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  • Muziq again !

    581000_10151622042724666_855815551_n.jpgVoilà bien longtemps que je n’avais pas ressenti un tel plaisir – j’allais employer le mot confort - à la lecture d’une revue musicale. Je ne parle pas ici de mon cher Citizen Jazz, qui occupe une place particulière dans mon cœur et avec lequel ma relation de lecteur / rédacteur est fort différente de celle que je peux connaître lorsque j’empoigne n’importe quel autre magazine dont je tourne les pages.

    Ce n’est pas un exercice de comparaison auquel je veux me livrer ici, j’ai simplement envie d’adresser un clin d’œil à l’équipe de rédaction de Muziq, qui renaît de ses cendres après avoir paru durant près de 5 ans entre 2004 et 2009. Le voici en effet qui revient, dans un autre format, celui d’un bookzine (entendez par là qu’il s’agit d’une publication à la croisée des chemins du livre et du magazine. Et le premier d’entre vous qui utilise le vilain terme de mook, contraction de magazine et de book, sera impitoyablement pendu par les pieds, nu, en plein soleil et badigeonné d’une épaisse couche de confiture) dont la pagination avantageuse (160 pages au total) laisse deviner la somme d’articles qu’on peut y découvrir et le temps qu’on lui consacrera. Une mine d’informations et de témoignages passionnés, relevés par une mise en page élégante et agréable à l’œil. Pas mal, non, en ces temps de crise et de téléchargement sauvage ? Voilà une entreprise plutôt courageuse qu’il faut encourager et à laquelle on a vraiment envie de souhaiter une très longue vie. 

    Muziq est sous-titré « Le Bookzine qui aime les mêmes musiques que vous »... Eh bien, il faut reconnaître qu’en ce qui me concerne, c’est exact : j’y retrouve mes racines (celles qui commencent à la fin des années 60) ainsi que toutes les branches qui ont pu croître au fil des décennies sur le grand arbre de mes découvertes. Rock, pop, soul music, jazz rock et bien d’autres sont au rendez-vous à travers des dossiers très volumineux (ainsi les 32 pages consacrées à Neil Young), des articles instructifs (les influences de Frank Zappa) ou cocasses (le récit d’un enregistrement impossible entre James Brown et le duo Sly Dunbar / Robbie Shakespeare), l’exégèse d’un album (Spectrum de Billy Cobham) ou des chroniques de concerts cultes des années 70 (les Rolling Stones, Gong, Who, Weather Report), un entretien (Bobby Womack). Il est aussi question du guitariste Neil Schon, de Paul Mc Cartney, de Gene Clark ou de Jeff Lee Johnson. Les rendez-vous avec certaines personnalités médiatiques sont eux-mêmes instructifs : je réalise par exemple la convergence des mes goûts musicaux avec ceux d’Alain De Greef dans huit cas sur dix (ce à quoi je ne m’attendais pas du tout) ; je m’amuse aussi à l’idée qu’un autre pilier embourgeoisé du PAF s’auto-proclame punk, ce qui ne manque pas de piquant surtout quand on apprend qu’il idéalise un chanteur sans grand intérêt autre que folklorique (ce à quoi je m’attendais)...

    En d’autres termes, Muziq est une petite gourmandise hautement recommandable, dont les rédacteurs en chef Frédéric Goaty et Christophe Geudin peuvent être fiers (de même que tous les membres de l’équipe de rédaction). Je me permets de vous en conseiller la lecture, vous ne prendrez qu’un seul risque : celui de passer un bon moment.  Comme je l’ai lu quelque part : « Muziq n'a pas de frontières... Rock, jazz, soul, hip-hop, folk, funk, pop, hard-rock, musiques du monde, chanson française, reggae, musique classique... » Si avec ça vous n’y trouvez pas au moins de quoi piocher et découvrir, alors là, je m’inquiéterai pour votre santé mentale.

    Cerise sur le gâteau, Muziq nouvelle formule n’est pas de ces publications qu’on pose négligemment dans un porte-revue après l’avoir feuilleté. Non, c’est plutôt un compagnon de chevet, qu’on déguste – prenons le temps de lire et de faire durer le plaisir – et qu’on ira ensuite ranger parmi d’autres livres auxquels on tient. Tiens, je vois d’ici la place qu’il pourrait occuper prochainement, pas loin de la biographie de Neil Young ou de la sélection d’articles de la mythique revue Atem compilés chez Camion Blanc par l’ami Gérard N’Guyen.

    J’y retourne...

    PS : et j'en profite pour souhaiter un bon anniversaire à ma soeur Sylvie, qui n'a pas été autrefois sans souffir de mon voisinage d'adolescent un tantinet sur-sonorisé !

  • Rémi Gaudillat - Le chant des possibles

    remi gaudillat, le chant des possibles, imuzzic, citizen jazzLe chant des possibles est un objet de séduction, sur la forme comme sur le fond : d’abord le titre, qui dit l’essentiel en quatre mots, l’amour de la mélodie et le pari d’une liberté comme une porte ouverte sur un imaginaire poétique ; puis les titres des compositions, évocateurs de leurs climats nomades : « Jeux d’ombres », « Envolées », « L’armée des poètes », « Le voyage » ou bien encore « Lune triste ». Et enfin un visuel dont l’élégance liquide et suggestive semble nous indiquer le chemin clair-obscur sur lequel nous emmènera la musique. Un soin discret est apporté à l’objet-disque, qui devient au fil du temps la patte du label IMR.

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  • Architectes de l'espace temps

    stephane kerecki, sound architects, patience, contrebasseTime will tell, comme disent nos voisins d’outre-Manche. Il paraît en effet que le temps produit ses effets, évacuant par le soupirail des heures qui passent le superflu ou l’insignifiant. Seul resterait ce qui est habité de l’essentiel. Il en va en musique comme en toutes choses et je ne serai pas le dernier à admettre qu’un enthousiasme trop appuyé – celui de l’instant auquel je succombe non sans joie, parce que mon approche de la soixantaine n’est pas encore parvenue à éradiquer chez moi des élans quasi adolescents – peut faire suite à une prise de distance, voire un oubli partiel ou total. Comme si s’opérait en nous une distinction entre un plaisir non intrinsèquement durable (mais plaisir tout de même, ce qui, convenons-en, est loin d’être méprisable et peut même s’avérer indispensable au quotidien) et la nécessité, plus indicible, de se confronter à une énergie d’essence vitale qui soulève chez nous une force allant bien au-delà du poil qui se hérisse durant quelques secondes. Et qu'on ne compte pas sur moi pour établir une liste des disques dont j’ai apprécié la forte séduction qu’ils ont pu opérer le temps de quelques écoutes et qui, les semaines passant, sont venus se glisser quelque part, à l’écart, dans les recoins de ma mémoire où ils sont parfois enfouis pour toujours, avec peu d’espoir de remonter un jour à la surface. Heureusement d’ailleurs ! Mais j’avoue qu’il m'arrive régulièrement de consulter la liste des albums que j’ai écoutés au cours des douze ou dix-huit derniers mois et de me rendre compte que bon nombre d’entre eux ne résonnent plus beaucoup en moi et que, dans le pire des cas, je n’en garde pas le moindre souvenir. Sont-ils dispensables pour autant ? Pas forcément, sauf que la hiérarchie qui s'établit de fait est bien là, plutôt impitoyable. Peut-être aussi que nos capacités à maintenir vives en nous des œuvres puissantes sont limitées et que, par obligation physique, nous nous trouvons confrontés à la nécessité d'une sélection. En d’autres termes, notre mémoire vive n’étant pas extensible à l’infini, elle doit opérer son propre ménage interne pour préserver la qualité de son fonctionnement. Je laisse ce questionnement aux experts... dont je ne suis pas.

    Si le temps est un tamis aussi efficace et souvent cruel, alors peut-être faudrait-il se garder d’écrire trop vite au sujet de tel ou tel album, et laisser se dérouler la longue phase naturelle de décantation avant de rédiger une chronique. Avantage de la méthode : moins de travail d’écriture et, probablement, une plus grande acuité des analyses et une motivation totale ; du côté des inconvénients, une certaine injustice vis-à-vis des musiciens qui, peuvent, très légitimement, attendre de nous qu’on relate dans des délais pas trop longs la qualité de leur travail. Pour ma part, je ne souhaite pas me couper de la transmission à mes lecteurs d’un enthousiasme spontané, au risque de me tromper sur la pérennité de certains albums, parce que celui-ci est toujours sincère et traduit une part de vérité qui habite les musiques ainsi mises en avant. Mais le constat est là : à peine un disque sur dix continue de m’habiter durablement... C’est peu mais c’est beaucoup, finalement.

    Voici un exemple tout récent qu'a mis en lumière un travail d’écriture à fournir prochainement ; celui-ci m’a permis de vérifier la circulation naturelle de nos émotions que j’essaie d’expliquer ici. Je dois en effet rédiger un texte extrêmement concis et de calibrage très précis (donc aux antipodes de la prose alambiquée que vous lisez à la minute présente) au sujet du contrebassiste Stéphane Kerecki. Or, il se trouve que dans ma sélection d’albums du cru 2012, après avoir souligné l'âpreté d'un exercice moins nécessaire qu'il n'y paraît quand j'y songe aujourd'hui, j’avais fugacement – bien trop vite en réalité tant le disque méritait plus qu’une simple phrase... à moins que celle-ci, après tout, n’ait dit l’essentiel, c’est-à-dire très précisément ce qui peut inciter le lecteur à se précipiter sur le disque - évoqué les Sound Architects de Stéphane Kerecki. Je résumais le disque ainsi : « L’élégance de cet album est certainement celle du contrebassiste Stéphane Kerecki lui-même. Son trio est ici... un quintet, puisque Tony Malaby et Bojan Z sont aussi de la fête. La musique est habitée, la pulsation celle du cœur».

     

    Une chose est certaine : venant tout juste d’écouter ce disque après l’avoir mis de côté durant quelque temps (il est parfois des priorités qui sont coûteuses pour des œuvres de ce calibre en ce qu’elles nous condamnent à les éloigner du sommet de notre pile de chevet), je ne retire pas un seul mot de ce que j’ai écrit. Mieux : je plussoie, j'amplifie, je force le compliment, je pousse l’œuvre sur le devant de ma scène imaginaire, je surligne ses qualités : ce disque est un essentiel, un must have, comme ils disent !

    Curieusement, je peine toujours autant à trouver les mots justes pour traduire ce que cette musique provoque chez moi. Je l'ai dit un peu plus haut, l'émotion qu'elle suscite dépasse de très loin le stade du plaisir frisson, non, c'est autre chose… Comme si elle s'assignait par sa force d'évocation le rôle d'un tatouage sensoriel, d'un sceau indélébile. Tout dans cet album est beau par la profusion des paysages qui sont esquissés, par les histoires populaires qu’on devine à travers les échanges entre les musiciens. Bojan Z, génial pianiste plus flamboyant que jamais, n’est pas venu les mains vides en apportant dans sa riche musette un magnifique « Serbian Folk Song » ; les saxophonistes Mathhieu Donarier et Tony Malaby, dont les jeux sont fort différents, parviennent à croiser leurs discours pour inventer une conversation spontanée de toute beauté (la composition « Sound Architects » en est un exemple saisissant). Quant à Stéphane Kerecki, qui signe toutes les autres compositions, magnifiquement soutenu par la batterie de Thomas Grimmonprez, il nous confirme ce que l’on pressentait depuis déjà longtemps : sa discrétion naturelle n’a d’égale que la vibration, que je qualifierais volontiers d'existentielle, dont il nourrit le disque du début à la fin. Mine de rien, Sound Architects est un album majeur, de ceux qu’il est indispensable de posséder pour bien mesurer la vitalité d’une scène jazz pourtant pas épargnée par les coups de boutoir d’une conjoncture peu propice au soutien de la création et des musiciens engagés à ce point dans le développement d’un langage original.

    Effet dans l’effet, cette remontée de l’album de Stéphane Kerecki sur le haut de ma pile de chevet a eu pour conséquence très agréable le désenfouissement d’un autre disque : Patience, un duo intime et nocturne, élégant et passionnant de bout en bout, que le contrebassiste avait engagé en 2011 avec le pianiste John Taylor. A l’époque, c’était il y a deux ans, j’avais salué ce disque ici-même en écrivant : « A sa manière, il est aussi un vrai manifeste, un discret étendard brandi contre les vulgarités ambiantes ». Voilà qui mérite d’être partagé à nouveau, car vous conviendrez avec moi que l’actualité regorge de ces dernières et que, plus que jamais, nous avons besoin d’élever le niveau de nos perceptions et de nos analyses pour contrecarrer les effets pervers de tout ce qui nous est infligé chaque jour avec un cynisme marchand à grands coups de médias et de réseaux. Stéphane Kerecki fait partie – avec beaucoup d’autres artistes, toutes disciplines confondues, dont il sera régulièrement question ici – des précieux antidotes dont la prescription est certainement moins coûteuse pour la collectivité que bien des médecines acheminées vers nous pour le profit de quelques minorités possédantes et cupides.

  • Henri Texier Hope Quartet - At l'Improviste

    hope_quartet.jpgMine de rien, voilà plus de vingt-cinq ans qu’Henri Texier n’avait pas proposé d’enregistrement en public. Pour être précis, on notera que At « L’Improviste »n’est d’ailleurs que le deuxième de sa longue et prolifique carrière : le précédent remonte à 1986, lorsque son quartet avait invité le saxophoniste Joe Lovano dans le cadre du festival de jazz d’Amiens. S’en était suivi l’album Paris-Batignolles, déjà chez Label Bleu, maison à laquelle Texier est resté fidèle par-delà les difficultés qui ont pu marquer son existence.

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  • H3B - "Songs, no songs"

    H3B, songs no songs, denis badault, abalone, citizen jazzCe disque subjugue dès la première écoute. Mais pourquoi s’en étonner ? Il y a un peu plus de deux ans, en mars 2011, Citizen Jazz saluait la parution de la première production, sobrement intitulée H3B, d’un quartet acoustique sans batterie placé sous la férule de Denis Badault, une formation originale dont la géométrie paritaire et les subtils accords de voix aboutissaient à une musique à la fois ambitieuse et fluide. Un univers intimiste, une quête de couleurs volontiers impressionnistes, un laboratoire des sons dont la créativité était des plus réjouissantes.

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