ans. Ne me demandez pas d'explications techniques, je ne suis pas le bon client pour ça. Mais ces petites scènes faussement naïves et comme juxtaposées au gré de l'inspiration inventive et colorée de Raoul Dufy font couler dans mes veines un peu du sang frais qui fait tellement défaut à notre quotidien si gris.

    C'est aussi simple que ça...

  • Monautomne

    J'ai hésité entre deux titres pour cette note d'humeur morose. Au départ, je pensais à Douleurs d'Automne et puis, en regardant la photographie prise cet après-midi quelque part dans la campagne des environs de Nancy, en m'apercevant de plus que sans avoir effectué le moindre réglage préalable de mon petit compagnon sino-japonais, j'avais capté un paysage qui semblait avoir perdu de lui-même toutes ses couleurs, faisant naître chez moi une très pénible sinistrose.

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    A l'évidence, je suis un dépressif automnal... Les effets désastreux de cette maladie chronique annuelle sont renforcés chez moi par une détestation toujours plus grande du climat lorrain. Du côté de par ici, l'été fait montre d'une mesquinerie sans égale, en pointant très timidement le bout de son nez à la fin du mois de juillet pour filer au loin dès le début du mois d'août. Et encore, pas tous les ans : j'ai connu des années sans été... Tout le reste de notre calendrier n'est qu'une immonde pataugeoire pseudo hivernale : grisaille, pluie, froid, nuages bas, vent d'est ou du nord. Ici, nous accueillons généreusement les dépressions venues de l'ouest qui semblent trouver chez nous un terrain propice à leur épanouissement, au point qu'après avoir très péniblement franchi la célèbre barrière plus connue sous le nom de ligne bleue des Vosges, elles nous reviennent toutes ragaillardies quelques heures plus tard sous la douce appellation de retours d'est. Saloperies...

    Qu'on me donne les pleins pouvoirs ! Je supprimerai dès le premier jour par décret les mois de novembre, décembre, janvier... et même février, tant qu'on y est.

    Et juste avant ma destitution, je m'autoriserai par ailleurs à expulser de notre territoire quelques nuisibles qui se vautrent sous nos yeux ébahis dans une indécente politique de caniveau... Chance dans notre malheur météorologique, avec toute la pluie qui tombe dans le coin, ils fileront très vite rejoindre les égouts dont ils n'auraient jamais dû s'extraire.

    Et comme il me reste – tapi très profondément en moi – un vieux reste d'optimisme béat, et certainement stupide, j'imposerai comme hymne national cette version inoxydable de « My Favorite Things » par John Coltrane. On a fêté tout récemment les cinquante ans de cet enregistrement, qui constitue un remède très efficace à la morosité ambiante dont j'ai conscience de me faire l'écho aujourd'hui...

  • Keystoned

    Week-end de la Toussaint, un ciel de plomb coiffe la ville de Lyon. Pluie, nuages, pluie, nuages... Rien de bien réjouissant au-dessus de nos têtes, mais c'est ailleurs qu'il faut chercher le soleil. Celui de la musique par exemple. Alors direction La Clef de Voûte, ce petit caveau niché sur les pentes du quartier de la Croix-Rousse... On se presse autour des quelque soixante sièges qui attendent le public venu nombreux, on se tasse au besoin pour applaudir une bande de jeunes musiciens réunis sous l'appellation très opportune de Keystone Big Band.

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    Ceux-là vont nous proposer leur relecture souriante de Count Basie, Duke Ellington, ou de compositions originales concoctées par François Théberge qui fut le professeur de bon nombre d'entre eux. Et n'en déplaise à un éminent jazzologue hexagonal qui leur reproche un académisme préoccupant (sic) ainsi qu'un intérêt trop marqué pour la note au détriment de la musique, force est de constater que les deux sets proposés par ce big band ont sévèrement réchauffé l'atmosphère et insufflé au public une sacrée dose d'énergie bienfaisante. Sous la houlette de Frédéric Nardin (piano) et Jon Boutelier (saxophone ténor), ces jeunes artificiers n'ont pas cherché midi à quatorze heures en partageant tout simplement leur plaisir d'être là. Les thèmes s'enchaînent, chacun y va d'un chorus pétulant, les sourires circulent entre les pupitres et c'est très bien ainsi. Le Keystone Big Band allie le classicisme d'un répertoire patrimonial à la fougue de sa jeunesse : le cocktail est savoureux, inutile donc de rallier le camp des esprits chagrins...

    Allez, c'est le moment d'en reprendre une petite gorgée... A votre santé ! Vous avez même le droit d'en abuser...

    Un court extrait du concert du Keystone Big Band à la Clef de Voûte (Lyon), le lundi 1er novembre 2010. Ses dix-sept musiciens interprètent "Suburban Beauty" de Duke Ellington.

  • The Living Tree

    living_tree.jpgLa surprise est bonne, finalement... Quand deux membres historiques du groupe Yes, groupe phare du rock progressif (si ce jargon ne vous parle pas, je vous suggère un petit détour par le bouquin éponyme d'Aymeric Leroy, dont je me suis fait l'écho dans Citizen Jazz), proposent un disque d'excellente facture, on est saisi par une impression, plutôt délicieuse, qui est celle du temps qui s'arrête. Alors que le groupe a donné le meilleur de lui-même durant la première moitié des années 70, avant de se perdre dans un nombre assez étonnant de dissolutions / reformations plus ou moins judicieuses, au gré desquelles on aura surtout eu envie de se replonger illico dans les grands albums que furent The Yes Album, Fragile, Close To The Edge, Songs From Topographic Oceans et Relayer, certains membres ont été les acteurs de ces changements multiples, d'autres pas… Histoires d’égos, histoires d'argent... Ecartés d'une récente tournée de Yes, Jon Anderson (chant) et Rick Wakeman (piano, claviers) ont enregistré The Living Tree durant les mois de septembre et d'octobre 2010, un album au format court (43 minutes, comme au bon vieux temps) composé de neuf chansons elles-mêmes plutôt brèves, dont certaines avaient trouvé leur place dans une tournée acoustique des deux musiciens en 2006.

    Il faut plutôt situer leur musique dans l'esprit d'une autre collaboration, aujourd'hui trentenaire, celle du même Jon Anderson avec Vangelis (qui fut durant quelque temps pressenti pour intégrer Yes en remplacament de Rick Wakeman au printemps 1974, avant d'être préféré au Suisse Patrick Moraz. Vous me suivez ? Non ? Pas grave...), le temps de quelques albums tels que Short Stories ou The Friends Of Mr Cairo. Soit un duo pacifié où la voix de Jon Anderson – plus fragile, plus nasale, comme un peu enrouée parfois – exerce le même pouvoir de séduction qu'aux plus beaux jours. Les paroles, qu'il a toutes composées, ont perdu tout le côté abscons des textes écrits avec Yes pour laisser la place à des élans qui expriment les croyances de leur auteur en une religion unique et traduisent sa dévotion à son gourou du moment, Audrey Kitagawa. Rien de bien méchant, donc, à défaut d'être inoubliable... A ses côtés, Rick Wakeman a renoncé aux grands effets de manches et à l’esbroufe pour afficher une certaine sobriété au piano, qu'il complète parfois de nappes sonores plus synthétiques.

    A la première écoute, on se dit qu'on tient là ce qui pourrait être le noyau dur d'un futur répertoire de Yes... qui ne verra probablement pas le jour. Il est difficile en effet de savoir si The Living Tree n'est qu'une jolie parenthèse dans une vie musicale qui est un peu moins enchantée ou s'il peut constituer le ferment d'une nouvelle page de l'histoire d'un groupe dont les plus belles heures méritent de rester en bonne place dans notre mémoire. En attendant la réponse à cette question, on ne perdra pas son temps à consacrer 43 minutes à découvrir le disque.

  • Signatures Edition

    Cover_6005-2.jpgNous sommes en 2010, le disque connaît une crise sans précédent au point que sa disparition est programmée dans l’esprit de beaucoup d’experts ou prétendus tels, dans un contexte économique où, malgré des difficultés avérées, le nombre de références publiées semble, lui, ne pas manifester de fléchissement. Pas simple, donc, de s’y retrouver dans le foisonnement des publications et de procéder aux bons choix lorsqu’il s’agit d’engager une dépense.

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