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Difficile d'échapper à ce sentiment qui me gagne à chaque fois que je me rends à Verdun, ma ville natale : je m'y sens bien, malgré l'absence définitive de ceux qui y ont posé leurs valises il y a bien longtemps et qui on fait de moi un enfant de cette ville. L'ambiance est plutôt paisible, le cadre a connu au cours de la période récente un réel embellissement qui favorise la déambulation et les flâneries piétonnes, à défaut de contenter les automobilistes qui doivent aujourd'hui s'éloigner de quelques dizaines de mètres du centre ville pour garer leurs véhicules.
Nous retrouvons un couple d'amis blogueurs qui ont adopté cette ville et qui s'y sentent plutôt bien. Ces nouvelles relations sont agréables car, au-delà du plaisir des instants passés, elles sont une manière d'ancrer à nouveau le présent dans le passé et de tendre au mieux la corde vitale, celle qui relie l'avant et l'après.
Au détour d'une rue, je retrouve l'ancienne entrée de ma première école primaire. Me reviennent aussitôt à l'esprit ces images de l'enfant que j'étais et qui, trop pressé de retrouver ses camarades de classe un jour de pluie, s'était étalé de tout son long dans une immense flaque d'eau.
Petit retour en arrière sur un moment hors du temps, probablement le plus beau avec le Serbie Academic Choir Coll et ses chanteuses magnifiques, offert par le Festival International de Chant Choral de Nancy. Avec un magnifique ensemble, une interprétation au cordeau, un répertoire exigeant mais jamais austère, un humour élégant et un arc-en-ciel pour les yeux, le Japan Tokyo Trouvere a suscité l'émerveillement. De quoi inspirer les chorales locales dont le manque d'ambition artistique et l'amateurisme étaient flagrants, un peu à l'image de l'enseignement de la musique en France, trop souvent frileux, embourgeoisé et académique. Vivement la prochaine édition en 2012 et la plongée dans d'autres cultures.
Retour en quelques mots sur une soirée de musique comme on en souhaiterait un peu plus, du côté de Nancy. En dehors de son festival annuel, le jazz, finalement, se fait rare du côté de chez nous... Pas étonnant donc que dans ces conditions et malgré une époque peu favorable, celle des vacances scolaires, le Vertigo fût plein comme un œuf, au détriment, avouons-le, du confort des spectateurs. Parce qu'en l'occurrence, deux options se présentent à vous lorsque vous y pénétrez : prévoyant, vous avez réservé vos places et vous vous retrouvez assis à une table dans une position bizarre vous obligeant à tourner la tête à 90° pour voir la scène et encourir le risque d'un torticolis, sauf si vous décidez de faire contre mauvaise fortune bon cœur et de contempler votre voisin d'en face durant toute la soirée, ce qui peut constituer une redoutable épreuve pour le cas où sa trombine ne vous reviendrait pas. Si au contraire, vous êtes imprévoyant, vous chercherez les dernières places assises et devrez vous contenter d'écouter le concert, ce qui, tout de même, est un peu dommage. A moins que vous n'optiez in fine pour l'option debout et là, vous pouvez vous accouder au comptoir et tourner le dos aux musiciens ou bien, pour finir, décider de vous planter au fond de la salle, face aux artistes et de profiter à plein du spectacle.
Imprévoyant et debout, voilà ce que j'étais en ce soir du 9 avril 2009.
Bien m'en a pris, parce que le Bernica Octet, sous la direction de François Jeanneau, est une formation des plus réjouissantes ! Apparue pendant les années 90 puis évanouie avant de ressurgir à l'instigation de René Dagognet, cette famille de musiciens lorrains cornaquée par le saxophoniste - à ce sujet, je signe illico des deux mains pour avoir cette allure de jeune homme à 74 ans - propose un jazz chatoyant, formidablement arrangé et dynamité par quatre soufflants (trois sur quatre se prénommant François... : Guell, feu follet à l'alto, figure historique de la famille Emil 13 avec son complice Pierre Bœspflug ; Cochet, tromboniste des plus attachants ; Jeanneau, forcément !), eux-mêmes soutenus par une rythmique alliant souplesse et belle présence, notamment sous la conduite de Jean-Luc Déat à la contrebasse. Il faudrait citer tout le monde, ne pas oublier Christian Mariotto à la batterie et Denis Moog, enlumineur guitariste. Le groupe a joué ce soir-là l'intégralité de son tout nouveau disque : Very Sensitive, belle galette qui mêle les compositions de François Jeanneau, certaines inédites et d'autres déjà connues, comme « Kel Essouf » et « Scratchbook » qui remontent au trio Humair - Jeanneau - Texier et plus précisément Update 3.3. aux contributions de François Guell et Pierre Bœspflug. Musique savante, mais jamais laborieuse, imprégnée d'une grande fraîcheur (aucun doute là-dessus, les musiciens s'amusent visiblement sur scène et sur disque) et débordant de sève, le jazz du Bernica Octet est affaire de gourmet. C'est avec le plus grand plaisir qu'on goûte le saxophone soprano de François Jeanneau, haut perché et volubile, comme il le démontre par exemple sur « Very Sensitive ». Ce type-là est un as, ne l'oublions pas et ça ne date pas d'hier (ah, mon album de Triangle acheté l'année de mes 15 ans...). Ses camarades sont loin d'être en reste, la machine tourne bien, sans effort apparent, mais avec une redoutable efficacité. On prend du plaisir en leur compagnie. On en redemande. Parce que cette musique est vivante, tout simplement.
FrançoisJeanneau (sax soprano, direction), René Dagognet (bugle, trompette), François Guell (sax alto), François Cochet (trombone), Pierre Bœspflug (piano), Denis Moog (guitares, oud), Jean-Luc Déat (contrebasse), Christian Mariotto (batterie).
En écoute : « Simple Valse Champêtre », de François Jeanneau.
On n'arrête pas le progrès... Voilà qu'hier matin, un jeune homme m'aborde dans la rue, tout près de la Maison Rose, pour me demander l'adresse d'un vétérinaire. Son chat blessé, qu'il tient avec beaucoup de précautions emballé dans une couverture, semble avoir mal supporté une chute de plusieurs étages. Je ne suis pas certain d'ailleurs que j'aurais résisté à un tel exploit sportif, raison pour laquelle je considère le sport avec une réelle défiance, sachant - les statistiques le prouvent - qu'il n'est guère bon pour la santé...
Ooops ! Un vétérinaire ? Alors là, mon pauvre monsieur, je ne saurais vous dire, y a pas de bestioles à la maison, alors je ne les pratique pas vraiment ces médecins animaliers. Ah mais que je suis bête* ! Attendez donc, je dois pouvoir vous aider... Là, ni une ni deux, j'extrais de ma poche mon téléphone supersonique, j'arrête le disque que je suis en train d'écouter (Very Sensitive, petit bijou du Bernica Octet dont je vous reparlerai), tap tap, je file sur les Pages Jaunes, je saisis le mot vétérinaire, je me géolocalise (c'est un mot à la mode ce truc alors j'en profite avant qu'il ne passe aux oubliettes de la technologie) et tap tap encore... trois secondes plus tard, j'apprends que la clinique la plus proche se trouve... à 190 mètres de l'endroit où nous trouvons ! Bou Diou, on a du bol... Tap tap toujours et encore, j'affiche maintenant l'itinéraire piéton. Et nous voilà tous les trois en partance pour cette unité de soins si convoitée. Dès notre arrivée, je m'éclipse discrètement, sous les remerciements chaleureux du monsieur qui m'explique que j'ai sûrement sauvé son chat. Merci merci merci, mais vraiment, je n'y suis pour rien, le sauveur, c'est mon téléphone, hein ? C'est beau, non, la technique moderne ?
Sauf que... Si j'étais un type normal, avec une mémoire un peu moins anarchique, je ne devrais pas ignorer l'existence de cette clinique vétérinaire installée à deux minutes à pied de chez moi et devant laquelle j'ai dû passer, à pied, en voiture ou à cheval des centaines, voire des milliers de fois. Mais j'ai cette faculté, assez déroutante, de zapper et oublier assez vite les détails de l'environnement urbain dans lequel j'évolue au quotidien. Qu'une enseigne change dans une rue commerçante et je n'ai plus le moindre souvenir de celle qui s'affichait auparavant. C'est comme ça, je fais avec...
Comme disent les hommes politiques qui veulent se faire passer pour des férus d'informatique alors qu'ils n'y connaissent rien**, il va falloir que je change mon logiciel... ou qu'au minimum, je procède à une sérieuse mise à jour.
Tap tap !
* Humour... ** Cette remarque pouvant s'appliquer à d'autres domaines, d'ailleurs...
Zut, je viens encore de me faire griller ! Voilà des semaines que je voulais vous parler d'un disque surgi de nulle part, un double album qui est beaucoup plus que ça en réalité, c'est un objet splendide avec de la musique, des textes, des photos, ce genre de disque qu'on veut posséder pour le toucher, le palper et qu'il ne nous viendrait même pas à l'esprit de télécharger légalement : Sans Tête, c'est son nom, est signé du Surnatural Orchestra. Une bande de fous joyeux, car ils sont plus de vingt, un Big Band qui souffle à pleins poumons une musique de vie comme il faudrait pouvoir en écouter beaucoup plus souvent. Avec ce disque enregistré en concert, on sent que ça vit, que ça respire, sous nos yeux ou plutôt sous nos oreilles, ça invente, ça cherche et ça trouve ! Sans Tête est un beau manifeste, un acte de résistance à tous les formatages en vigueur, un décapsuleur de cerveau disponible. Pratiquant le soundpainting, les musiciens du Surnatural Orchestra nous embarquent pour un voyage dont la destination ne nous est pas connue au moment du départ. Je me suis fait griller donc, parce que je viens de tomber sur une chronique de cet album dont je pourrais revendiquer chacun des mots. Ça m'apprendra à tergiverser, la prochaine fois, promis, je serai plus réactif... Alors, pourquoi vous imposer une double lecture qui pourrait vous sembler fastidieuse ? Allez donc tout simplement faire un petit tour par ICI !
Les amoureux de Robert Wyatt devraient en toute logique se précipiter sur ce beau bouquin paru aux éditions Æncrages & Co au mois de février 2009. Car cette Anthologie du Projet MW rassemble les dix années de collaboration entre Jean-Charles Marchetti (peintre et... traducteur) et Robert Wyatt, une longue période pendant laquelle tous deux ont échangé des courriers et se sont rendu visite pour peaufiner leur travail. Un beau cadeau sous forme d'illustrations et de traductions de 80 chansons écrites par le doux et singulier chanteur poète anglais. Un vrai travail d'équilibriste des mots tant les textes originaux pourraient paraître impossibles à faire vivre dans une autre langue que celle de leur créateur. Et pourtant, ça marche ! Marchetti a su respecter l'esprit et la lettre, conférant à ses traductions la même folie douce que celle qu'on savourait chez Wyatt, sans oser, parfois, se dire qu'on ne comprenait pas toujours le sens des paroles ou qu'on butait ici ou là sur un néologisme idiomatique dont l'équivalent français nous échappait. Ici, tout semble s'éclairer, nous donnant l'envie de remonter à la source et de goûter le monde bariolé et politiquement engagé du grand Robert, dont certains manuscrits, ici reproduits, deviennent comme autant d'objets d'art. Ce bouquin est vendu à un prix modique (moins de 20 €) avec un CD qui permet d'écouter une interview de Robert Wyatt. Que demander de plus ?
Un petit coup d'œil sur Paris, hier matin assez tôt. Ciel bleu, encore peu de touristes déboulant en hordes plus ou moins contrôlées, le temps est presque estival. Non, pas presque, il est estival. Les rares coureurs du matin transpirent déjà à grosses gouttes, certains semblent glisser comme par magie sur les pavés disjoints, d'autres s'infligent des souffrances qu'ils ne méritent probablement pas. J'ignore l'objet de leur rédemption, mais leur souffle rauque, leur visage violacé, leur transpiration animale est inquiétante. Nous marchons, à très faible allure, pour profiter au mieux de ces instants un peu mystérieux. Voilà pour le coup d'œil qu'on soulignera d'un... coup de nez ! Car la réalité se rappelle à nous à chaque fois que nous passons sous un pont, là où un incomparable fumet de pissotière nous saute au nez. Il y a le Paris des cartes postales, Paris la ville lumière, Paris des monuments, Paris des musées, Paris des grands boulevards... mais aussi Paris de la misère, qui dort enveloppée dans un vieux sac de couchage, à nos pieds.
PS : avis à l'abruti de motard qui slalomait hier à 18 h27 sur la Francilienne entre la sortie 14 et la sortie 15 en direction de Nancy et qui a dégommé mon rétroviseur d'un coup de coude au prétexte, semble-t-il, que mon véhicule avait la drôle d'idée de rouler sur la file de droite à la vitesse réglementaire et que celui qui nous doublait roulait à peine plus vite, l'empêchant de se livrer à son gymkhana en bande casquée : tu ne perds rien pour attendre, j'ai ton numéro, mon gars, ça s'appelle un délit de fuite !
Magma. Oui, encore Magma. Parce qu'au détour de la publication de « Live in Tokyo », un double CD enregistré en 2005 et disponible uniquement en ligne sur le site de Seventh Records ainsi que dans les bacs des disquaires japonais, le groupe nous fait un très beau cadeau avec une monumentale version pour voix et piano d'une trilogie Theusz Hamtaahk condensée en 50 minutes : une interprétation des Voix de Magma qui vient s'installer très très haut dans le palmarès discographique de la planète Kobaïa. Dépouillée de sa charge électrique, livrée à elle-même sans l'appui d'une batterie qu'on sait d'habitude déferlante et hypnotique, la musique de Christian Vander est proposée là dans ce qu'elle a de plus essentiel, de plus vital. Pas une seconde de cette musique qui ne soit transcendée par la foi brûlante de son compositeur, qui nous gratifie, soit dit en passant, d'un magnifique « Nebëhr Gudahtt » où le chanteur est à son zénith, se livrant à l'exercice si redoutable du « scat kobaïen ». Un sommet dans l'histoire de ces 40 ans de musique.
Le disque propose également une version électrique de « K.A », beaucoup moins indispensable dans la mesure où Magma nous en avait proposé une très belle captation sur l'un des DVD de la série Mythes & Légendes, à peu près à la même époque.
Mais ces Voix de Magma justifient à elles seules l'achat du disque, qui n'est pas à réserver aux seuls collectionneurs et autres inconditionnels, parce qu'elles constituent une belle porte d'entrée vers l'univers de la Zeuhl et propulsent la musique vers les sphères de l'intemporel.
Imaginons qu'un magazine culturel me confie la rubrique jazz de ses pages « Disques » et que mon travail consiste à sélectionner, chaque semaine, un album. Imaginons encore que je dispose pour cela d'un espace plutôt limité (au grand maximum une colonne) et que, par conséquent, j'ai l'obligation d'opérer une sélection assez draconienne parmi l'ensemble des productions qui me seraient adressées en vue d'une possible chronique. J'ai bien dit : imaginons. Parce que tel n'est pas le cas bien sûr, et que je ne possède pas le talent requis.
Si tel était le cas, donc, me viendrait-il à l'idée de sortir ma plus belle plume pour dénigrer un peu sournoisement un artiste avéré et, de manière très condescendante, le qualifier de « propret », dire de lui qu'il n'est pas « un foudre » et nous expliquer que son dernier projet manque de « vigueur et nécessité » ? Alors que je sais pertinemment qu'il connaît son sujet sur le bout des doigts et que sa réalisation témoigne d'un amour vrai de la musique et de beaucoup d'humilité et d'une immense dose de respect ? Tel le camarade de classe qui vous fait un croche-pied quand vous passez devant l'instituteur, est-ce que je reconnaîtrais au travail de ce musicien une « saveur jazzique » de manière très parcimonieuse, lui refusant le droit d'entrée dans le grand hôtel du jazz, comme un physionomiste chargé de refouler les intrus à l'entrée d'un casino ? Est-ce que je me risquerais à un hors sujet en cherchant à tout prix à ranger mes disques dans les boîtes étriquées d'une classification dépourvue de sens et d'intérêt ?
Ou, conscient du poids de mes mots, est-ce que je choisirais la voie de l'enthousiasme pour évoquer sans retenue ce que j'aime, parce que la place est chère et le temps trop court pour m'accorder le droit de laisser s'épancher un peu de ma bile scripturale ? Quitte à ne pas parler de ce qui ne m'a pas plu ni fait vibrer ? Taire plutôt que dénigrer.
Qu'on ne se méprenne pas sur le sens de mon propos : je ne revendique aucune tiédeur, les débats pour ou contre sont passionnants et souvent riches de contenus, il existe même des magazines qui y recourent régulièrement. Non, ce qui me gêne énormément, c'est ce sentiment qu'en me donnant à lire, on règle des comptes, un peu sournoisement, sans vraiment le dire.
En attendant, je file à Paris pour me régaler les oreilles et applaudir l'Orchestre National de Jazz dirigé par Daniel Yvinec qui rendent hommage à ce grand monsieur qu'est Robert Wyatt.
Allez, je vais vous confier un petit secret : parce qu'à force de railler le climat grisâtre qui règne sur la Lorraine la plupart du temps, je finis par me dire que vous pourriez penser qu'il s'agit d'une région inhospitalière et dépourvue de tout attrait touristique. Il n'en est rien. Prenez un paysage de campagne classique, avec ses champs, ses ondulations légères, ses ruminants. Avec un peu d'attention, vous débusquerez une biche ou... un lama. Au loin, vous entendez la cloche d'une église. Sur vos têtes, d'invisibles oiseaux entament un récital joyeux. Faites totale abstraction de ce cancer agricole que sont les champs de colza : incongruité écologique, repoussoir visuel et olfactif et dont les métastases se sont propagées bien au-delà de nos frontières. Oubliez pour un temps les gros nuages qui vous menacent d'une averse, refusez de voir l'éclair qui a zébré le ciel de plomb, annonciateur d'un orage statistiquement inévitable. Et voyez l'essentiel : un vert incomparable (celui qui a inspiré bien des peintres régionaux et qu'on retrouve en bonne place au palmarès des inspirations de l'Ecole de Nancy), tirant parfois sur un bleu profond. Dans les sous-bois, exercez votre œil à repérer ces petites asperges vertes tant appréciées des restaurateurs. Respirez (pas trop profondément toutefois, toujours cette saloperie de colza) et prenez le temps de vivre hors du temps. Voilà, tout près d'ici, calme et apaisé, vous venez de prendre une journée de vacances. Pas besoin de Club Machin, pas de G.O., aucune spéculation possible, pas d'affairiste à l'affût de votre or vert. Ici, c'est du vrai, du lourd comme dirait l'autre.
Seventh Records réédite très opportunément dans une version remasterisée un album solo de Christian Vander datant de plus de 20 ans maintenant. To Love fut en effet publié à la fin de l'année 1988 et ce disque constituait pour pas mal de gens une vraie surprise. Loin des fureurs de Magma, l'artiste se présentait face à nous presque seul, au piano. Seule la fidèle Stella venait illuminer de sa présence vocale cette musique intimiste, dépouillée, douloureuse (le disque étant un hommage à un ami trop vite disparu) et d'inspiration très spirituelle. En 2009, Christian Vander se lance un nouveau défi : celui de se produire seul en scène, au chant et au piano. L'angoisse préliminaire au récent concert donné en l'église d'Eyzines s'étant dissipée, et malgré un peu de casse matérielle (un touche de piano brisée), cette nouvelle aventure pourrait bien connaître d'autres épisodes tant sa réussite semble avérée par un public chaleureux et conquis. En attendant que Christian Vander vienne se produire du côté de chez vous, pourquoi ne pas prêter une oreille attentive à To Love qui, on s'en doute, n'a pas pris une seule ride et continue d'envoûter ?
La nostalgie n'est plus ce qu'elle était... Tenez, par exemple, mes oreilles écoutent Roadsinger, le nouvel album de Ysuf, autrefois connu sous le nom de Cat Stevens et rebaptisé ainsi après sa conversion à l'Islam en 1977 après un grave accident. Mais comment dire ? Un drôle de sentiment me gagne, que j'avais déjà ressenti de la même façon en 2006 lors de la publication de Another Cup. Notre bonhomme fait beaucoup d'efforts pour se rappeler au bon souvenir de son vieux public - qui ne l'a pas suivi dans son chemin spitrituel - en retrouvant les accents du chanteur qu'il était au début des années 70 : voix inchangée et toujours magnifique, mélodies finement ciselées, instrumentation très intemporelle et identique à celle des premiers disques. On s'y croirait, cela ressemble à s'y méprendre à un revival en bonne et due forme, on entend même quelques notes, jouées au piano, extraites de « Sitting », vieille chanson de l'album Catch Bull At Four et pourtant... quelque chose est cassé. Est-ce la tonalité volontiers prêchi-prêcha des textes qui nous gêne un peu aux entournures ? Est-ce le souvenir des prises de position très ambiguës du chanteur lors de la fatwa lancée contre l'écrivain Salman Rushdie qui nous reste en travers des tympans, malgré leur explicitation ultérieure un peu alambiquée ? Difficile à analyser, et même si Yusuf se présente aujourd'hui comme un militant de la paix, cette nouvelle galette n'apporte pas grand chose, en dehors de regrets. L'histoire de l'homme nous brouille un peu l'écoute.
Incroyable... C'est en regardant la télévision que m'est venue l'idée d'une reconversion professionnelle. Ce n'est pas que je tienne absolument à quitter mon boulot, mais chaque jour ou presque, je me dis que si je devais me retrouver sur le marché du travail, je ne suis pas certain qu'on se battrait vraiment pour s'attacher mes services. Je ne suis expert en rien et mes trente années d'activité m'ont surtout valu d'endosser la cape d'un touche à tout, ayant accumulé une myriade de micro-compétences qui, une fois agrégées, ne font pas forcément une qualification. Et si je jette un œil aux offres d'emploi dans quelques magazines ou journaux, là, c'est le drame ! Rien pour moi, il me manque toujours un truc pour me persuader qu'il me serait possible de postuler. Inaptitude chronique aux aspirations des employeurs du moment, à supposer qu'il s'en trouve encore quelques uns pour franchir le Rubicon et prendre le risque d'une embauche. Sauf qu'enfin, j'ai trouvé ! Oui oui oui, je viens de trouver un boulot qui me convient parfaitement ! Certes, le poste n'est pas libre pour l'instant, mais si je ne le demande pas, si je ne pose pas ma candidature, je n'aurai aucune chance de le décrocher. Oui, mesdames et messieurs, j'ai l'honneur de vous annoncer que j'aimerais avoir un travail d'Ariane Massenet dans la Grande Emission de Canal + ! Un vrai boulot pour moi, pas trop fatigant et sans le moindre risque de faute professionnelle. Imaginez donc : cinq fois par semaine (périodes de congés scolaires non comprises), pas trop tôt le matin, je m'installe derrière une grande table et j'assiste à une émission à laquelle je participe sporadiquement, posant ici ou là une question anodine dont l'idée me sera venue à la lecture en diagonale du dossier fourni par l'attaché de presse de l'invité du jour. Faut juste que j'accepte d'être un peu brocardé par mes collègues et de constater que mes questions amènent en générale des réponses évasives voire pas de réponse du tout, mais bon... si mes informations sont exactes, je crois que je gagnerais plus d'argent qu'à l'heure actuelle alors, foin de mon amour propre, il s'agit de vivre, non ?
J'ignore si la foule qui se presse à la Nuit des Musées chaque année à date fixe nourrit une passion réelle pour la peinture ou la sculpture et, plus généralement, pour l'histoire de l'art ou si, comme le glissent perfidement quelques pisse-froid, la gratuité l'attire comme des souris sur un morceau de fromage, mais le plaisir de voir un enfant ouvrir grand les yeux devant un tableau ou d'entendre un jeune couple exprimer sa satisfaction après les explications savantes d'un guide suffit à me convaincre du bien fondé d'une telle manifestation. Après tout, le plus grand risque de cette soirée fiévreuse n'est-il pas qu'une partie de ce public accepte par la suite de débourser quelques euros pour apprendre et découvrir ?
Samedi soir, entre Musée Lorrain et Musée des Beaux Arts à Nancy, il fallait faire preuve d'un peu de patience si l'on n'avait pas pris la précaution d'être ponctuel... Une belle occasion de découvrir le travail méconnu de Francis Gruber (fils de Jacques Gruber maître verrier bien connu par ici) dont la courte vie (1912 - 1948) a permis l'émergence d'un talent où s'exprime une souffrance assez crue née de la maladie (l'asthme puis la tuberculose) et des horreurs de la guerre. Ses portraits de femme sont assez symptomatiques de cette douleur, comme si le corps devait traduire en sécheresse et nudité la violence du quotidien. Des corps qui paraissent s'apaiser dans les dernières années, exprimant une douceur retrouvée malgré la fin qui s'annonce.
Mon œil a été attiré par un tableau splendide appelé « La chambre » et peint en 1932. Francis Gruber, très jeune puisqu'il n'avait alors que vingt ans, ignorait probablement que dix ans plus tard, Raoul Dufy peindrait un « Atelier aux Raisins » (qu'on peut admirer au deuxième étage du Musée des Beaux Arts de Lyon) qui, par bien des aspects, lui serait comme un écho adouci, plus heureux.
J'observe - ou plutôt j'écoute - un mouvement de retour en arrière, assez loin vers les années 60 et 70, dans le monde de ce que j'appellerai, pour simplifier, la musique rock. Voilà un phénomène qui me rassure en ce sens que je me fais moins l'effet d'être un vieux schnock lorsque je m'aperçois que de jeunes musiciens vont puiser dans les mêmes fonds de catalogue que moi (et quelques autres d'ailleurs) ! Comme s'ils avaient tiré un trait sur toute la période commençant à la fin des années 70 et le désastre disco annonçant le désert des années 80 et ce qui en a découlé par la suite. Toute cette période où la création musicale comptait beaucoup moins que la rentabilité qui pouvait être dégagée de l'investissement à court terme sur une éphémère tête d'affiche. Mon fils, manifestant ainsi probablement plus de sagesse que son père, dit qu'il s'agit là d'une nouvelle mode en attendant la suivante. Une mode donc, consistant à n'en avoir pas. Aujourd'hui pourtant, on se réclame des pères de la soul music, on convoque la musique acoustique d'origine californienne, les synthétiseurs sont rangés dans les placards au profit de claviers plus traditionnels. Volontairement, je ne citerai aucun nom. Mais je me pose la question du lien qui pourrait exister, s'il s'agit d'un mouvement à plus long terme, entre la prise de conscience du basculement écologico-économique que nous allons forcément devoir vivre dans les années à venir, et cette autre nécessité exprimée ainsi d'une musique moins encombrée d'artifices et plus chargée d'esprit, aux antipodes de celle qui avait pu s'épanouir durant les années « fric » et toc. Ou peut-être tout ceci n'est-il que le fruit de l'imagination du potentiel (futur) ringard que je suis. La parenthèse vous indiquant d'ailleurs que ce processus irréversible est peut-être déjà engagé.
N'empêche... puisque l'on parle de vieux croûlants... Il y a ce gamin de 61 ans nommé Steve Winwood dont j'aimerais vous parler plus longuement un jour. Ce type là chante comme un Dieu et tout son parcours parle pour lui, sans qu'il soit besoin d'en rajouter : Spencer Davis Group (à 15 ans), Blind Faith avec Eric Clapton (à 20 ans), Traffic et sa discographie magique (dans la foulée de Blind Faith), ses albums solo (dont le tout récent Nine Lives est exemplaire) et sa participation à quelques galettes historiques : Electric Ladyland de Jimi Hendrix, Berlin de Lou Reed ou encore Broken English de Marianne Faithfull.
Allez, vous partez avec moi pour un petit retour en arrière ?
J'écoutais ce matin un débat très intéressant sur le thème de la connaissance et de la mémoire avec pour corollaires les problèmes posés par les actuels supports de stockage magnétiques. Il est désormais avéré que la durée de vie des CD et autres DVD est beaucoup plus limitée qu'on ne l'imaginait à l'origine, tout comme celle des disques durs sur lesquels il nous faut enregistrer nos photos numériques, nos achats de musique en ligne et bien d'autres fichiers informatisés. A l'heure actuelle, je ne vois pas d'autre solution que celle consistant à doubler (voire tripler) mes sauvegardes sur des disques externes, partant de l'idée que l'hypothèse d'un crash simultané de toutes ces unités est peu probable (même si rien n'interdit à un avion de s'écraser sur ma maison et de tout détruire...). Qu'en sera-t-il dans les années à venir ? Faut-il imaginer d'autres matériaux, plus résistants ? J'ai lu quelque part que des recherches étaient menées pour élaborer des disques en verre, infiniment plus résistants, mais plus onéreux. Doit-on inventer de nouveaux circuits de sauvegarde distante, favorisée par la généralisation des hauts débits ? Et cette accumulation de supports peu encombrants, ces possibilités démultipliées de mémoriser font-elles de nous des homo sapiens plus riches de connaissances que ne l'étaient nos ancêtres ? Etrangement, à peine m'étais-je posé toutes ces questions que j'ai ressorti de ma bibliothèque un vrai bouquin, avec du papier et de l'encre, et que je me suis ressourcé à la lecture de quelques pages de « La Recherche du Temps Perdu ».
Les hasards d'Internet m'ont amené à engager une petite correspondance écrite avec une universitaire italienne qui a choisi Michel Tournier comme sujet de thèse, et plus précisément la comparaison de deux de ses livres : « Vendredi ou les limbes du Pacifique » et « Vendredi ou la vie sauvage », le second étant souvent présenté un peu hâtivement comme la version du premier réécrit pour les enfants. Tournier dit lui-même qu'il n'écrit pas pour les enfants, mais il considère qu'un livre réussi doit pouvoir être lu, aussi, par les plus jeunes. A travers cet échange épistolaire, je me suis rappelé un texte que j'avais écrit au mois d'octobre 2006 (Tu me fais Tournier la tête) et, aussitôt, j'ai ressenti une drôle de nostalgie. Parce qu'ayant lu toute l'œuvre de Michel Tournier depuis une trentaine d'années, parce qu'ayant relu goulûment plusieurs de ses plus beaux romans et essais, je m'aperçois que le temps passe très vite et que l'homme, aujourd'hui âgé de 84 ans, n'aura peut-être plus l'énergie nécessaire à la création de livres aussi intenses que « Les Météores », « Le Roi des Aulnes », « Le Vent Paraclet », « Le Vol du Vampire » ou « Célébrations ». Ses derniers livres, « Le Bonheur en Allemagne ? » et « Mes Vertes Lectures » sont pleins de charme, certes, mais pas aussi habités et envoûtants que quelques uns de leurs illustres prédécesseurs. L'homme est vivant - et je souhaite qu'il le soit encore durant de très très longues années - mais l'écrivain semble désormais s'être comme mis en sommeil. Ses livres restent et resteront, l'été qui vient sera pour moi celui d'une nouvelle relecture. Faute de mieux !
Le petit monde de la télévision s'émeut au prétexte qu'un candidat de la Nouvelle Star a osé allumer une cigarette pour interpréter une chanson de Serge Gainsbourg et qu'un célèbre couturier y a été d'une présence très soulignée, à grands renforts de gros plans et de citations. Voilà un joli double exercice d'hypocrisie quand on sait que le plus grand mal qui puisse être fait à une génération naissante - beaucoup plus que cette cigarette symbolique qui aura bien peu d'effet sur les comportements juvéniles - est celui par lequel on brandit le conformisme le plus absolu comme étendard et qu'en matière de publicité, on atteint avec cette émission un niveau de saturation qui rendrait hermétique à toute réclame n'importe quel étudiant issu d'une école de commerce. Tout ceci sent tellement le renfermé que c'est avec le plus grand bonheur - il s'agit là d'une vraie respiration, en effet - qu'on se précipitera sur le dernier opus d'un vieux loup solitaire du rock, monsieur Neil Young ! A plus de 63 ans, le loner canadien semble ne pas devoir dévier un seul instant du chemin très singulier qu'il trace depuis plus de quarante ans maintenant. Sûr qu'avec son chant parfois approximatif, il n'aurait pas franchi la barrière d'un jury composé de bien étranges « experts » comme on peut en contempler du côté de chez nous... Fork In The Road, c'est du Neil Young pur jus, une musique carrée, électrique la plupart du temps, un son râpeux, des mélodies comme lui seul sait en inventer (j'emploie ce mot à dessein parce que je tiens Neil Young pour un inventeur), qui nous ramènent au meilleur de toute sa discographie. Et même si l'on ne peut qu'être d'accord avec lui pour dire que chanter une chanson ne changera pas le monde (« Just Singing A Song Won't Change The World »), on lui sait gré de débouler à intervalles rapprochés (Chrome Dreams, son précédent double album, remonte à dix-huit mois environ) avec cette musique qui lui appartient et qui fait l'effet, à chaque fois, d'une cure de jouvence. On n'oubliera pas, pour finir, de rappeler qu'avec ce disque, Neil Young s'engage résolument vers la voie de l'écologie. Une bifurcation essentielle pour l'avenir, voilà aussi le sens à donner à ce Fork In The Road.
Alors, crise ou pas crise ? Si j'en crois certains éditorialistes matutinaux un peu bas du front, le rebond observé du côté de la Bourse depuis deux mois serait le signe d'un optimisme des marchés (j'adore cette manière d'expliquer l'économie, comme s'il y avait une sorte de main, planant au-dessus de nos pauvres petites têtes de bipèdes, prête à s'abattre ici ou là au gré des spéculations, et qui ne serait pas d'origine humaine) et donc un message d'espoir pour l'avenir. Et puis, en voilà d'autres qui nous expliquent que trop d'optimisme peut entraîner des déceptions (et ça, pas bon, pas bon du tout, parce qu'un actionnaire ne doit jamais être déçu ni même inquiet) tandis qu'un pessimisme exagéré serait facteur de retrait des cotations. Pffff... Et pan, dès le lendemain, c'est le drame : voilà que le CAC a pris un coup dans le nez et les théories de la veille passent à la trappe. Attention donc à la chute des cours... Bref, malgré quelques années passées à entendre des enseignants en économie sur les bancs de la fac, il y a... si longtemps, j'avoue mon incompréhension la plus totale. Tout ceci nous démontre néanmoins les dégâts causés dans les cerveaux des experts ayant le droit à la parole par l'idéologie thatcherienne ("il n'y a pas d'alternative à l'économie ultra-libérale et son cortège de démantèlements") et le manque total de lisibilité des temps à venir. Il reste quelques certitudes néanmoins : chaque jour, des usines ferment, d'autres vous proposent un avenir en Inde pour 69 € par mois ; la menace climatique semble bien là et pas vraiment prise en compte par tous les tenants d'une certaine croissance définie comme obligatoire ; les mafias contrôlent une part très importante de la finance mondiale et leurs métastases viennent se propager jusque dans notre quotidien. Allez, zou, j'ai la solution : je vais me préparer de ce pas une bonne petite tisane « matin calme », ça ne résoudra pas nos problèmes, mais au moins, ça m'évitera de dire des conneries ! Dire que pendant un moment, j'ai cru que la Bourse était un truc un peu virtuel... Pfff...
Interviewé ce matin sur France Inter, un technicien de la SNCF expliquait la recrudescence des accidents au mois d’avril par la consommation exagérée que les chevreuils font des fleurs de genêts. Ainsi nourris, nos charmants quadrupèdes sylvestres semblent se mettre à divaguer quelque peu et à chercher la confrontation avec les trains, une lutte dont ils sortent rarement vainqueurs toutefois. L’usager de la SNCF, quant à lui, s’en trouve pénalisé de quelques minutes d’un retard qu’il ne peut mettre au compte de je ne sais quelle inconséquence syndicale qui le « prend en otage ». Mais en fouinant sur la Toile, j’apprends aussi que l’infusion de ces fleurs jaunes possèderait quelques vertus, parmi lesquelles la facilitation de le respiration et le soutien du muscle cardiaque… Voilà qui devrait inspirer quelques uns de nos chers « sportifs » qui pourraient trouver là une belle occasion de diversifier leurs approvisionnements et, par la même, de moins contribuer à l’épanouissement financier de certaines filières obscures.