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Faites vos jeux, nom de Dieu !

godatthecasino.jpgIl est des moments où le doute s’installe... C’est même assez fréquent, pour ne rien vous cacher. Est-ce que je vais trouver les bons mots pour transcrire au mieux ce qui me passe par la tête à l’écoute d’un disque que j’aime ? Comment vais-je parvenir à dépasser le stade de l’incitation à grand renfort de compliments trop chargés en adjectifs et autres adverbes ?

Bref, ne vaut-il mieux pas se contenter d’un « Allez-y, foncez, c’est vachement bien ! » ?

Ce serait probablement faire acte de paresse devant le travail fourni par des musiciens. Et donc injuste. Par conséquent, je me dois de vous en dire un peu plus (mais pas trop) au sujet de God At The Casino, une nouvelle petite implosion musicale dont les trois artificiers ont pour nom Manuel Hermia (saxophone), Valentin Ceccaldi (violoncelle et ci-devant frère du Théo évoqué dans une précédente note) et Sylvain Darrifourcq (plus-que-batteur déjà croisé par ici, en l’occurrence quand il a été question de Spezial Snack du quartet d’Emile Parisien dont le monsieur est membre et de l’irrévérencieux  Shapin’ With Miledavisquintet qu’il faut mettre à son actif).

God At The Casino, donc, est publié sur Babel Label : c’est un disque ramassé dont la durée assez courte (un peu plus de 36 minutes) n’est en rien cause de frustration pour celui qui l’écoute (ou plutôt se le prend comme une joyeuse petite claque) tant sa densité a des vertus compensatoires. Et comme de toutes façons, on a tendance à l'écouter trois fois de suite, on y consacre finalement beaucoup de temps. Ces petites bêtes-là sont gourmandes…

Imaginez-vous que j'aimais ce disque avant même de l'avoir écouté : une question de confiance avant tout et un appétit aiguisé par des titres ô combien singuliers : « On a brûlé la tarte », « Du poil de la bête », « Les flics de la police » (dèjà connu par sa version trépidante sur le susdit Spezial Snack), « Chauve et courtois ».

Il faut bien comprendre que les trois lascars en action, mine de rien, sont des défricheurs et savent bourrer chaque minute de musique jusqu’à la gueule. Parfois même, on a l'impression qu'elle va déborder mais non, tout cela se tient, serré et noueux, ventre à terre. Jazz ? Oui, probablement parce qu’on y alterne instants collectifs et échappées improvisées, parce qu’il y a un saxophone et une batterie, instruments phares du genre... Mais probablement pas jazz au sens où on pourrait l’entendre, soit une musique avec ses codes et ses rites, ses chorus sur thème, ses influences et ses couleurs instrumentales attendues. On se doute bien qu’Hermia-Ceccaldi-Darrifourcq en connaissent un rayon sur le sujet, mais on devine qu’ils doivent être intarissables sur bien d’autres également. Leur association sent le rock et les musiques improvisées à plein nez, ça ne fait pas de doute. Surtout, c’est le sentiment d’entendre quelque chose de vraiment neuf qui prédomine. Le trio est non seulement la source d’un langage inouï, au sens premier du mot, mais il s’exprime avec frénésie, en permanence parcouru d’élans furieux et rageurs ou traversé d’idées bariolées. Un idiome Champagne pour tout le monde ! La batterie crépite comme une mitraillette ; de drôles de percussions-billes roulent au sol ou dans un récipient mal identifié, à moins que ce ne soient les stigmates sonores d'un jet de dé divin, allez savoir ; ici où là des bruits bizarres nés de l’imagination électronique de l’un des agités larrons (Darrifourcq pour ne pas le nommer) surgissent dans le dos de ses petits camarades qui ne demandent pas mieux qu'on les stimule par surprise ; le saxophone crie de colère et d’exultation mêlées, toujours prêt au corps-à-corps ; le violoncelle, volontiers teigneux, cogne, scande, claque des cordes et tape du bois. C’est une musique de combat qui se joue devant nous, mais un combat qui ne fait pas de victime.

Ou plutôt si. Nous sommes ses victimes consentantes, passant avec délectation d'un état de fièvre à l'écoute attentive du moindre bruissement. God At The Casino est une musique d'aujourd'hui déjouée par des musiciens acrobates d'aujourd'hui, sans peur et à qui on ne fera pas le moindre reproche.

Faites vos jeux nom de Dieu !

Hermia / Ceccaldi / Darrifourcq
God At The Casino
Babel Label BDV15132

Manuel HERMIA : saxophones ténor, alto et soprano
Valentin CECCALDI : violoncelle
Sylvain DARRIFOURCQ : batterie, objets, électronique

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