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Corps à cordes...

helene labarriere, hasse poulsen, hasse poulsen, innacorJ’aime beaucoup le portrait d’Hélène Labarrière que brosse le tromboniste Yves Robert : « Contrebassiste rousse aux collaborations musicales aventureuses. Une grande musicienne créative à l’affût de vocabulaires nouveaux ». On ne saurait mieux résumer la personnalité d’une artiste tout autant amoureuse des mélodies de toutes époques que des territoires musicaux restant à explorer, seule ou bien accompagnée. Qu’elle joue en solo, l’occasion pour elle de revisiter entre autres le répertoire de la chanson française ; en duo avec Violaine Schwartz (actrice, romancière et chanteuse) pour célébrer ce qu’on appelle la chanson réaliste du début du XXe siècle ; qu’elle scrute dans l’ensemble Dédales de Dominique Pifarély la belle géographie du temps du violoniste (je fais ici allusion au disque Time Geography, qui est une spendeur) ; qu’elle se produise en trio avec François Corneloup au saxophone baryton et Simon Goubert à la batterie, ou dans son propre Désordre avec, outre Corneloup, Christophe Marguet à la batterie et Hasse Poulsen à la guitare... Hélène Labarrière est un chant à elle-seule. Alors nul ne sera surpris de la retrouver en duo avec le même Hasse Poulsen pour Busking, un disque parmi les plus attachants de ce début d’année 2016 et qui voit le jour sur le label breton Innacor.

Poulsen, je vous en ai longuement parlé il y a quelques semaines. Non content d’être l’une des pierres angulaires du trio Das Kapital et du Langston Project dont le blues fait revivre les textes de Langston Hugues, non content d’être de la caste des explorateurs sans limites stylistiques comme en témoigne Open Fist, son disque brûlot en duo avec le batteur Tom Rainey, le guitariste danois se double d’un magnifique songwriter inspiré entre autres par Bob Dylan, Leonard Cohen ou Tom Waits. Ce qu’avait démontré The Man They Call Ass... Until Everything Is Sold, l’un des disques surprises de l’automne 2014, qu’il est encore temps de découvrir si vous avez accompli l'exploit de l'ignorer.

Dans ces conditions, on comprend aisément la connexion s'établissant naturellement avec Hélène Labarrière : ces deux-là ont la mélodie chevillée aux cordes, ils aiment la chanson d’un même amour serein et ne rechignent pas à emprunter les chemins buissonniers dès que l’occasion se présente. Chez l’un comme chez l’autre, il est bien question de chant et, plus encore, de chansons.

En Anglais, « to busk » signifie chanter et jouer de la musique dans la rue pour gagner de l’argent. En d’autres termes, faire la manche. Et c’est vrai qu’à l’écoute de Busking, on imagine volontiers le duo installé au coin de la rue ou dans un couloir du métro et faire feu de tout bois mélodique – ou plutôt faire cordes de toute voix. Les inspirations sont multiples, à l’image du public varié qui passerait devant les deux chanteurs de rue, et pourraient en étonner plus d’un : si Bob Dylan (« Farewell ») et Leonard Cohen (Take This Waltz »), cités un peu plus haut comme références majeures, sont en bonne place, ils côtoient les Beatles (« Lucy In The Sky With Diamonds »), Alanis Morissette (« Hand In My Pocket »), la Canadienne Feist (« Let It Die ») ou Paul Williams (« Special To Me »). Sans oublier Sebastian, un folk singer danois (« Stjerne Til Stov ») mais aussi, plus inattendus ceux-là, Stromae (« Formidable ») et Michel Berger (« Les uns contre les autres »). Un répertoire ouvert, sans le moindre a priori, pour le plaisir simple de la mélodie qu'on aime fredonner et qui respire la liberté.

Il émane de Busking un sentiment de bien-être qui tient à une poésie de l’intime que le guitariste et la contrebassiste élaborent avec une humanité très contagieuse. Oui, c’est vrai : quelques secondes suffisent à instaurer un climat de paix. Une guitare, une contrebasse, deux âmes. Les cordes mêlées, comme entrecroisées, ne cessent de susciter l’enchantement, par leur aptitude à monter et descendre la gamme des émotions. J’emploie le mot « enchantement » à dessein car il porte en son cœur un autre mot, le chant, qui est le langage vernaculaire de ce dialogue habité d’une infinie douceur. Et tant pis si je me répète... La guitare de Poulsen, le plus souvent acoustique mais toujours complice, a des reflets scintillants. Ses éclats de lumière sont le contrepoint aux formes plus terriennes que sculpte la contrebasse et qui culminent lors de prises de parole d’une netteté absolument exemplaire. Hélène Labbarrière est magistrale, écoutez-là par exemple raconter son histoire sur un « Formidable » rendu méconnaissable à force d’imagination. Parfois, le duo s’échappe de la mélodie pour tisser une toile impressionniste, dont les frontières aux contours plus flous ouvrent des espaces incertains (« Lucy In Th Sky WIth Diamonds »). Comme dans un rêve...

Aucun mot n’est prononcé pendant que coule paisiblement la musique de Busking. Seuls les deux instruments parlent, et de quelle manière ! Pourtant, au fil des chansons défilent des souvenirs, qui seraient ceux de nos propres histoires venant croiser celles que racontent les chansons. L'union musicale d'Hélène Labarrière et Hasse Poulsen semble traduire le besoin d'amitié et la nécessité d’une vie plus solidaire, loin des indifférences de nos vies matérielles. C’est peut-être ce qu’il faut comprendre de ce corps à cordes et ses attentions réciproques.

Ah, une dernière chose... Je m’autorise à vous conseiller d’acheter Busking en le commandant directement sur le site du label Innacor. Non seulement vous éviterez de passer par des intermédiaires trop souvent parasites et votre argent ira directement dans les poches de ceux qui le méritent. Et puis, cerise sur le gâteau, quand vous ouvrirez l’enveloppe contenant le précieux disque, vous aurez peut-être l’agréable surprise de lire sur votre facture une mention manuscrite vous souhaitant une bonne écoute. C’est précieux, non ?

Commentaires

  • Belle chronique. Je suis en fait arrivé là en butinant autour des disques Futura puis de jacques Thollot. Grâce à vous, je ne mourrai pas complètement idiot..., vous m'avez fait découvrir - et oui, nobody is perfect - Cinq Hops de l'album éponyme. Ah ! L'humour des intitulés de tous ses morceaux... Par contre, je ne pense pas que Violaine Schwartz soit un buisson (noir) de ronces, vous vouliez dire ROmaNCIERE, bien sûr.

  • Ah, les auto-corrections de nos outils à haute technologie sont parfois étonnantes.
    Merci de votre passage ;-)

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